Relâchez cette Sorcière | Release that witch | 放开那个女巫
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Chapitre 937 : Une Épine empoisonnée
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Durant les jours qui suivirent, la situation évolua au-delà de toute imagination.

Jamais les habitants de la Cité du Roi n’auraient pensé assister à un tel spectacle! La famille Quinn, qui, depuis des siècles, était au service des Misra, se révoltait publiquement contre Alban.

Ce n’était ni une conspiration, ni un conflit d’intérêts entre familles aristocratiques, incompréhensible aux yeux du peuple. Tout était sur la table. Devant tout le monde, l’ancien Premier Ministre avait pris la parole et révélé ses idéaux et objectifs : renverser le règne de ce tyran incompétent afin que le Royaume de l’Aube connaisse un avenir meilleur.

Dans son discours, le Comte avait illustré plus d’un an de signes du déclin de la ville et de la tyrannie du nouveau roi, et prouvé à l’aide de données précises que le Royaume de l’Aube ne pouvait que déchoir. Du fait qu’aucun noble n’avait jamais expliqué au peuple les principes et les informations relatives à la gestion d’un territoire et que de surcroît l’orateur n’était autre qu’un Premier Ministre au service du Roi depuis plus de dix ans, cet acte souleva une discussion animée. De la maison de vente aux enchères de la Chambre de Commerce aux tavernes des bas quartiers, on ne parlait pratiquement que de cela.  

– « J’ai entendu dire que l’an passé, des centaines de personnes sont mortes de faim dans les bidonvilles car il n’y a plus suffisamment de terres cultivées dans les villes environnantes. »

– « En réalité, il y bien plus de morts dans ces villes. La décision de Sa Majesté d’occuper le terrain pour l’agrandissement du palais n’a rien d’anormal, mais vous avez entendu le Comte : les réserves de grain ne cessent de diminuer. Que faire ? »

– « Pas étonnant que le prix de la nourriture ait tant augmenté depuis quelques temps! »

– « J’ai entendu dire que les paysans des villes de banlieue avaient été enrôlés de force dans l’armée. Comme celle-ci a été vaincue, je doute fort que beaucoup ne reviennent! »

– « Cela ne signifie-t-il pas que le prix des denrées alimentaires va encore augmenter ? »  

– « J’espère que nous ne mourrons pas de faim durant les prochains Mois des Démons! »  

– « Pourquoi, vous avez l’intention de soutenir le Comte Quinn ? Il a promis que s’il atteignait son objectif, la Cité de Lumière n’aurait plus à s’inquiéter pour la nourriture et qu’il y en aurait désormais assez pour tout le monde. »  

– « Hey, je n’ai pas dit ça! »

Le discours de l’ancien Premier ministre fit rapidement le tour de la ville.

Si une grande partie de la population doutait du contenu de cette propagande, c’était surtout le conflit qui avait retenu leur attention.

Combien de fois pourraient-ils assister aux conflits entre la haute aristocratie et la famille Misra ?  

Le grand public n’entendait généralement dans les tavernes que des rumeurs exagérées, modifiées ou des fanfaronnades de la part des nobles mais ces derniers jours, c’était particulièrement excitant!

Ce n’était pas du théâtre mais une véritable trahison!

Le Roi Alban n’y était pas resté indifférent. Il avait ordonné plusieurs fois à des hommes d’arrêter le Comte, mais en vain. Rodolphe Quinn était incroyablement avantagé et avait pour bouclier une équipe de gardes terriblement puissants. Non seulement ceux-ci avaient battu les hommes du Roi, pourtant supérieurs en nombre, mais était passée de douze à environ cinquante.  

Et surtout, le Comte n’avait pas hésité à leur faire part de son plan! Il avait l’intention de déplacer chaque jour sa ligne de front de deux cents mètres en direction des quartiers du château jusqu’à ce que le Roi de l’Aube, de gré ou de force, renonce à son trône.  

Autrement dit, la confrontation durerait environ cinq jours.

Alban jeta sur le tapis tout ce qui se trouvait sur son bureau. La pièce joliment décorée était dans un désordre incroyable sans que cela ait pour autant atténué sa colère.

