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Histoire 7: Un été
Histoire 6 : La providence Menu Histoire 8: Clap Clap Clap, Partie 1

~1~

Xiamen était une ville animée.

Par contraste, Gulangyu, une île pittoresque au large de cette ville, était exceptionnellement calme.

« Tu as dit que tu m’accompagnerais, mon chéri. Allons voir la mer », insista Xiaoyue en tirant sur les manches de Lixia.

Lixia haussa les épaules par frustration.

« Ne sommes-nous pas déjà allés là-bas ce matin ? »

Xiaoyue pointa les lèvres, suppliant : « Allons-y encore, s’il te plaît… Juste une fois de plus. »

Lixia secoua la tête, impuissant.

« D’accord, mais il fait trop chaud maintenant. Je vais d’abord chercher deux bouteilles de soda à l’orange au magasin de grand-mère, alors attends ici un moment. »

Xiaoyue hocha la tête et sourit, révélant six dents blanches.

Lixia ne savait pas comment gérer Xiaoyue, elle faisait toujours ça.

Regarder la mer…. Mais nous vivons juste au large de la côte.

Lixia ne comprenait pas pourquoi Xiaoyue aimait tant regarder la mer.

Le magasin de grand-mère était situé en haut d’une pente sur Gulangyu. On pouvait facilement le localiser en marchant le long des murs aux graffitis.

Xiaoyue marchait lentement, le regard fixé sur la route loin devant elle. Elle pouvait vaguement apercevoir la plage.

Xiaoyue regarda distraitement ses pantoufles surdimensionnées se détacher un nombre incalculable de fois.

Les pantoufles n’étaient pas à la pointure 35. Il était clair qu’elles appartenaient à quelqu’un d’autre et que cette personne ne pouvait qu’être Lixia.

Xiaoyue se souvenait encore de la première fois qu’elle avait vu Lixia.

Ils étudiaient tous les deux à l’académie de musique de Xiamen Gulangyu, mais dans des classes différentes. Xiaoyue s’était spécialisée dans l’instrument le plus réputé – le guzheng[1].

Lixia, d’autre part, avait un penchant particulier pour la guitare.

Elle se souvenait que Lixia avait le trac. Pour remédier à cela il s’entrainait et jouait de la guitare sur la plage, là où la foule se rassemblait habituellement.

Avec ses grandes pantoufles laissées sur le sable, il grattait lentement sa guitare, produisant des airs mélodieux qui émouvaient tous les auditeurs.

Xiaoyue s’était approchée de loin, pensant que son siège avait été occupé par ce mec poilu.

Elle avait l’intention de le sermonner.

Elle portait une longue robe fleurie, assortie d’une paire de sandales blanches.

Lixia était captivée par sa beauté.

Le regard lubrique de Lixia fit rougir Xiaoyue et lui fit oublier tout ce qu’elle allait dire.

« S… salut », c’était tout ce qui était sorti de sa bouche. Bouleversé, elle avait accidentellement cassé ses sandales.

Comme un gentleman, Lixia s’était rattrapé en offrant ses propres pantoufles. Ensuite, il s’était assis à côté d’elle et avait continué de jouer de la guitare.

A partir de cet instant, Lixia était entré dans sa vie. Depuis ce moment elle ne portait plus que ses pantoufles.

Lixia avait couru le long de l’allée, dont les murs étaient couverts de graffiti, vers le numéro 63 située en haut de la pente.

En vérité, Lixia détestait la mer.

Le père de Lixia était un pêcheur bien connu à Gulangyu.

On savait que les gens qui vivaient dans cette ruelle tranquille étaient soit des musiciens, soit des pêcheurs.

Le père de Lixia n’était jamais revenu d’un voyage de pêche il y a cinq ans. On disait qu’il avait été pris dans une grosse tempête qui avait renversé son bateau alors qu’il tentait de sauver quelqu’un.

Et après cet accident, Lixia avait attendu amèrement près de la plage pendant trois jours entiers.

Il avait refusé de partir. Sa mère avait dû le traîner chez lui et elle l’avait enfermé dans le grenier.

Lixia avait frappé sans cesse à la porte, voulant sortir pour attendre le retour de son père.

La mère de Lixia l’avait finalement calmé par une simple phrase.

« Li, tu es le seul homme sur qui l’on peut compter à partir de maintenant, grand-mère et moi », avait-elle dit en pleurant.

Dès lors, Lixia avait développé une peur de la mer et n’aimait pas trainer sur la plage.

Ainsi, le jour où il avait rencontré Xiaoyue alors qu’il jouait de la guitare… c’était sans doute un signe du destin.

Xiaoyue était son contraire, elle adorait la plage.

