Livre 7, Chapitre 109 – L’attaque commence

Les terres arides du sud s’étendaient sur cinq cent mille kilomètres carrés. Au centre se trouvait la montagne de la Source. Au nord de celle-ci se trouvait la capitale du Sud. Au sud, l’ancien champ de bataille de la Grande Guerre. Un enchantement planait sur l’ensemble, cinq solides couches d’énergie qui, dans une guerre ordinaire, auraient été imprenables.

Mais les dieux avaient plus d’un tour dans leur sac.

Jugement dernier. Chaos.

Les humains n’avaient aucun moyen de savoir comment les dieux avaient créé un monstre comme Chaos, mais il était clair qu’il était dangereux.

Que signifiait le terme « quantum » ? Pour faire simple, il correspondait à sa propre réalité subatomique. Il n’y avait pas de petites divisions. C’était un microcosme de l’univers tout entier, les éléments fondamentaux de la physique. Les changements dans cette réalité infiniment petite se produisaient par à-coups, sans jamais bouger, mais en sautant d’un état à l’autre. Elle était libérée des contraintes de la distance. Des fragments du monde quantique disparaissaient d’un endroit et apparaissaient dans un autre, ou existaient dans les deux, car un aspect fondamental du monde quantique était le concept de superposition.

Les humains, les démons, les dieux – tous étaient des êtres tridimensionnels vivant dans un monde quadridimensionnel. Chaos, quant à lui, était une forme de vie quadridimensionnelle. La réalité dans laquelle il existait n’était pas la même que celle perçue par les humains. Il était capable de se déplacer à volonté sur l’axe spatial, d’un point à un autre, sans aucun déplacement entre les deux.

C’est ainsi que Chaos pouvait se téléporter, car c’est tout simplement ainsi qu’il se déplaçait.

Même ceux qui possédaient d’incroyables pouvoirs spatiaux, comme Cloudhawk ou le Roi Démon, ne pouvaient se libérer du royaume tridimensionnel. La manipulation spatiale était le monde d’où venait Chaos. Une partie de sa définition, aussi naturelle que la respiration.

Tel était l’avantage d’une forme de vie supérieure sur ses cousins inférieurs. Chaos était en effet une forme de vie supérieure, mais une forme de vie créée par Sumeru comme une arme. C’était une extension de la volonté des dieux, dotée d’une intelligence nominale propre. Il avait besoin d’être guidé par ses créateurs et ne pouvait donc pas se défendre contre la captivité.

Bien que la frontière entourant les terres australes soit solide, elle n’était pas capable d’arrêter la téléportation. Alors pourquoi n’avaient-ils pas envoyé la Bête du Chaos dès le départ ? Elle aurait balayé les plus forts de la Capitale du Sud comme un fléau.

C’était parce que Cloudhawk avait le pouvoir de l’arrêter. Mais comment ?

La raison était simple. Tout d’abord, il possédait de puissantes capacités spatiales qu’il pouvait utiliser pour contenir Chaos. De plus, Cloudhawk était le seul que Chaos n’oserait pas détruire.

Pour ce combat, il était la pièce la plus cruciale.

Cloudhawk ordonna à l’armée de se mettre en état d’urgence. Pendant ce temps, il observait les dieux et leurs mouvements. Grâce à Oddball, il put apprendre que les nuages sombres du monde entier se rassemblaient autour de Skycloud.

Les premiers à se combiner entièrement étaient, bien sûr, les fragments de Chaos à l’intérieur même de Skycloud.

Vues d’en haut, les particules du Chaos s’amoncelaient. Elles tourbillonnaient au-dessus de la capitale du royaume comme une tempête inquiétante sur l’horizon du soir ; noirceur à l’extérieur et lueur chaude à l’intérieur.

Une étrange gravité naquit du nuage. Le bord extérieur du nuage s’effondra vers le centre comme un tourbillon. Tous les fragments quantiques étaient attirés à l’intérieur.

Cloudhawk pouvait clairement voir une singularité quantique se former au-dessus de la ville. Les nuages diffus se contractaient, forcés de se concentrer dans une petite zone. L’énergie hautement condensée brisa la pierre et déforma l’air, et de l’intérieur émergea un énorme œuf.

Rapidement, sa coquille commença à se fissurer.

