Livre 4, Chapitre 11 – Ouvrir la porte
Le premier problème auquel Cloudhawk était confronté : Ce combat était impossible à mener !
Du côté élyséen, il y avait Cloudhawk, Sélène, Frost, Aurore et Atlas – le noyau de leur force de combat. De plus, il y avait Claudia, Rio, et Butcher, des chasseurs de démons compétents. Ensemble, ils étaient équivalents à plusieurs centaines de soldats élyséens.
Cependant, les habitants du désert n’avaient pas hésité à envoyer leurs propres poids lourds. Wyrmsole, Tigre venimeux, Araignée à trois yeux, Blackfiend l’Immortel, les géants de l’armée des enfers, Corbeau, Toad, Canker, Squall, Gremlin, Serpent vert – une liste impressionnante pour le moins. Pour les soutenir, il y avait les soldats de Tigre du quartier des poissonniers, les prêtres du Conclave de Wyrmsole, et les techno-soldats lourdement armés de Corbeau.
Les deux groupes étaient composés de combattants compétents et disposaient d’un solide soutien. Ni les bandits de grand chemin ni le Conclave n’avaient l’avantage de la force ou du nombre. Les habitants du désert avaient également conclu un accord mutuel et uni leurs forces contre les Élyséens.
Si la Vallée boisée passait sous le contrôle de Squall ou du Conclave, elle continuerait au moins à appartenir aux Terres Désolées. Bien que les deux groupes aient des différences profondes, tous deux la garderaient loin de Skycloud. C’était impératif. Si la Vallée boisée était prise par Cloudhawk et sa bande, ce serait un désastre pour tous les autres.
Tant que Skycloud était impliqué, même les ennemis unissaient leurs forces pour s’assurer que leur pire scénario ne se réalise pas. Malgré leurs nombreux désaccords et conflits, aucun n’était plus fort que la haine qu’ils partageaient pour les Élyséens. Au moins pour le moment, les terres désolées étaient unies dans un effort pour combattre leur ennemi commun.
« Ils arrivent ! » Aurore tenait Terrangelica sur une épaule et son bouclier serré dans l’autre main. Son visage était plein d’excitation. « Je prends l’avant-garde. Je n’ai jamais participé à une bataille aussi glorieuse ! Voyons combien je peux en abattre avant que vous ne me rattrapiez tous. »
Sélène répondit par un reniflement en demi-teinte : « Si tu es si impatiente de mourir, personne ne se mettra en travers de ton chemin. »
Aurore se hérissa immédiatement. « Qu’est-ce que tu dis ? Parle comme une personne normale pour une fois ! »
Les yeux vifs de Sélène, comme des piscines scintillantes, scrutèrent le chemin en direction de l’homme portant une bannière enroulée. « Wyrmsole était autrefois le compagnon de l’Ordre des chasseurs de démons, son second. S’il se bat à pleine puissance, il est plus terrible sur le champ de bataille que même le général Skye. Si tu penses pouvoir l’égaler, alors je t’invite à essayer. »
Sélène était une Cloude. Elle savait exactement à quel point chaque membre de sa famille était fort. Avant sa disgrâce, Wyrmsole était une étoile brillante parmi les Cloude. Aurore le savait aussi.
Wyrmsole lui-même était déjà un ennemi très coriace. Bien qu’Aurore n’ait pas combattu les autres, elle pouvait sentir le danger qui émanait d’eux. Au moins dix d’entre eux étaient des tueurs à leurs sommets, et ils étaient trois fois plus nombreux que les Élyséens. La victoire semblait une possibilité lointaine.
