Tout comme l’an passé, les sorcières firent la fête au château.

Chloris transforma la cour arrière, qui était à présent beaucoup plus grande, en un camp de plein air entouré d’oliviers. Autour du brasier flamboyant, les sorcières pouvaient à tout moment apprécier le ciel étoilé.

Lors du dernier barbecue, elles n’étaient que cinq mais cette fois, avec les membres de l’Association, les sorcières de l’Île Dormante ainsi que Maggie, Lucia, Ayesha, Sephora, Page-Blanche et Assia, elles se retrouvaient à 25.

Des assiettes de nourriture finement coupées et diverses sauces avaient été disposées sur une petite table près du feu pour que chaque sorcière puisse se servir librement. Depuis le nettoyage des territoires de l’aristocratie rebelle, l’approvisionnement en viande et en tissu de Border Town avait considérablement augmenté. Sur la table, il y avait également du vin de fruits à faible teneur en alcool qu’Evelyne avait confectionné ainsi que de la crème glacée réalisée par Ayesha.

Tandis que Foudre, pleine d’enthousiasme, montrait à l’assistance comment faire griller du poulet, Maggie dégustait un steak encore tout grésillant. Après avoir passé un an dans les montagnes et la jungle avec Foudre, Maggie s’était familiarisée avec toutes sortes de grillades et tout comme son amie, elle avait pris l’habitude de remplir la pochette qu’elle portait à la taille de toutes sortes d’épices.  

– « Je pense que c’est une perte de temps », dit Ayesha en badigeonnant de miel les boulettes de viande rôties qu’elle tenait dans sa main. « Les Diables sont sur le point de nous attaquer et au lieu de profiter de ce temps précieux pour nous préparer… nous célébrons la dernière victoire. Lorsque l’ennemi entrera dans la ville… il sera trop tard. »

– « Détendez-vous, tout ira bien », répondit Roland en lui tendant une bonne quantité de boulettes de bœuf farcies. De toute évidence, elle aimait beaucoup ces boulettes juteuses.

« Un bon équilibre entre l’effort et le repos augmente l’efficacité. Le fait de nous reposer une journée ne nous empêchera pas de triompher des Diables et quand bien même nous perdrions, nous aurons au moins profité des bonnes choses de la vie. »

– « Balivernes! » Dit Ayesha en roulant les yeux.

Elle prit les boulettes, les trempa dans un bol d’huile et les mit sur le feu. Grâce à sa capacité, quelle que soit la chaleur émanant du brasier, elle pouvait cuire les boulettes de viande à la température désirée. Il était clair que son récent travail sur le processus de refroidissement de l’azote l’avait aidée à contrôler parfaitement son pouvoir magique.

De l’autre côté, Assia, la nouvelle venue, avait l’air de quelqu’un qui n’a pas vu autant de viande depuis fort longtemps. Cependant, bien qu’elle ne cessât pas de ravaler sa salive, ses mains restaient immobiles. Heureusement, Wendy, qui avait remarqué sa timidité, attira près d’elle cette toute nouvelle sœur et partagea la nourriture qu’elle avait grillée avec Assia et Page-Blanche.

Cendres, Andrea et Shavi, les trois sorcières de l’Île Dormante, se mirent à jouer au poker en attendant que leur viande cuise. Au cours des derniers mois, Roland leur avait appris toutes les variantes qu’il connaissait. Lorsqu’il n’y avait pas d’attaques de la part des bêtes démoniaques, elles se réunissaient dans la grande salle et jouaient au poker.

Quant aux autres sorcières de l’Île Dormante, comme Chandelle, Evelyne et Sylvie qui s’étaient familiarisées avec leurs sœurs de Border Town, elles passaient de bons moments à bavarder avec Chloris, Echo et Soraya, entre autres, un peu comme si elles formaient une famille.

Devant ce spectacle chaleureux, Roland se sentit très heureux : après une année d’efforts, il voyait enfin des changements se produire dans la région de l’Ouest. Les acclamations enthousiastes des gens sur la place et les visages souriants et sincères des sorcières étaient sa plus belle récompense.

