Zhang Xuan se tenait devant un océan vaste et sans limites. Il pouvait sentir une grande quantité d’énergie divine y pulser, et il pouvait voir d’innombrables vagues d’Aura de Divinité dorée y évoluer librement.
Pour une raison quelconque, il devait se concentrer très fortement pour simplement pouvoir bouger sa main. Il voulait la tendre pour saisir une vague d’Aura de Divinité, mais tandis que son corps bougeait, la scène s’éloigna comme une marée descendante. Il fut plongé dans l’obscurité.
Lorsqu’il rouvrit les yeux, il était assis dans sa chambre.
Comme si ce qu’il venait de voir n’était rien de plus qu’un rêve.
Il fronça les sourcils. « Était-ce une hallucination ? »
Il n’avait jamais eu de démons intérieurs depuis le début de la cultivation, et ceux qui avaient osé paraître devant lui avaient fini par devenir ses élèves. En conséquence, il n’avait jamais eu de telles hallucinations. Pourquoi avoir un tel problème à ce moment-là ?
Cela signifiait-il que sa technique de cultivation était erronée ?
Avec une telle pensée à l’esprit, il prit un livre vierge et commença à y décrire sa compréhension du Pathos des Cieux.
Mais avant même de pouvoir finir, le papier s’embrasa. Il n’en resta rapidement que des cendres.
Une scène qui choqua Zhang Xuan.
Il n’avait utilisé aucune technique et n’avait pas exercé beaucoup de force. Il avait écrit, tout simplement, comme il en avait l’habitude. Mais le livre s’était dissipé brusquement, comme si ses pages étaient incapables d’endurer le Pathos des Cieux.
Le prodige fixa la suie avec perplexité avant de sortir un alliage résistant de son anneau de stockage.
À en juger par sa qualité, il devait être possible de forger un artefact divin de palier intermédiaire en l’utilisant comme base. Même avec la force du Maître Enseignant, il lui serait difficile d’y laisser une marque.
Un pinceau à la main, il commença à décrire le Pathos des Cieux.
Hu !
De même, l’alliage se désintégra. Il semblait également être également incapable de supporter le Pathos des Cieux…
– « Il s’agit d’une technique de cultivation qui dépasse la compréhension des cieux. C’est un signe que les cieux du Firmament interdisent son existence… » soupira-t-il.
Il connaissait la force du Pathos des Cieux. Même s’il avait été conçu sans la direction de la Bibliothèque, il était bien plus fort que l’Art Divin de la Voie Céleste parfait qu’il avait suivi jusqu’alors. Cela signifiait que c’était une technique qui dépassait les capacités des cieux.
Comment ces derniers auraient-ils pu permettre l’existence de quelque chose d’encore plus fort qu’eux sous leur juridiction ?
– « Alors c’est pour ça que je n’ai pas pu invoquer l’Ordalie Divine quand j’étais encore dans l’Azur… » Il écarquilla les yeux. Les ordalies étaient la manifestation de la rage des cieux envers les cultivateurs qui osaient s’approcher trop près d’eux. Pourtant, lorsqu’il avait invoqué la sienne, il avait été complètement ignoré et Petit Poussin avait été ciblé à sa place. Cette étrangeté l’avait rendu perplexe un long moment. Mais en y réfléchissant, il se dit qu’il avait dû involontairement sortir de la juridiction des cieux, devenant une existence que même eux n’osaient pas punir. « Et même si je peux trouver un moyen d’écrire le Pathos des Cieux, rien ne garantit que la Bibliothèque de la Voie Céleste sera en mesure de l’évaluer. On dirait que je ne peux compter que sur moi-même ! »
Depuis le début, Zhang Xuan s’était appuyé sur la Bibliothèque pour perfectionner toutes les techniques qu’il avait pratiquées, s’assurant ainsi qu’il était sur la bonne voie. Cependant, il semblait avoir finalement atteint un stade où il ne pouvait plus compter sur son fidèle atout.
