Livre 5, Chapitre 40 – Configuration

Le Ravin de Rotwolf abritait d’innombrables nids de rotwolf. Voilà comment il avait gagné son nom. Les colons assez courageux pour s’y installer avaient établi un endroit appelé l’avant-poste des hurleurs.

Ce n’était pas le meilleur endroit pour une colonie. Souvent, ils étaient harcelés par les rotwolves. Cependant, la rivière souterraine était suffisamment stimulante pour que la colonie se développe et abrite plus de dix mille personnes malgré les dangers.

Aujourd’hui, elle était confrontée à une calamité à laquelle elle n’était pas préparée. Un groupe de balayeurs était arrivé d’un endroit inconnu et tentait de prendre la colonie.

Sans un mot, les envahisseurs avaient attaqué, massacrant sans discernement. Déjà, une centaine de cadavres jonchaient les chemins de terre, dont le chef de l’avant-poste. Les jeunes et les courageux avaient été traînés au loin. Du jour au lendemain, l’avant-poste Howling était devenu un nid de balayeurs violents qui passaient leurs journées à ravager les femmes restantes. C’était une image triste, mais dans ces terres sauvages, elle était familière.

Aurore approchait depuis les airs à bord d’un des avions de Greenland. Elle pouvait voir les cadavres laissés à l’abandon, dont beaucoup étaient devenus des repas pour les loups.

« Bâtards ! » La fureur bouillonnait en elle. L’avant-poste de Howling était sous la protection de Greenland. Est-ce que les idiots qui avaient fait ça les avaient testés ? Pensaient-ils que Greenland ne réagirait pas ? Maintenant que le mal était fait, ils ne pouvaient pas rester les bras croisés. Aujourd’hui, c’était l’avant-poste Howling, demain, qui serait le prochain ? Si Greenland ne tenait pas ses promesses, ce ne serait qu’une question de temps avant que les autres ne commencent à douter de leur fiabilité.

Aurore fit un geste vers le pilote. « Plus vite. Dépêche-toi ! »

Ils se rapprochèrent. Bien qu’il y ait encore de la distance, Aurore pouvait clairement voir les flammes dévorer les simples maisons. Des panaches de fumée s’élevaient et transformaient le ciel en un gris cendré inquiétant. Les balayeurs erraient dans l’avant-poste, massacrant à leur guise. Elle pouvait entendre les cris de douleur et de tristesse portés par le vent.

Sa colère bouillonnait, presque hors de son contrôle. Mais malgré cela, elle était assez lucide pour reconnaître que quelque chose n’allait pas.

Ces voyous sans valeur auraient pu attaquer n’importe où. Pourquoi l’avant-poste Howling ? Était-il possible qu’ils ne sachent pas qu’il était sous la protection de Greenland ? C’était peu probable. Le Greenland faisait des vagues depuis des mois. Ils devaient sûrement savoir ce qui se passait. Ça n’avait aucun sens.

Mais ça n’avait pas d’importance. Aurore sortit Terrangelica de son fourreau pour se préparer.

De plusieurs centaines de mètres dans les airs, elle sauta de son avion vers l’avant-poste en contrebas. Les visages choqués de ses collègues soldats de Polaris l’observaient depuis l’avion, sans pouvoir l’arrêter.

Aurore tomba du ciel, ses cheveux blond platine fouettant derrière elle. Elle tenait fermement Terrangelica dans sa main, sa lueur terne se reflétant dans ses yeux meurtriers. Elle ne permettrait à personne de perturber la tranquillité pour laquelle ils avaient tant lutté. Quiconque oserait défier ce qu’ils avaient construit paierait ses péchés dans le sang.

Alors qu’elle s’approchait, les balayeurs en dessous sentirent son aura mortelle descendre vers eux. Ils levèrent la tête et la fixèrent, choqués.

« Si… belle ! »

Son corps souple, ses longues jambes et sa poitrine voluptueuse avaient été les premières choses qu’ils avaient remarquées. C’était comme regarder un ange descendre du ciel. Il n’y avait sûrement aucune femme comme elle dans les terres désolées. Elle devait venir d’un lieu mystique.

