Tenant fermement la brume résiduelle émise par la dispersion du corps du Maître Enseignant Kong, Luo Ruoxin était hébété. Le Monarque Subjuguant le Ciel avait impressionné de nombreuses personnes depuis son arrivée au Firmament. Même les Dieux Monarques avaient fini par se soumettre à lui les uns après les autres.
Elle s’était lancée dans cette bataille en étant prête à mourir, mais c’était elle qui avait survécu. Elle avait surmonté la technique la plus puissante du Maître Enseignant Kong. Même si elle avait voyagé dans les mondes inférieurs pour découvrir ses capacités et passé beaucoup de temps à essayer de trouver un moyen de le contrer, tout avait si bien fonctionné qu’elle ne pouvait s’empêcher de se sentir mal.
Presque comme si son adversaire avait abandonné au dernier moment.
Lorsqu’elle avait exécuté son tout dernier coup, pendant une fraction de seconde, elle avait pu voir du soulagement sur le visage de ce vieil homme, comme s’il avait enfin accompli ses dernières volontés.
Après un moment de silence, elle fit disparaître la brume d’un simple mouvement du doigt, puis poussa un soupir de soulagement. Puis elle se tourna vers une certaine personne, non loin, le jeune homme qu’elle aimait tendrement. Il se précipitait vers l’endroit où le Maître Enseignant Kong était tombé et essayait désespérément d’en conserver les restes d’énergie, en vain.
Comprenant ses sentiments, elle hésita un instant avant de le rejoindre : « C’est le destin. Nous n’y pouvons rien… »
Ceux qui possédaient un fragment des cieux étaient chargés d’une mission inaliénable.
Zhang Xuan baissa la tête pendant un long moment. Il répondit enfin, doucement : « Je sais… »
Il ne voulait pas l’accepter. Pourtant, c’était un fait. Le Maître Enseignant Kong était mort !
Depuis son arrivée sur le Continent des Maîtres Enseignants, cet homme lui avait servi de modèle et avait éclairé la voie à emprunter. Il ne l’avait jamais officiellement reconnu comme étant son enseignant, néanmoins il le considérait comme son mentor et le respectait profondément. Il n’aurait pas imaginé qu’il partirait dans l’au-delà peu après leur première rencontre. Il se souvenait clairement de ses échanges avec lui, comme s’il était toujours vivant dans sa mémoire. Il trouvait son trépas irréel.
– « Est-ce… le chemin que nous devons également emprunter ? Devons-nous nous aussi nous battre pour les cieux ? » Il regarda Luo Ruoxin, visiblement triste.
– « Je ne sais pas… » Elle baissa la tête, comme pour échapper à ses yeux.
– « Si, vous le savez. Vous refusez simplement de le dire à haute voix. M’avez-vous évité tout ce temps parce que notre amour est une gêne ? Vous êtes-vous dit que vous risquiez de ne pas pouvoir lever la main sur moi au moment fatal ? »
– « Je… » Elle ne put lui répondre.
Le voyant, Zhang Xuan eut l’impression que son cœur s’était brisé. Il eut le désir soudain de partir le plus loin possible. Il se retourna et s’éloigna. « Petit Poussin. Allons-y. »
Si le destin voulait les voir s’entretuer, il aurait préféré que cette histoire d’amour tragique n’eût jamais commencé.
– « Zhang Xuan… »
En le regardant partir, Luo Ruoxin ferma les yeux. Quand elle les rouvrit finalement, sa vision était floue. D’une voix tremblante, elle dit : « Je suis désolée… »
– « Vous n’avez pas besoin de vous excuser. C’est le destin, » lança-t-il sans se retourner. Il s’était battu dans l’espoir de la revoir. Mais en la retrouvant enfin, en comprenant la vérité… Il se dit qu’il aurait peut-être été mieux de l’ignorer. Il ne pouvait pas accepter l’avenir qui les attendait. S’il devait endurer une telle souffrance, il préférerait ne ressentir aucune émotion.
Pouu !
Une gorgée de sang jaillit d’entre ses lèvres, sa vision s’assombrissant. Cultivant le Pathos des Cieux, le désir de vouloir être insensible lui serait fatal. Le simple fait d’y penser poussa presque sa cultivation à s’effondrer.
Weng !
Le pendentif qui pendait autour de lui chauffa. Une poussée d’énergie afflua dans son corps et supprima le flux chaotique dans sa chair. Il leva la main pour l’arracher. Il voulait le rendre à sa bien-aimée. Mais au tout dernier moment, il relâcha sa prise et son bras pendit sur son flanc.
