Les activités du All-Star reprirent, alors que Ye Xiu était sorti et arpentait les allées désertes autour du stade, seul et en silence.
Cette situation lui était très familière. Ayant participé aux diverses compétitions des années antérieures, il était toujours parti précipitamment, en fuyant les interviews et autres conférences de presse des médias. Et c’était vrai tant pour celles avant, qu’après les matchs.
Durant toutes ces années, Glory s’était bien développé. Il attirait l’attention de beaucoup plus de monde et les médias avaient dévoilé des trésors d’imagination pour le retenir. Qu’il fût capable de persister aussi longtemps et de maintenir son anonymat était déjà exceptionnel en soi. À peu près autant que de construire une dynastie victorieuse.
En regardant en arrière, il vit les lumières qui éclairaient le ciel. Il semblait si petit par rapport à elles.
« Pfff » Soupira Ye Xiu. Il se retourna pour rentrer à l’hôtel, mais vit une jeune femme assise sur les barrières de sécurité. Elle portait une paire de jumelles au cou et lui faisait de grands signes.
« Incroyable, tu as été plus rapide que moi, dit-il en la saluant.
– Hé ! Hé ! » Su Mucheng sourit et sauta de sa rambarde. Elle était étroitement emmitouflée, portant un grand chapeau et un grand masque. Il était difficile de la reconnaître, mais pas pour une connaissance comme Ye Xiu.
« Le jeu est terminé, allons manger une glace, déclara-t-elle.
Ye Xiu fut surpris et demanda :
– La boutique est toujours ouverte ?
– Là, c’est ouvert ! déclara Su Mucheng après s’être saisie des jumelles pour regarder au loin. Regarde ! Elle lui tendit les jumelles. Ye Xiu s’en saisit et les dirigea vers le coin de la rue, à l’autre bout du stade. Le petit glacier du coin était effectivement toujours là et encore ouvert.
– Mais on est en hiver, commenta Ye Xiu.
– C’est meilleur en hiver, ça fond moins vite et on peut les manger lentement, déclara Su Mucheng.
– Alors, allons-y ! » Ye Xiu s’inclina, impuissant face à de tels arguments.
Su Mucheng se pencha par-dessus la rambarde et passa par-dessus.
« Faites attention à la quantité… » murmura Ye Xiu, avant de faire de même.
Ainsi, ils traversèrent la route et se rendirent chez le glacier. C’était le même petit magasin qu’ils connaissaient depuis longtemps. Il y avait quatre petites tables pour deux et les prix étaient manuscrits sur les étiquettes des bacs à glace. Le propriétaire était un homme d’une quarantaine d’années. Lorsqu’il les vit entrer, il sembla indifférent à leur présence et attendit derrière le comptoir.
« Je veux ça, ça, ça et ça, un quart de chaque, c’est possible ? demanda Su Mucheng en indiquant les saveurs du doigt.
– Pouvez. » Le commerçant prit un grand pot, pour quatre saveurs, et le remplit comme demandé. Il ajouta une petite cuillère et tendit le tout à Su Mucheng. Ensuite, il regarda Ye Xiu d’un air interrogateur.
« Je peux fumer ? demanda celui-ci.
– Pouvez. » Le commerçant hocha la tête et se désintéressa de Ye Xiu, comprenant qu’il n’allait rien commander.
Assise sur la petite table près de la fenêtre, Su Mucheng commençait déjà à manger sa glace. Ye Xiu alluma une cigarette et se posa en face d’elle.
Il faisait froid et la crème glacée était fraiche, mais cette sensation réchauffait le cœur en rappelant les moments de chaleur de l’été.
Au stade de Samsara, Chen Guo et Tang Rou s’enfuyaient prestement.
Chen Guo avait ramassé sa paire de jumelles et regardé une dernière fois autour d’elle, mais Ye Xiu n’était pas visible.
« Court ! Vite ! avait-elle dit, avant de partir avec Tang Rou.
