Livre 8, Chapitre 2 – Le pouvoir du maréchal

Les yeux du dieu abyssal s’ouvrirent.

La surface de la lune était maintenant couverte de bâtiments divins, d’armes et d’outils de guerre. Les dieux eux-mêmes étaient en formation, silencieux comme des statues, attendant de nouveaux ordres.

Leur défaite dans les terres australes avait été ressentie à travers la Matrice divine, mais les dieux n’étaient pas troublés. C’était comme si ceux qui mouraient à la surface de la terre n’étaient pas des compatriotes. Ils n’étaient que des pièces détachées d’une machine bien plus grande.

Les dieux étaient des créatures dépourvues d’émotions, au cœur de pierre. C’est ce qui faisait leur force. Quel que soit le revers, ils n’éprouvaient ni regret ni remords. Au contraire, ils se battaient plus fort, jusqu’au bout, face à un ennemi plus fort qu’ils ne l’avaient prévu.

Leur premier assaut avait échoué, ce qui ne manquerait pas d’avoir des conséquences. Il avait été préparé dans la précipitation, il n’était donc pas totalement inattendu qu’il n’ait pas réussi. Tout ce que cela signifiait, c’est que ces humains étaient un peu plus tenaces qu’ils ne le pensaient.

« Commencez. »

Le maréchal donna son ordre et, tels des automates, les dieux se déplacèrent tous à l’unisson. Ils se dirigèrent vers les armes préconstruites et y déversèrent leur puissance mentale. La puissance mentale combinée de tant de dieux était terrifiante.

Il ne fallut pas plus de quelques minutes pour préparer quinze épées de Sumeru. Les soldats divins les dirigèrent tous vers une seule et même cible. Cependant, ce n’était pas vers les terres du sud qu’ils se dirigeaient. Elles n’étaient même pas dirigées vers la Terre. Toutes les armes étaient dirigées vers le Dieu Abyssal.

Dans la seconde qui suivit, les quinze épées furent libérées. Comme des flèches sur la corde d’un arc, elles furent lancées vers l’avant. Dans leur sillage, des explosions de puissance traversèrent les cratères lunaires. Le sol trembla et de nombreuses montagnes et parois de cratères s’effondrèrent.

Face à ce terrible assaut, le dieu des abysses ne bougea pas. Il écarta les bras, prêt à l’étreindre. Il s’ensuivit une scène grandiose.

La réalité se brisa autour du maréchal, comme si elle était faite de verre. Un vide se forma, et toute l’énergie qui s’en approchait fut aspirée. Peu à peu, tout fut englouti.

Quinze épées de lumière rayonnante disparurent dans les ténèbres. Si un humain était là pour en être témoin, la scène le choquerait au plus haut point. La puissance de cet assaut n’était pas moins intense que celle de l’explosion de la Bête du Chaos. C’était comme si plusieurs centaines de bombes nucléaires explosaient en même temps !

Pourtant, malgré tout ce feu et cette fureur, le Dieu des Abysses n’en fut pas affecté. Ses pouvoirs rassemblaient et condensaient toute l’énergie, puis la siphonnaient en lui-même. L’armure sombre du maréchal se mit à briller, d’une lueur de plus en plus intense, comme du fer laissé dans une fournaise.

Les dieux lancèrent une nouvelle attaque.

Quelle que soit la nature de l’énergie, tout ce qui s’approchait était aspiré par le corps du dieu des abysses. Moins d’une heure plus tard, toutes les épées avaient disparu et le déluge d’attaques avait pris fin. Le corps du dieu était un trou noir qui engloutissait tout.

Le Maréchal contenait assez de puissance pour détruire à lui seul une civilisation entière. Il avait la puissance destructrice d’une armada divine. Avec une telle puissance, le Dieu des Abysses était le plus puissant général de Sumeru. Un tel pouvoir ne pouvait être contesté que par l’ancien roi des démons, ou peut-être par le plus grand des anciens démons.

Mais le Grand Ancien n’était plus qu’une fraction de ce qu’il était, et le Second Sceau était mort. Avec la puissance destructrice dont il disposait, l’ancien roi des démons aurait du mal à survivre. Il n’était pas exagéré de dire que le Dieu des Abysses était devenu un destructeur de planètes. Une fois que les soldats auraient récupéré leurs facultés mentales, le Dieu des Abysses mènerait la prochaine charge depuis l’avant-scène.