Il ne servait à rien d’exprimer sa colère sur Luo Ruoxin. Ce n’était pas sa faute si tout s’était passé ainsi. Si elle était morte dans ce duel, il aurait sûrement réagi d’une manière bien pire. Une seule personne pouvait revenir de ce combat. Il refusait simplement de l’accepter.
Il se retourna lentement pour lui faire face. Il aperçut ses yeux, baignés de larmes.
À ce moment-là, il se sentit profondément désolé.
Pendant tout ce temps, elle avait été forcée de vivre en sachant quel avenir les attendait. Il ne pouvait imaginer à quel point elle avait dû souffrir. Sa peine n’était certainement pas inférieure à la sienne.
Alors, il s’approcha d’elle et la serra dans ses bras. D’une voix déterminée, il dit : « Je ne crois pas qu’il soit impossible de passer outre la Guerre des Cieux. Je vais trouver un moyen pour nous d’y survivre. Faites-moi confiance. »
Tout à coup, il se souvint des paroles du Maître Enseignant Kong. Ce dernier avait affirmé y avoir réfléchi ces dernières années et avoir une idée en tête. Il n’avait cependant pas été certain de réussir. Cela signifiait qu’ils n’étaient pas complètement impuissants. Il existait un moyen de les sauver tous les deux.
Il leur restait juste à le trouver !
D’ailleurs, pendant son séjour dans l’Azur, le clone du Maître Enseignant Kong avait paru savoir comment extraire la Bibliothèque de la Voie Céleste. Cette méthode aurait entraîné sa mort, était-il toutefois possible de la modifier d’une manière ou d’une autre ? S’ils y parvenaient, ils seraient capables de surmonter cette foutue Guerre des Cieux sans avoir à se sacrifier !
– « Vraiment ? » demanda faiblement sa chérie.
– « Oui, vraiment. Absolument ! Je vais trouver le moyen de nous en sortir, alors faites-moi confiance. »
– « Mais que se passera-t-il si vous ne le trouvez pas ? » Sa voix tremblait un peu.
D’un ton ferme et résolu, il répondit : « Alors, nous mourrons ensemble. Une fois que nous serons partis, les fragments du ciel se rassembleront pour réparer le Firmament. Mais cela ne nous regardera plus. »
– « Nous… » Elle fut déconcertée un instant avant d’acquiescer résolument. « Vous avez raison. Pourquoi devrions-nous nous soucier de ce qui arrivera ? Nous serons ensemble, sous la même pierre tombale ! »
– « Exact. Qu’est-ce qui peut bien nous arriver ? Que ce soit le ciel ou le destin, plus rien ne nous séparera… »
– « Plus rien… »
Les joues mouillées de ses larmes, elle se blottit contre lui. Elle avait hésité et avait été inquiète dès le premier jour. Elle savait que leur amour était impossible, mais elle n’avait pas eu la force d’y renoncer.
Et voilà qu’il lui ouvrait à nouveau son cœur.
Tant qu’ils étaient ensemble, la mort n’avait qu’à bien se tenir !
Ayant mis de côté toutes ses hésitations, plus rien ne la retenait.
Même si le ciel s’effondre, je serai bien tant que je serai avec toi. Sentant la chaleur du corps de la jeune femme, un poème apparut soudain dans l’esprit de Zhang Xuan.
Couple d’inséparables dans les cieux, paire de branches entrelacées sur terre. Les cieux et la terre sont temporaires, mais nos sentiments seront éternels !
Au même moment, la Bibliothèque de la Voie Céleste fut secouée et un manuel de techniques de cultivation se matérialisa.
Heureux vivants ? Alors pourquoi être tristes face à la mort ? Les mers peuvent s’assécher et les pierres peuvent être broyées, mais même si le monde devait être anéanti, nos sentiments perdureront à travers le temps.
Boum !
Au-dessus de la Lune, une grande vague d’énergie s’abattit sur Zhang Xuan et l’enveloppa. Au même moment, des nuages rouges se rassemblèrent autour du Firmament et une énergie massive s’y déversa. Des ombres noires couvrirent la terre, qui se mit à trembler, comme si elle allait accoucher.
Le prodige avait cru que s’il ne recevait pas de nomination de la part d’un Dieu Monarque, il ne serait pas en mesure de surmonter le royaume du Dieu Roi. Pourtant, qui aurait pu penser qu’il en serait capable sans aucun problème ?
– « Que… »
Les yeux des Dieux Monarques s’écarquillèrent sous le choc. La Fée Linglong trembla en s’exclamant : « Au lieu d’être nommé par un Dieu Monarque, il l’est par le monde lui-même… C’est la Nomination du Monde ! Cela signifie-t-il que… Il y a un nouveau Monarque Subjuguant le Ciel ? »
Tous se tournèrent vers Zhang Xuan, sidérés, incapables de s’exprimer.