Il ne pouvait plus s’appuyer que sur lui-même. Il devait lentement comprendre quoi faire par des essais et des erreurs et faire un pas en avant à la fois.
Heureusement, l’énorme quantité de connaissances qu’il avait accumulées en lisant des millions et des millions de livres lui avait fourni les bases et l’intuition dont il avait besoin pour cette tâche ardue.
Avec un soupir impuissant, il révisa le Pathos des Cieux. Il ne put trouver aucune incongruité. Alors, il prit les Pilules d’Essence Divine d’une bouteille de jade et les avala l’une derrière l’autre.
Un peu plus tard…
Pilipala !
Une série de craquements se fit entendre quand il se leva. D’une certaine manière, il avait l’air beaucoup plus grand.
Vaguement, on pouvait sentir une quantité prodigieuse d’énergie divine circuler dans son corps. Il paraissait au moins deux fois plus fort qu’avant.
– « J’ai atteint le sommet du palier inférieur du royaume du Dieu, » murmura-t-il en étirant ses articulations raides.
Les dernières heures avaient été plutôt fructueuses. Il avait réussi à élever sa cultivation, et il n’était pas trop loin de faire une percée.
Sans le fait qu’il n’avait pas suffisamment de pilules d’essence divine, il serait peut-être déjà devenu un Dieu de palier intermédiaire. « Mais encore une fois, il ne serait pas sage pour moi de forcer une percée… »
Après avoir lu les livres obtenus de Mèche-Grise, il avait pu acquérir une certaine compréhension des différents domaines de cultivation. Compte tenu de son état, il lui serait possible de devenir un Dieu de palier intermédiaire tant qu’il n’aurait pas suffisamment d’énergie spirituelle.
Puisqu’il n’avait réussi qu’à augmenter son énergie divine, son corps physique et son âme n’étaient pas devenus plus forts. S’il se forçait à percer, ces deux derniers seraient placés sous une grande pression à cause de l’immense énergie divine circulant dans ses méridiens. Alors, non seulement il serait incapable d’exercer toute sa puissance, mais il deviendrait une bombe à retardement. Des risques inutiles.
En regardant par la fenêtre, il vit que le soleil était déjà bien haut dans le ciel. Il était probablement midi.
À peine sorti de sa chambre, Sun Qiang le rejoignit.
– « Jeune Maître, j’ai réussi à rassembler des informations sur l’Aura de Divinité ! Tout comme Mo Yuan l’a affirmé, il s’agit d’une ressource soigneusement rationnée, la seule façon de l’acquérir étant d’escalader les Montagnes Célestes. Cependant, ce ne sont pas des endroits accessibles à tout moment. Les voies y menant ne s’ouvrent qu’une fois tous les six mois et seuls ceux qui en sont jugés dignes sont autorisés à les arpenter. »
– « Il faut en être “jugé digne” ? »
– « Exact. Seuls un millier de cultivateurs sont autorisés à y entrer à chaque fois, ce qui signifie qu’il faut trouver un moyen de figurer sur la liste des élus afin d’en avoir l’opportunité ! »
– « Je vois… Combien de temps nous reste-t-il avant la prochaine ouverture pour la Montagne Céleste la plus proche ? »
– « Moins d’une journée. La Montagne Céleste ouvre demain… »
Cette nouvelle abrupte troubla Zhang Xuan. Il n’avait pas imaginé que leur agenda serait si serré. Prenant une profonde inspiration, il demanda : « Comment pouvons-nous figurer sur la liste des candidats ? »
– « Ceux qui ont moins de trente ans et qui ne sont pas des Dieux peuvent postuler, mais les résultats de la sélection sont déjà connus… La seule façon de s’y faire une place consiste maintenant à défier ceux qui y figurent et à les vaincre. Nous pourrons ainsi les remplacer. » Sun Qiang hésita un moment avant de reprendre : « Sauf que l’existence de cette règle a conduit ceux qui sont sur la liste à se cacher. Jamais ils ne voudraient perdre leur chance d’entrer dans la Montagne Céleste. De plus, la plupart sont issus de grandes organisations, il ne sera donc pas facile de les remplacer ! »
Les chanceux avaient de fortes chances de devenir un Dieu après être entrés dans la Montagne Céleste le lendemain. Qui serait assez fou pour miser son avenir sur un duel ? Il y avait une énorme différence entre un Dieu et une demi Divinité. S’ils manquaient cette opportunité, ils perdraient leur droit de continuer à cultiver.
