Livre 4, Chapitre 21 – Contrecarré par les Dragons
Dans un rayon de trois kilomètres, la puissance du collier Thrall était stable. Aussi puissant qu’il soit contre une seule cible, le collier avait encore ses limites. Si le dragon volait au-delà de cette distance, Claudia perdait le contrôle.
Le feu de camp brûlait parmi eux. Cloudhawk et ses alliés méditaient pour récupérer leur force mentale et leur endurance.
« Hé, regarde ce que j’ai ramené ». Barb apparut dans la clairière, traînant deux petits cerfs derrière elle. « Cette forêt est juste pleine à craquer. Les fruits, la viande de gibier et les poissons sont partout. Même les terres élyséennes ne peuvent rivaliser avec cette abondance. Avec tout ce qui se passe, au moins nous n’aurons pas faim. »
Le visage de Butcher était un nuage de tonnerre. Il avait du mal à imaginer comment un dieu qui avait trahi le panthéon pouvait régner sur une terre aussi grandiose que celle dont il était issu. Il ne voyait aucune raison pour laquelle cela devrait être le cas.
Les terres élyséennes avaient été créées par les dieux – tout comme la Vallée boisée. En léguant aux humains le pouvoir et le savoir, leurs grands bienfaiteurs ne demandaient pas qui ils devaient vénérer. Bien qu’Autumn soit une habitante de la Vallée, il n’y avait pas grand-chose qui la distinguait des autres Élyséens. Les deux personnes étaient baignées dans la lueur du rayonnement sacré d’un dieu.
Pour la première fois, il y avait un étrange sentiment de contradiction dans les croyances de Butcher. Il vénérait les dieux parce qu’il détestait les gens – en fait, Butcher détestait sa propre race avec une passion profonde. Les humains étaient remplis de laideur et de trahison, un péché inhérent auquel ils ne pouvaient échapper.
Il vénérait la force, l’autorité et l’altruisme des dieux. Il les adorait pour leur majesté, leur sagesse et leur droiture. Mais, tout cela autour de lui… était-ce la preuve que les dieux n’étaient pas parfaits ? Pas infaillibles ? Il rejeta cette idée dès qu’elle lui vint à l’esprit. Les dieux étaient parfaits, et la seule pensée qu’il puisse en être autrement était honteuse.
Les frères Sutherland étaient presque baveux à la vue de ce spectacle. « Vite, cuisinons-les ! Nous sommes affamés. On ne peut pas se battre le ventre vide, n’est-ce pas ? »
Belinda invoqua du feu et se mit à cuisiner leur repas sans perdre une seule seconde. La lumière du feu dansait sur son visage enthousiaste. Alors que le doux parfum de la viande cuite embaumait l’air, elle s’adressa aux autres. « Les habitants des terres incultes nous appellent toujours leurs bourreaux. Quel honneur de combattre pour la gloire de nos dieux, de les faire trembler de peur devant notre puissance tout en prouvant notre supériorité ! Je suis sûr que nos familles seront fières lorsqu’elles apprendront ce que nous avons accompli. »
Les jeunes et les inexpérimentés étaient toujours aussi prêts à mettre leur sang en ébullition. Ils étaient impatients de se battre.
Des morceaux de venaison étaient découpés dans les cadavres et cuits à la perfection. Même sans épices ni ingrédients, la viande était encore délectable. Le goût emplissait leurs bouches et soulageait leurs estomacs comme jamais la chair mutée des monstres des terres désolées ne l’aurait fait. La petite équipe mangea avidement, car la faim avait commencé à faire gronder leurs estomacs.
Claudia regarda son équipe et secoua la tête. Ils lui rappelaient tellement elle-même lorsqu’elle était plus jeune. Tout ce qu’ils savaient, c’était aller de l’avant, ignorant tout du monde et de ce qui les attendait.
Avec le temps, elle en avait eu assez de se battre pour l’honneur. Si cela ne tenait qu’à elle, elle espérait que ces novices ne seraient pas forcés de se battre si rapidement en première ligne. C’était la raison pour laquelle elle était intervenue quand Cloudhawk avait essayé de voler Rei.
Une fois que vous étiez dans le combat, il était difficile d’en sortir. Si Rei acceptait l’offre de Cloudhawk, elle suivrait les Talons de mission en mission jusqu’à sa mort.
Elles étaient encore si jeunes, si pleines de promesses. Chacun d’entre eux était plus prometteur que Claudia à leur âge. C’est juste qu’ils connaissaient si peu le monde. Comprenaient-ils vraiment ce pour quoi ils étaient prêts à donner leur vie ? Cela en valait-il la peine comme ils le pensaient ?
Quelle honte si leur vie leur était enlevée avant qu’ils puissent trouver la réponse à ces questions.
Alors que Claudia s’adossait à un arbre voisin et méditait sur ces tristes pensées, elle sentit un profond épuisement l’envahir. Elle voulait juste que tout cela soit terminé. Elle voulait retourner à Skycloud et travailler comme instructeur à l’université des chasseurs de démons. C’était le genre de vie qu’elle avait appris à aimer. Et pour le combat ? Après trois ans, Claudia avait eu son compte.
