Relâchez cette Sorcière | Release that witch | 放开那个女巫
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Chapitre 868 : La Perle Noire
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« Quel merveilleux sentiment », pensa Edith en respirant profondément l’odeur de sang qui flottait dans la salle, fascinée par la panique qui s’était emparée de la foule.

Les Sorcières du Châtiment Divin ayant rapidement resserré leur encerclement, la fameuse résistance ne dura pas longtemps. Les survivantes de Taquila, ne faisant aucune différence entre ces aristocrates imbus de leur personne et les gens ordinaires, n’hésitaient pas à les éliminer.  

Si elles agissaient ainsi, c’est parce qu’un homme, pourtant ordinaire lui aussi, leur en avait donné l’ordre et Edith était convaincue que sous son influence, les Sorcières du Châtiment divin obéiraient également à ses ordres, même si elle n’était qu’une simple mortelle.

C’était là tout le charme du pouvoir.

Grâce aux liens et aux négociations, une personne commune était en mesure de jouer des intérêts, objectifs, désirs et aspirations des gens pour générer une force beaucoup plus puissante que la sienne.

Le dernier rebelle éliminé, Phyllis laissa tomber son épée, désormais ébréchée en plusieurs endroits, et annonça :

– « Votre Majesté, la procédure de filtrage est terminée. »

Soixante cadavres gisaient sur le sol et le sang solidifié, à la lueur vacillante des flammes, ressemblait à des paquets de cire.

Un silence de mort régnait dans la salle, les nobles restés en vie n’osant proférer le moindre son de crainte de devenir la prochaine victime. Agenouillés sur le sol, les trois “indécis” tremblaient de peur.  

Edith n’avait pas besoin de l’aide de Rossignol pour deviner quelle serait le résultat concernant ces aristocrates si on leur demandait à nouveau de répéter la dernière phrase, la peur étant une garantie de loyauté.

Aucun des nobles tués n’était innocent. En effet, au début de la réception, Isabella avait discrètement désactivé tous les effets de leurs Pierres du Châtiment Divin afin de permettre à Rossignol d’exercer sa capacité de détection de mensonge, faisant ainsi croire à l’assistance que Roland avait le don de lire dans les pensées.   

De leur côté, les nobles avaient commis l’erreur fatale de se surestimer.

Ces grands seigneurs, qui exerçaient un pouvoir absolu sur des milliers de sujets, s’étaient avérés vulnérables face à une puissance supérieure. Dans ce combat, le Roi avait pu récupérer plus de la moitié des domaines de la Cité Écarlate et des environs, succès devant lequel, aux yeux d’Edith, l’élimination des deux grandes familles nobles de la Cité de la Nuit Éternelle faisait piètre figure.

Si ce plan avait produit les effets escomptés, c’est parce que Sa Majesté lui avait fait confiance et parce que les sorcières avaient suivi ses ordres. Le Roi n’avait même pas changé un seul mot aux déclarations qu’elle avait composées.  

Ce qui, par contre, ne faisait pas partie du plan initial était la coupe brisée par Roland. Edith ne comprenait pas pourquoi il avait choisi ce signal car selon elle, cette démarche était inutile.

En toute logique, ce geste ne manquerait pas d’attirer l’attention de l’ennemi et par ailleurs, les bruits environnants ne permettraient pas d’entendre le verre se briser. Aussi, doutant du bien-fondé de cette décision, avait-elle considéré cette histoire de coupe comme une perte de temps.

Mais parallèlement à la capacité de Roland à lire dans les pensées, force lui fut de reconnaître qu’en créant une atmosphère mystérieuse, ce bris de verre avait contribué à effrayer davantage les nobles.

Décidément, le Roi était excellent en matière de tactique.

Tout excitée, la jeune femme passa sa langue sur ses lèvres : elle avait vraiment pris la bonne décision en choisissant de le servir.

Elle regarda le Roi dans l’espoir de partager sa joie avec lui mais, à sa grande surprise, s’aperçut que son visage n’exprimait aucun enthousiasme. Elle pouvait même voir dans ses yeux une lueur de solitude et d’ennui.  

