« Bryan, je n’y croyais pas quand tout le monde disait que tu étais fou, mais maintenant, même moi je suis convaincu. Tu – es – sérieusement – cinglé ! » Jack tourna son cou potelé, secoua la tête et soupira lorsqu’il vit Han Shuo afficher une expression fanatique puis déclarer sa flamme envers Fanny.
« Einh ! Ce sont les gâteaux que Bach utilisait pour draguer Lisa. Ah Ah, quel coup de chance ! Je n’ai jamais goûté les friandises que les nobles s’enfilent à longueur de journée!» Han Shuo convoitait les gâteaux que Bach avait oublié dans sa précipitation. Il courut à toute vitesse et ramassa la boîte finement décorée, puis commença à mastiquer son contenu sans dire un mot de plus.
Il s’exclama de surprise en mangeant, « Mmh, ces machins sont délicieux. Ce combat valait vraiment le coup. Tiens, je t’ai emprunté un morceau de pain tout à l’heure, et tu obtiens ces merveilleuses friandises en retour. Tu t’en tires comme un truand ! »
« Mais, cette boîte appartient à Bach ! »
« J’ai défoncé ce punk, donc c’est à moi maintenant !! »
Jack, «…»
Han Shuo trouvait aussi que les événements avaient pris une drôle de tournure. Il se rendait bien compte que depuis qu’il avait démarré la cultivation de sa force magique dans ce nouveau monde, son appétit se renforçait et sa personnalité devenait de plus en plus excessive. Il faisait des choses auxquelles il n’aurait jamais osé penser auparavant, et ses pulsions se développaient également.
« Bryan et Jack ! Vous devriez être en train de nettoyer le laboratoire, mais vous n’avez même pas encore terminé les statues ! Si vous cherchez à nous attirer des ennuis, vous tomberez aussi avec nous ! »
Tandis que Jack et Han Shuo s’extasiaient sur la merveilleuse saveur des friandises, deux serviteurs plus âgés s’étaient approchés d’eux par derrière. Les deux garçons
tenaient chacun un balai à la main, et commencèrent à harceler Han Shuo et Jack pour qu’ils se dépêchent de ranger le laboratoire.
Les deux jeunes hommes avaient autour de la vingtaine et dépassaient 170 cm en taille. Ils s’appelaient Borg et Carey, et avaient pris pour habitude de tyranniser Han Shuo et Jack ces dernières années en profitant de leur supériorité physique. Ils allaient même jusqu’à leur imposer certaines de leurs propres corvées. Dans le cas présent : nettoyer le laboratoire.
« Pas intéressé ! » Han Shuo fit la sourde oreille puisqu’il voulait mettre un terme à cette situation depuis un bon moment. Sa confiance avait atteint de nouveaux sommets et il se sentait encore plus puissant depuis qu’il avait su résister face à Bach lors d’un combat singulier. À vrai dire, il se sentait un peu trop ballonné, et si les deux autre continuaient leur sketch, un nouveau combat faciliterait grandement sa digestion.
« Ah, tu n’es pas intéressé ! Bryan, tu es réellement devenu dingue, pour oser rétorquer de cette façon à Borg le Magnifique. Voudrais-tu que je te fasse revenir à la réalité ? » Borg serra le poing, et lâcha un rire glacial, sans quitter Han Shuo du regard.
« Ah, ma tête me fait mal ! » Le corps de Han Shuo fut saisi de spasmes pendant qu’il s’écroulait sur le sol, la tête entre ses mains. Jack était sur le point de rejoindre le laboratoire quand il vit Han Shuo utiliser la même ruse une fois de plus. Il resta finalement sur place, et regarda Han Shuo rempli d’espoir.
« Je me fiche de savoir si tu es vraiment taré, je vais te massacrer jusqu’à ce que tu obéisses ! » Le caractère de Carey était encore pire que celui de son acolyte. Il fit trois pas en avant puis envoya un coup de pied en direction de Han Shuo.
Han Shuo poussa alors un grand cri – « Aiya ! » – et se releva d’un coup. La jambe droite de Carey atterrit sur son torse. Han Shuo cria de douleur et agrippa ses mains autour du pied de Carey, il tordit la cheville de celui-ci vers l’extérieur. Ce fut au tour de Carey de hurler à la mort tandis qu’il trébuchait sur le côté. Ses lèvres formèrent un hurlement silencieux alors qu’il s’écrasait lourdement contre une statue.
