– « Je dois admettre que votre capacité à comprendre me surprend », dit Cléo en s’approchant de lui.  Elle s’accroupit : « Vous êtes le premier à contre-attaquer sans avoir reçu aucune explication.

La Purifiée ramassa le fusil et l’examina soigneusement :

– « Des matériaux rares, des techniques de fabrication délicates… Est-ce aussi une arme à poudre de neige ?  Les objets que vous avez créés sont vraiment effrayants, cependant, ils ne représentent pas une menace pour moi. J’ai observé attentivement toute la bataille. La plupart de vos minces tubes situés dans les fosses et les plus larges derrière le camp nécessitent des opérateurs. Par ailleurs, vous n’avez pas même repéré mes déplacements. » Elle secoua la tête : « Au fils des années, j’ai avalé plus d’un millier de guerriers et même une extraordinaire. Vous ne pourrez jamais me vaincre. »

Soudain, une boîte en plastique verte apparut entre eux et une forte explosion secoua le toit. Les vitres des salles de classe se brisèrent, un énorme trou se forma dans le plancher et un courant d’air jeta au sol la vieille porte de fer.  

– « Ce n’est pas que j’aie une forte capacité à comprendre, mais votre mise en scène est vraiment minable! »

Roland venait de réapparaître dans un coin du toit. Il était à bout de souffle et la vive douleur était encore fraîche dans sa mémoire. Il savait à présent ce que pouvaient ressentir ceux qui étaient amputés avant de mourir. Ne pouvant plus le supporter, il avait “fabriqué” un explosif pour les faire sauter tous les deux.

– « Minable ? » Dit Cléo qui venait à son tour de revenir à la vie. « Il s’agit de vos souvenirs. »

– « Peut-être, mais c’est votre capacité qui les créent. Il est six heures du soir, l’heure à laquelle le campus est le plus bondé. Comment se fait-il qu’il n’y ait personne sur le terrain ? À première vue, cette illusion est exquise cependant, ce n’est qu’un décor plein de failles », dit-il en tentant de gagner du temps tout en réfléchissant au moyen de riposter. « Est-ce ainsi que vous dévorez votre adversaire ? Vous poussez les gens au désespoir jusqu’à ce qu’ils abandonnent et vous fassent docilement don de leurs connaissances et compétences ? »

Les compétences de la Purifiée étaient quelque peu similaires à celles d’une Extraordinaire. Tout au moins, Roland n’avait jamais vu une telle puissance et une pareille rapidité que chez Cendres. Pour tuer cette sorcière, il fallait de puissants explosifs et il n’en réchapperait pas non plus. En effet, il était difficile de l’atteindre avec une simple arme à feu.

Cependant, était-ce vraiment aussi simple ? Après trois résurrections, Roland était en nage et son rythme cardiaque était aussi rapide que s’il venait de courir autour du campus. Par ailleurs, il se sentait physiquement affaibli.

Peut-être le nombre de résurrections était-il limité.

Dans ce cas, ce n’était pas une bonne idée de bombarder un bâtiment entier avec de puissants explosifs… Il devait remonter le score, qui était déjà de trois à un.

De toute évidence, il lui fallait une arme à la fois offensive et défensive.  

– « Je ne comprends pas tout à fait ce dont vous parlez, mais ne vaudrait-il pas mieux vous rendre ? » Dit Cléo en inclinant la tête sur le côté. « Même si la mort est une torture pour n’importe lequel d’entre nous, il me semble plus judicieux de renoncer. »

– « Gardez vos pensées pour vous », s’écria Roland. « Homme de Fer! »

Aussitôt, une armure de métal rouge apparut devant lui. Il entra dedans et dit calmement :     

– « Lancer le programme! »

Un petit écran d’affichage apparut à l’avant du casque, mais contre tout attente, l’armure ne se referma pas. L’intelligence artificielle refusait de lui obéir.

L’armure s’effondra avant même qu’il n’ait pu faire un pas et lorsque Roland se releva, la lame de Cléo lui avait déjà entaillé le cou.