– « Y a-t-il une autre salle de réception dans cette villa ? » Demanda Roland d’une voix grave.

– « Oui, juste à côté », répondit le Comte Delta en ravalant avec peine sa salive.

– « Dans ce cas, allons-y », répondit le Roi. « J’ai à vous parler. Pour ce qui est de ces insurgés, demandez à vos hommes de relever leurs noms et d’en dresser une liste. Je la veux pour ce soir. »

– « B… bien, Votre Majesté. »

– « Pendant que j’y pense, ouvrez toutes les portes et les fenêtres de cette salle et débarrassez-vous au plus vite de ces cadavres. Cette odeur de rouille est vraiment écœurante. »

– « J’appelle immédiatement mes serviteurs! »

Edith réalisa alors que le Roi, loin d’espérer ce massacre, souhaitait surtout que les nobles renoncent à leur pouvoir pour instaurer un Hôtel de Ville efficace et gérer harmonieusement la Cité Écarlate. Tuer lui semblait sans doute plus intimidant aux yeux de ces gens que la menace de les envoyer travailler dans les mines, mais ceci dit, il détestait le meurtre et avait horreur de l’odeur du sang. 

À ce constat, son enthousiasme retomba. Elle commençait à douter d’elle.

« Mon plan était-il excessif ? » Se demanda la Perle de la Région du Nord. « N’aurais-je pas mieux fait d’éliminer la moitié des rebelles dans la salle et l’autre moitié à l’extérieur ? »  

En effet, bien que ce soit en grande partie une question de goût personnel, elle craignait qu’une telle différence d’attitude à l’égard du meurtre entre elle et son supérieur ne lui attire son hostilité et l’empêche d’évoluer au sein de son gouvernement.

Lorsque tous furent réunis dans l’autre salle, le Roi se détendit, s’éclaircit la voix et annonça d’un ton joyeux :

– « Ne vous inquiétez pas. Seuls les insurgés seront sévèrement punis. Leur rébellion ayant été réprimée, la priorité absolue, désormais, est de rétablir l’ordre dans la ville. Pour cela, je vais avoir besoin de votre aide. »

À ces mots, les nobles s’agenouillèrent :

– « Parlez, Votre Majesté. Qu’attendez-vous de nous ? »

– « Je vous en prie, relevez-vous », dit Roland en inclinant la tête, satisfait. « Voici votre première mission. Comme vous n’avez plus aucun intérêt à demeurer sur vos domaines maintenant qu’ils appartiennent au royaume, je voudrais que vous, vos familles, vos gens, vos hommes libres, vos serfs et leur bétail vous installiez en ville. »   

– « Mais… Votre Majesté, où allons-nous trouver suffisamment de nourriture pour tout ce monde en ville ? » Demanda le Comte Delta. « Par ailleurs, dans le cas où vous auriez l’intention de leur faire travailler la terre, nous n’avons guère de champs aux alentours, aussi je crains que ce déménagement n’occasionne famine et émeutes… »  

– « Tout d’abord, nous allons vous remettre un nouveau grain de blé appelé “Dorés 2” dont le rendement est dix fois supérieur à celui que vous connaissez. Ensuite, s’il n’y a pas de place pour tous à la Cité Écarlate, une partie de la population pourra être transférée dans la Région de l’Ouest. Quel que soit leur nombre, je suis prêt à les accueillir. »  

Les aristocrates en eurent le souffle coupé :

– « Dix… Dix fois supérieur ?! »

– « Un tel blé existe-il vraiment ? »

– « Mais…nos sujets… »

