Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 115 – Celui qui touche la poix sera souillé
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Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 115 – Celui qui touche la poix sera souillé

Les chevaux tiraient avec régularité la lourde voiture dont les roues reposaient sur des rails et bientôt, ils quittèrent la rue comme si rien ne s’était passé.

L’air tout à fait normal, Klein, sa canne à la main, attendit deux stations et descendit plus tôt que prévu. Il fit un grand détour et retourna à pas lents vers l’endroit où le gigantesque chien démoniaque avait été tué.

Il n’était pas revenu chercher ses caractéristiques Transcendantes car il était impossible que les meilleurs experts de l’Église ne soient pas au courant de cette affaire. Ils les avaient certainement emportées depuis longtemps. Il ne cherchait pas non plus à savoir d’où provenait ce léger grognement. Le temps ayant passé, avec la circulation et les gens qui allaient et venaient, comment aurait-il pu subsister des indices ? La divination elle-même ne lui apprendrait rien.

Le but de Klein était d’observer les détails subtils éventuellement présents dans la rue et de tenter de cerner la nature de l’Artefact Scellé qui avait généré cet étrange environnement de combat afin de se préparer à ce qui pourrait se produire par la suite.

C’est ainsi que se comporte un Magicien… Soupira-t-il intérieurement alors qu’il marchait sous le ciel gris, longeant la rue où s’espaçaient des réverbères.

S’il avait dû attendre deux arrêts avant de descendre et de revenir sur ses pas, c’était parce qu’il craignait qu’un Transcendant officiel ne soit resté sur place pour nettoyer discrètement le champ de bataille. Il ne voulait surtout pas prendre le risque de tomber sur lui.

Vêtu décemment, sa canne à la main, le jeune homme mit un certain temps à retourner sur les lieux. Il n’y avait plus aucune trace de l’énorme chien démoniaque dans la rue et de toute évidence, les passants ignoraient totalement qu’un violent combat entre Transcendants avait eu lieu à cet endroit.

Cet Artefact Scellé est vraiment magique, pensa-t-il. Il est même plus puissant que l’hypnose collective .

Il activa sa Vision Spirituelle et ralentit le pas pour se donner l’air d’un monsieur qui se promenait plutôt que celui de quelqu’un qui avait une course à faire.

Il lui fallut plus d’une demi-heure pour faire le tour du secteur mais sa Vision Spirituelle ne décela rien d’extraordinaire.

Cependant, sa perception spirituelle lui permit de s’apercevoir d’une chose : son étendue et ses limites.

Lorsque je suis entré dans le bloc et en suis ressorti par une autre direction, j’ai eu une subtile sensation d’irréel, comme si je passais d’un monde à un autre. L’influence de cet Artefact Scellé s’étend donc au moins à un pâté de maisons. Jusqu’où ? Pour le moment, je l’ignore. La seule chose dont je suis certain, c’est qu’il n’affecte que les Transcendants.

Arrivé au bout de la rue en question, le jeune homme hocha la tête, pensif et revint sur ses pas. Il trouva un café correct, commanda une tasse de café Southville et s’assit près de la fenêtre.

Tout en dégustant sa boisson au riche arôme, il observa la rue qui, au fil du temps, s’animait, dans l’espoir de voir quelque chose se produire.

Hélas, ce qu’il attendait avec impatience n’arriva pas.

Certes, il n’était pas perdant. Au moins avait-il acquis la conviction qu’un Magicien “ne se produit jamais sans préparation”. Une des règles du jeu de rôle.

Il sentit s’agiter légèrement les caractéristiques du précipité subtil en lui.

Le soir venu, il mit fin à ses observations et prit les transports en commun pour retourner chez lui. 

Les lampadaires qui bordaient les rues étaient déjà allumés, éclairant d’une teinte bleue le sol en ciment légèrement humide et les feuilles mortes tombées des arbres.

Sa canne à la main, Klein passa devant la maison de l’avocat Jurgen et se dirigeait vers le numéro 15 lorsque soudain, quelque chose lui traversa l’esprit.

Il n’avait plus de quoi se préparer à dîner !

