Alors que Yi Yun réfléchissait, l’ancien sortit un morceau de papier jauni à moitié déchiré qui ressemblait au papier toilette qu’utilisaient les villageois dans la Chine des années 80. Sa qualité était très loin de celle du manuel que Lin Xintong lui avait donné.
Devant Yi Yun éberlué, le gros homme humecta son index et se mit à dessiner.
– « Voilà, c’est fait! » Dit-il en tendant le bout de papier au jeune garçon : « Prends-en bien soin, ce charme vaut une fortune. Pourquoi me regardes-tu avec ces yeux de merlan frit ? Tu pourrais au moins m’être reconnaissant! »
Yi accepta, perplexe. La salive commençait déjà à sécher.
Bien qu’il ne doutât pas de la force du vieil homme, il craignait malgré tout qu’il puisse s’agir d’une blague!
Et si le charme n’opérait pas au moment où Yi Yun en avait le plus besoin ? Si, par exemple, il se retrouvait pris au piège par une Créature Fabuleuse ?
C’était un spectacle comique! Yi Yun préférait ne pas y penser car aucune Créature Fabuleuse douée d’intelligence ne le prendrait au sérieux en le voyant sortir cette feuille de papier toilette. Lorsqu’elles l’auraient mangé, digéré et voudraient évacuer, elles n’auraient plus qu’à l’utiliser pour s’essuyer de derrière!
– « Bon! Maintenant que tu as eu ce que tu devais recevoir, mets-toi vite aux fourneaux! » L’ancien sortit de son anneau, un grand nombre de casseroles et de poêles, qu’il déposa bruyamment devant lui.
Yi Yun soupira d’émotion. Un homme de son rang pouvait faire ce qu’il voulait, y compris emmener avec lui, dans son anneau interspatial, sept ou huit marmites. Comme il n’était pas pressé de faire son poulet en croûte de sel, il serra les poings et demanda :
– « Puis-je connaître votre nom, vénérable maître ? »
Il commençait à connaître l’ancien qui lui avait manifesté beaucoup de gentillesse mais ne savait toujours pas son nom.
– « Mon nom ? » Le vieil homme parut réfléchir « Voilà longtemps que personne ne m’appelle plus par mon nom. Mais puisque tu tiens à le savoir, je vais y mettre mon cachet. »
Tout en parlant, il sortit de son anneau un objet qui ressemblait à un sceau et en tamponna le papier toilette.
Une faible lumière fut alors émise, laissant apparaître un cachet de cire rouge sur le morceau de papier où l’on pouvait lire : Su Jie.
« Su Jie ? » Yi Yun en resta pantois. Comment des parents avaient pu donner à leur enfant un nom signifiant “calamité” ou “désastre” ?
– « Merci pour votre bonté, Maître! » Dit avec sincérité le jeune garçon qui savait que derrière son caractère bourru, l’ancien l’avait toujours aidé, et ce n’était certainement pas uniquement pour quelques poulets en croûte de sel.
Pour le remercier, Yi Yun lui écrivit la recette du poulet en croûte de sel, plus quelques méthodes de cuisson à l’alcool. Le vieil homme trouverait bien un bon cuisinier pour suivre sa recette et réaliser ces plats délicieux.
Avant de le quitter pour retourner s’entraîner, le vieux Su remit à Yi Yun ce qu’il lui fallait pour cuisiner, la vie étant particulièrement rude dans le désert.
Alors que le soleil se couchait lentement, Lin et son maître s’entraînaient toujours. Lorsqu’ils tournèrent la tête, Yi Yun avait déjà disparu dans les montagnes. On ne voyait plus que les nuages qui semblaient brûler dans le ciel.
– « Maître, que pensez-vous de cet enfant ? » Demanda Lin Xintong.
La jeune fille semblait déçue. L’étrange sensation éprouvée dans ses méridiens avait disparu et ne réapparaîtrait probablement jamais!
Le vieux Su secoua la tête :
– « Je l’apprécie simplement! Si sa perspicacité et sa chance m’ont frappé, je ne vois aucun moyen de compenser sa faible constitution, qui est pour lui un handicap. Il va lui falloir beaucoup de ressources pour pouvoir passer aux domaines supérieurs et ce sera très dur! »
Dans ce monde ou beaucoup aspiraient à devenir de véritables guerriers, rares étaient ceux qui y parvenaient!
– « Les miracles sont toujours possibles… » Marmonna Lin qui, visiblement, faisait allusion à Yi Yun mais également à elle-même.
Le vieil homme en fut abasourdi mais garda le silence.
C’était un Maître Céleste extrêmement exigeant quant au recrutement de ses disciples. Il fallait qu’ils aient une excellente constitution et possèdent un talent exceptionnel dans l’art du raffinage. Su avait cherché des centaines d’années avant d’accepter Lin comme élève.
Mais bien qu’il fût très satisfait de sa disciple, il savait qu’elle ne pourrait jamais pratiquer les arts martiaux au maximum de son potentiel.
C’était dommage.
– « Il est grand temps d’y aller… Nous ne le reverrons certainement plus. Lorsque nous quitterons le Royaume Divin de Taïa, cet enfant sera encore dans les Grandes Plaines des Nuages. Ce territoire est tellement vaste! » Dit le vieux Su.
L’ancien était quelque peu déprimé en pensant à Yi Yun. Ce jeune garçon avait de grandes aspirations, mais il était né au mauvais endroit et n’avait pas la constitution requise pour la pratique des arts martiaux.
– « plus jamais ? » Fit Lin, pensive à l’idée de l’étrange impression qu’elle avait ressentie lors de son premier contact avec Yi Yun. On aurait dit que ses méridiens avaient été activés.
Même si les évènements tendaient à prouver qu’il y avait 99 % de chances pour que ce ne soit qu’une illusion, Lin n’était pas prête à renoncer à ce mince espoir. Peut-être son maître serait-il en mesure de lui donner quelques explications.
– « Maître, il y a quelque chose que je dois vous dire… » Dit-elle.
– « Qu’il y a-t-il ? » Dit le vieux Su en ralentissant le pas.
Lin Xintong raconta son histoire dans les moindres détails et ses paroles surprirent l’ancien. Comment ses méridiens Yin avaient-ils pu se réactiver et de quelle manière ?
Plongé dans une profonde réflexion, le vieil homme ne put s’empêcher de caresser sa barbe.
Su avait passé ces dernières années à essayer de guérir ses Méridiens Yin mais en vain.
Ils étaient brisés, incapables de retenir l’énergie quelle qu’elle soit. Un peu comme un puits à sec qui ne pourrait plus donner d’eau. Mais d’après ses dires, durant le combat, elle avait senti un flux d’énergie les traverser!
Même s’il s’agissait probablement d’une illusion, Su prit son histoire au sérieux.
– « Allons d’abord voir le clan Tao. Nous avons rendez-vous avec le chef de division du Jin Long Wei auquel nous avons demandé de réunir des renseignements au sujet de l’Émergence des Nuages Pourpres. Nous en discuterons ensuite sérieusement. »
Si Su s’était rendu dans les Grandes Plaines, c’était principalement pour les Nuages Pourpres. Il espérait y trouver le remède qui lui permettrait de déjouer le malheureux destin de Lin Xintong!
Et même s’il avait peu d’espoir quant au récit de lin au sujet de Yi Yun, il préférait ne rien exclure, c’est pourquoi il avait décidé d’approfondir la question.