D’épais tentacules noirs s’échappèrent des fissures. Cloudhawk assistait à la naissance de Chaos.

Un jour. Deux jours tout au plus. D’ici là, le processus serait achevé et Chaos serait la créature la plus puissante des terres australes.

« Vite ! »

« Préparez-vous ! »

« L’ennemi sera bientôt là ! »

« Peu importe ce que vous voyez, vous devez vous battre ! Battez-vous autant que vous le pouvez ! »

Des rangées de tours défensives se dressaient le long des frontières de Greenland. Des spirales d’énergie tourbillonnaient autour de chacune d’entre elles, alimentées directement par la Source. Leur réserve était inépuisable, et depuis ces tours, un barrage d’attaques pouvait être lancé sur n’importe quel ennemi à portée. Au sommet de chacune d’entre elles se trouvait l’un des Éveillés de Greenland.

Depuis que Bélial avait rejoint l’Alliance, depuis qu’il disposait d’une réserve illimitée de Source, les tours défensives de Greenland avaient poussé comme des champignons le long de la frontière. On estimait leur nombre à plus de deux mille, et des dizaines d’autres étaient construites chaque jour. Les séraphins dirigés par l’équipe de Cloudhawk étaient rapides et efficaces, tandis que la Source renforçait la production. La construction se poursuivait vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

En plus des deux mille tours d’attaque et de défense, cinq cents tours de bouclier et trois cents structures de défense auxiliaires avaient été érigées. Les chiffres n’étaient pas impressionnants sur le papier, mais en fait, ils étaient impressionnants dans leur fonction. Suffisamment pour arrêter une armée dans son élan.

Bien sûr, leurs ennemis n’étaient pas une armée ordinaire. Contre Chaos, près de trois mille tours d’énergie ne suffisaient pas à protéger le royaume. Les défenses étaient concentrées autour de zones importantes comme la capitale du Sud et la montagne de la Source.

Même si Chaos explosait à une grande distance, il représentait toujours une menace pour la capitale du Sud. Il pouvait raser les terres australes d’un seul coup. Malgré tous les efforts déployés par les humains pour renforcer leurs défenses, leur efficacité était limitée.

Pour ce qui était de son armée, Cloudhawk avait rassemblé tous les meilleurs combattants des cinq royaumes élyséens et ses troupes d’élite, et les avait embarqués sur tous les dirigeables qu’il avait pu trouver. Il commandait plus d’un million de soldats et possédait plus de véhicules qu’il ne pouvait en compter. Avec ces effectifs, il pouvait former plusieurs armées et les faire patrouiller sans fin dans le royaume des terres désolées.

« Nous mourrons pour défendre Greenland ! »

« La victoire ou la mort ! »

Les cris retentirent sur la ligne de front. D’après leurs regards fervents, il était clair que ces soldats pensaient ce qu’ils disaient. Ils avaient tous pris la décision de se battre pour survivre, et il n’y avait pas l’ombre d’un regret.

Qui avait dit que les hommes ne pouvaient pas se battre contre leurs dieux ? Le pire qui pouvait arriver était la mort, et aucun de ces valeureux soldats n’avait peur de mourir. Tous savaient au plus profond de leur cœur qu’il s’agissait de l’ultime combat de l’humanité. S’ils s’effondraient, leur espèce était condamnée. Pour leurs proches, leurs amis, les jeunes et les vieux, ils devaient se battre de toutes leurs forces.

Chaque soldat avait sa propre raison de se battre et de persévérer. Ils avaient leur propre raison de vivre, quelque chose à protéger. Mais s’ils perdaient, tout cela disparaissait. Perdre n’était pas une option.

Aurore s’approcha de Cloudhawk d’un pas lourd. « Nos zones de défense sont prêtes. Nous attendons juste que le poisson se jette dans notre filet. »

Cloudhawk rejoignit Oddball une fois de plus.

Ce qu’il vit le choqua. Les nuages de particules du monde entier s’étaient rassemblés au-dessus de Skycloud. Les tentacules à l’intérieur de l’énorme œuf dévoraient avidement tout ce qui l’entourait. Bientôt. Le combat allait bientôt commencer. Douze heures si la tendance se poursuivait.

Lorsque Chaos serait né, les dieux commenceraient à attaquer pour de bon.