Euh… qu’est-ce que je fais ? Je passe à la boucherie et au magasin de fruits et légumes ou je cherche d’abord un restaurant pour me remplir l’estomac ?

Après une brève hésitation, il décida de faire une pause pour la soirée et de manger un plat tout prêt.

Quoique la plupart des plats, dans ce monde, fussent plutôt simple et rapides à réaliser – ce qui évitait de passer une heure à cuisiner pour cinq minutes à table – il y avait quand même une certaine somme de travail à fournir. Par ailleurs, il fallait encore faire la vaisselle.

Klein porta à la main à son portefeuille, fit demi-tour et prit la direction du quartier où, d’après ses souvenirs, il pensait pouvoir trouver des restaurants.

Il repassait devant chez l’avocat lorsque Jurgen, qui regardait par la fenêtre ouverte, voyant l’air “confus” du détective, lui lança :

– « M. Moriarty, auriez-vous… je veux dire auriez-vous encore oublié votre clé ? Ou l’avez-vous perdue ? »

Pourquoi “encore” ? Pensa Klein qui eut un petit rire :

– « Non, pas vraiment. »

Jurgen hocha gravement la tête :

– « Dans ce cas, pourquoi ne pas venir chez moi ? Vous repartirez après dîner, une fois la nuit tombée. »

… Klein hésita une seconde et sourit :

– « J’en serais honoré. »

Sitôt entré, il aperçut dans un coin Brody, le chat noir, qui se léchait les pattes. Sans plus de bavardages, l’avocat se dirigea vers la cuisine.

Après avoir accroché son manteau, son chapeau et rangé sa canne, Klein se rendit à la salle à manger. La table était déjà chargée de nourriture – des steaks noircis et de la purée de pommes de terre de la même couleur.

Il n’en fut pas surpris. C’était ainsi que cuisinait Mme Doris, la grand-mère de l’avocat, dans sa vieillesse. Ses plats n’avaient pas l’air appétissants mais ils étaient délicieux.

C’est un bon chef… Se dit notre détective en prenant place face à Jurgen pour un brin de causette :

– « Vous étiez sur le point de dîner ? »

– « Oui, il est dans mes habitudes de regarder dehors avant de me mettre à table. Cela permet à mon esprit de vagabonder sans limites. »

Jurgen déplia sa serviette et prit ses couverts.

Klein regarda autour de lui, perplexe :

– « Où est Mme Doris ? »

Jurgen soupira et répondit gravement :

– « Avec le temps qui se refroidit, ses problèmes pulmonaires chroniques ont réapparu. Elle n’a eu d’autre choix que de se faire admettre à l’hôpital pour un certain temps. »

– « Que Dieu la bénisse », dit Klein en traçant maladroitement sur sa poitrine l’emblème sacré triangulaire de l’Église du Dieu de la Vapeur et des Machines.

Il coupa ensuite un morceau de steak et s’apprêtait à le mettre dans sa bouche lorsque soudain, une question lui traversa l’esprit.

– « C’est donc vous qui avez préparé le dîner ? »

– « Bien sûr. C’est prêt depuis quelques minutes », répondit simplement Jurgen.

Si ce n’est pas l’œuvre du grand chef, Mme Doris, alors ce repas… Le coin de la bouche contracté, le jeune homme, réprimant sa crainte, mordit dans le petit morceau de viande piqué sur sa fourchette en argent et le mâcha lentement.

Les sourcils légèrement froncés, il avala de force la bouchée et esquissa un sourire :

– « Pourquoi en avez-vous préparé pour deux ? »

– « Je comptais en emmener à ma grand-mère à l’hôpital », répondit Jurgen en levant les yeux vers lui. « J’en repréparerai plus tard. »

– « C’est donc ça… »

Par politesse, Klein prit discrètement une grande inspiration et s’endurcit, prêt à se battre avec son assiette jusqu’à ce qu’il l’ait terminée.

Lorsqu’il eut fini de manger, il vit qu’il en restait encore un petit peu dans l’assiette de Jurgen. L’avocat principal posa sa fourchette et son couteau, prit son verre et but une gorgée de vin rouge.

– « Comment c’est ? Quel est votre plat préféré ?

