Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 10 – Trois services
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Chapitre 10 – Trois services

– « Vous soupçonnez donc le Zreal que les détectives ont vu d’être une personne déguisée ? » Demanda Klein après avoir écouté attentivement.

Son chapeau rond à la main, Ian, qui apparemment y avait réfléchi, répondit :

– « C’est une possibilité, mais je pense que ce serait trop difficile vu les risques encourus. La fête se déroulait de nuit et il est vrai que les lumières n’étaient pas très vives, mais la plupart des personnes présentes étaient des détectives, des détectives dotés d’un sens aigu de l’observation. Il aurait été difficile pour eux de ne pas remarquer une perruque, une barbe ou des produits cosmétiques. »

Certains pouvoirs Transcendants le permettent peut-être…. Comme la Faim Péristaltique par exemple…

Il y avait un petit piège dans la question de Klein. Il souhaitait savoir, partant de la réponse de l’adolescent, de l’expression de son visage et de son langage corporel, s’il avait déjà été en contact avec des Transcendants ou s’il s’y connaissait quelque peu en occultisme.

Mais de prime abord, la réponse était non.

Lorsque Ian vit le détective Moriarty hocher légèrement la tête, visiblement d’accord avec son raisonnement, il poursuivit : « A mon avis, les détectives ont bien vu M. Zreal, mais il n’était pas libre. Il était sous contrôle et ne pouvait pas envoyer de signal de détresse. S’il n’a pas répondu à mes tentatives pour le joindre, c’était probablement pour me faire comprendre qu’il a besoin d’aide. »

Klein desserra ses mains jointes et s’enfonça un peu dans le canapé, se donnant ainsi un air plus détendu et confiant :

– « Voilà une explication sensée », commenta-t-il.

Ian demeura silencieux durant une dizaine de secondes avant de dire d’un ton sérieux :

– « J’aimerais vous confier la tâche d’enquêter sur M. Zreal afin de savoir dans quelle situation il se trouve. Je n’ai besoin que d’une confirmation. »

Ian étant un semi-professionnel qui avait recueilli des renseignements et des informations pour un détective, Klein entendait bien faire sa connaissance. Il eut un sourire :

– « Dans ce cas, combien me proposez-vous ? Vous devez être bien conscient que cela peut s’avérer très dangereux. »

Ian baissa les yeux sur la poche de son vieux manteau et réfléchit :

– « De deux choses l’une : soit je vous règle immédiatement la somme qui vous conviendra et nous en resterons là, que la mission s’avère difficile ou non, à moins que vous ne soyez grièvement blessé. 

« Soit je vous verse un acompte de cinq Livres d’avance et le travail terminé, vous dresserez votre facture en fonction du niveau de difficulté rencontré. Mais c’est susceptible de causer un litige et ce même s’il existe un contrat. »

Klein fit mine de réfléchir une trentaine de secondes :

– « Pourquoi ne pas faire comme ça ? Vous me réglez cinq Livres d’acompte et une fois la mission terminée, me rendez trois services. Rien de difficile, rassurez-vous. Cela restera dans les limites de vos compétences et ne vous mettra pas trop mal à l’aise. Nous pouvons en convenir contractuellement. »

Ian fronça les sourcils puis, se levant, lui tendit la main :

– « C’est d’accord ! »

Klein serra la main tendue, prit un contrat type qu’il avait préparé, un stylo plume arrondi, nota tous les détails dont ils avaient convenu et y apposa son empreinte digitale.

Après avoir signé le contrat, il remit à l’adolescent quelques feuilles de papier blanc et le regarda noter tout ce qu’il savait de pertinent concernant le détective Zreal.