Azura grignota de la viande et des fruits pendant un moment. Puis, elle se blottit aux côtés de Cloudhawk et s’endormit. En regardant sa forme paisible, il ne pouvait s’empêcher d’avoir honte des difficultés qu’elle avait traversées.
Il la prit dans ses bras et l’enveloppa dans sa cape en lambeaux pour chasser le froid de la nuit. Il soupira en la déposant confortablement. « Le Vale est vraiment quelque chose. Combien d’habitants des terres désolées feraient n’importe quoi pour vivre leur vie ici ? Pendant ce temps, l’aîné cherche un moyen de s’en sortir. Je ne comprends vraiment pas ce qui ne va pas dans la tête de ce type. »
« Que savez-vous, jeunes gens ? » Le vieil homme prit une bouteille d’alcool que Cloudhawk lui avait offerte. Il était déjà déterminé à boire jusqu’à l’oubli puisque les jours avaient passé comme des années ici dans la forêt sans aucun alcool. Chaque gorgée était comme une libération. Il poursuivit d’un ton détendu : « Peu importe à quel point un endroit est agréable, on s’en lasse au bout d’un moment. On commence à se concentrer sur ce qui le rend mauvais. Comme avoir une belle femme, on se lasse de la coucher au fur et à mesure que les années passent. »
Autumn ne fut pas satisfait de son explication. « Tu ne pouvais pas trouver un meilleur exemple ? »
« L’excuse que tu donnes n’a pas d’importance. Cet endroit est définitivement mieux que les terres désolées. » Cloudhawk n’était pas d’accord avec les paroles du vieil homme. « Des trésors inépuisables, de la nourriture, de l’eau. Il n’y a aucun endroit qui puisse être comparé. »
Le vieil homme rit. « Et quel ‘trésor inépuisable’ penses-tu qu’ils ont ? »
Cloudhawk roula des yeux. « Ces milliers de fruits ebonycrs, évidemment. »
« Tu n’as toujours pas compris. Il n’y a pas une seule chose dans ce monde qui n’ait pas un prix. Tout ce qui a de la valeur doit d’abord avoir une valeur qui lui est attachée. Bien sûr, ces fruits sont inestimables à Skycloud. Un seul d’entre eux suffit à une personne normale pour vivre confortablement pour le reste de sa vie. Mais ici ? Une décoration sans valeur. Ce trésor qui change le monde dont vous parlez, ils n’en ont pas besoin ici. Tu comprends ? »
Cloudhawk marqua une pause dans ses pensées, éclairé par les paroles du vieil homme. La générosité du fruit d’ebonycrs de la vallée boisée n’avait pas de prix pour les étrangers. Si le Vale était malin avec ça, ils pouvaient acheter des armes puissantes, établir une armée puissante, même construire un pays.
Laissés ici à pousser sur les arbres, ils ne valaient même pas autant que des fruits normaux. Au moins les fruits sauvages pouvaient être mangés pour donner au corps un peu de subsistance – les fruits ebonycrs étaient juste… suspendus là. C’était probablement ce à quoi pensait l’aîné – il pouvait tirer parti de ces choses inutiles pour acheter à sa tribu plus de pouvoir et de profits.
Les gens ! Telle était leur nature. Ils peuvent avoir assez pour être à l’aise et désirer encore en accumuler plus. Ils pouvaient avoir toutes les richesses mais toujours avoir soif de pouvoir. Ils pouvaient avoir tout le pouvoir et toujours aspirer à la liberté, à la santé, à la beauté…
Les gens étaient des créatures d’une avarice sans limite.
L’aîné était manifestement convaincu que la vallée boisée deviendrait proéminente grâce à sa richesse. Il pensait pouvoir transformer leur humble tribu en une puissance mondiale, un royaume avec d’innombrables soldats qui se battaient pour la gloire de leur peuple et apportaient toujours plus de richesses dans leurs coffres.
Le peuple serait libre. Libre de rechercher sa propre dignité et son propre pouvoir. Libre de quitter la cage verdoyante dans laquelle ils étaient enfermés. Si c’était son but, alors l’aîné était-il vraiment aussi mauvais qu’on le disait ? Pas nécessairement !
Peu importe. Maintenant, il était un problème – un problème auquel ils devaient trouver une solution.
Cloudhawk se souvenait que c’était ce même ancien qui avait assassiné les parents d’Autumn – un acte répréhensible, certes. Mais il ne pouvait pas se mentir et dire que le tuer serait un acte noble. Était-il prêt à tuer un homme pour des raisons similaires ? Quelle était la différence ?
Depuis son retour dans le Vale, Autumn s’était plongée dans un étrange silence. Elle avait toujours été du genre à ruminer tranquillement ses pensées. Il savait que tout cela devait peser lourdement sur elle, d’autant plus que l’aînée était autrefois quelqu’un en qui elle avait profondément confiance. Comment aurait-elle pu imaginer qu’un jour, sa vie en arriverait là ? Le cœur humain était trop compliqué à prédire.