– Il a dit qu’il retournerait à l’hôtel en premier, précisa Tang Rou.
– Alors, allons-y ! » Chen Guo décida d’arrêter un taxi pour se rendre en vitesse à l’hôtel. Elle ne chercha même pas à se poser dans sa chambre et frappa directement à celle de Ye Xiu. Malheureusement, personne ne répondit.
« Pas encore rentré ? se demanda Chen Guo. Mais où est-il allé ?
– Il se balade peut-être un peu dehors. Attendons-le, dit Tang Rou en ouvrant la porte de leur chambre.
– Il est vraiment Ye Qiu ? Chen Guo la suivit.
– Oui. » Se résigna à répéter Tang Rou. Ce n’était que la septième fois que Chen Guo lui posait la question.
« Ce type… » marmonna celle-ci, en allumant la télévision. La chaîne spécialisée dans l’eSport continuait de diffuser le All-Star. Comme précédemment, les joueurs professionnels étaient appelés à monter sur scène pour accepter les défis des spectateurs. Mais, contrairement à avant, il n’y avait plus d’accident. Les professionnels arrivaient facilement à battre les joueurs qui les défiaient. De plus, après l’agitation du début de session, ces matchs n’avaient plus aucun attrait, sauf pour les spectateurs qui avaient la chance de monter sur scène.
Chen Guo regardait la télévision, mais elle avait les yeux vides. Il était évident que ses pensées allaient autre part. Elle entendit du bruit dans le couloir et sortit immédiatement, mais ce n’était pas Ye Xiu.
« Mais où est-ce qu’il est parti ? » Marmonna Chen Guo. Elle allait régulièrement à la fenêtre pour regarder la rue avec ses jumelles. Elle courrait ensuite vérifier en frappant à la porte de la chambre d’en face, des fois qu’elle l’ait manqué. Dans le même temps, elle discutait de Ye Xiu avec Tang Rou, mais ses pensées n’étaient pas claires. Après une heure passée ainsi, Ye Xiu n’était toujours pas réapparu et les matchs du All-Star étaient finis.
« En plus, il n’a pas de téléphone portable. » Se plaignit Chen Guo. L’événement était fini et, après une courte pause publicitaire, la diffusion reprit avec la conférence de presse. Il n’y avait habituellement aucun commentaire sur les jeux ou les matchs face au public, mais cette année fit exception à la règle. En tant qu’un des protagonistes principaux, Du Ming avait été envoyé en conférence de presse. Il appréciait cette situation où de nombreux journalistes le pressaient de question, un peu comme s’il était un Dieu.
Il était beaucoup plus calme que durant les matchs. Après tout, c’était un professionnel. S’il n’était pas capable d’analyser le résultat et d’en parler calmement, que faisait-il à cette place ? Même s’il était embarrassant de perdre face à un joueur ordinaire, il avait tout de même gagné ses quatre derniers combats. De plus, nombre d’autres joueurs évoquèrent la qualité de jeu de cette débutante.
Quant au second challenger, plus pervers, il ne s’en inquiétait pas. Tout le monde l’avait reconnu comme étant le légendaire Ye Qiu.
Donc Du Ming n’avait rien de plus à ajouter. Bien évidemment, Du Ming ne pouvait pas rester silencieux. Il réagit comme on pouvait s’y attendre et loua la force de Tang Rou avant d’exprimer son respect pour son aîné.
« Alors, que pensez-vous de l’apparition soudaine de Ye Qiu lors de ce All-Star ? » Cette question fut posée à tous les professionnels que les journalistes eurent l’occasion d’interviewer, ainsi qu’à certains membres du public pris au hasard dans les files pour sortir.
Les réponses des spectateurs furent audacieuses et variées. Quant aux professionnels, ils restèrent prudents et superficiels.
Comme la question tourait autour de l’identité de Ye Qiu, les membres d’Excellent Era furent interrogés. Malheureusement, leurs réponses furent les pires qui soient. Et comme Su Mucheng, qui le connaissait le mieux, ne s’était pas présentée en salle de conférence, ils ne purent rien en tirer d’intéressant.
