Cloudhawk utilisait Idonea, cela ne faisait aucun doute. Elle augmentait les chances que sa couverture reste intacte.
Pendant qu’ils parlaient, la Forteresse Céleste s’approchait d’eux. Cependant, l’altitude et la vitesse de la structure changeaient constamment. Une chose était sûre : ni l’Alliance verte ni la puissance du Dieu des nuages ne pourraient la détruire, même si elle apparaissait juste au-dessus de Skycloud. Ils ne pourraient même pas dire qu’elle est là.
D’après Cloudhawk, leur meilleure chance était de détruire la forteresse de l’intérieur. Se faufiler et frapper au cœur de la forteresse. Une fois la Forteresse céleste éliminée, le danger pour l’Alliance verte serait écarté.
Bien sûr, s’il avait cette idée, les Suprêmes devaient l’avoir aussi. À moins qu’il ne se soit trompé, Cloudhawk pensait qu’ils cachaient leur base d’une façon ou d’une autre, probablement en déformant l’espace autour d’elle. Cela empêchait Cloudhawk de se téléporter facilement à l’intérieur. De plus, il y avait certainement un certain nombre de défenses engagées.
Il serait difficile d’y pénétrer. Il devait s’assurer que son identité était hermétique, et cette fille était un bon moyen d’y parvenir. Elle était aussi son billet d’entrée dans la forteresse. Quant à savoir si c’était moralement correct, ce n’était pas le problème de Cloudhawk.
Se rendre à la Forteresse du Ciel n’était que la première étape. Après tout, son objectif était de faire tomber les quatre Suprêmes. Le moment venu, il prévoyait de libérer Bruno. Au moins, Idonea obtiendrait son souhait et il aurait tenu sa promesse.
Les deux discutèrent un moment et parvinrent à un accord. Le simple fait que leur échange n’en soit pas encore venu aux mains était un choc pour les deux familles.
L’intendant de la famille Nilam se caressa la barbe et, avec un sourire, murmura à la personne qui se trouvait à ses côtés : « Notre jeune maître a peut-être une personnalité difficile, mais il sait vraiment s’y prendre avec les femmes. Il semble que celle-ci lui plaise. Et à en juger par son apparence, elle est spéciale, même pour la capitale. »
Ses paroles furent suivies d’une déclaration d’Idonea. « J’accepterai l’arrangement de mariage pour nos familles, à une condition : après, je m’engagerai dans l’armée ! »
Les sourcils se levèrent, les bouches s’entrouvrirent. Lance lui emboîta le pas, annonçant lui aussi son intention de se battre. D’où cela venait-il ? En fin de compte, cela n’avait pas d’importance. Bien qu’étranges, les représentants des deux maisons étaient simplement heureux que le mariage ait lieu. Il n’était pas rare que les jeunes, les forts et les idéalistes du royaume veuillent servir.
Laissons-les se battre. Ce qui importait, c’était que le mariage se termine en douceur. Une brève discussion eut lieu, et la cérémonie fut planifiée pour trois jours plus tard. Il n’y avait aucune raison de faire traîner les choses, et un accord rapide était bénéfique pour les parties concernées. La nouvelle se répandit rapidement, et l’on en parla autour d’un repas ou d’un thé.
« Le plan est donc établi. Nous faisons semblant de nous marier. C’est juste pour le spectacle, alors ne pense même pas à lever le petit doigt sur moi ! » Elle ne faisait toujours pas confiance à Lance, aussi Idonea ne manqua-t-elle pas de réitérer son avertissement. « Tiens ta parole ! »
« Du calme, Mademoiselle Argyris. Je ne suis peut-être pas grand-chose, mais j’ai ma fierté. De toute façon, tu ne m’intéresses pas le moins du monde. Alors fais en sorte de ne pas commencer à tomber amoureuse de moi. »
« Tu… »
Ses yeux s’écarquillèrent de colère. Elle ne voulait pas épouser cet homme et elle le pensait vraiment, mais entendre son refus catégorique était comme une gifle. Cela n’avait rien à voir avec lui. C’était plutôt à cause de sa fierté et de sa confiance en elle.
Elle s’apprêtait à cracher quelques mots de circonstance quand soudain, un bruit se fit entendre à l’extérieur. Quelqu’un l’appelait par son nom.
« Idonea ! Idonea ! Tu ne peux pas te marier ! Arrête… pourquoi veux-tu m’arrêter ? ! Tu ne sais pas qui je suis ? Relâche-moi tout de suite ! »
« Oh non ! » Le visage d’Idonea s’effondra. « Que fait-il ici ? »
« Qui crie comme ça ? C’est ton petit ami ? »
« C’est absurde ! C’est mon ami, Jupiter Merlo. »
Les yeux de Cloudhawk scintillèrent. Il la fixait comme s’il pouvait voir à travers elle. « Juste un ami ? »
Idonea se renfrogna. Avec un soupir, elle continua, Jupiter Merlo. Sa famille est célèbre à Fulmulta. Nous avons grandi ensemble. Il est comme un grand frère. Je ne le considère pas comme autre chose. »
« Pourquoi ? » Cloudhawk était sincèrement intéressé. « Vous êtes tous deux issus de familles nobles, vous avez à peu près le même âge, et il est là à crier ton nom. On dirait bien qu’il te voit de cette façon. »
Elle renifla dédaigneusement. « Il est trop impulsif. J’aime les hommes calmes et attentionnés, pas immatures. »
Il avait l’impression qu’elle aimait les hommes plus âgés.