– « N’y a-t-il pas d’autre moyen de procéder ? » Zhang Xuan fronça les sourcils. Compte tenu de ses capacités et de celles de ses étudiants, il était convaincu qu’ils seraient en mesure de se faire une place d’ici le lendemain, sans aucun problème. Cependant, il se sentait mal à l’aise à l’idée de procéder ainsi, de priver d’autres de l’espoir d’un avenir meilleur.
Il savait que le Firmament était un endroit où les puissants pouvaient faire ce qu’ils voulaient, mais ce n’était pas le genre de personne qu’il voulait être. Si possible, il ne voulait pas en arriver là.
Sun Qiang réfléchit un bref instant avant de répondre : « D’après ce que j’ai entendu, il y a un autre moyen. Peut-être parce que le Ciel des Spectres Dérivants estime que ne donner que mille places à la Cité du Crépuscule est trop peu et risque de causer de graves mouvements de protestation, deux cents emplacements supplémentaires ont été accordés au gouverneur et à son Palais de l’Au-Delà. Le Palais a mis ces places au marché, et ceux qui réussissent à les acquérir peuvent également entrer dans la Montagne Céleste. »
La Cité du Crépuscule était régie par des règles, et ceux qui les bafouaient étaient sévèrement punis. Mais lorsqu’une personne était complètement privée d’espoir, elle n’hésitait pas à prendre des risques pour obtenir ce dont elle avait besoin. C’était pour éviter une telle situation que le Ciel local avait pris de telles dispositions.
– « Au marché ? Les places vont au plus offrant ? » Zhang Xuan fronça les sourcils, confus. Si tel était le cas, quelqu’un qui avait assez d’argent pouvait potentiellement toutes les acheter. Ce n’était pas différent d’une forme de corruption au vu et au su de tous !
– « Non, non. Ce n’est pas très cher, mais la clé du succès sera la chance ! »
– « La chance ?! »
Comment diable en était-on arrivé à parler de bonne étoile ? Et quel rapport ?
Hochant la tête avec énergie, Sun Qiang expliqua : « Les places ne sont pas vendues directement aux cultivateurs, mais attribuées via un système similaire au lancer de dés. Le Palais de l’Au-Delà a mis en vente une centaine de tickets pour chaque place, et un cultivateur peut choisir d’acheter le numéro qu’il veut. Une fois que les cent tickets sont vendus, le résultat est annoncé. La personne qui a le bon numéro aura sa place, et les autres ne pourront que retenter leur chance. Pour éviter les abus, certaines règles sont mises en place. Une personne ne peut acheter qu’un seul ticket par jour, et chaque numéro ne peut être acheté que par un seul cultivateur. »
– « Oh… » Zhang Xuan était surpris. Ce n’était pas différent du loto ! Dubitatif, il demanda : « Combien ça coûte ? »
– « Je ne dirais pas que c’est vraiment cher, mais ce n’est pas non plus bon marché. Chaque ticket coûte une Pièce Divine ! »
Une Pièce Divine était cher pour les gens ordinaires, mais ce n’était pas complètement hors de prix. En un sens, chacun avait une petite possibilité d’en sortir gagnant. De même, les riches ne pouvaient abuser du système. Il était vrai qu’ils avaient un avantage en termes d’argent, mais étant donné qu’il n’y avait qu’une probabilité d’un pour cent de réussir, ils devaient dépenser des dizaines voire des centaines de Pièces Divines avant de se voir garantir une place… C’était une sacrée somme, et même les membres des clans les plus aisés ne pouvaient pas se permettre de dilapider leur fortune ainsi !