La nuit passa. Alors que l’aube approchait, Oddball apporta un message à son maître.
Cloudhawk se leva et annonça ce qu’il avait appris aux autres : « Les membres du Conclave se dirigent vers nous. Préparez-vous, nous allons devoir les affronter. »
Le moment était-il enfin venu ? Les visages parmi les autres allaient de la nervosité à l’excitation.
« Gabby, va tendre un piège. Drunky, après un moment, toi et moi, on ira les affronter en face à face. »
« Les autres, aidez Claudia et Barb avec ce dont elles ont besoin pour mettre ces dragons de notre côté. Une fois que vous êtes prêtes, couvrez Autumn pour qu’elle puisse aller au Mausolée. On a seulement une petite fenêtre, donc on doit être rapide. C’est probablement notre seule chance de nous approcher en toute sécurité. Une fois qu’on y est, envoie tout de suite une flèche de signalisation aux autres Élyséens. »
Cloudhawk passa rapidement en revue les étapes avec eux. Lorsqu’il eut terminé, ils purent entendre le bruissement des arbres alors qu’un hôte se rapprochait.
Ils attendirent. Le bruissement devint plus fort, puis, alors que leurs ennemis s’approchaient de la clairière, des cris commencèrent à retentir. La ligne de front était coupée avant qu’ils ne puissent s’approcher suffisamment pour voir quoi que ce soit.
« Attention ! C’est une embuscade ! »
Les fils mortels de Gabriel faisaient leur travail.
Sa relique Shadethread tranchait facilement le fer solide, et ses fils étaient plus fins que des mèches de cheveux – presque impossibles à voir. Ici, dans cette forêt densément peuplée, ils étaient invisibles, et le premier groupe fut pris au dépourvu et en souffrit beaucoup. Les autres, incertains de ce qui s’était passé, arrêtèrent avant de devenir eux aussi des victimes.
Puis, mélangés aux cris de douleur, des rugissements envahirent l’air !
Un… deux… dix… vingt ! Les silhouettes de vingt dragons enragés apparurent dans le ciel de l’aube, sortant de l’arbre divin.
Leur nature féroce était attisée. Les dragons ne se souciaient pas de qui ils rencontraient. Ils voulaient se nourrir. L’un après l’autre, les bêtes plongèrent, et la nature vicieuse du combat était rendue évidente par les sons des cris et des combats.
Les dragons étaient difficiles à tuer. Les combattants du Conclave n’avaient pas une méthode facile pour les tuer.
Cloudhawk, cependant, était très satisfait du résultat. « Pas mal, pas mal ! Restez cachés. Préparez-vous à vous replier. »
Juste à ce moment-là, plusieurs silhouettes sombres percèrent les arbres. Quand ils virent Cloudhawk, ils n’eurent pas la chance de déterminer s’il était ami ou ennemi. Il n’y eut qu’un éclair d’argent, et soudain, du sang chaud s’écoula de leurs gorges. Les corps se brisèrent sans vie sur le sol jonché de feuilles.
« Allons-y ! »
Cloudhawk et le vieil ivrogne couvrirent leur retraite pendant que les autres couraient vers l’arbre de Dieu.
Les oreilles de Cloudhawk chatouillèrent alors que la puissante résonance d’une relique provenait de quelque part à proximité dans la forêt. Un panache de feu fut éjecté dans leur direction. La forêt sombre devint instantanément aussi lumineuse que le jour.
Les feux semblaient avoir une vie propre, comme un dragon ardent qui se frayait un chemin à travers les arbres. Il rugit en direction de Cloudhawk, qui réussit à l’esquiver. L’arbre qu’il frappa se transforma instantanément en charbon noirci en l’espace d’un souffle.
Un homme aux pieds nus, brandissant un étendard, apparut.
Wyrmsole !
Le visage amer du vieux soldat était devenu plus aigre ces derniers jours. Bien qu’il ne soit pas sûr de ce qui venait de se passer, il était certain que c’était l’œuvre de ce jeune homme. Alors, sans hésiter, il invoqua un brillant pilier de feu et le lança sur Cloudhawk comme une lance.
Le jeune homme n’était que de force moyenne. Il n’était pas une menace pour lui.
Mais, à sa grande surprise, une barre de fer traversa le ciel et fit dévier son étendard de sa cible. Sa lance de feu fila sur le côté, empalant et consumant une paire d’arbres énormes mais manquant sa cible.
Wyrmsole regarda le vieil homme à l’air sauvage qui s’était interposé. Il regarda la canne jusqu’à ce qu’il comprenne. Il regarda son porteur, incrédule. « Dawnguard. Tu es… »
Le vieil ivrogne souleva Dawnguard et le pointa sur Cloudhawk. Il fut instantanément enveloppé d’un orbe brillant qui renforça sa force, sa vitesse et son temps de réaction. Vulkan parla d’un ton égal et autoritaire. « Il y en a un autre derrière. Occupe en toi. Laisse-moi m’occuper de celui-là. »