« Je sais qu’il y a encore un grand fossé entre mes compétences et celles de ma grand-mère, mais il ne faut pas trop exagérer. »

Monsieur l’avocat, j’ai l’impression qu’en plus d’une myopathie faciale, vous avez des problèmes de goût. Vous ne vous connaissez donc pas  ?

Klein sourit et bougea la tête de gauche à droite :

– « Le pain blanc n’est pas mauvais. »

– « Il vient de la boulangerie Dodge », répondit Jurgen en terminant son repas.

Après avoir bu ce qui restait de vin il réfléchit un instant :

– « Détective Moriarty, j’aimerais vous confier une mission simple. »

– « De quoi s’agit-il ? » S’enquit Klein en buvant un nouveau verre d’eau.

La purée de pommes de terre était vraiment trop salée !

– « Grand-mère est à l’hôpital depuis peu et je pourrais être retenu à l’extérieur pour affaires. Du coup, Brody aura faim. » Jurgen jeta un coup d’œil au chat noir : « Je voudrais que vous lui donniez à manger les soirs où je ne pourrai pas rentrer, que vous nettoyiez sa litière et que vous jouiez un moment avec lui. Il adore qu’on le gratte sous le menton. Si vous ne voyez pas de lumière le soir à vingt-deux heures, venez. Deux Solis par passage jusqu’au retour de grand-mère. »

Devant l’air grave et guindé de Jurgen, notre détective sourit :

– « Une généreuse rémunération pour une tâche aussi simple, je ne vois aucune raison de refuser », répondit-il en regardant Brody.

Mais le chat noir se détourna lentement et lui tourna le dos.

Le sourire de Klein se figea.

Après avoir bu tout son saoul, notre détective prit congé de Jurgen et retourna à pied à sa maison de location. La nuit était tombée.

À cette heure, les gens qui avaient terminé leur travail étaient rentrés chez eux et savouraient leur dîner. Les réverbères étaient allumés et les rues, presque désertes, étaient très calmes.

Klein, qui n’était vraiment pas pressé de rentrer, ralentit. Tout comme l’ombre noire à ses pieds.

En passant devant les fenêtres des Sammer, il vit que l’intérieur était brillamment éclairé. Des gens allaient et venaient, et l’on entendait des bavardages et des rires.

Le 15, juste à côté, était sombre et silencieux.

Avec un soupir, Klein accéléra le pas, sortit sa clé et ouvrit la porte.

Avant d’entrer, il jeta, par habitude, un coup d’œil à la boîte aux lettres et vit qu’il avait encore du courrier.

De qui cela peut-il bien être ? Se demanda-t-il en sortant la lettre et en l’examinant à la lueur du réverbère.

Pas de timbre… On dirait l’écriture d’Isengard Stanton…

Il rentra, ferma la porte, alluma la lumière et ouvrit la lettre.

Le grand détective écrivait :

« … Je suis très heureux de vous informer que le meurtrier a été trouvé et tué sur le champ.

« La police estime que notre travail vaut au moins la moitié de la prime. Ils devraient me la verser cette semaine. Le moment venu, je vous inviterai, vous et nos autres amis, à venir partager cette prime. »

Isengard est déjà au courant ? Il est sûrement en relation étroite avec la police de Backlund… L’absence de timbre prouve qu’il me l’a faite apporter par quelqu’un. Le service postal du Royaume de Loen n’étant pas très efficace, comment une lettre envoyée l’après-midi aurait-elle pu arriver le soir ?

Klein soupira et posa la lettre avec l’intention de se changer pour ressortir.

Maintenant que l’affaire des meurtres en série était réglée et que le calme était revenu à Backlund, il allait pouvoir tenter certaines choses.

Il pourrait, par exemple, aller trouver Kaspars au Bar des Cœurs Vaillants et contacter Maric pour voir si le Transcendant capable de contrôler les zombies et Miss Sharron avaient des livres sur l’occultisme.

Si je ne me trompe pas, ce sont certainement des transfuges de l’École de Pensée de la Rose. En tant qu’anciens membres d’une organisation officielle, ils doivent avoir beaucoup de connaissances occultes, connaissances que j’ai désormais les moyens d’acheter ! Pensa-t-il en portant la main à son portefeuille.

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