« Il y a du bruit dehors. Voyons ce qui se passe. »
« Je te conseille de rester ici. Jupiter a un mauvais caractère et une certaine habileté. Je crains qu’il ne te fasse du mal. »
« C’est bon. Je n’ai pas peur. »
Sur ce, Cloudhawk sortit dans le hall. Idonea le suivait de près.
L’entrée du manoir était encombrée par un petit groupe. À leur tête se trouvait un jeune homme vêtu de blanc, âgé de dix-huit ou dix-neuf ans. Immature, c’est bien ainsi qu’on pourrait le décrire, surtout avec cet air de rage pétulante qui déformait ses traits et rougissait ses joues.
Il s’agit de Jupiter Merlo, l’un des jeunes les plus prometteurs de la ville. Idonea le décrivait comme un ami d’enfance, mais il était clair que le noble portait un flambeau pour elle. Malheureusement pour lui, les Merlos et Argyris n’étaient pas des alliés. Au fil des ans, l’animosité entre les deux maisons n’avait fait que s’accentuer. Pour des raisons stratégiques, la famille d’Idonea n’accepterait jamais un mariage entre eux.
« Chiens sans valeur ! Tu es prêt à sacrifier toute une vie de bonheur pour Idonea pour un mariage de pacotille ! Moi, Jupiter Merlo, je ne le supporterai pas ! » Jupiter brandit une lance qu’il tenait fermement dans sa main. « Sur mon honneur, si tu essaies de m’arrêter, je t’abattrai ! »
« Jupiter ! Arrête de faire tant d’histoires ! » Plusieurs membres de la famille Argyris se rassemblèrent autour de lui pour tenter de le dissuader. Jupiter n’en avait cure. Il était là pour sauver son ami d’enfance et sa petite sœur. Il était prêt à se battre si c’était ce qu’ils voulaient, mais avant qu’il ne puisse s’élancer, deux silhouettes apparurent.
« Ne t’inquiète pas Idonea. Je suis là pour te sauver ! » Il fixa ses yeux injectés de sang sur la jeune femme.
Cloudhawk le regarda de haut en bas et secoua la tête. Quel imbécile ! Ne voyait-il pas qu’Idonea ne s’intéressait pas du tout à lui ? Tout ce drame inutile, à quoi bon s’agiter ainsi ?
Si Idonea l’aimait vraiment, pourquoi ne lui avait-elle pas demandé de l’aider dans son projet d’assassinat ? Après tout, il était censé être bien plus fort que lui, du moins selon elle.
L’objet de la vaillante mission de Jupiter se renfrogna et le réprimanda. « Jupiter, je sais que tu tiens à moi, mais tu dois partir. J’ai déjà accepté le mariage. »
« Non ! Non ! Comment peux-tu accepter cela ? Ces vieux serpents te forcent-ils ? » Les traits doux du jeune homme le fixèrent avec incrédulité. « Je ne veux pas le croire, pas même un instant ! Je ne peux pas rester là à te regarder sauter dans les flammes ! J’ai examiné le personnage de Lance Nilam et il est clair qu’il n’est pas bon. Si tu l’épouses, tu ne seras jamais heureuse ! »
Un sourire se dessina sur le visage de Cloudhawk. C’était comme regarder une mauvaise pièce de théâtre.
Il avait déjà vu des drames de ce genre à Skycloud, entre les combats et les tueries. Ils ne cessaient de l’amuser. Ces deux enfants étaient plus jeunes que Cloudhawk. Ce n’est pas qu’il était beaucoup plus vieux, mais les expériences qu’il avait vécues étaient suffisantes pour plusieurs vies. Pour lui, ces deux-là étaient des enfants en bas âge.
En un coup d’œil, Cloudhawk pouvait voir que Jupiter n’était pas une mauviette. Il avait du potentiel, mais il était beaucoup trop délicat. Pas étonnant qu’Idonea ne s’intéresse pas à lui.
« Ça suffit. Tu seras toujours mon grand frère, mais c’est à moi de prendre cette décision. » Elle ne mâchait pas ses mots. « Rentre chez toi. »
Jupiter eut l’impression de recevoir un coup de poing dans la poitrine. Il savait qu’il ne pourrait pas l’emmener seul, mais il était quand même venu. Honnêtement, il n’avait pas pensé aussi loin. Il ne pouvait pas la sauver, alors… et maintenant ? Voulait-elle vraiment épouser ce type ?
« Il a dû te dire quelque chose. Un mensonge pour te pousser à faire ça ! » Jupiter resserra sa prise sur sa lance et serra les dents. Il la pointa vers l’homme qui se tenait aux côtés d’Idonea. « Je te défie en duel ! » hurla-t-il.