Borg eut l’ombre d’un sourire quand il vit Carey se précipiter vers Han Shuo, se disant que le pauvre Han Shuo était fichu. Quelle ne fut pas sa surprise en voyant Han Shuo encaisser le choc avec sa poitrine et Carey recevoir l’essentiel des dégâts.
« Hein ? Bryan, comment as-tu osé ! Borg, chopons-le ensemble, aujourd’hui on va lui donner une bonne leçon ! » Carey se releva dans la douleur, puis se rua de nouveau vers Han Shuo en invitant Borg à le rejoindre.
Han Shuo continuait de saisir sa tête entre les mains tout en hurlant de douleur. Il pensait, j’ai déjà osé frapper Bach, bien sûr que ne crains pas ces deux idiots. Il agita ses bras et ses jambes dans tous les sens, et même s’il reçut quelques coups, Borg et Carey ne s’en sortirent pas mieux de leur côté.
Han Shuo était déjà habitué à prendre des raclées et son corps s’était beaucoup renforcé grâce au Yuan qui circulait dans son organisme selon les préceptes de la Solidification. Encaisser les coups de Borg et Carey ne lui posait donc pas le moindre problème. De l’autre côté, les blessures s’accumulaient sur les visages de Borg et Carey. Leur état empirait, notamment à cause de la puissance surhumaine de Han Shuo.
Les trois serviteurs se battaient de toute leur force sur le bord du chemin. Le combat progressant, les corps de Borg et Carey les firent souffrir de plus en plus. Leurs forces déclinèrent lentement, tandis que Han Shuo ne subissait que très peu de dégâts. Il se sentait en fait très à son aise. Au final, ce fut Han Shuo qui pourchassa ses adversaires en les rouant de coups alors que les deux autres fuyaient la queue entre les jambes.
« Ah ! Quel combat savoureux ! Jack, nous ne nous occuperons plus des tâches de Borg et Carey dorénavant. Préviens-moi s’ils viennent de nouveau t’embêter, je les utiliserai comme punching ball ! »
Le gros Jack s’accrocha au bras de Han Shuo, le regard rempli d’admiration. Jack s’esclaffa puis dit, « Bryan, tu es extraordinaire. Tu as battu Borg et Carey à toi tout seul. Comment as-tu réussi cet exploit ? »
Han Shuo se montra du doigt avant d’ajouter d’une manière arrogante, « Mon cœur est brave ! »
Les jours qui suivirent, le mal de crâne de Han Shuo ne réapparut pas une seule fois. Pour une raison inconnue, Bach ne revint pas non plus prendre sa revanche. Jack et Han Shuo refusèrent d’effectuer le travail de Borg et Carey, mais ces derniers ne trouvèrent rien à redire puisqu’ils étaient incapables de gagner lors d’un combat, même en supériorité numérique. Ils complétèrent donc en silence les tâches qui leurs étaient assignées.
Han Shuo se retrouva soudain avec beaucoup de temps libre, maintenant que le petit squelette sortait les déchets tous les matins, et qu’il n’avait plus à gérer les corvées de Carey et Borg. Pendant cette période, il ne demanda pas à Jack « d’emprunter » de nouveaux grimoires. Il concentra en revanche son attention sur l’étude des « Fondements de la Nécromancie » afin de se bâtir une base solide de connaissances.
En poursuivant son étude des « Fondements de la Nécromancie », Han Shuo arriva à la conclusion que sa force mentale était vraiment faible. Il méditait tous les soirs lorsqu’il rentrait dans sa remise. Le petit squelette était la créature la plus faible de l’autre dimension, et son intellect était si négligeable qu’il ne pouvait pas agir sans ordres de son invocateur. Han Shuo lui commanda de rester dans la remise pendant la journée et de seulement disposer des ordures tard le soir.
Ce soir-là, Han Shuo était sur le point d’entrer dans sa méditation journalière quand il se rappela des souvenirs que le vieux débris, Chu Cang Lan, avait laissé dans son esprit. Certains de ses souvenirs relataient une technique mystérieuse pour raffiner des trésors démoniaques. Han Shuo pensa que, même si la magie démoniaque qu’il pratiquait venait d’un autre monde, elle semblait avoir beaucoup en commun avec la nécromancie de ce monde. Serait-il possible de fusionner ces deux magies ? Elles appartenaient toutes les deux à la magie noire après tout.
Han Shuo fronça les sourcils et commença à fouiller sérieusement au fond de sa mémoire. Bien que Chu Cang Lan avait laissé un paquet de souvenirs derrière lui, il découvrit qu’une bonne partie restait vague voire inaccessible. C’était comme regarder quelque chose de flou à travers une fine feuille de papier calque.
