Relâchez cette Sorcière | Release that witch | 放开那个女巫
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Chapitre 961 : Double stratégie
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– « Qu’en pensez-vous ? » Demanda Roland en regardant le rideau de lumière sur le mur.

Nul doute que les survivantes de Taquila étaient les plus qualifiés pour analyser l’intention des Diables.

– « C’est une vieille ruse », répondit froidement Althéa. « Comme ils ont vu que l’intimidation ne fonctionnait pas, ils vont tenter d’utiliser la force. Je vous ai dit qu’ils étaient très doués pour combiner la menace et la force contre les seigneurs humains. S’ils avaient à faire à une ville entièrement composée de sorcières, ils n’auraient pas hésité à en massacrer toute la population. »

– « Pourtant, la dernière fois, vous avez estimé qu’il leur faudrait environ six mois pour arriver jusqu’à nous. »

Althéa toussota :

– « Eh bien, c’était une estimation basée sur le temps nécessaire pour établir un vaste camp. Il se peut qu’ils aient été plus rapide cette fois », répondit-elle d’une voix mal assurée. « Les conditions de guerre étant en constante évolution, il serait insensé de ne s’en tenir qu’aux informations connues. Je ne vous ai jamais dit de relâcher votre vigilance. »  

« Vous plaisantez ? » Roland savait pertinemment qu’il était nécessaire de garder en permanence un œil sur l’ennemi. Cependant, il avait planifié le moment et les moyens de répliquer en fonction du temps qu’elle avait estimé.  En supposant que les Diables mettent six mois à s’implanter, il aurait pu allonger son chemin de fer jusqu’à eux. Devant un train blindé et des canons sur rail, nul doute que l’ennemi n’aurait plus l’énergie nécessaire pour construire des avant-postes.

– « Althéa ne vous a pas caché sciemment ces informations », intervint Ayesha comme si elle avait pressenti les doutes du Roi. « Jusqu’ici, j’étais entièrement d’accord avec elle. L’Union a payé le prix fort pour déterminer le temps qu’il fallait aux Diables pour étendre leur ligne de ravitaillement en Brume Rouge, et ce jusqu’à la chute de la Ville Sainte. Il faut compter six mois minimum avant que les Diables ne puissent à nouveau se déplacer. »

– « Sous entendriez-vous que l’ennemi est à présent plus rapide et que cette estimation qui vous a coûté tant de vies est désormais inutile ?  Demanda Edith. « Certes je conçois que des informations vieilles de quatre cents ans ne soient plus valides aujourd’hui. »

Roland sentit ses sourcils se contracter. Partant du fait que lui-même, dans ce monde, n’était pas une personne ordinaire au sens propre du terme, la Perle de la Région du Nord était sans aucun doute la seule de cette catégorie à avoir le courage d’affronter ce monstre globuleux.

– « Comment osez-vous, femme ordinaire ?! » S’écria Althéa.

Roland s’y attendait. Mais Pacha intervint avant qu’elle ne se mette vraiment en colère.

– « Cette accélération est peut-être dû aux squelettes géants », suggéra-t-elle. « À moins que les Diables n’aient d’autres plans. Si leur but n’est pas de passer à l’attaque, ils ont certainement établi un avant-poste plus avant, dont la taille dépend de l’approvisionnement en Brume Rouge. Inutile de nous disputer à ce sujet car quoi qu’il en soit, le dernier mot revient à Sa Majesté. »  

« Pacha mérite bien son titre de chef des survivantes de Taquila », pensa Roland.

En effet, elle avait parlé de telle sorte à enrayer immédiatement une éventuelle dispute tout en tenant compte de son propre ressenti. Elle maîtrisait vraiment l’art de la conversation.

Mais cela ne résolvait pas le problème. Que les Diables complotent dans l’ombre ou qu’ils aient l’intention de marcher sur la Cité Sans Hiver, le résultat était le même : il ne pouvait plus faire surveiller les ruines de la Ville Sainte. Il ne lui restait guère de solution. Si l’instrument fantôme avait pu localiser la cible avec précision, il aurait peut-être eu le temps d’observer l’ennemi pour déterminer ses intentions mais à présent, il devait lever au plus vite cet obstacle.  

Le Roi prit une profonde inspiration :

– « Dites à la Première Armée de se préparer à partir », ordonna-t-il à Hache-De-Fer.

– « À vos ordres, Majesté ! » Répondit vivement le Commandant, comme à son habitude.

– « Voilà une décision courageuse », le félicita Althéa. « Fermer les yeux sur la guerre à venir équivaudrait à un suicide. Ce n’est qu’en surveillant de près les mouvements ennemis que nous serons bien préparés. »

– « État-Major, proposez-moi au moins un plan avant demain soir. » Roland jeta un coup d’œil à Edith : « Je tiens également à connaitre vos conclusions détaillées sur cette stratégie. »  

– « Votre Majesté », intervint Ferlin Eltek, alias Lumière du Matin, qui avait officiellement changé de métier, « Selon Dame Sylvie, les Bêtes Volantes ont pris le contrôle de l’endroit. Il est presque impossible à Première Armée de passer inaperçue. Une fois exposés, nous serons littéralement coincés. »  

Roland le savait très bien, c’est pourquoi il voulait connaître l’inférence exacte du plan avant qu’ils ne passent à l’action. Lui qui avait conçu les armes des soldats savait pertinemment que la remarque de Ferlin était un euphémisme. Si les soldats ne parvenaient pas à installer correctement la mitrailleuse anti-aérienne à l’avance, celle-ci perdrait l’essentiel de sa puissance. Par ailleurs, à la différence de la bataille défensive qui s’était tenue sur les remparts, les ennemis arriveraient de toutes parts, aussi serait-il difficile de définir le barrage à mettre en place.

