Le marché noir était situé sous un manoir de la banlieue de la Cité de Qianchong. Avant de partir, Zhang Xuan et Zhang Jiuxiao mirent des vêtements plus décontractés, jouant le rôle de jeunes bourgeois sortant s’amuser.
– « Il paraît que le fondateur de ce marché noir est un érudit brimé. L’injustice à laquelle il aurait été confronté face au système bureaucratique aurait endurci son cœur, et il aurait décidé d’abandonner son travail pour les arts martiaux. Il aurait ainsi créé le marché noir pour évacuer sa rage. Là-bas, tout est possible ou accessible tant qu’on a suffisamment d’argent. Bien sûr… Les prix sont également exorbitants. En fait, on peut dire que c’est la plus grande zone commerciale de l’Empire Qianchong! »
Tout en avançant, le membre du Clan Zhang présenta brièvement les lieux à son collègue.
– « Compte tenu de sa taille, pourquoi le Pavillon de l’Empire Qianchong et la famille royale ont-il laissé un tel endroit livré à lui-même ? »
Puisque même un étranger comme Zhang Jiuxiao le connaissait, la royauté et le Pavillon des Maîtres Enseignants étaient également conscients de son existence. N’auraient-ils pas dû le détruire plutôt que de lui permettre de se développer librement, d’autant plus que la vie d’êtres humains y était pariée ?
– « Ils le surveillent au cas où il échapperait à tout contrôle, mais sinon, ils n’interviendront pas. Question de stabilité. »
– « De stabilité ? »
Même s’ils n’étaient pas encore arrivés, vu son récit, il comprenait que le marché noir était une zone de non-droit, privée de toute règle et baignant dans l’insécurité. Comment cela pouvait-il bien pacifier la Cité ?
– « Plus une ville est grande, plus elle a de cultivateurs. Les ressources sont rares, il est donc inévitable que certains s’affrontent pour en obtenir. Et comme il s’agit d’un problème inhérent au système, les autorités sont limitées dans leur champ d’action. »
Dans ce monde où la force régnait en maître, élever son royaume de cultivation était extrêmement important. Cependant, étant donné que la demande en ressources était supérieure à l’offre, il y avait forcément des conflits.
Quelle que fût la puissance du Pavillon des Maîtres Enseignants, il était absolument impossible d’éradiquer cette compétition. Et si des mesures énergiques étaient mises en place, il devrait faire face à de violentes réactions de la part de cultivateurs défavorisés.
– « Un marché noir peut paraître inconvenant, mais il s’agit d’un canal où les pratiquants peuvent acquérir ce dont ils ont besoin. Tant qu’ils ont assez d’argent. Et pour en gagner suffisamment, ils doivent travailler plus dur et se battre. De cette manière, il se voient offrir une alternative à d’autres choix malheureux comme le vol. Certes, il y a pas mal de victimes de l’Anneau de la Mort, mais la sécurité globale de la Cité de Qianchong s’en trouve améliorée, » expliqua Zhang Jiuxiao.
Là où il y avait de la lumière, il y avait forcément les ténèbres.
Même le Pavillon des Maîtres Enseignants abritait des brebis galeuses. Sans un moyen pour les pratiquants d’exprimer leurs désirs les plus sombres ou d’acquérir des ressources, à quelles actions extrêmes certains cultivateurs recourraient-ils en ville?
Ne dit-on pas qu’un lac trop clair n’abrite aucun poisson, et qu’un homme juste à l’excès ne trouve aucun compagnon ?
L’existence d’un marché noir était illicite et des démarches aurait dû être prises, mais si cela permettait de réduire le taux de criminalité en ville, autant fermer les yeux.
Dans sa vie antérieure, certaines activités avaient été interdites dans plusieurs pays. Mais bien que les autorités sussent où opéraient ceux qui s’y adonnaient, elles les avaient laissé faire. Ce n’était pas qu’elles étaient incapables d’agir, mais la société en bénéficiait d’une certaine manière. Des besoins interdits assouvis, la criminalité s’en était trouvée réduite.
Une éradication complète, aurait potentiellement posé un défi pour la sécurité nationale.
Il en était de même pour le marché noir de l’Empire Qianchong.
Bien qu’illégal sur le papier, son existence pouvait empêcher l’apparition de certains problèmes en ville. Ainsi, la famille royale avait finalement choisi de fermer les yeux.
Quant au Pavillon, tant qu’aucune injustice grave n’était commise ou que l’humanité en général n’était pas mise en danger, il n’interférerait pas. Après tout, il avait d’autres chats à fouetter.