Brusquement, le monde s’inversa et il vit son corps sans défense tomber à genoux avant de perdre connaissance.  

– « Si vous voulez créer une armure, vous devriez au moins lui mettre des articulations », dit la sorcière en frappant sur le métal. « Cependant, je ne pense pas qu’une mince feuille de métal creux vous soit d’une grande utilité. »

Roland, qui venait de ressusciter pour la quatrième fois, sentit son cœur se serrer.

Même si la mort n’avait pas été douloureuse, Roland venait de prendre une cruelle leçon :  Cet objet, qu’il avait créé sans même en comprendre le principe, n’était qu’une coquille vide. L’écran d’affichage, par exemple, était une simple caméra.  

« Bon sang! Voilà que je n’utilise que des méthodes stupides! »

Tandis que Cléo méditait sur l’armure métallique, des plaques d’acier de dix centimètres d’épaisseur surgirent de nulle part et formèrent autour de lui une casemate qui ne pouvait cacher qu’une seule personne. Au sommet se dressait une station de contrôle d’armes munie d’un lance-grenades de 40 millimètres. Roland plongea dedans, verrouilla l’entrée, prit le contrôle de la station d’arme et se mit à tirer sur la Purifiée.

Cette tentative fonctionna.  

Lorsque Cléo voulut s’approcher de la casemate, elle ne put éviter la portée destructrice du lance-grenade.  

Roland tirait des grenades à la ronde et les fragments traversaient son corps. Certains venaient frapper l’épaisse plaque d’acier et il les entendait rebondir.

Malheureusement, lorsqu’elle ressuscita, Roland ne put localiser immédiatement la sorcière. Elle battit en retraite et alla se cacher dans un coin de la cage d’escalier afin d’éviter la grenade explosive qui filait droit vers elle.

Il s’apprêtait à créer une autre arme lorsque soudain, une lumière aveuglante et dorée apparut dans le ciel, tourbillonnant au-dessus des nuages ​​et des glands éblouissants remplacèrent le coucher de soleil dissimulé dans l’ombre.

Ce spectacle lui était familier.

Soudain, une myriade de foudres d’or s’abattit sur le toit du bâtiment et Roland fut immédiatement englouti!

Roland, déjà mort cinq fois, était trempé d’une sueur froide comme s’il sortait de l’eau, ses mollets et ses bras se contractaient involontairement.

Le Sceau de la Divine Volonté avait littéralement fait fondre la casemate, mais bien que carbonisé, le sol n’avait guère subi de dégâts. De toute évidence, dans cette bataille, le pouvoir magique était toujours efficace, ce qui n’avait aucun sens.

– « Renoncez », dit soudain Cléo qui, contre toute attente, restait à distance. « Votre énergie a déjà atteint sa limite. Tout ce que vous pourriez tenter maintenant sera vain et vous ne gagnerez rien d’autre qu’une souffrance éternelle. »

Roland serra les dents et s’efforça de tenir bon.

« Pourquoi me demande-t-elle sans cesse de me rendre alors que si elle continue à me poursuivre et à m’attaquer, il est évident qu’elle remportera la bataille ? Aurait-elle quelque chose à gagner si je me rends au lieu d’être tué par épuisement ? »  

« Je pense qu’à présent, vous avez compris que le fait de créer comme celui de mourir consomment de l’énergie. Si jamais vous l’épuisez totalement, vous aurez échoué.  Le niveau d’énergie de chacun est différent, cependant, je n’aurais jamais pensé que vous tiendriez si longtemps. » Elle étira ses bras et ajouta : « Soit dit en passant, j’ai plus de deux cents ans d’expérience, voire quatre cents si j’inclus le temps que j’ai passé à combattre les âmes. En d’autres termes, j’ai acquis suffisamment d’énergie pour endurer des centaines de morts, aussi, tous vos efforts ne feront qu’augmenter votre désespoir. »

Des centaines ? …Etait-ce une feinte ou la vérité ?

Roland regarda Cléo qui semblait très détendue et comprit que celle-ci ne mentait pas.

De son côté, il n’avait plus beaucoup d’énergie.