Un moment plus tard, parcourant les documents, il demanda d’un ton désinvolte :

– « En cas d’urgence ou si j’ai la réponse à votre question, comment puis-je vous contacter ? »

Ian pinça les lèvres et demeura un bon moment silencieux. Klein levant les yeux sur lui, il répondit d’un ton un peu sec :

– « Vous n’aurez pas à le faire. Je me manifesterai le moment venu. »

Sans rien ajouter, il sortit une épaisse liasse de billets soigneusement ordonnés de la valeur la plus importante à la plus faible, prit tout en dessous trois billets d’une Livre, compta six billets de cinq Solis et enfin dix billets d’un Solis.

Le voyant arranger ses billets, face des rois vers le haut et sans la moindre erreur, Klein en fut soudain un peu agacé.

Trouble obsessionnel compulsif de stade avancé… Soupira-t-il en son for intérieur avant d’encaisser l’acompte.

Au coup d’œil, il restait moins de trois livres à Ian.

Il avait probablement toutes ses économies sur lui… Si je lui avais demandé plus, serait-il parti sans payer ? Il ne semble pas être ce genre de personne mais il ne faut pas se fier aux apparences…

Klein plia rapidement les billets, les fourra dans sa poche, indifférent à l’ordre dans lequel il les rangeait et perçut une légère grimace sur le visage de Ian. Puis, se levant, il lui tendit la main :

– « Je ferai au plus vite. »

– « Merci pour votre aide », répondit sincèrement Ian, conscient qu’il avait bénéficié d’un prix réduit.

Klein regarda s’éloigner ce garçon plus mature que son âge. Cette affaire va plus loin qu’il n’y paraît, se dit-il en se caressant le menton.

Ian n’a rien dit des récentes enquêtes de Zreal ni des informations qu’il était chargé de recueillir…

Laissons tomber. Je me cantonnerai à ce pourquoi il m’a payé, c’est-à-dire à l’informer sur l’état dans lequel se trouve Zreal.

Il retourna au salon et sortit de la poche de son pantalon une pièce d’un quart de penny.

Tandis que la pièce de cuivre tournoyait dans les airs, le regard du jeune homme s’assombrit. Il demanda en chuchotant si des éléments Transcendants étaient impliqués dans cette affaire, puis, ouvrant la main droite, tenta de la rattraper.

Clang ! La pièce lui échappa des doigts et roula sur le sol. La divination avait échoué.

Apparemment, Ian dissimule plus de choses que je ne le pensais… Le manque d’informations est tel que je ne peux même pas obtenir ne serait-ce qu’un vague résultat par le biais de la divination…

Il pinça les lèvres, fit quelques pas en avant et se pencha pour ramasser la pièce.

Aux petites heures du matin, au 138 rue de la Rose, Pont de Backlund.

Klein avait revêtu une tenue d’ouvrier bon marché de couleur bleue pâle. Sa bouche, son menton et ses joues disparaissaient sous une barbe noire qui, à première vue, lui donnait un air rude et sauvage.

Il portait une casquette de couleur sombre enfoncée si bas qu’elle lui couvrait presque les yeux.

Traditionnellement portées par les chasseurs de la République d’Intis, ces casquettes différaient quelque peu de celles que portaient les chasseurs de cerfs du Royaume de Loen. Cependant, elles étaient devenues populaires au sein de la classe inférieure de Backlund.

Caché à l’ombre d’un arbre parasol Intis au bord de la route, le jeune homme observait la maison d’en face à la lueur des élégantes lampes à gaz.

C’était là où habitait Zréal.

Originaire de Southville où vivaient ses parents, toute sa famille et ses amis, le détective était venu seul à Backlund et peu à peu, s’y était forgé un nom.

Il était encore célibataire et n’avait engagé que deux domestiques à temps partiel, de ceux qui passent tous les trois jours pour faire le ménage et qu’il n’avait pas besoin de nourrir ou de loger.

Pour l’heure, la maison de ville qu’il louait était plongée dans le noir.

Klein retira la chaîne en argent cachée à l’intérieur de sa manche et laissa pendre le pendentif de topaze.

Il y a du danger à l’intérieur… Il y a du danger à l’intérieur.

Après avoir répété cela sept fois, il rouvrit les yeux et constata que le pendule tournait dans le sens des aiguilles d’une montre, mais très lentement.