Lixia était arrivé chez sa grand-mère. Elle était assise à l’entrée du magasin, s’occupant de ses clients.

« Grand-mère », cria joyeusement Lixia.

« Oh, Li. Pourquoi es-tu là ? », dit-elle.

Elle lui fit un signe de la main en souriant.

Elle avait posé sa main sur les callosités des doigts de Lixia. Il ne le ressentait pas physiquement, mais ce geste lui avait quand même réchauffé le cœur.

« Pourquoi tes callosités sont-elles plus épaisses que celles de ma main ? », marmonna-t-elle.

« Pas encore, grand-mère. Je ne viendrai plus si tu continues comme ça. »

« D’accord, d’accord. Y a-t-il un problème ? », demanda-t-elle.

« Deux bouteilles de soda à l’orange, s’il te plaît, grand-mère », répondit Lixia.

« Attends-moi un moment. »

Les boissons à la main, il avait fait ses adieux à sa grand-mère avant de partir en courant à la rencontre de Xiaoyue.

Xiaoyue attendait tranquillement Lixia.

Lixia revint, s’accrochant aux boissons. Il n’y avait rien de mieux que de boire le soda de sa grand-mère par une chaude journée d’été comme celle-ci.

Xiaoyue traina Lixia tout en marchant vers la jetée.

Lixia lui avait demandé à plusieurs reprises pourquoi elle venait ici tous les jours et à chaque fois pendant plusieurs heures.

Son attente s’allongeait et ses visites devenaient de plus en plus fréquentes.

Chaque fois, elle regardait au loin, soupirait et demandait :

« Es-tu prêt à attendre avec moi, chéri ? »

En entendant la voix de Xiaoyue, Lixia acquiesçait de la tête. Il ne pouvait s’en empêcher.

Ils s’asseyaient sur la plage pendant que Xiaoyue s’appuyait sur son épaule, regardant la mer distraitement.

Lixia gardait le silence, son esprit était focalisé sur sa guitare à six cordes.

Le soleil brillait sur leur corps tandis que la brise de mer et les sodas en bouteille les accompagnaient dans leur attente, leur faisant oublier la chaleur de l’été.

Une heure s’était ainsi transformée en tout une après-midi.

Quelques jours plus tard.

Lixia ébranla Xiaoyue et dit avec insistance :

« Tu as dû avoir un coup de soleil. Rentrons à la maison. »

En le regardant dans les yeux, elle lui demanda :

« Peux-tu regarder la mer avec moi, chéri ? »

Sa voix était si douce. Lixia s’agrippa à Xiaoyue, tout tremblant.

« Rentrons à la maison. Tu ne peux pas regarder la mer dans cet état. »

Luttant pour se libérer, Xiaoyue répondit :

« Tu avais promis, chéri. Tu m’accompagnerais toujours. »

Lixia serra les dents, et la porta jusque chez elle.

« Non, non », cria Xiaoyue en essayant de s’échapper.

C’était la première fois que Lixia allait contre sa volonté.

À la maison, Lixia la déposa sur le lit.

Xiaoyue demanda faiblement :

« Tu ne m’aimes plus ? »

« Ce n’est pas ça. »

« Alors pourquoi ne veux-tu pas venir avec moi pour regarder la mer ? », demanda Xiaoyue avec colère, le poussant hors de sa chambre.

Xiaoyue vivait seul sur Gulangyu. Ses parents avaient quitté l’île pour gagner leur vie ailleurs quand elle avait onze ans. La rumeur disait qu’ils avaient bien réussi, mais qu’ils étaient trop occupés pour revenir.

Xiaoyu pleura dans sa chambre tandis que Lixia se tenait dehors. Il regarda le guzheng.

Le guzheng avait six cordes, comme sa propre guitare.

Il ne savait pas en jouer, mais il s’était souvenu d’un air qu’elle lui avait déjà enseignée.

Un air mal interprété de ‘Fishermen’s Return at Dusk’ avait rempli la maison.

Xiaoyue avait arrêté de pleurer et était sortie de sa chambre.

Elle regarda Lixia et demanda lentement :

« Veux-tu attendre avec moi, chéri ? »

Ne sachant pas comment répondre, Lixia ne pouvait que détourner son regard.

Il ne comprenait pas pourquoi elle était si obsédée par la mer.

~2~

Ne voulant pas dire grand-chose, Lixia répondit :

« N’en dis pas plus. Ton corps ne peut pas le supporter. »

Comme si elle ne l’avait pas entendu, Xiaoyue répéta : « Le veux-tu ? »

« Suis-moi d’abord à l’hôpital. Tu es malade. On ira à la plage quand tu seras guérie, d’accord ? », Lixia essaya d’être persuasif.