Aurore se flétrissait visiblement lorsqu’on lui faisait remarquer la vérité, mais elle n’était pas prête à se laisser perdre la face. « Peu importe leur force. On ne peut pas battre en retraite. Si tu as peur, alors fuis. Je sais que Cloudhawk sera au moins à mes côtés. »
Les sourcils délicats de Sélène se froncèrent en signe d’irritation. Quant à Cloudhawk, il ne put qu’émettre un ricanement douloureux. « Ces maudites femmes. Pourquoi est-ce qu’elles m’entraînent toujours dans ce genre de choses ? »
Les yeux de Rio étaient aussi aiguisés que des poignards. « Les Talons de Dieu ne sont pas une force à négliger ! Hommes, en formation ! »
Dix hommes avec des bannières marchèrent à l’avant. Tous à la fois, ils libérèrent leurs énergies mentales, et ensemble, ils formèrent une formidable barrière.
La Grâce Divine était une bannière de guerre élyséenne spéciale. Accordée par le Temple aux soldats dans les pays lointains, elle protégeait les fidèles du mal. Dans des situations comme celle-ci, elle était appelée à jouer un rôle important.
Les soldats de Talon sortirent leurs arcs, visèrent le ciel et se déchaînèrent. Une série de volées de flèches s’élevèrent, laissant des traînées de lumière sur leur passage. D’une manière ou d’une autre, les projectiles se accélérèrent en tombant. Avec un souffle sinistre, les flèches choisissaient leurs propres cibles, de sorte qu’aucune flèche n’était tirée en vain.
Alors que les soldats des terres désolées se précipitaient à travers le canyon, ils furent accueillis par la grêle de flèches. Leur course folle était ralentie. Bien sûr, bien qu’ils aient un large champ d’action et qu’ils soient mortels pour beaucoup, les archers ne suffiraient pas à eux seuls à arrêter les habitants du désert.
Frost se tenait héroïquement sur le côté avec la lance cristalline tenue librement dans une main. De l’autre, il attrapa l’épée à sa ceinture et sortit Rimeshard. Ses yeux froids fixaient la mort sur ses ennemis, le regard le plus froid étant dirigé vers Wyrmsole. De l’aura glaciale qui l’entourait naissait un désir ardent de se battre.
Wyrmsole s’était retenu dans les Blisterpeaks et avait quand même affronté Frost. Le disciple d’Arcturus n’était pas un chasseur de démons typique. Trois chasseurs de démons vétérans ne pouvaient pas rivaliser avec son talent. Malgré cela, il était clair pour tout le monde que Frost n’était toujours pas aussi fort que l’ancien Compagnon, un fait qui soulignait à quel point leur ennemi était dangereux.
« Il est déjà trop tard pour fuir. » L’impatience était claire dans la voix d’Aurore. Elle enfonça la pointe de Terrangelica dans le sol et y libéra ses énergies mentales. Les parois du canyon se fissurèrent et se fracturèrent, délogeant d’énormes rochers. « Si l’un d’entre vous a un plan, c’est le moment ! »
Le monde trembla alors que des flèches mortelles et des rochers écrasants pleuvaient sur les habitants du désert.
Depuis les lignes ennemies, le fouet de Natessa claqua et donna naissance à une autre tempête. Les vents violents projetèrent les rochers vers les Élyséens, mais ils se brisèrent contre la protection de la Grâce Divine.
« Si nous n’avons pas de renforts bientôt, nous ne pourrons pas tenir longtemps. » Cloudhawk finit par dire ce qu’il pensait. « Combattre de façon téméraire n’est pas le meilleur plan, mais c’est notre seule option. Se battre ou mourir. C’est comme ça que ça doit être. »
« C’est vrai, on doit aller dans la vallée et les arrêter. Regarde comment je fais. »
Aurore mit les deux mains sur la poignée de son épée et poussa, l’enfonçant dans le sol jusqu’à ce que l’acier ne soit plus visible. Ne ménageant pas ses efforts, elle assaillit les murs du canyon avec sa puissance, les faisant pratiquement exploser. D’innombrables rochers de toutes tailles tombèrent, et tout le monde put sentir la vague d’énergie invisible qu’elle libérait. Elle explosa sous leurs pieds.