Géhenne.

Legion, Korath, Haborym et Belial, les plus hauts dignitaires démoniaques, sélectionnèrent les troupes les plus fiables parmi les habitants de Babel. Trois mille d’entre eux furent sélectionnés. Les autres démons participeraient au combat en fonction des besoins.

Trois mille démons, ce n’était pas beaucoup, mais ce n’était pas non plus quelque chose qu’il fallait regarder de haut.

Le roi de la Géhenne était apparu soudainement et avait fomenté un coup d’État en seulement deux jours. Des démons de la tour aux citoyens de la ville, personne n’était préparé. Ils firent donc ce qu’on leur demandait, et les démons furent rassemblés pour renforcer les lignes de combat de l’humanité en déclin.

Les dieux n’allaient pas laisser de répit à l’humanité. Après l’échec de la première vague, leur maréchal en préparerait une seconde. Près de dix jours s’étaient écoulés depuis que les dieux avaient envahi la lune, ce qui était plus que suffisant pour leur permettre de prendre pied. Cloudhawk s’attendait à ce qu’ils déploient toute leur force.

Avec toute la technologie divine de Sumeru, avec des milliers de troupes divines à leur porte, et avec la moitié de leurs défenses en lambeaux, personne n’osait se taper la poitrine et se vanter. Cependant, au moins avec une force de trois mille démons, ils pourraient tenir le coup pendant un certain temps.

« Quelles sont les armes de la Géhenne ? »

« Honoré Roi, les démons de la Géhenne se cachent depuis mille ans. Même sous le règne de l’ancien roi, nous, démons, n’avons jamais pu rivaliser avec la technologie divine. Ce désavantage n’a fait que s’accentuer après notre terrible défaite. »

Cloudhawk n’était pas satisfait de cette réponse. Il voulut dire, « les démons peignent-ils des putains de tableaux et sculptent-ils des statues depuis un millier d’années ? Depuis quand cette espèce guerrière est-elle devenue une bande d’artistes timides ? » Mais Bélial sentant le mécontentement de son maître prit la parole.

« Les dieux et les démons sont par nature de grands combattants. Dans bien des cas, l’équipement est simplement encombrant. Tant que nous continuerons à utiliser les reliques, je suis certain que nos forces pourront tenir les soldats divins à distance. »

Les dieux et les démons avaient leurs propres avantages. Sous une conscience unifiée, les dieux étaient aussi efficaces qu’une machine bien huilée. L’ordre était intégré à leur mode de vie. Même s’ils disposaient d’un certain degré d’autodétermination, ce n’était que dans de rares circonstances et toujours au service de la collectivité. Ils suivaient d’abord leurs ordres primaires, avant leurs propres objectifs. Cela faisait des dieux de parfaits soldats, ce qui devenait de plus en plus effrayant avec le nombre. Il suffisait d’observer l’univers et la façon dont ils l’avaient traversé pour comprendre la vérité.

Mais cela ne voulait pas dire que les dieux n’avaient pas de défauts. Ils étaient nés dans un système de transparence totale. Il n’y avait pas de tromperie, ce qui les rendait plus aptes à se battre qu’à planifier.

Les démons étaient différents. Des siècles d’autodétermination les avaient rendus rusés et sages. Un profond instinct de survie avait également galvanisé leur potentiel le plus profond. Chaque démon possédait des reliques qui lui étaient propres et était capable de travailler seul. Cela signifiait qu’en moyenne, les démons étaient plus forts que les dieux.

Chaque démon était unique. Imprévisible, mais plein de potentiel.

Legion prit la parole. « La Géhenne ne peut pas rivaliser avec Sumeru en termes de force, ce qui signifie que nous devons être brillants dans notre façon de nous battre. Nous devons tirer le meilleur parti de notre force et protéger nos faiblesses. De même, si nous jouons sur leurs faiblesses, nous pourrons peut-être survivre. »

Il n’était jamais facile pour les faibles de s’élever contre les forts. Mais la Géhenne ne pouvait pas se permettre de perdre.