C’était la première fois que Sylvie voyait une méthode de déplacement aussi incroyable.

Au fur et à mesure qu’Ayesha se déplaçait, il apparaissait devant elle une route revêtue de cristaux de glace. On aurait dit un miroir sur lequel elle semblait flotter, comme si le sol la poussait en avant et en un éclair, la sorcière se retrouva derrière la première Bête Démoniaque.

Ayesha étendit la main et aussitôt, la végétation tout autour se mit à geler. Il commençait même à neiger. Le monstre lâcha un cri et tenta de s’envoler, mais il ne pouvait plus bouger. Ses pattes puissantes gelaient sur place. En un rien de temps, les cristaux remontèrent le long de ses membres, atteignirent son corps, puis ses ailes.  

Presqu’au même moment, Maggie se jeta sur le dos de l’une des Bête Démoniaque qui dansaient et lui mordit le cou avec son énorme bouche cramoisie. Paniqué, le monstre tenta de se débarrasser d’elle mais la sorcière était beaucoup plus imposante. On aurait dit un bébé animal tué par une bête adulte. Maggie agrippa son cou et le tordit. Vaincue, la Bête Démoniaque s’effondra et dans un dernier battement de queue, se brisa en mille morceaux.  

C’est alors que la troisième réalisa ce qui venait de se passer. Bien qu’elle ne comprenne pas pourquoi ses semblables s’entretueraient, celle-ci sentit que quelque chose de grave était en train de se produire. Elle déploya ses longues ailes et prit son envol.

Mais il était trop tard.

Ayesha s’éleva à sa suite, ou plutôt, elle courait dans les airs.

Les cristaux de glace, qui suivaient eux aussi la créature, formèrent durant un temps une sorte de pont grâce auquel la sorcière put rattraper la Bête Démoniaque. Bientôt, elle fut assez proche pour pouvoir utiliser son pouvoir magique et l’attaquer.

Stupéfaite, Sylvie porta la main à sa bouche.

Avec la rapidité d’une vipère, le pont atteignit la queue du monstre qui se mit à geler et en un instant, tout son corps devint une sculpture de glace.

Probablement en raison de son poids, l’extrémité du pont s’inclina, se fissura et cassa.  Ayesha tomba dans le vide. Heureusement, Maggie était là pour la rattraper tandis que la statue de glace éclatait en millier de débris sur le sol.  

Il leur avait fallu moins de vingt secondes pour tuer les trois Bêtes Démoniaques.

Elles s’étaient battues comme des Sorcières Senior!

Sylvie ne put s’empêcher d’envier Ayesha.

Après avoir vérifié les balles, Rossignol ferma la cartouche.

Au même moment, elle entendit Chloris annoncer que suite aux changements relatifs aux attaques ennemies, on passait au plan B.  

La mission d’Ivy étant annulée, c’était à son tour de passer à l’action.  

Cependant, il s’agissait avant tout de créer des opportunités pour qu’Anna puisse activer le Sceau de la Divine Volonté.  

En pensant à elle, Rossignol se remémora les paroles de Roland :

« Quoi qu’il arrive, ramenez-la, je vous en prie. Je compte sur vous. »

Elle enserra sa poitrine de ses bras et se mordit la lèvre.

Ce plan aurait dû être exécuté avec facilité mais au fond de son cœur, elle ressentait quelque chose d’indescriptible.

La mission devenant de plus en plus difficile, cette émotion ne cessait de s’amplifier.

« Si le pire se produisait, Anna pourrait mourir elle-aussi… » pensa-t-elle.

« Non, sauf si je venais à être tuée. »

Rossignol secoua la tête et réprima cette terrible pensée. Roland lui ayant donné sa confiance, elle ne pouvait pas lui faire faux bond. Même s’il ne le lui avait pas explicitement demandé, elle protégerait Anna, quoi qu’il puisse lui en coûter.  

En un sens, cette jeune fille avait sauvé toutes les sorcières de l’Association. Si Anna venait à mourir à cause de son égoïsme, jamais elle ne se le pardonnerait.