En y réfléchissant, Zhang Xuan se dit qu’il était probable que la Cité de Hongyuan, la Cité de Qingyuan et les autres capitales eussent également abrité un endroit similaire. Ayant été trop préoccupé par d’autres questions et n’étant jamais resté trop longtemps dans chaque ville, il n’en avait rien su.
Alors qu’il était perdu au milieu de sa réflexion, Zhang Jiuxiao dit : « Voilà, nous sommes arrivés! »
Levant la tête, il vit un immense manoir.
Avant de pouvoir y entrer, deux hommes d’âge moyen se mirent sur leur chemin et lancèrent : « Le passe! »
Tous deux au royaume de l’Esprit Primordial, ils dégageaient une puissante aura meurtrière. D’un simple coup d’œil, il était évident qu’il s’agissait de vétérans ayant tué de nombreux ennemis.
Le Saint Céleste secoua son poignet et leur montra un gage de son identité.
Un des gardes le prit, l’examina de près, puis leur passa deux bandeaux noirs, leur faisant signe de se couvrir les yeux.
Suivant l’exemple de Zhang Jiuxiao, Zhang Xuan obtempéra. Non seulement il ne voyait plus rien, mais même sa perception spirituelle en était entravée, l’empêchant de discerner clairement son environnement.
Guidés par les deux hommes, ils marchèrent une dizaine de minutes avant de pouvoir finalement être libérés.
Une immense zone commerçante apparut devant eux. Une foule énorme y grouillait et s’étendait au loin. Même s’ils étaient sous terre, la lueur brillante des perles d’illumination leur donnait l’impression d’être au milieu de la journée.
– « Alors ça… » Clignant des yeux, stupéfait, Zhang Xuan analysa son environnement.
Il était allé dans de nombreuses salles de vente, des marchés et des centres commerciaux, et même si celui-ci n’était pas très grand, les objets exposés étaient vraiment étonnants.
En passant devant les différents vendeurs, ses yeux s’écarquillèrent. « Est-ce que c’est du minerai Noir de Cristal Doré ? On en trouve ici ? »
Il s’agissait d’un trésor que Wu Yangzi avait laissé derrière lui. Extrêmement rare, il était introuvable dans la Cité de Qingyuan. Pourtant, il était exposé négligemment sur un étal dans ce marché noir!
Bien que le voyant personnellement, il avait du mal à l’accepter.
Remarquant son expression, Zhang Jiuxiao gloussa. « Même si le minerai Noir de Cristal Doré est rare, il n’est pas totalement impossible à obtenir. Ce n’est pas si surprenant qu’il soit en vente ici. »
Il avait eut la même réaction la première fois, osant à peine croire que ces trésors pussent être vendus avec tant de désinvolture. Mais après en avoir vu davantage, il s’y était peu à peu habitué.
– « Manuels de techniques de cultivation, Saints artefacts de niveau intermédiaire, services d’espionnage… Effectivement, on trouve vraiment de tout ici! » s’exclama Zhang Xuan avec admiration alors qu’ils déambulaient dans la rue.
Comme si tout pouvait y être vendu, que l’article fût licite ou non.
En voyant un magasin proposant des manuels de techniques de cultivation, le prodige s’arrêta. « Y a-t-il des techniques pour l’Entrouverture et la Pleine Ouverture du Corps ? »
– « Bien sûr. Selon le niveau du manuel, le prix est différent, » répondit paresseusement le commerçant.
Le marché noir avait également son propre système de sécurité. Ainsi, les vendeurs ne craignaient pas les vols.
– « Oh ? Combien coûtent-ils ? »
L’homme fit un geste vers le tableau à côté de lui. « Tout est marqué là. »
Les techniques de cultivation et de combat de niveau Saint intermédiaire réclamaient au minimum dix pierres spirituelles concentrées. Naturellement, celles d’un niveau inférieur étaient légèrement moins chères.
Un seul livre était dans ses moyens, mais s’il devait acheter les milliers nécessaires à la compilation d’un Art Divin de la Voie Céleste, la dépense allait être gargantuesque.
– « Combien de ces manuels avez-vous ? » demanda le prodige.
– « Au total, 327 pour l’entrée plus 52 pour le royaume de l’Ouverture du Corps. Ils sont tous sur ces étagères là-bas. Ils ont été scellés, alors ne vous embêtez pas à utiliser votre perception spirituelle pour les scanner. S’il y a un livre qui vous intéresse, payez et je vous en ferai une copie. Ne vous inquiétez pas, ces techniques de cultivation sont toutes complètes et bien détaillées. Nous avons même l’Art du Dragon Accroupi que pratique la famille royale de Qianchong, ainsi que l’Art de l’Épée de la Coupe Supersonique utilisé par le Maître de Pavillon Yue. Et les prix sont vraiment corrects, » déclara-t-il d’un geste fier.
