Suite à la question de Yao Mantian, la foule rassemblée là manifesta immédiatement la plus grande curiosité.
Tous avaient entendu les mots du Maître Enseignant Song. Non seulement il voulait attenter à la virilité de Zhang Xuan, mais il voulait aussi tuer son Chaudron d’Or Originel, ainsi que des excuses publiques.
Vu comment les choses avaient tourné, ils se demandèrent ce que l’heureux vainqueur allait lui réclamer.
Song Xuan s’étant montré sans pitié, toute punition que le prodige lui infligerait ne serait pas considérée comme exagérée.
Le Maître Enseignant quasiment 8 étoiles serra les poings, attendant nerveusement le verdict.
La règle établie par le Pavillon voulait que le perdant d’une Confrontation de Maîtres Enseignants devait se plier à toutes les exigences du gagnant.
Zhang Xuan agita la main et dit : « Le Maître Enseignant Song a tenté de tuer Sun Qiang, le Doyen Xu, et d’autres sujets méritants, mais il a été forcé par les événements. Bien qu’en désaccord avec sa décision, je peux comprendre son point de vue. Et puis, je n’ai pas de raison particulière de lui en vouloir personnellement… et en y réfléchissant bien, mon artefact est en effet allé trop loin en le blessant. Je ne souhaite donc lui imposer aucune punition. »
En un sens, l’assaut du Chaudron d’Or Originel était déjà une rétribution suffisante. Renchérir ne l’intéressait pas. Insister ne ferait que le faire paraître obtus et impitoyable.
– « Comme attendu du Maître Enseignant Zhang, magnanime et courtois! »
– « Exactement! Tous deux sont des Maîtres Enseignants, alors pourquoi une telle disparité dans leur personnalité ? »
– « Une telle disparité ? Comme s’ils étaient comparables! »
– « À partir d’aujourd’hui, le Maître Enseignant Zhang est mon idole! Quiconque veut lui parler devra passer par moi! »
– « Hey! Le Maître Enseignant Zhang ne vous appartient pas! C’est mon idole à moi aussi. »
Une vague d’agitation traversa la foule d’admirateurs.
Même la Maître Enseignante Yao ne put s’empêcher de manifester son approbation enthousiaste.
Rien d’étonnant à ce que Zhang Xuan eût atteint une telle position à un si jeune âge. Hormis son talent, le plus important était sa personne intérieure.
– « Même si le Maître Enseignant Zhang fait preuve de miséricorde, le Maître Enseignant Song a échoué dans sa mission en tant qu’émissaire du Quartier Général en condamnant Sun Qiang et ses compagnons sans avoir mené une enquête appropriée, des citoyens méritants, conduisant ainsi à une grave injustice, » déclara la Maître Enseignante Yao. « Aussi, il doit assumer la responsabilité de ses actions. Je vais rapporter cette affaire au siège et demander son arbitrage. »
Le fait que le jeune homme eût épargné son adversaire ne concernait que la Confrontation. Song Xuan avait fait de graves erreurs dans sa gestion de cette affaire, il devait donc être puni pour cela.
Les principes du Pavillon des Maîtres Enseignants ne devaient pas être bafoués.
– « Merci, Maître Enseignant Zhang. » L’envoyé poussa un soupir de soulagement, le regardant malgré lui avec un mélange complexe d’émotions dans les yeux.
Lorsqu’il l’avait presque castré, il avait été si en colère qu’il aurait pu le tuer de ses propres mains. Mais là… En voyant à quel point chaque action du jeune homme était prise en pensant à ses responsabilités en tant que Maître Enseignant, et ce peu importaient les circonstances, il ne put s’empêcher de ressentir un profond respect pour lui.
Peut-être était-ce ainsi qu’un vrai Maître Enseignant se devait d’agir.
– « Tout le plaisir est pour moi. » Voyant que cette histoire était enfin résolue, le prodige poussa un soupir de soulagement.
Levant de nouveau les yeux vers le ciel, il leva son doigt vers les nombreux mots flottants et porta un léger coup vers le haut.
Hong long!
Le premier mot éclata abruptement, et une énergie spirituelle concentrée se répandit en tous sens, enveloppant toute la Cité de Qingyuan.
En un clin d’œil, chaque forme de vie s’y trouvant entendit ce mot résonner au plus profond de son être. Ce simple terme était chargé d’une telle signification, d’un tel poids, que tous tombèrent en transe.