Soudain, un avertissement retentit :

– « Les ennemis arrivent! »

Aussitôt, Rossignol se concentra, prête à contourner les Diables tandis que Chloris lui aurait indiqué la direction à prendre.

En général, le monde, dans son brouillard, était terne et désolé. À l’exception du pouvoir magique, tout prenait l’apparence de lignes tordues et de taches changeantes noires et blanches. C’était la première fois qu’elle y voyait autant de couleurs.

Près de la forêt verte, elle pouvait voir le bras d’un Diable Fou. Il était d’un jaune doux avec, à l’intérieur, une nuance bleu pâle. Les deux autres devaient être les Diables Terrifiants que Chloris venait de mentionner. Leur résonance magique était beaucoup plus forte et elle apercevait de nombreux tourbillons à l’intérieur de leurs corps, le plus marqué étant celui de leur front.

Le Diable Supérieur, sur lequel elles devaient garder un œil particulièrement vigilant, n’était pas avec eux. Si leurs renseignements étaient exacts, il devait se trouver au-dessus de la forêt, en train de surveiller.

Il fallait absolument se débarrasser d’abord des Diables Terrifiants susceptibles de générer la peur et ceci avant qu’ils n’ouvrent les yeux.  

Lorsque les trois démons eurent passé les points d’embuscade, Rossignol prit le revolver à deux mains, fit un saut éclair de plus de dix mètres en un clin d’œil et pointa son arme derrière la tête de l’un des Diables Terrifiants.  

Il était si près qu’elle n’avait même pas à quitter sa brume. Avec un peu de chance, le canon ne serait pas coupé en deux par le pouvoir magique.

Aussitôt, elle tira et un grondement de tonnerre retentit.

Depuis la brume, la sorcière vit la tête du Diable se soulever comme si la balle avait été tirée de l’intérieur. Son cerveau explosa et les débris furent projetés dans toutes les directions. Un jet de Brume Rouge s’éleva vers le ciel et Rossignol s’aperçut que son réservoir était en fait caché dans son corps.

Aussitôt, le second Diable se retourna et sa cicatrice sanglante s’élargit : il tentait de révéler son regard, générateurs d’effroi. C’est alors que des plantes rampantes descendirent d’un arbre, s’entrelacèrent autour de sa tête et le tirèrent en arrière avant même qu’il n’ait eu le temps de montrer ses yeux. Le Diable Fou, qui s’était retourné au son du coup de feu, le regardait fixement en tremblant.  

Rossignol tira les trois balles qui lui restaient sur le Diable Terrifiant que Chloris maintenait de force. Profitant de la peur qui s’était emparée du troisième démon, Anna sauta du haut de l’arbre où elle se cachait et, de son Feu Noir, le découpa en morceaux.  

– « Attention! » Cria Foudre qui avait servi d’appât.

Rossignol leva les yeux : une immense épée était sur le point de s’abattre sur elle!

Instinctivement, elle se réfugia dans son brouillard mais soudain, son monde magique vola en éclats, détruit par son adversaire.

« Quelle est donc cette capacité capable d’interrompre mon pouvoir magique ? » Se Demanda-t-elle ?

Elle n’avait plus le temps de fuir. Soudain, un rideau noir se déplia au-dessus de sa tête pour parer le coup d’épée. Pour être exact, cela ressemblait davantage à un miroir qu’à un rideau et Rossignol put même y apercevoir le reflet de son visage stupéfait.

Le Feu Noir!

« Bang! »

L’épée s’abattit violemment sur le miroir magique. Anna vacilla, comme si elle avait ressenti la douleur, mais son Feu Noir demeura intact.

Sans hésiter, Rossignol prit la jeune fille dans ses bras, invoqua une nouvelle fois sa brume et en un instant, elles se retrouvèrent en sécurité, à plus de vingt mètres de là.

Pendant ce temps, le Diable en armure se posa lentement sur le sol.  

Nullement affecté par la mort de son partenaire, il leva calmement son immense épée au motif étrange.

Soudain, la magie traversa la lame et une lumière éblouissante en jaillit.