« Il y a bien du danger, mais rien de grave » marmonna-t-il en s’assurant qu’il avait bien sur lui ses cartes de tarot, ses amulettes artisanales et sa Poudre de Nuit Sacrée.

Il regarda autour de lui et, profitant de la tranquillité de la nuit, traversa lestement la rue.

Cette maison, qui donnait directement sur la rue, n’avait ni véranda, ni jardin, ni pelouse. Klein passa sur le côté et eut tôt fait d’escalader la conduite d’eau jusqu’au petit balcon, à l’étage, qui servait à étendre le linge.

Sitôt arrivé, il prit une carte de tarot et la glissa dans la fente de la porte qui menait au couloir.

Aidé du plan que lui avait dessiné Ian, le jeune se dirigea presque sans bruit jusqu’à la chambre de Zreal.

Il tapota légèrement sa molaire gauche et regarda à travers la porte de bois.

Si la Vision Spirituelle permettait de percevoir les couleurs d’une aura à travers des obstacles dépourvus d’énergie spirituelle, cela dépendait fortement des capacités de chacun. Si Klein était en mesure de voir à travers des portes de bois, il était encore incapable de le faire à travers des murs de béton. De plus, ce qu’il voyait n’était pas très clair.

Trois auras humanoïdes aux couleurs floues se tenaient en trois endroits différents de la pièce.

Trois personnes en embuscade… Est-ce pour capturer Ian, ou quelqu’un d’autre ? La chambre n’est pas très grande… Se dit le jeune homme, debout dans l’obscurité.

Il retourna alors à pas légers sur le balcon et sortit de sa poche une fine plaque d’argent, un Charme de Sommeil qu’il avait créé lors d’une expérience l’après-midi même.

Il s’était prié lui plutôt que la Déesse et adressé son rituel au nom du “Fou qui n’appartient pas à cette époque… » avant d’accéder au monde surplombant le brouillard gris pour répondre.

Étant donné qu’il était difficile de mobiliser le pouvoir de ce mystérieux univers, Klein avait été contraint de répondre à l’aide de sa propre énergie spirituelle. Au final, les charmes qu’il avait fabriqués se révélèrent de moins bonne qualité que ce qu’ils auraient dû être, mais bien meilleurs que ceux qu’il avait personnellement conçus.

Le jeune homme regarda autour de lui et se couvrit la bouche.

– « Cramoisi », murmura-t-il en Hermès ancien.

Sentant le froid qui émanait du charme, il s’empressa de retourner – toujours silencieusement – à la porte de la chambre de Zreal. Là, la main sur la clenche, il injecta dans la fine plaque d’argent son énergie spirituelle.

Puis, tournant avec précaution la poignée, il entrouvrit très légèrement la porte et lança le charme dans la pièce après quoi il referma et se mit à compter :

3

2

1

Poussant brusquement la porte, il roula sur le sol.

Ne percevant aucun mouvement de la part des trois individus, il se releva et observa la pièce à la lueur de la lune cramoisie qui filtrait à travers la fenêtre.

C’était une chambre à coucher comme toutes les autres, meublée d’un lit, d’une rangée de placards, d’un bureau, de fauteuils et d’un porte-manteau.

De l’autre côté du lit, un homme en manteau noir dormait profondément, tout comme celui qui se trouvait près du fauteuil et celui qui se tenait face à l’armoire.

Klein se dirigea alors vers le lit, se pencha et ramassa quelques cheveux courts d’un brun jaunâtre.

Exactement comme ceux du détective Zreal, à en croire les notes de Ian.

Ça devrait être bon…, se dit-il en s’asseyant sur le sofa, les quelques brins de cheveux à la main avec l’intention, dans cette obscurité à peine entachée par la lueur de la lune, de recourir à la divination par le rêve pour localiser Zreal.

Adossé au canapé, il esquissa un sourire d’autodérision en pensant :  Par déduction, mon ami…

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