Pah pah pah pah!
Les inscriptions s’évaporèrent l’une après l’autre, et de plus en plus de bruits d’éclatement retentirent.
– « Dans la Voie de la Cultivation, le corps est comme le monde, et l’esprit comme le Yin-Yang… »
Même les Maîtres Enseignants Yao et Song ne purent s’empêcher de plonger dans un état second.
Dès qu’ils avaient vu ces mots, ils avaient su à quel point ils sortaient de l’ordinaire. Cependant, ce ne fut que lorsqu’ils entendirent cet enseignement de leurs propres oreilles qu’ils en réalisèrent la profondeur.
En comparaison, les techniques de cultivation qu’ils pratiquaient étaient vraiment inefficaces, lentes comme un escargot. Elles ne valaient vraiment pas la peine d’être mentionnées!
Réprimant son envie de suivre ces instructions, les yeux de Yao Mantian s’écarquillèrent. « Il est en train de convertir la Transmission Céleste Calligraphiée pour en faire une Transmission de la Volonté Céleste classique! »
En regardant la place sous ses pieds, elle vit tous les pratiquants assis par terre, jambes croisées, maniant leur zhenqi selon la méthode décrite.
Pilipala!
Rapidement, comme si on avait allumé une chaîne infinie de pétards, les échos des percées retentirent sans trêve.
C’est…
Elle comprenait qu’une technique de cultivation aussi incroyable que celle enseignée par Zhang Xuan pût rapidement faire progresser les pratiquants… Mais au-delà de la foule, elle aperçut un groupe d’oiseaux devenir plus forts et commencer à percer à leur tour.
Suis-je en train de rêver ?
Confuse, elle étendit sa Perception Spirituelle pour couvrir la zone. Elle remarqua alors que d’innombrables ânes, chevaux, oies, poulets, poussins, et autres bestioles de tout poil suivaient tous la voie de la cultivation, leurs auras s’élevant en réponse à la sagesse du prodige.
Ce ne sont pas seulement l es oiseaux sauvages. M ême les animaux domestiques font des percées!
Choquée au-delà des mots, elle était sur le point de retirer sa Perception Spirituelle quand elle assista à une autre scène. Elle faillit tomber à genoux.
Que… ? Ces barres de métal n’étaient -elles pas pliées plus tôt ? Pourquoi se sont -elles soudainement redressées ?
Juste un peu en face de la plateforme d’exécution, des tubes courbés étaient devenus parfaitement droits, comme de vaillants soldats au garde à vous, et dégageaient un étrange halo d’héroïsme.
Pour être capable de pousser un tuyau métallique à changer de forme de lui-même…
Elle déglutit, jetant un regard neuf sur Zhang Xuan.
Il dépassait de loin les effets attendus d’une Transmission de la Volonté Céleste!
C’est le Cœur de l’Enseignant, comprit Yao Mantian, ses yeux s’illuminant sous l’excitation.
Seuls ceux qui étaient parvenus à ce niveau possédaient de telles capacités!
Comment aurait-elle pu imaginer que ce jeune homme l’avait maîtrisé à son âge ?
Rien d’étonnant à ce qu’il eût donné ces précieux mots à la population tout en gardant à l’esprit les intérêts du Pavillon des Maîtres Enseignants et de l’humanité.
Une pensée lui vint.
Si je pouvais faire de ce génie si formidable mon élève…
Elle ne pouvait nier son talent exceptionnel. Mais son potentiel était limité par son environnement. L’Empire Qingyuan, classé dernier des Empires Gouverneurs, était tout simplement bien trop arriéré. Jamais il ne lui permettrait de déployer ses ailes.
Mais si elle le prenait sous sa tutelle, l’amenait au Pavillon de l’Alliance et lui accordait les meilleures ressources, il pourrait éviter de nombreux obstacles et s’améliorer bien plus rapidement.
Et quand il brillerait enfin de mille feux, en tant que professeur, sa réputation personnelle suivrait.
Je dois absolument lui en parler plus tard.
En admirant les termes qui disparaissaient petit à petit dans le ciel et aux nombreux pratiquants qui perçaient alentour, elle retint son envie et attendit patiemment que la Transmission de la Volonté Céleste prît fin.
…
Au même moment, dans une forge de la banlieue de la Cité de Qingyuan…
Dans une petite pièce, un vieil ouvrier travaillait un lingot de métal à l’aide de son marteau.