En entendant ces mots, Zhang Xuan se tourna vers les étagères. Ces nombreux livres, avaient été scellés par une formation spéciale rendant impossible de voir leur contenu grâce à la perception spirituelle.
Mais… Depuis quand en avait-il eu besoin pour lire un livre ?
Les balayant du regard, il clama intérieurement : Des défauts!
Huala!
Les étagères se matérialisèrent immédiatement dans la Bibliothèque de la Voie Céleste.
Ces livres étaient effectivement de grande qualité. Dommage, ils n’étaient pas assez nombreux. Il était encore incapable de former un Art Divin complet.
Il y a vraiment l’Art du Dragon Accroupi de la famille royale et la technique du Maître de Pavillon Yue… Ce marché noir n’est-il pas excessivement puissant ?
Lors de son voyage depuis le royaume de Tianxuan, il avait bien vu que les techniques des familles royales étaient classées secret défense. Un étranger n’était jamais autorisé à s’approcher des manuels, et encore moins à mettre la main dessus. Pourtant, ils étaient là, au marché noir, exposés publiquement à la vente… Effrayant, en un sens.
Le voyant observer les livres, l’homme demanda tranquillement : « Lequel souhaitez-vous acheter ? »
– « Pas la peine… »
Puisqu’il avait déjà copié ces livres, inutile de gaspiller de précieuses pierres, sans parler du fait qu’il n’en avait pas, de toute façon.
Comprenant qu’il n’achèterait rien, le commerçant détourna froidement la tête, refusant de perdre son temps.
Beaucoup de gens lui demandaient les prix de ses manuels juste pour frimer alors qu’ils n’avaient pas d’argent. Il s’y était habitué.
Ils continuèrent à avancer. Toutes sortes de trésors précieux étaient posés sur les étals, même des pilules de 7ème grade dernier palier.
Zhang Jiuxiao montra une zone devant eux. « Maître Enseignant Zhang, le magasin devant nous est l’endroit où l’on peut échanger des objets contre des pierres concentrées. Si vous avez des pierres spirituelles de haut niveau en trop ou d’autres artefacts, vous pouvez les échanger. Cependant, les prix sont forcément en votre défaveur. »
Tournant la tête, le Saint Céleste vit un espace avec un long et étroit comptoir, deux préposés, et pratiquement pas de clients.
S’approchant, il jeta un coup d’œil au taux de change inscrit sur le mur. Il grimaça.
Quelle énorme arnaque !
Normalement, le taux de change des pierres de haut niveau contre des pierres concentrées était de 1000 pour 1. Cependant, le magasin triplait la somme à 3000 pour 1.
Il devait échanger trois mille pierres spirituelles de haut niveau pour récupérer une seule pierre concentrée!
La plupart des gens aurait dû faire faillite rien que pour en obtenir une.
De plus, le prix moyen des Saints artefacts de niveau intermédiaire au royaume de l’Esprit Primordial dernier palier était d’environ dix pierres concentrées. Là, ils n’en valaient que trois. Même à l’Ouverture du Corps, les artefacts atteignait à peine six pierres.
Eh bien ! Ding Ding est encore assez précieux. Environ 30 pierres spirituelles de haut niveau concentrées… Il se prit le menton entre ses doigts, calculant rapidement le prix du Chaudron d’Or Originel.
Même si piller la fortune des Dix Grands Rois et de l’Empereur Qingtian et vendre la Fleur de Brume lui permis d’acquérir une somme rondelette, au total, cela ne représentait qu’environ soixante mille pierres spirituelles de haut niveau. Afin d’élever la cultivation de son âme, il en avait dépensé un certain nombre et n’en avait plus qu’environ quarante mille.
En d’autres termes, il ne pouvait obtenir qu’une poignée de pierres concentrées!
Même son chaudron valait bien plus!
Il réfléchit longuement avant de finalement secouer la tête. Non. Il m’a été plutôt fidèle, je ne peux vraiment pas le vendre.
Soupirant vivement, il s’approcha d’un préposé.
– « Je veux obtenir des pierres concentrées. »
– « Qu’avez-vous à offrir en échange ? » demanda l’homme avec impassibilité.
– « Tout ça. Combien puis-je avoir ? »
Hong long!
Bruyamment, un énorme tas de pierres spirituelles de haut niveau, d’armes, d’herbes médicinales, de minerais et autres tombèrent au sol, soulevant un immense nuage de poussière.
– « Tout ça ? »
Le préposé sursauta.