En outre, la construction du chemin de fer n’étant pas encore achevée, ils seraient contraints de transporter le matériel de guerre à pied. Si jamais l’ennemi venait à les intercepter, les pertes seraient considérables.  

Quatre cent kilomètres environ séparaient l’avant-poste supposé de la Cité Sans Hiver. Déduction faite de la traversée de la Forêt aux Secrets, ils auraient encore cent soixante-dix kilomètres à parcourir et c’était impossible en une journée. Par ailleurs, l’armée devrait également établir un camp et planter des tentes en fonction du nombre de soldats. Toutes ces étapes augmenteraient leur risque d’être repérés par les Bêtes Volantes et cela pourrait devenir le talon d’Achille de son armée.

Roland n’était pas aussi confiant dans le fait de pouvoir préserver les équipes de ravitaillement des attaques ennemies, pas plus qu’il comptait sur les recrues pour répliquer si jamais elles venaient à être attaquées.  Si la ligne de ravitaillement était détruite, l’armée serait pieds et poings liés et ne pourrait peut-être même pas battre en retraite.

Mais en cet instant crucial, il ne pouvait laisser paraître son indécision.

– « Il faut d’abord que je voie le plan. Nous parlerons de la suite après. »

– « À vos ordres, Majesté », répondit Ferlin, la main sur le cœur.

La nuit passa en un éclair. Le lendemain après-midi, l’État-Major remettait à Roland le plan demandé.

Plus exactement, les deux plans, qu’Edith était chargée de lui présenter.

– « Apparemment, vous n’avez pas fermé l’œil de la nuit », dit le Roi en voyant les cernes sous les yeux de la jeune femme.

– « Comment aurais-je pu me reposer alors que tout le monde travaillait si dur ? » Répondit Edith. « Disons que c’est ma façon de réparer l’erreur que j’ai commise la dernière fois. »

– « Serait-elle en train de se plaindre ? » Se demanda Roland. Il ne releva pas mais agita la main et demanda : « Quelles sont vos conclusions ? »

– « Si nous avançons comme nous avons l’habitude de le faire, les Bêtes Volantes risquent fort de repérer le gros des troupes et dans ce cas, l’habileté du commandant sera déterminante quant au déroulement de la bataille.  L’État-Major ne disposant pas suffisamment d’informations, nous sommes contraints d’envisager le pire. Nous en avons conclu que la Première Armée pouvait accomplir sa mission, cependant, ils seront forcément mis en déroute par les Diables et seule la moitié, soit environ deux mille cinq cent soldats, pourra battre en retraite vers la Cité Sans Hiver. Quant aux sorcières, à condition de ne pas prendre de risques inconsidérés, elles ne courront guère de danger et pourront s’enfuir sans aucun dommage.   

– « Cette conclusion ne me dit rien qui vaille », fit Roland en se frottant le front. « Y’aurait-il un problème logistique ? »  

– « Oui », répondit franchement Edith. « Lorsque les Diables attaqueront l’équipe de ravitaillement, l’armée devra aussitôt envoyer des renforts mais quoi qu’il en soit, nous ne pourrons réprimer totalement l’ennemi. Au fil du temps, les pertes se feront plus lourdes, le moral des hommes chutera et les soldats à l’avant seront découragés.  Au bout d’une semaine, il deviendra difficile de prévoir les attaques ennemies. Le gros des troupes attaquera le camp ennemi, ce qui sera pour eux la partie la plus facile de cette guerre et l’avant-poste ennemi sera finalement détruit, cependant, l’arrière sera en feu. »

– « Vous voulez parler de la Cité Sans Hiver ? »

– « Non, les Diables s’étant aperçus que quelque chose n’était pas normal dans la Forêt aux Secrets, ils enflammeront le passage sécurisé qu’aura créé Dame Chloris afin d’obliger l’équipe de transport à faire un détour, entravant ainsi le ravitaillement des soldats. L’armée, ayant perdu son avantage, sera contrainte de battre en retraite. » Edith s’éclaircit la voix et poursuivit : « Nous avons peut-être surestimé le nombre des Diables, mais ce n’est pas certain. À en juger par leur précipitation, je crains qu’ils n’abandonnent pas leur avant-poste si facilement. »  

– « Votre estimation du nombre semble acceptable », remarqua Roland, amusé. « Mais je voudrais bien savoir qui a eu l’idée d’envisager un feu dans la forêt! »

– « Lumière du Matin », répondit Edith, imperturbable. « Ceci dit, d’après notre analyse, nous pensons qu’il est possible que la guerre dure suffisamment longtemps pour que les Diables s’aperçoivent que quelque chose cloche dans la Forêt aux Secrets. »

Bien que Roland se fût préparé à ne voir aucun résultat, il trouvait ces conclusions plutôt déprimantes. 

– « Parlez-moi du second plan. Ne me dites pas que vous en êtes arrivée à la même conclusion et que vous avez travaillé toute la nuit simplement pour ne m’apprendre que du négatif. »  

S’il voulait rivaliser avec les Diables des Plaines fertiles, le Roi savait pertinemment que tôt ou tard, il devait affronter le problème des limitations du transport terrestre. S’il connaissait un moyen de faire parvenir rapidement des munitions et de la nourriture aux soldats du front, jamais il ne se serait donné la peine de construire au plus vite un chemin de fer.

– « Non, Votre Majesté », répondit en riant la Perle de la Région du Nord. « Notre second plan est totalement différent. Puisque nous ne pouvons assurer la sécurité des équipes d’approvisionnement, nous les ferons purement et simplement disparaître. »  

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