« Non, je n’y vais pas », répondit Xiaoyue, mécontente.

Lixia la ramena dans son lit et insista :

« Ce dont tu as besoin maintenant, c’est de repos et non de soleil. »

Xiaoyue protesta tout en se tortillant, mais Lixia resta ferme. Il la serra dans ses bras jusqu’à ce qu’elle s’endorme, épuisée.

Sentant le lit bouger, Lixia s’était réveillé. Xiaoyue était réveillée.

Fatigué, il avait demandé : « Comment vas-tu ? »

Xiaoyue lui dit d’aller voir ailleurs, elle était en colère. Voyant qu’elle avait retrouvé un peu d’énergie, Lixia avait quitté sa place, mais avait insisté pour faire un saut à l’hôpital.

Xiaoyu brisa son guzheng après son départ.

Académie de musique Xiamen Gulangyu.

« Hé, sais-tu que Xiaoyue est absente de l’école depuis deux jours maintenant », mentionna en passant Naixi, le camarade de classe de Xiaoyue.

« C’est vrai. Maintenant que tu le dis, je ne l’ai pas vue depuis deux jours. Je ne m’en serais pas rendu compte si tu ne me l’avais pas dit. » répondit le chef de classe.

« Je pense que Lixia, le gars d’à côté, est son petit ami. On lui demande ? », ajouta Naixi.

« Ce n’est peut-être pas une bonne idée ? », répondit le président de classe, dubitatif.

« Ne t’en fais pas, va demander. »

Naixi l’avait emmené dans la classe d’à côté.

« Une beauté te cherche, Lixia. Non, deux beautés » , s’exclama en riant Xiqing, un bon ami de Lixia.

Lixia posa sa guitare et sortit de la classe.

« Quelque chose ne va pas ? », a-t-il demandé.

Il savait qu’ils étaient les camarades de classe de Xiaoyue.

Avant que le président de classe ne puisse dire quoi que ce soit, Naixi avait commencé :

« Sais-tu que Xiaoyue est absente de l’école depuis deux jours maintenant ? »

Lixia secoua la tête.

« Non. »

« Tu es son petit ami et tu ne le sais pas ? », lui demanda la présidente de la classe.

« Comme je viens de le dire, je ne le savais pas. »

Sans rien dire de plus, il était retourné dans sa classe.

Ne sachant pas quoi faire, Naixi et la présidente de classe avaient discuté sur ce sujet : Devaient-t’ils se rendre chez elle après l’école.

Lixia avait repris sa guitare pour la gratter.

Ses camarades de classe avaient été choqués. Bien qu’il y eût eu beaucoup d’erreurs, il s’agissait bien d’un air de “Fishermen’s Return at Dusk”.

~ Sonnerie ~

La cloche de la classe sonna et Lixia s’enfuit.

Les murs d’enceinte de l’école n’étaient pas considérés comme hauts, mais ils n’étaient pas bas non plus.

Lixia avait appris d’une personne âgée que le mur le plus facile à escalader était celui de la partie ouest du campus.

Atteignant ce tronçon particulier du mur d’enceinte, Lixia grimpa sur un grand arbre et sauta par-dessus.

Les branches d’arbres et le mur avaient laissé d’innombrables marques sur son corps et ses bras.

Lixia se précipita sauvagement chez Xiaoyue.

Quand il était arrivé, son uniforme était trempé de sueur.

Son portail était fermé à clé.

Lixia était entré par la fenêtre sans réfléchir. Il avait déjà enfreint les règles de l’école, donc il n’y prêtait plus attention.

Il n’y avait personne à la maison.

Il s’était immédiatement précipité sur la jetée de la plage, l’appelant sur le chemin.

Comme il l’avait deviné, elle était assise dans un coin de la plage.

« Tu es là ? », demanda-t-elle doucement.

Lixia regarda son corps frêle et s’inquiéta :

« Pourquoi n’es-tu pas venue à l’école ? »

Xiaoyue n’avait que son pyjama et les pantoufles de Lixia.

Elle avait répété les mêmes paroles que la dernière fois :

« Veux-tu attendre avec moi, chéri ? »

Il l’avait portée une fois de plus, mais cette fois, elle n’avait pas résisté.

Elle n’avait plus d’énergie. Elle était extrêmement faible.

Lixia l’avait ramenée à la maison et avait pris des médicaments pour soulager les coups de chaleur.

« Bois ça pendant que je prépare à manger. Ensuite, nous irons à l’hôpital et nous irons à la plage à notre retour », lui avait dit Lixia.

Xiaoyue sourit.

« D’accord. »

Sa voix douce pouvait briser des cœurs.

En vingt minutes, un bol de riz frit et de la soupe aux œufs était posé sur la table.

