La lumière émanait de la boîte, ce qui signifiait qu’elle venait directement de l’os!
Devant la tournure inattendue que prenaient les évènements, Yi Yun ressentit des sueurs froides.
Si l’os continuait à émettre des éclats de lumière dans sa direction, Lian Chengyu allait se poser des questions. À coup sûr, il serait découvert et sitôt qu’il commencerait à enquêter, Lian saurait tout de sa vie!
– « Qu’est-ce qui ne va pas, Yun’er ? Pourquoi transpires-tu ainsi ? »
– « Petite sœur, tu… tu ne vois donc rien ? » Demanda Yi Yun en s’apercevant que ni Jiang Xiaorou, ni les gens qui l’entouraient ne semblaient avoir remarqué tous ces points lumineux.
– « Voir quoi ? Yun’er, tu es malade ? » S’enquit la jeune fille, inquiète.
Yi Yun, qui n’était revenu à la vie que la veille, était encore faible. S’il venait à retomber malade, ce serait terrible!
Finalement, le jeune garçon poussa un soupir de soulagement. Apparemment, il était le seul à voir la lumière.
Se pouvait-il que le propriétaire du Cristal Pourpre soit le seul à pouvoir voir ses étranges manifestations ?
Il jeta un coup d’œil furtif à Lian Chengyu qui souriait toujours en regardant la boîte, une lueur de folie dans les yeux.
« Ce gars n’a rien remarqué… » Pensa Yi Yun, après quoi il se détendit : si Lian Chengyu ne pouvait pas voir les points lumineux, personne ne le pourrait.
Décidément, ce Cristal Pourpre était un merveilleux trésor!
C’est alors que Lian Chengyu lui adressa un sourire significatif et s’avança vers Jiang Xiaorou.
– « Cette nourriture est une récompense. Mangez à votre faim et si vous n’en avez pas assez, venez me voir », dit-il d’une voix douce, aimable, mais avec une attitude de supériorité signifiant bien que ce qu’il donnait, il pouvait aussi le reprendre.
Jiang Xiaorou garda le silence mais Lian Chengyu s’en moquait. S’il avait apprécié sa détermination lors de la distribution des rations, cela ne voulait pas dire qu’il appréciait son obstination vis-à-vis de lui. Il était donc déterminé à l’éroder petit à petit jusqu’à ce qu’elle devienne aussi docile qu’un chaton.
Ce qu’il voulait, c’était une servante obéissante et non d’une dame qu’il faille amadouer.
D’autant qu’avec un frère à ses côtés, elle avait quelque chose à quoi se raccrocher pour maintenir sa détermination. Or ce n’était pas ce que voulait Lian Chengyu. En outre, elle avait été adoptée par la mère de Yi Yun et Lian n’aimait pas du tout l’idée que des frères et sœurs n’ayant aucun lien de sang vivent ensemble.
A voir cet enfant de douze ans tenter de provoquer délibérément une émeute, il se disait qu’en grandissant, celui-ci représenterait certainement une menace. Or, Lian Chengyu voulait des gens obéissants, capables de lui servir de tremplin, et non des intrigants comme Yi Yun, difficiles à contrôler.
L’os de Créature Fabuleuse étant sur le point d’être raffiné, cela lui posait grandement problème et il était prêt à payer n’importe quel prix pour que cela aboutisse.
Sur le point de se retirer pour s’entraîner, il ne voulait rien laisser au hasard. Par ailleurs, s’il y avait le moindre problème avec l’os, le raffinage pouvait s’avérer mortel!
Les gens mourant de faim, il serait facile de susciter la colère du peuple, aussi craignait-il que se produise une mutinerie pendant sa retraite. Ils étaient bien capables de renverser le chaudron où l’on raffinait l’os. Si ses plans venaient à être détruits, les tuer tous n’aurait plus aucun sens.
Lian Chengyu était convaincu que Yi Yun le détestait et ne ressentait pas une once de crainte ou de respect envers lui.