Aurore frappa le sol. Son épée creusa la terre avant que ses pieds ne la touchent, faisant exploser le terrain. L’énergie se répandit avec Terrangelica comme épicentre, suivie par des explosions d’énergie qui s’élancèrent comme des serpents. Chaque explosion frappait les balayeurs qui tentaient de se rapprocher d’elle.

B-O-O-O-M  !

Une pointe de terre déchiquetée empala un certain nombre d’attaquants malchanceux.

Des centaines d’autres pointes de pierre jaillirent autour d’elle en un instant. Ses ennemis furent tués ou mutilés avant d’avoir eu le temps de réagir. Dans l’instant de son arrivée, près d’une centaine de balayeurs avaient été éliminés.

Ceux qui restaient la regardaient, choqués et horrifiés. Quel humain possédait ce genre de pouvoir ? Cette belle créature du ciel était-elle humaine ou une sorte de déesse ? Sinon, comment pouvait-elle invoquer un tel pouvoir ?

Les habitants du désert se secouèrent pour sortir de leur stupeur. « Feu ! Tuez cette salope. Tuez-la ! »

Les fusils furent levés et commencèrent à arroser la zone. Mais lorsque les balles arrivèrent à proximité, chacune d’entre elles fut déviée par un mur de force invisible.

Des étincelles volaient partout, mais les balles ne faisaient aucun dégât ! À l’œil nu, on aurait dit qu’Aurore était enfermée dans une coquille de verre. Les balles frappaient le verre et le faisaient craquer, mais les fissures disparaissaient aussitôt qu’elles étaient apparues.

« Mourrez, bande de cafards ! » Aurore fit pivoter son épée, projetant une explosion de puissance devant elle. Près d’une douzaine de pointes aussi épaisses que des pousses de bambou jaillirent du sol sous les pieds de ses assaillants. Ils furent empalés à mort avant même de pouvoir crier.

Depuis la bataille dans les Barrens du Nord, Aurore avait encore gagné en puissance. Des voyous sans valeur comme eux n’avaient aucun espoir de lui causer des problèmes.

Ces habitants du désert étaient féroces mais pas sans peur. L’attaque initiale d’Aurore était suffisante pour les effrayer au plus haut point. Comme les balles n’avaient aucun effet et que même la terre semblait s’être levée pour se battre pour elle, leurs efforts étaient inutiles. Fuir était leur seule option.

Aurore suivit leur retraite avec un petit rire noir. C’était stupide de penser qu’ils pouvaient menacer le Greenland avec une force aussi pathétique !

Elle poussa Terrangelica plus loin dans le sol et, fermant les yeux, étendit sa perception à travers la terre.

Sur un millier de mètres tout autour, Aurore pouvait entendre les pas de ses ennemis se répercuter. Elle continua à inonder son arme d’une puissante volonté. Des pointes s’élevèrent du sol au loin à son commandement, réduisant au silence ces pas frénétiques. La fuite des balayeurs connut une fin soudaine et sanglante.

Bientôt, les chemins de terre se transformèrent en rivières de sang.

Finalement, les soldats de Polaris rattrapèrent leur maîtresse. Se précipitant à ses côtés, ils contemplèrent avec stupéfaction la forêt de pointes de pierre, tachées de sang. Des cadavres y étaient suspendus comme des ornements grotesques. Certains s’accrochaient encore à la vie, se tordant de douleur tandis que le sang s’écoulait sur le sol.

Les soldats se regardaient les uns les autres, les visages pâles. Même eux étaient stupéfaits par l’étendue du pouvoir de leur maîtresse.

Son attaque sournoise dévastatrice avait été éprouvante, mais Aurore bourdonnait d’allégresse. C’était la première fois depuis la mort de son grand-père qu’elle pouvait évacuer pleinement ses frustrations. Elle avait l’impression d’avoir retenu son souffle tout ce temps. Son désir de vengeance était bloqué, ce qui lui causait une frustration sans fin, même si elle savait qu’elle n’était pas prête à se venger.