– « Bon sang de bon sang! Depuis quand ais-je occupé les terres agricoles de banlieue ? N’est-ce pas précisément le problème sur lequel mon père lui avait ordonné d’enquêter ? Comment ose-t-il me rendre responsable de la désertification de ces villes et villages ?! Tout cela est la faute de Roland Wimbledon! » Rugit-il. « Ce sont ses sorcières qui les ont tués, pas moi! »

– « Calmez-vous, Majesté… » Le prièrent son ministre et le Chevalier en Chef. « Le plus important, à présent, est d’arrêter Rodolphe Quinn afin que vous puissiez lui rabaisser le caquet. Les nobles du royaume attendent votre décision! »

« J’aurais dû tous les jeter en prison dès le départ », pensa Alban, furieux avant de demander :  

– « Combien de gens nous reste-t-il ? »

– « Nous avons encore mille cinq cents chevaliers, gardes et mercenaires au sein du palais. En mobilisant également les domestiques, hommes et femmes, nous aurons deux mille mains supplémentaires », répondit le Chevalier en Chef. « Ils pourraient s’installer sur le mur de pierre qui délimite les quartiers du château. Même s’il n’est pas aussi épais que les remparts, il peut suffire à bloquer l’ennemi et nos gens, même s’ils n’ont pas beaucoup d’entraînement, les tueront facilement. »  

Au départ, le Roi n’avait pas l’intention de faire connaître son atout avant de s’être occupé des autres seigneurs, d’autant que ses gardes, presque aussi forts que les Chevaliers, étaient armés jusqu’aux dents. Il avait commencé à les former avant la mort de son père et allait devoir les utiliser pour défendre le Palais.  

– « Sortez les boîtes de la chambre forte et faites savoir aux domestiques qu’ils obtiendront une récompense de cent Royals d’or par monstre tué! » dit Alban, les dents serrées. « S’ils parviennent à mettre fin à cette trahison, je leur donnerai des titres et des domaines! Et s’ils possèdent déjà des terres, j’élèverai leur statut! »

– « Entendu! »

Comme il avait pu en juger de par les Purifiées, les Guerriers du Châtiment Divin n’étaient pas invulnérables. Aussi forts que puissent être ces monstres, jamais ils ne pourraient démolir le mur à la main!

Si le nombre de monstres augmentait, c’était sans doute une ruse du Comte. Il avait certainement fait en sorte que ces hommes se cachent quelque part pour ensuite pouvoir faire accroire qu’il y en avait de plus en plus.

À l’exception des stupides roturiers dont l’opinion importait peu, nul ne croirait qu’il puisse y avoir autant de puissants guerriers au sein de la Cité de Lumière alors qu’ils ne les avaient jamais vus jusqu’ici.

Alban se tourna vers le ministre :

– « Rodolphe a-t-il déjà gagné le soutien d’autres nobles ? »

Embarrassé, ce dernier balbutia :

– « Euh…eh bien… »

– « Mais parlez! »

– « Il paraîtrait que les Marchands Noirs sont entrés en contact avec lui, mais pour le moment, nous ne savons rien de plus. »

– « Ces loups rapaces! » S’écria Alban furieux, en serrant le poing. « Mon père considérait que leur chenil souterrain faisait partie du marché. J’aurais dû depuis longtemps leur confisquer leurs biens! »  

Exprimer sa colère était la seule chose qu’il puisse faire dans la mesure où ces Marchands Noirs étaient tous de riches hommes d’affaire de la Cité de Lumière, aussi importants que la haute aristocratie.  

Par ailleurs, une bonne partie des richesses accumulées par la famille Misra provenait de ces gens.

– « De plus, la famille Tokat soutient ouvertement la famille Quinn », renchérit le ministre. « Mais je vous en prie, Majesté, ne vous inquiétez pas outre mesure. J’ai entendu dire que la famille Luoxi avait rejeté plusieurs fois l’invitation de Rodolphe. »

« Ces trois familles dont mon père était si fier… » Pensa Alban avec un rire amer. « Voilà maintenant que deux d’entre elles nous trahissent, et ceci encore plus vite que ces petits nobles qui ménagent la chèvre et le chou. Si les Luoxi n’ont toujours pas régi, c’est uniquement parce qu’Otto est toujours entre mes mains. »

Mais il pourrait aussi s’en servir.

– « Faites dire au Comte Luoxi que s’il souhaite me prouver son innocence, il faut qu’il vienne immédiatement ici avec ses Chevaliers et ses propriétaires terriens pour protéger le Palais », ordonna froidement Alban, « faute de quoi je me montrerai impitoyable envers cette famille rebelle. »  

– « Ce sera fait! » Répondit aussitôt le ministre.  

Quatre heures plus tard, le Roi de l’Aube reçut un message l’informant que le Comte Luoxi était disposé à se conformer à ses exigences, ce qui eut pour effet d’atténuer quelque peu sa colère. Il avait réussi à marquer quelques points face à ces mauvaises nouvelles.

Alban ne se souciait pas trop des chevaliers de Luoxi. Plus important encore, il savait que la jeune génération des trois familles était des amis proches. S’ils apprenaient que, si l’un d’entre eux osait s’opposer au Roi, ils mourraient, resteraient-ils dans la lignée de ce qu’avait fait leur famille ?

C’était là une épine empoisonnée dont ils ne pouvaient se défaire.

Quelques temps plus tard arriva la date limite annoncée par Rodolphe Quinn.  

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