Personne ne quitterait ainsi son clan pour se rendre dans les Grandes Plaines des Nuages car sans nourriture, ce serait la mort assurée.
– « Nous pouvons aller nous cacher dans les montagnes où nous construirons une cabane. Nous emporterons tout ce que nous avons de nourriture, ce qui nous permettra de tenir un mois. »
Yi Yun avait déjà tout prévu. Pour lui, il n’était plus question de retourner au sein du clan Lian, il fallait se faire discret et disparaître.
Les montagnes au loin étaient vastes et l’herbe n’y poussait pas, c’est pourquoi peu d’homme s’y aventuraient.
– « Les montagnes ? Mais que se passera-t-il lorsque nous n’aurons plus de nourriture ? Où irons-nous ? »
– « Cela ne risque pas d’arriver sœurette. » Dit le jeune Yi en souriant.
Il avait obtenu du vieil homme suffisamment de viande pour tenir plusieurs mois et comme la Sélection du Royaume devait avoir lieu quatre semaines plus tard, il n’était pas du tout inquiet.
Le moment venu, il réglerait ses comptes. Chengyu, Tiezhu, Cuihua et tous ceux qui l’avaient malmené auraient le châtiment qu’ils méritent!
Yi Yun aida sa sœur à rassembler leurs affaires. Pour résumer, seul le lit de la pièce centrale et un sac de nourriture avaient été épargnés par la bouse. Les bols, assiettes et autres couverts étaient inutilisables!
– « Il y a quelqu’un ? »
Yi Yun se cacha et vit, à la lueur du clair de lune, trois silhouettes qui poussaient doucement le portillon de la cour.
C’était tante Wang, oncle Zhou et leur fille Xiaoke.
Tante Wang avait souvent prêté de quoi manger à Yi Yun, celui-ci lui ayant donné une bonne portion du bacon qu’il avait reçu.
Sa fille avait le même âge que Yi. A l’époque, ils étaient toujours ensemble à faire les 400 coups, de véritables polissons! Mais désormais, elle était beaucoup plus calme et posée, une vraie jeune femme.
– « Ma petite, c’est tata! Tu n’as pas mangé de toute la journée… »
Tante Wang, qui ne savait pas quelle maladie avait contracté Yi Yun, fut décontenancée à la vue de la cours remplie de bouse. C’était un très bon garçon puisqu’il avait été choisi, quelques jours plus tôt, par maître Zhang, faisant ainsi la fierté de tout le village.
Mais en quelques jours, tout s’était envolé.
Décidément, le Ciel était aveugle!
Ne voyant aucune lumière à l’intérieur, tante Wang en fut consternée.
– « Xiaorou et son frère sont-ils partis ? » Demanda Xiaoke, des sanglots dans la voix.
Yi regarda par la fenêtre et vit, près de la porte, une enfant du même âge que lui. Elle avait le visage rond comme une pomme et pleurait à chaudes larmes.
Il soupira : Dans ce pauvre clan sans émotions, il y avait encore des gens comme cette Tante et cette petite fille pour penser à lui…
Yi Yun se tourna vers sa sœur et lui fit un clin d’œil.
Xiaorou comprit aussitôt :
– « Je suis déjà couchée, Tante Wang et il n’y a pas d’endroit où poser les pieds… »
Sa tante savait que Xiaorou avait peur d’être contaminée. Elle se contenta de nettoyer un peu le seuil de la porte et y déposa ce qu’elle avait apporté.
– « Ma petite, je t’ai préparé un bol de nouilles. Je le pose derrière la porte. Tu peux garder le bol mon enfant. »
Il était plus facile de trouver de méchantes gens dans un village pauvre que de bonnes personnes dans la mesure où la règle établie était de donner le doigt pour prendre le bras. En retour du bacon offert par Yi Yun, Tante Wang lui avait apporté de la soupe de nouilles, qui, en ces temps, était un mets rare.
Depuis que tous ces malheurs s’étaient abattus sur leur maison, tante Wang savait que sa nièce n’avait rien dans l’estomac. Comment aurait-elle seulement pu préparer le repas ?
– « Allons-y » Dit-elle en déposant les nouilles.
Puis elle referma le portillon de la cour et tous trois s’éloignèrent.
Oncle Zhou était ennuyeux et ne parlait jamais, mais il était assez fort pour que sa famille s’en sorte.
Sitôt sa tante partie, Yi Yun ouvrit la porte pour prendre la soupe. Elle n’était pas comme celles que l’on peut trouver sur Terre. Celle-ci était faite à la main et chaque nouille portait l’empreinte de tante Wang.
« Un jour, je leur rendrai à chacun leur dû. Je saurai me souvenir de ceux qui m’ont fait du mal et de ceux qui se sont montrés bons pour moi », pensa-t-il puis, prenant sa sœur par la main, il prit le chemin des montagnes.
Les frère et sœur arrivèrent enfin à l’endroit choisi par Yi Yun, à l’abri des regards et près d’une source. Il y avait là un arbre suffisamment grand pour y construire une cabane.
Le froid était rude en hiver, particulièrement dans les montagnes. Les rochers étaient recouverts d’une fine couche de givre et leurs souffles prenaient l’apparence d’une brume blanche.
Xiaorou se frictionna les mains, frigorifiée. Même un homme fort n’aurait pu passer une nuit d’hiver dans ces montagnes.
– « Il fait terriblement froid ici, Yun’er. Nous ne tiendrons pas plus de quelques jours », dit Xiaorou, confuse d’avoir été contrainte de quitter leur maison qui, malgré son état, les gardait à l’abri du froid. Comment allaient-ils pouvoir survivre dans ces montagnes ?
L’avenir semblait mal engagé.
– « Ne t’inquiète pas, Sœurette », dit-il en sortant de derrière un énorme rocher un tas de bois de chauffage qu’il avait dissimulé là avant de quitter Su Jie.
– « Yun’er, tu… » Xiaorou était stupéfaite.
Yi Yun fit donc un feu et très vite, ils purent sentir l’air chaud s’élever et tandis que le gel sur les rochers commençait à fondre, Xiaorou reprit un peu espoir.
– « Sœurette, regarde! »
Yi sortit un gros sac de derrière le rocher et en déballa le contenu.
Il y avait là plus de 90 kilos de viande, des légumes et même des fruits sauvages!
– « Mais d’où sors-tu tout ça ? »
Riche en graisses et en calories, la viande pouvait sauver des vies.
– « Sœurette, je t’ai promis une vie confortable, c’est désormais chose faite. Tous ceux qui nous ont maltraités le paieront au centuple! » Répondit Yi Yun qui, après deux mois d’entraînement, avait acquis dureté et détermination.
Dans ce monde, seuls les plus forts s’en sortaient. Faire appel aux valeurs de la Terre pour interagir avec les autres reviendrait à jouer avec la mort.
Sans le Cristal Pourpre, il aurait depuis longtemps été acculé.
– « Sœurette, aujourd’hui, tu vas pouvoir manger de délicieux plats! »