Un homme tout aussi âgé apparut à une fenêtre et lui sourit. « Vieux Zhou, il me manque encore 18 pots de métal. N’oubliez pas de me les livrer aujourd’hui! »
L’ouvrier n’était ni un Forgeron ni un Ingénieur Céleste. Il n’était qu’un simple forgeron fabriquant des objets utiles aux nécessités quotidiennes.
– « Pas la peine de me presser, vous n’avez pas confiance en moi ? » répondit-il en souriant.
Comme par magie, le lingot prit rapidement la forme d’un pot en quelques coups habiles de son marteau.
– « Voilà plusieurs décennies que nous nous connaissons. Bien sûr que j’ai confiance en vous! »
Après tant d’années, ils étaient devenus des amis proches.
Les récipients, cuillères et autres ustensiles forgés par ce vieil artisan étaient exceptionnellement élégants. Chaque fois que ses produits étaient exposés, ils étaient rapidement vendus. Même les nobles du pays lui passaient commande, lui offrant une prime généreuse. Telle était la raison pour laquelle il était un de ses fidèles clients.
Désignant d’un geste une chaise sur le côté, le forgeron dit : « Venez à l’intérieur, j’ai presque terminé. Prenons un thé ensemble plus… »
Quelque chose d’étrange se produisit à ce moment-là, et son marteau se figea dans les airs.
Ding ding dang dang!
Malgré l’absence de vent, tous les pots et bols qu’il avait exposés sur les murs commencèrent soudainement à trembler. D’un bond artistique, ils atterrirent puis se mirent en ligne pour sortir de la forge.
– « Que… » Incapable d’y croire, il se frotta les yeux.
Ce n’étaient que des objets ordinaires, dépourvus d’esprit. Pourquoi prenaient-ils la poudre d’escampette ?
En regardant un groupe de cuillères quitter la pièce, le vieux client était tout aussi troublé. Il héla aussitôt l’artisan : « Que se passe-t-il ? »
– « Je n’en ai aucune idée… » reconnut-il en fixant cette scène fantastique dans un état second.
Lentement, son air ahuri vira à une expression d’horreur.
Ces marchandises étaient le fruit de son travail acharné! Si elles se faisaient la malle, à quoi bon avoir fait tous ces efforts ?
Ainsi, il se précipita rapidement vers l’embrasure de la porte pour bloquer la marche des divers ustensiles de métal. Il sentit alors une certaine douleur dans la paume de sa main. Il lâcha son marteau, qui en profita pour sauter au sol et sortir de la forge.
– « Reste là! »
Il l’utilisait depuis plusieurs décennies, et il dépendait de cet outil pour vivre. Le vieil artisan se lança immédiatement à sa poursuite, mais alors la porte d’entrée métallique de sa forge s’écrasa brusquement sur lui, l’éjectant plus loin dans la rue.
Avant même qu’il ne pût comprendre ce qu’il se passait, toute la maison se mit à trembler intensément et s’élança furieusement après le marteau.
– « Même ma maison se barre ? » Il s’en arrachait les cheveux.
Il trouvait déjà affreux que ses moyens de subsistance quittassent les lieux de leur propre chef, mais que son logement s’échappât… Où allait-il vivre ? Où allait-il travailler ?
Paniqué, il se tourna vers son ami et le supplia : « Vieux Liang, n’avez-vous pas une bête Spirituelle volante ? Dites-moi où ils vont! Je ne peux pas perdre mes marchandises et ma maison! »
– « Ça marche! » Il hocha la tête.
Après un sifflement, une bête Spirituelle se posa à leurs côtés. Il marcha sur le dos de sa bête domptée et s’envola.
Peu de temps après, il revint, le visage pâle, comme s’il venait de voir un événement surnaturel.
– « Qu’est-ce qui ne va pas, Vieux Liang ? Est-ce que c’est le travail d’un genre de roi des voleurs ? » demanda anxieusement le vieux forgeron.
Il avait entendu des rumeurs selon lesquelles de formidables cambrioleurs pouvaient s’emparer de toutes sortes d’objets, même à distance.
Se pouvait-il qu’un de ces criminels eussent jeté une quelconque sorcellerie sur ses biens, les poussant à s’échapper ?
– « Ce n’est pas un cambrioleur mais… »
Son ami déglutit, mais sa voix resta particulièrement rauque.
– « … Le Maître Enseignant Zhang donne une conférence! »