Heureusement, il y eu quelques réactions intéressantes dans les autres équipes. Lors de son interview, le capitaine Han Wenqing avait posé son regard sur une caméra et laissé tomber une unique phrase : « J’attends votre retour. »
Cette maxime devint rapidement le titre de nombreux articles de presse. Les reportages télévisés en firent de même. Les médias saluèrent l’intervention d’Han Wenqing et commencèrent à se demander si Ye Qiu n’annonçait pas son retour dans le futur ? D’autant plus, personne dans l’alliance n’était en capacité de reproduire le dragon transcendant. Même Ye Qiu lui-même n’avait pas utilisé cette technique depuis deux ans. Qu’il le fasse aussi soudainement voulait probablement dire qu’il ne faisait pas encore partie du passé.
En entendant les remarques du public et les diverses spéculations des médias, Chen Guo se sentit fière d’être privilégiée, car elle savait quelque chose de plus. Pourtant, elle était préoccupée par l’avenir à court terme. Elle se leva et serra le poing. « Quand ce type reviendra, je lui demanderai ce qu’il en est. »
En parlant de cela, elle continuait d’aller et venir entre la fenêtre et la porte de sa chambre, mais Ye Xiu ne se montrait toujours pas. Il commençait à se faire tard et elle s’inquiéta : « Tu crois…. qu’il ne reviendra pas parce que son identité a été révélée ?
Tang Rou fut surprise par la question. – C’est possible ?
– Il… n’a pas encore reçu son premier salaire… » se rappela soudain Chen Guo, le ton marquant sa déception. Elle réalisa alors qu’elle avait du mal à assimiler cette double identité. Ye Xiu et Ye Qiu. Elle le voyait encore comme le banal employé de cybercafé qu’elle avait embauché. Mais, que ce soit ce gars paresseux et irritant, ou le grand Dieu qu’elle adorait depuis tant d’années, quelle que soit son identité, elle n’aimait pas l’idée de le voir partir comme cela. C’était vraiment une idée inconfortable.
Chen Guo s’assit soudain sur son lit, fatiguée par son anxiété.
« Il reviendra. » Lui dit Tang Rou pour la réconforter.
Dès que ces mots furent prononcés, elles entendirent du bruit dans le couloir, mais Chen Guo n’était plus d’humeur à continuer son manège. Elle soupira et laissa tomber l’histoire.
Cependant, le bruit sembla se rapprocher et finit par s’arrêter devant leur porte.
« Tu es de retour ? » Chen Guo était encore recroquevillée sur son lit, alors Tang Rou s’était levée pour aller vérifier à sa place. Elle ouvrit la porte et vit Ye Xiu de l’autre côté.
« Toujours éveillées ? » Ye Xiu se retourna et les salua. Chen Guo s’était levée en coup de vent et se précipita dehors. Ye Xiu avait déjà ouvert sa porte et était rentré. « Vous devriez vous reposer. » Par conséquent, elles se retrouvèrent devant une porte close.
Chen Guo ne savait pas par où commencer que ce type avait déjà disparu.
« C’est quoi cette situation ? Finit-elle par demander, confuse.
– C’est comme… si rien ne s’était passé. » Sourit bêtement Tang Rou, craignant que son amie de se remette en colère.
Effectivement, Chen Guo s’étant retrouvée bloquée, elle martela la porte en la frappant vigoureusement. Ye Xiu l’ouvrit, le regard confus, comme s’il ne comprenait pas ce qu’il se passait. Tang Rou en resta sans voix.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-il ?
– C’est toi, le problème ! » Chen Guo devint agressive. Elle avait eu le temps de réfléchir à la manière de s’adresser à lui. Mais ses deux identités se mélangeaient dans son esprit. Un peu comme un produit deux en un. Mais alors, devait-elle lui parler comme au petit gestionnaire ou comme à l’idole qu’elle avait toujours adorée ?