Après quelques instants de réflexion, il se souvint finalement avec précision d’une méthode pour raffiner les trésors démoniaques. Han Shuo ne pouvait invoquer que ce faible squelette à l’heure actuelle. Puisque c’était le cas, il décida de tenter l’expérience sur le petit squelette.
Pour raffiner un trésor démoniaque, des matériaux étaient d’abord nécessaires. Comme il tentait l’expérience par simple curiosité, Han Shuo décida d’utiliser le squelette comme ingrédient principal. Parmi les déchets qui jonchaient la remise, il y avait du sang frais de faibles créatures magiques, ou d’autres trucs comme de la poudre d’os ou des queues de salamandres. Tous ces matériaux devinrent les ingrédients secondaires du trésor démoniaque.
Certains trésors démoniaques uniques nécessitaient des matériaux complexes, extrêmement difficiles à se procurer. Ce n’était même pas sûr que de telles choses
existent dans ce monde. Han Shuo ignora tout cela, et récupéra des objets au hasard, se fiant à ses inspirations du moment. Il retourna dans le laboratoire pour ramasser un petit bac que personne n’utilisait, ainsi que les restes des expériences des étudiants en nécromancie. Il n’avait aucune idée de ce que c’était.
Han Shuo revint discrètement jusqu’à sa remise dans l’obscurité, et referma la porte consciencieusement. Il mit le squelette en premier dans le bac, puis balança en vrac le sang frais de monstre, la poudre d’os, les queues de salamandres ainsi que les autres matériaux, le tout fut accompagné par un grand seau d’eau. Le seau contenait désormais une explosion de coloris avec un assortiment de… trucs. Seule la tête du squelette émergeait de la surface de l’eau, celui-ci ne comprenait d’ailleurs rien du tout à sa situation.
Han Shuo réfléchit un instant en fermant les yeux, et parcourut lentement le savoir de Chu Cang Lan sur le raffinement d’un trésor démoniaque. En plus d’une grande variété d’ingrédients, cette opération requérait la formation d’une matrice particulière. Le praticien devait aussi exercer son Yuan selon une certaine méthode pendant au moins plusieurs jours. Certains trésors particulièrement puissants nécessitaient même plusieurs années d’entraînement.
Bien sûr, Han Shuo dans son état actuel ne pouvait rien accomplir de tel. Il identifia la méthode la plus simple, puis déterra sept éperons osseux provenant de Dieu-seul-savait quelle créature magique. Il fixa les éperons selon les instructions de la « Matrice du Yin Concentré ».
La « Matrice du Yin Concentré » était un genre de matrice pour raffiner des démons. La méthode initiale servait à raffiner sept « Démons Yin », et utilisait ces sept démons pour former la matrice. Un fois que le praticien insérait son propre Yuan, les sept démons devait concentrer ce Yuan dans la matrice selon les instructions de celle-ci. Les ingrédients s’évaporaient lentement et s’imprégnaient à l’intérieur du matériau de base. Le trésor démoniaque était finalement complet au bout de 36 jours de processus.
Pour raffiner un démon Yin, un spectre était d’abord nécessaire. Un spectre se formait à partir de l’âme d’un innocent, décédé de façon injuste et tragique, puis enterré dans un morceau de terrain abandonné. Si l’âme refusait de passer de l’autre côté, un spectre pourrait en théorie se constituer. Des méthodes particulières existaient pour raffiner un spectre en démon, mais ces techniques dépassaient bien sûr les compétences de Han Shuo pour l’instant.
Il fixa les sept éperons osseux à l’intérieur du bac, en remplacement des sept démons, puis s’accroupit à côté du seau pour diffuser son Yuan dans la matrice par le biais de son majeur. Il fixa rapidement son doigt au milieu des éperons osseux. Même si les éperons constituaient un pauvre substitut, ils restaient arrangés de manière correcte, et pouvaient ainsi absorber un peu de Yuan.
Un long moment après, sept petits tourbillons apparurent brusquement à la surface de l’eau, juste au centre des sept éperons osseux.
Han Shuo se relâcha quand il vit les tourbillons se former. Malgré son bricolage hasardeux, il savait qu’il avait réussi d’une façon ou d’une autre. Bien qu’il ignorât ce qu’il allait advenir au final du petit squelette, il était très satisfait et sombra dans un profond sommeil après avoir médité quelques instants.