Il s’était assuré que Xiaoyue les termine tous.

Alors que Xiaoyue mangeait son riz, elle avait demandé :

« Tu veux que je te raconte une histoire, chéri ? »

« Ne parle pas quand tu manges. Raconte-là moi quand tu auras fini. »

Son sourire s’élargit et six dents blanches furent à nouveau révélées.

Après avoir terminé son repas, Xiaoyue commença son histoire.

« Il y a cinq ans, quand j’avais onze ans, mes parents avaient quitté l’île pour aller travailler. J’avais cru bêtement qu’ils ne voulaient plus de moi. J’attendais près de la plage dans l’espoir qu’ils reviendraient. »

« C’est pour ça que tu vas à la plage tous les jours depuis cinq ans ? », Lixia l’interrompit.

« Non, ce n’est pas ça. Le vent était si fort un jour que j’ai commencé à halluciner. Je voyais mon père sur la plage et j’avais couru vers la mer sans réfléchir. Les vagues m’avaient emportée et je croyais que je mourrais. »

Lixia était stupéfait. Elle n’avait jamais rien dit de tel.

« Alors que j’allais m’évanouir, j’avais entendu la voix d’un homme. Il m’avait dit de tenir bon. Je l’avais vu. Il essayait de me sauver en me disant de ne pas avoir peur. Il avait réussi à me faire monter sur le bateau, mais comme le vent était si fort ce jour-là, le bateau avait chaviré peu après. Cet homme m’avait rassuré et m’avait soutenue pendant qu’il nageait encore et encore. La dernière chose qu’il avait dite, c’était que je devais bien vivre et qu’il reviendrait, mais je m’étais retrouvée à l’hôpital.

« Tu attendais cet homme depuis le début ? », demanda Lixia.

« Oui. Récemment, j’avais rêvé de lui et de ce qu’il avait dit sur son retour. Il m’avait demandé d’attendre », expliqua Xiaoyue.

« Quand est-ce que ça a commencé ? »

« Après t’avoir rencontré. Avant ça, j’allais rarement à la plage. Peut-être une fois par mois, ce qui devait être la raison pour laquelle il était venu me chercher. Attends avec moi pour son retour, veux-tu chéri ? », avait dit Xiaoyue.

« Il ne reviendra pas. Il est mort. »

« Mais il est apparu dans mes rêves. Il a dit qu’il reviendrait », insista Xiaoyue.

« Attends. Dans tes rêves ? Te souviens-tu à quoi il ressemblait ? », interrogea Lixia.

« Pas quand je m’étais réveillée, mais dans mes rêves, je pouvais le voir clairement », répondit Xiaoyue.

Lixia était alors tombé dans une profonde réflexion.

« Il m’a dit qu’il reviendrait. Il est peut-être encore en vie. Veux-tu attendre avec moi, chéri ? », demanda encore Xiaoyue.

« Il y a cinq ans ? » Lixia sourit amèrement.

« Il serait déjà de retour. »

Xiaoyue le regarda d’un air dubitatif.

Lixia expliqua lentement : « Cet homme est mon père, et je suis venu vers toi de sa part. Tu as rêvé de lui parce que tu me vois souvent dans la journée. Mon père et moi nous nous ressemblons beaucoup. »

Xiaoyue le fixa d’un regard vide.

Il n’était pas sûr que ce fût le moment de lui dire « Je t’aime », mais il savait qu’il devait l’emmener à l’hôpital dès que possible.

Elle souffrait de malnutrition sévère et d’un coup de chaleur.

Après avoir reçu des médicaments prescrits par le médecin, Lixia amena Xiaoyue chez sa mère.

Xiaoyue raconta l’histoire à la mère de Lixia et elle s’était mise à pleurer.

La mère de Lixia dit :

« Li, tu es le seul homme sur qui je peux compter maintenant… de même que Xiaoyue. »

Lixia courut au grenier pour récupérer un album photo.

Il y avait les photos de son père décédé.

En les voyant, Xiaoyue hocha la tête.

« Oui, c’est lui. »

Lixia prit une photo de l’album et la tenait à côté de son visage.

Ils se ressemblaient à quatre-vingt pour cent, son père avait néanmoins une barbe clairsemée.

Lixia sourit.

« Je suis de retour. »

Xiaoyue sourit largement, exposant ses six dents blanches.

Ils étaient les deux hommes dont elle se souvenait : l’homme qui l’avait sauvée lors de la tempête… et l’homme qui, un été, l’avait libérée des chaînes qui l’avaient retenue prisonnière pendant cinq années entières.

[1]C’est une cithare : https://fr.wikipedia.org/wiki/Guzheng



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