– « Lorsque vous abandonnerez vos fiefs, ces gens ne seront plus vos sujets, aussi leur appartiendra-t-il de décider s’ils veulent partir ou rester », coupa Roland. « Jusqu’ici, vos terres étaient mal utilisées et trop peu peuplées. Un domaine de près de 7 kilomètres carrés ne pouvant accueillir plus de quelques milliers de personnes, la dispersion de la population est extrêmement gênante pour la mise en œuvre de politiques efficaces, aussi n’avons-nous pas d’autre choix que de regrouper les habitants dans de grandes villes.  Je sais très bien que vous êtes perplexes quand à cette réforme, mais sachez que c’est à elle que nous devons la prospérité de la Cité Sans Hiver. Ne vous inquiétez pas si vous ne savez pas comment faire, car j’enverrai des gens vous enseigner comment tirer profit des changements à venir. »

– « Nous… enseigner ? » Bégaya le Comte Delta.

– « Oui, des fonctionnaires formés à l’Hôtel de Ville de la Cité Sans Hiver viendront construire ici un nouveau système administratif qui remplacera celui des Seigneurs et assurera la gestion de ces régions. Si vous vous joignez à eux, vous gagnerez pouvoir et statut mais n’aurez qu’un salaire limité. En revanche, il vous est également possible de rechercher des opportunités dans le développement de la production de masse et vous créer une richesse incommensurable. Mais sachez que dans ce cas, vous ne pourrez pas interférer dans le travail gouvernemental. Par ailleurs, il vous faudra suivre tous les décrets et accomplir toutes les tâches qui vous seront confiées par l’Hôtel de Ville », expliqua calmement Roland. « Prenez le temps d’y réfléchir. Ce service de gestion sera mis en place dès demain et si vous le souhaitez, vous pourrez les consulter avant de prendre une décision. Mais gardez à l’esprit que quel que soit votre choix, vos réalisations dépasseront, et de loin, la valeur de vos terres. »

Une demi-heure plus tard, les nobles quittaient la salle.  

Roland poussa un soupir de soulagement :

– « Enfin, les choses sont stabilisées en ce qui concerne la Cité Écarlate. »

– « Il nous reste plus qu’à nous occuper de la Cité d’Argent et de l’ancienne Cité du Roi », ajouta Edith. « Mais comme, dans cette dernière, la procédure de filtrage a déjà été faite, il nous suffira d’y envoyer des fonctionnaires pour la gérer. »

– « Je me demande comment se passent les choses sur le Front Est », dit le Roi en regardant par la fenêtre la lune brillante suspendue dans le ciel et la surface du lac qui miroitait sous sa lumière argentée. « Sauf imprévu, Hache-de-Fer devrait arriver demain à Valencia. »

– « …En principe », répondit Edith.

Soudain, elle se remémora ce qu’elle avait dit au Commandant de la Première Armée avant la bataille et revit la manière dont le Roi avait réagi au massacre de ce jour. Son cœur manqua un battement. Elle n’était plus aussi sûre d’elle désormais.

– « J’espère que tout va bien », dit Roland. « Retournez à l’État-Major. Vous allez avoir beaucoup à faire ce soir. »  

En effet, si les troupes étaient restées à l’extérieure de la ville, c’est parce qu’une fois les noms des insurgés connus, ils avaient prévu d’envoyer la Première Armée nettoyer au plus vite leurs domaines durant la nuit.   

– « Bien, Votre Majesté. Je vais donc prendre congé », répondit distraitement la jeune femme.

– « À propos », dit soudain Roland alors qu’elle s’apprêtait à quitter la pièce. « Bravo pour votre stratégie, c’était très malin. Vous avez fait du bon travail. »  

« Ai-je bien entendu ? Sa Majesté n’a donc que faire de ce que j’ai fait ? »

Réalisant soudain que ses inquiétudes étaient inutiles, la Perle de la Région du Nord ressentit alors une satisfaction sans précédent.  

Elle avait fait ce qu’elle devait pour gagner du pouvoir. En effet, Sa Majesté ayant en horreur ce genre de plans sournois, il lui fallait quelqu’un comme elle pour s’en charger à sa place dans la mesure où elle excellait dans ce domaine.

Saluant le Roi d’un signe de tête, Edith sortit dans la nuit noire.  

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