La terre gronda comme si un dragon se glissait dans la pierre. C’était clairement ressenti mais impossible à localiser.
Tout d’un coup, les membres de l’arrière-échelon des terres désolées étaient projetés sur leurs pieds alors que le sol s’ouvrait sous eux. Une fissure fendit la roche, et de nombreux soldats furent trop lents pour réagir. Ils tombèrent en hurlant dans l’obscurité. Les fissures divisaient le canyon jusqu’à la porte de pierre à son extrémité.
Boum ! Un grondement semblable à celui du tonnerre suivit.
La fissure d’Aurore se termina brusquement trente mètres avant la porte. Elle se termina simplement comme si elle s’était heurtée à une barrière invisible.
L’imposante porte faisait facilement une douzaine de mètres de haut. D’énormes statues de la même hauteur étaient situées de chaque côté. Dans la main droite de chacune d’elles se trouvait une lance, et dans la gauche un bouclier. Solennellement, elles observaient le canyon depuis leur point d’observation, indemnes du pouvoir de Terrangelica.
« Si la porte s’ouvrait aussi facilement, ils seraient entrés depuis longtemps. »
Même de l’autre côté du canyon, Cloudhawk pouvait entendre la résonance de la porte. L’obstruction géante en pierre était en fait une sorte de sceau, placé ici par le dieu qui avait créé cet endroit. Aucune force extérieure ne pouvait l’ouvrir, à moins d’une autre bombe nucléaire. Même un maître chasseur de démons ne pourrait pas l’ouvrir par la force brute, car elle absorbait la force.
Une clé… il devait y avoir une sorte de clé… les portes étaient faites pour s’ouvrir. Sinon, pourquoi en mettre une ici ? Il pensait que la clé pour l’ouvrir résonnait avec une fréquence spécifique, rendant la porte géante semblable à n’importe quelle autre relique.
Cloudhawk se rappela soudainement de la “flûte” d’Autumn, qui n’était pas du tout une flûte typique. Elle ne résonnait pas avec les chasseurs de démons typiques, seulement avec quelqu’un possédant un type très spécifique d’énergie mentale. Elle était restée en place pendant trois cents ans, attendant quelqu’un qui pourrait résonner avec elle. Autumn était ce quelqu’un.
Enfin, et une autre personne. Cloudhawk était l’exception.
D’après ce qu’il ressentait, la porte en pierre et la flûte de Berger avaient des fréquences similaires. Sa première pensée était que cela prouvait que les deux objets avaient été créés il y a des milliers d’années, quand le Vale était fait par la main de son dieu rebelle. Sa seconde idée était que s’il pouvait utiliser la flûte – bien que de façon médiocre – qu’est-ce qui l’empêchait d’ouvrir cette porte ?
La demande d’aide avait été envoyée par Barb de l’intérieur de la Vallée boisée avec une carte fournie par Autumn. Il était évident qu’ils étaient en grand danger, donc sortir pour ouvrir un passage n’était pas une option pour eux.
« Couvre-moi. Je vais tenter quelque chose ! »
Cloudhawk n’avait pas terminé sa pensée qu’un panache de feu éclata à travers les décombres. Il frappa les rochers comme un déluge et les fit sauter de côté. Alors qu’il rugissait en avant, les feux s’unirent en un poing qui finit par frapper les forces élyséennes retranchées. L’enveloppe d’énergie divine qui les protégeait diminua drastiquement.
Wyrmsole apparut, enveloppé de flammes. Sa bannière avait été libérée, et son drapeau flottait triomphalement dans les vents brûlants. Chaque battement pulsait d’une énergie qui repoussait les flèches élyséennes. Au même moment, des orbes de feu flamboyantes s’élevaient et s’arquaient vers l’avant.
Sélène invoqua son poignard sacré et s’élança hors de la protection de la Grâce Divine.