Aurore ne pouvait pas pleurer pour soulager sa douleur comme une fille normale. Elle ne pouvait pas non plus faire porter aux autres le poids de ses problèmes en en parlant. Au lieu de cela, elle avait travaillé pour transformer son chagrin et sa colère en force. Plutôt que de la laisser la consumer, elle travaillait jour et nuit en utilisant son arme comme un outil de création. Elle construisait des maisons, des entrepôts et des fermes jusqu’à ce que ses pouvoirs mentaux soient épuisés. Quand elle n’avait plus de force psychique, elle utilisait sa force physique jusqu’à ce qu’elle la récupère.

C’était un travail éreintant qui devenait rapidement épuisant. Mais, elle commença bientôt à récolter les fruits de tous ces efforts.

Sa force s’était rapidement améliorée. Cloudhawk louait ses efforts, et les citoyens de Greenland la respectaient pour ce qu’elle avait accompli. Petit à petit, la douleur dans son cœur s’était atténuée. Aurore n’avait aucune idée de ce que la vie lui réservait ou si elle parviendrait un jour à venger son grand-père. Mais au moins pour l’instant, elle aimait ce que la vie lui avait apporté.

Elle serait parfaitement heureuse de vivre à Greenland avec Cloudhawk pour toujours. Ce n’était pas un paradis, certes, mais tant qu’il était là, Greenland était son utopie.

L’un des soldats arriva au trot, l’inquiétude se lisant sur son visage. C’était l’un des aînés de la famille. « Mademoiselle, vous ne devriez pas courir au milieu du combat comme ça. Vous êtes la seule petite-fille de notre patriarche. Si quelque chose t’arrive, nous ne pourrons plus jamais montrer notre visage à la famille. »

« Ces vers sans valeur ne valent pas mon temps. » Aurore sortit son arme du sol, prenant une pose digne et imposante. Elle parla en insistant sur chaque syllabe. « Tellement inutiles qu’il était stupide de penser qu’ils pouvaient menacer Greenland. Sauf erreur de ma part, on leur a ordonné d’être ici… alors puisque vous êtes là, autant sortir !”.

À sa bruyante accusation répondit un rire sombre. «  Heh heh… tout simplement incroyable comme le temps change une personne. Notre jeune demoiselle a grandi ! »

Le son aigu d’une lame coupant l’air parvint à leurs oreilles. Mais le temps que le son les atteigne, il était trop tard. L’attaque était incroyablement rapide.

« Attention ! »

La carapace défensive de Aurore fut bombardée par une douzaine d’attaques en un instant, puis un bruit de verre brisé se fit entendre. Un trait de lumière magenta sinistre frappa Aurore en pleine poitrine, et la force la projeta quarante mètres plus loin. Elle ne se stoppa qu’après avoir traversé trois tentes voisines.

Les soldats de Polaris ne savaient pas comment réagir. Des silhouettes apparurent et se rapprochèrent tout autour d’eux.

Le chef était un homme maigre et insidieux. Avec lui, il y avait un jeune homme, un gros homme, un vieil homme à trois yeux, et plusieurs autres. Ils étaient peu nombreux, mais chacun d’eux était d’une force effrayante. L’attaque sournoise qui prit Aurore au dépourvu fut lancée par leur chef.

Squall jeta un regard furieux aux soldats de Polaris et renifla avec dérision. « On attendait Cloudhawk. Au lieu de ça, on a eu la lie de Polaris. Je ne m’attendais pas à ce que la famille élyséenne se soit réfugiée auprès de lui. Il semble que nos renseignements étaient incomplets. »

La Main de la Géhenne avait appris que le Greenland abritait de puissants Élyséens. C’était en partie ce qui avait permis au nouveau royaume de Cloudhawk de se développer si rapidement. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est que leurs supporters élyséens étaient l’illustre famille Polaris.

Ravenous Tiger gloussa et jubila. « Les jours de gloire de la famille Polaris sont terminés. Regardez jusqu’où ils sont tombés. »

« Leur commandant ne s’est pas montré. » Inkspecter secoua la tête et agita une main. « Ils ne nous sont d’aucune utilité. Tuez-les. »