Ce dernier étant déjà connu pour inciter à la révolte, si jamais il cherchait à se venger pendant que Lian était en isolement, il pourrait bien être l’étincelle qui conduit au désastre.
Cette pensée en tête, le jeune homme sourit et, à nouveau, tapota doucement l’épaule de Yi Yun. Le cœur de celui-ci fit un bond, mais il n’eut pas le temps de réagir.
Bon sang! Il aurait bien voulu pouvoir couper la main de ce gars qui était aussi sinistre qu’un serpent venimeux!
– « Qu’est-ce qui vous rend si nerveux ? » Demanda calmement Lian. « Auriez-vous peur de moi ? Vous et votre sœur n’avez pas la vie facile, aussi, prenez bien soin d’elle. »
Cela dit, il retira sa main, et à nouveau Yi Yun se sentit engourdi. Cela faisait deux fois que le jeune homme lui tapotait l’épaule mais il n’y pouvait rien.
– « Si vous avez le moindre problème, venez me voir », dit Lian Chengyu à Jiang Xiaorou, toujours en souriant. Yi Yun fronça les sourcils : ce gars semblait intéressé par sa sœur.
Pas étonnant qu’il leur ait donné autant de nourriture, ce qu’il n’aurait jamais fait sinon, n’ayant aucune raison de distribuer ses précieuses réserves.
Le fait qu’il ait demandé à sa sœur de venir le voir au moindre problème en disait long. Qui sait ce qui se passerait si Jiang Xiaorou obtempérait!
Lian Chengyu fit un geste de la main et aussitôt, les guerriers du camp de formation scellèrent le coffre contenant l’os de Créature Fabuleuse. Yi Yun sentit alors s’évanouir la connexion existant entre l’os et le Cristal Pourpre tandis que les points de lumière disparaissaient.
« Mais… »
Alors que les guerriers emportaient le coffre, une pensée traversa l’esprit du jeune garçon.
– « À quoi penses-tu, Yun’er ? » Lui demanda Jiang Xiaorou sur le chemin du retour en voyant son frère absorbé dans ses pensées, les sourcils froncés.
Yi Yun, en effet, était préoccupé. Qui sait ce que ce serpent venimeux avait bien pu lui faire en lui tapotant l’épaule à deux reprises ? Ceci dit, il ne pouvait pas en parler à sa sœur de crainte de l’inquiéter. En outre, elle était encore jeune et sans doute incapable de voir le loup qui se cachait sous la peau de brebis de Lian Chengyu.
Mais soudain, contre toute attente, Jiang Xiaorou lui dit :
– « Méfie-toi de ce Lian Chengyu, Yun’er, et évite-le autant que faire se peut. »
Yi Yun en fut abasourdi. Jamais il n’aurait cru qu’elle soit si intuitive.
En apparence, Lian Chengyu avait le comportement irréprochable d’un Jeune Maître soucieux de son peuple, d’un chef de clan aimable et respecté.
Mais pour avoir vu agir certains politiciens sur la Terre, Yi Yun avait su déceler ses motivations cachées. Les gens comme Lian Chengyu étaient pléthore dans les livres d’histoire, sans parler de l’actualité internationale. Aussi, à la différence des pauvres gens, avait-il immédiatement perçu l’hypocrisie de ses propos et à ses yeux, les deux tapes qu’il lui avait données sur l’épaule reflétaient clairement son hostilité.
Yi Yun était stupéfait que Jiang Xiaorou l’ait ressenti elle-aussi.
– « Quoi qu’il en soit, évite-le. »
La jeune fille semblait si déterminée qu’il réalisa qu’il ne la connaissait pas vraiment.
Qu’il s’agisse de son intuition, du fait qu’elle sache ce qu’étaient les Créatures Fabuleuses, leurs os, ou de son incroyable beauté comparée aux autres jeunes filles de la tribu, elle se démarquait vraiment au sein de ce pauvre clan…
Comme Yi Yun s’y attendait, le dîner se composait de légumes sauvages et de porridge.