Même s’il s’agissait essentiellement d’un jeu d’argent, le prodige en convint, c’était une assez bonne idée. Elle permettait de satisfaire la majorité.
– « Où est le Palais ? Je veux y jeter un coup d’œil moi-même, » dit-il en se dirigeant vers l’entrée. Après avoir fait quelques pas, une pensée lui traversa soudain l’esprit et il ordonna : « Faites venir Zhao Ya et les autres. »
Naturellement, ils devaient également être présents puisqu’il s’agissait de leurs chances d’entrer dans la Montagne Céleste.
De plus, comme une personne ne pouvait acheter qu’un seul ticket par jour, il fallait qu’ils fussent tous présents pour maximiser leurs chances.
– « Oui. Par contre, le Palais de l’Au-Delà est assez loin d’ici, il nous faudra sept à huit heures pour y arriver, » remarqua le majordome.
– « Peu importe, nous irons à cheval. » Ils avaient toujours leurs montures du royaume de la demi Divinité pris aux bandits. Montés sur ces bêtes, ils pourraient arriver dans l’heure.
Sans plus tarder, Sun Qiang rassembla rapidement tout le monde dans la cour.
À en juger par leur air ravi, il avait dû les mettre au parfum.
– « Allons-y ! »
Zhang Xuan et ses compagnons montèrent rapidement sur leurs chevaux et partirent.
Comme il l’avait estimé, ils arrivèrent devant le Palais une heure après. Le groupe trouva un endroit où laisser leurs montures avant de passer les portes extérieures.
Ce bâtiment était plutôt imposant, mais il lui manquait la magnificence du Hall Éthéré. Plutôt qu’un palais, il aurait été peut-être plus exact de parler d’un marché.
La zone était inondée de gens.
– « J’ai réussi à obtenir une place ! Qui veut me l’acheter ? Je la propose à 50 Pièces Divines ! Paiement intégral sur place uniquement ! »
– « Je la prends ! »
– « Non, moi ! J’en offre 51 ! »
– « Ha ! Et moi 52 ! »
Un groupe de personnes se rassembla immédiatement autour de la personne qui avait eu de la chance pour lui faire des offres.
– « Une seule Pièce Divine suffit pour acquérir un éclat d’espoir, beaucoup viennent donc pour tenter leur chance. S’ils réussissent, ils pourront même le revendre. Tant que le prix est inférieur à 100 Pièces Divines, il y aura forcément des acheteurs. Après tout, même avec 100 Pièces Divines, il est difficile de rassembler 100 personnes de confiance pour assurer l’obtention d’une place, en supposant que personne d’autre ne prenne un des tickets… »
Une probabilité de un pour cent ne signifiait pas que l’on réussirait simplement en achetant cent numéros. À moins d’avoir tous les tickets pour une des places, il n’y avait aucune garantie de succès.
– « Au fil du temps, les gens ont commencé à en faire leur métier. Beaucoup essaient de prédire le prochain numéro gagnant, espérant faire fortune, » observa Sun Qiang.
– « Prédire ? » Zhang Xuan secoua la tête. C’était similaire à la loterie dans sa vie antérieure. Alors “prédire” ?
Il valait mieux vivre une vie terre-à-terre. Les chances de réussir en travaillant dur étaient beaucoup plus élevées que celles de gagner en grattant !
Bien sûr, beaucoup ne le comprenaient pas, et beaucoup continuaient à croiser les doigts avec frustration, espérant un jour bénéficier du sourire de Dame Chance.
Il avait vu tant de gens tout gâcher ainsi dans sa vie antérieure.