Elle s’éleva dans les airs, resplendissante dans son armure blanche. Bien que ses mouvements semblaient presque lents, en réalité, elle fonçait à une vitesse incroyable sur l’ennemi. Leurs reliques et leurs flèches l’assaillaient, mais elle n’esquivait pas. Ils frappèrent son armure mais ne laissèrent même pas une marque.
L’épée rayonnante et l’étendard triomphant se rencontrèrent. Une décharge explosive d’énergie les envoya au loin.
Les mots froids et durs de Sélène résonnaient au-dessus du vacarme, soulignant chaque syllabe. « Où est le Crimson One ?! »
« La Sainte-Croix, ses vêtements sacrés… tu as grandi, Sélène. » Les traits de Wyrmsole, usés par le temps, s’adoucirent avec la réminiscence. Il se souvenait de la dernière fois qu’il l’avait vue, alors qu’elle venait de commencer sa formation de chasseuse de démons. Maintenant, elle se tenait devant lui, brandissant l’arme de Baldur et portant son armure. Elle était encore jeune mais assez forte pour lui tenir tête. « Pourquoi veux-tu savoir ? »
« Pour le tuer », répondit-elle.
Un sourire amer plissa son visage déjà fortement alourdi. « J’ai fait beaucoup d’erreurs en mon temps. Le Crimson One aussi. Tu ne nous donnerais même pas l’opportunité de nous racheter ? »
« Le seul moyen pour vous d’expier vos nombreux péchés… » A dix mètres de distance, Sélène balaya Wyrmsole de son arme, le faisant reculer davantage, “…c’est de mourir ! »
Il n’allait pas lui donner la réponse qu’elle voulait. Un jour, Sélène serait plus forte que le Crimson One mais pas maintenant. Même avec l’héritage de Baldur, elle mourrait si elle affrontait son oncle. C’était encore plus vrai maintenant que le Crimson One était devenu le leader du tout jeune Conclave du Jugement.
Frost retira son bras et lança Frozen Dirge dans la mêlée. Il jaillit comme un rayon de lumière glacée. Wyrmsole le repoussa facilement avec son étendard.
Frost apparut devant Sélène et récupéra sa lance. À sa gauche, il tenait toujours Rimeshard, qui scintillait dangereusement. Il utilisa les deux reliques pour couper la bannière de Wyrmsole.
« Laisse-le-moi », siffla Frost. « Occupe-toi des autres ! »
Corbeau, Blackfiend, et les trois Géants menaient leurs troupes respectives dans une contre-attaque contre les Élyséens. La bataille avait éclaté, un conflit d’attrition. Les forces de Skycloud subissaient une pression énorme.
Aurore était bloquée sur place, contrôlant le pouvoir de Terrangelica et incapable de combattre. Sélène et Frost étaient dans les rangs de l’ennemi et ne faisaient pas attention à Cloudhawk. Quant à Atlas et aux autres membres de la Cour, qui savait où ils avaient disparu ? Avec tous les chasseurs de démons et leurs reliques qui se disputaient son attention, il n’arrivait pas à savoir où ils étaient partis.
« Bon sang, vous ne pouvez pas garder un œil sur la situation dans son ensemble, bande d’idiots ? On n’est pas là pour que vous puissiez vous amuser à découper les gens ! »
Ses mots irrités ne furent pas entendus. Il ne pouvait compter que sur lui-même. Cloudhawk enroula ses doigts autour de la pierre de phase, puis cligna des yeux à travers le champ en direction du mur de pierre de l’autre côté du canyon.
La Vallée boisée était attaquée, et ce depuis un moment. Il ne savait pas comment ils entraient, mais en ce qui le concernait, cette porte était le seul moyen. Il fallait soit résonner avec elle, soit trouver une arme assez grande pour la briser.
Aucune arme de ce genre n’était à portée de main. Il devait trouver un autre moyen, et vite.