Dans ce monde, les gens ne prenaient que deux repas par jour. La plupart se levaient à 5 heures du matin et prenaient leur petit déjeuner à 9 heures. Enfin… c’était le nom que lui donnait Yi Yun, les autochtones désignant ce repas par un tout autre terme. Quant au dîner, ils le prenaient à 16 heures.
Yi Yun savait qu’il en était ainsi dans la Chine Antique. Scientifiquement parlant, dans un environnement où les ressources se faisaient rares, le fait de ne manger que deux fois par jour était sans doute le meilleur moyen de survivre.
Tandis qu’ils prenaient leur repas, Jiang Xiaorou se sentait un peu coupable de ne pas avoir réussi à obtenir de la viande pour son frère.
De son côté, Yi Yun n’était pas d’humeur à se soucier de tout cela, trop préoccupé qu’il était par les deux tapes qu’il avait reçues sur l’épaule. Ce n’était de sa part que pure spéculation car il n’avait aucune idée de l’ampleur des conséquences.
Sa bouillie terminée, le jeune garçon était sur le point de prendre des légumes sauvages lorsque soudain, il sentit son bras s’engourdir et laissa tomber ses baguettes.
– « Yun’er, tu… »
Yi Yun eu un gémissement. Il ne pouvait plus bouger la main gauche et ses deux bras lui faisaient aussi mal que si on était en train de les lui briser.
– « Yun’er! » S’écria Jiang Xiaorou, soudain très pâle.
Comme elle ne savait pas du tout ce qui lui arrivait, elle l’aida aussitôt à se coucher.
« Bon sang! » Pensa Yi Yun en serrant les dents sous le coup de la douleur. « Je ne m’étais pas trompé! C’est l’œuvre de Lian Chengyu! »
Comment avait-il fait ? Même si Yi Yun avait aussitôt perçu l’hostilité du jeune guerrier, étant donné la disparité des pouvoirs, il n’avait pas pu l’éviter.
C’était la loi de la jungle, où les forts décident du destin des faibles.
– « Comment te sens tu ? Sont-ce là des séquelles de la chute que tu as faite en cueillant les herbes ? »
– « Je… »
Yi Yun s’apprêtait à répondre lorsqu’il se rendit compte que sa langue, elle aussi, était toute engourdie.
Progressivement, la paralysie gagnait tout son corps.
Il réalisa alors que lorsqu’il aurait perdu toute sensation, il mourrait!
Ainsi, Lian Chengyu en voulait à sa vie ?
Yi Yun était à la fois choqué et en colère. Sauf erreur de sa part, Lian Chengyu lui avait transmis une certaine forme d’énergie ou de “Qi” et celle-ci était en train de détruire ses méridiens!
Aucun enfant de douze ans, y compris Yi Yun, n’aurait saisi cela et aurait aussitôt pensé que c’était une conséquence de ses anciennes blessures.
S’il mourait, à l’exception de Jiang Xiaorou, personne ne le pleurerait. Beaucoup penseraient que c’était là son destin. Comment une personne décédée pourrait-elle soudain revenir à la vie ?
En l’assassinant insidieusement, non seulement Lian Chengyu se vengerait de sa provocation, mais il s’assurerait du même coup le bon vouloir du peuple.
Jiang Xiaorou se retrouverait alors dans des difficultés telles qu’elle finirait par aller le trouver. Il lui serait alors facile de manipuler cette jeune fille au moyen de ruses.
Tuer Yi Yun et obtenir Jiang Xiaorou, quel plan venimeux!
Yi Yun commençait à s’apercevoir que, loin d’être une société bien réglementée comme celle de la Terre, ce monde brutal et primitif était régi par la loi du plus fort. Un monde où, comme dans les romans apocalyptiques, tuer ne signifiait rien…