Ces retours étaient si doux que Roland ne pouvait s’empêcher d’en être grisé.

À mesure que le feu s’éteignait, minuit approchait.  Roland demanda à Rossignol et à Cendres de raccompagner Naela et Assia, puis monta au deuxième étage du château pour y attendre Anna.  

Il avait décidé de prendre l’initiative au lieu d’attendre passivement, ou plutôt, de différer sans cesse ce moment.

À la lumière argentée du clair de lune qui pénétrait dans le château à travers la fenêtre du couloir, Roland aperçut les yeux bleus d’Anna. La scène lui était familière, à la différence près que la situation était inversée.  À moitié cachés dans l’obscurité, les pupilles d’Anna brillaient d’un léger éclat, semblable à deux étoiles solitaires dans un ciel nocturne. Ce soir, elle avait le ciel pour elle seule.

Sans un mot, Roland s’avança. Il prit la main d’Anna et ensemble, ils montèrent au troisième étage.

Ce n’était pas la première fois que Roland était en contact étroit avec Anna, cependant, son cœur battait à tout rompre. Sa main dans la sienne, il devinait que la jeune fille, elle aussi, était nerveuse. Néanmoins, elle le suivit sans aucune hésitation.

Arrivés dans la chambre de Roland, le Prince ferma la porte, se retourna et prit une profonde inspiration. Il se demandait ce qu’il fallait dire en de telles circonstances lorsque soudain, Anna l’embrassa.

Du bout de la langue, elle entrouvrit doucement les lèvres de Roland qui se sentit perdu dans son souffle pulpeux.

C’est alors que le titre d’une chanson lui revint à l’esprit : Sealed with a Kiss.*

« Si tu ne sais pas quoi dire, embrasse-là. Si tu ne sais pas comment exprimer tes sentiments, embrasse-là. Un baiser est un langage silencieux, Un baiser est une affection brûlante, » pensa-t-il. 

Lorsqu’enfin leurs lèvres se séparèrent, les joues d’Anna étaient rouges.

– « J’ai un cadeau pour vous. »

Roland sortit de sa poche deux Pierres Magiques rouges, polies, cerclées d’or et reliées entre elles par un mince fil.

– « Est-ce un Sceau ? »

– « Oui, une fois liées par le pouvoir magique, une Pierre d’Orientation et une Pierre de Positionnement forment un Sceau de Traçage », répondit Roland en attachant les pierres autour du cou d’Anna. « À présent, où que je sois, vous pourrez me retrouver à l’aide de ces pierres. »

Anna dût sentir que quelque chose était inhabituel car elle resta là, immobile, à regarder Roland.

C’est alors que le Prince prit doucement son visage entre ses mains et demanda cérémonieusement :  

– « Anna, voulez-vous m’épouser ? »

On aurait dit qu’une pluie battante bousculait la tranquillité du lac bleu.  

Après un silence qui lui sembla durer une éternité, Anna inclina la tête et répondit :

– « Oui. »

Ce qui s’ensuivit se passa naturellement.  Leurs émotions, trop longtemps contenues, franchirent les derniers obstacles et s’entremêlèrent.

Roland la prit par la taille et la déposa sur le lit. Il l’embrassa tendrement sur le font, dans le coup et défit maladroitement ses boutons. Les yeux grands ouverts, Anna regardait Roland comme si elle voulait mémoriser chacun de ses gestes.

À la vue de la peau blanche et délicate de la jeune femme, Roland la serra doucement dans ses bras et la recouvrit d’une courtepointe.

Sans la barrière des vêtements, il sentait nettement que le cœur d’Anna battait très fort, comme s’il allait sortir de sa poitrine.

– « Cette fois… » chuchota-t-elle à l’oreille de Roland.

– « Quoi donc ? »

– « Je ne m’endormirai pas… »

Roland éclata de rire, ce qui atténua la tension entre eux. Il lui frotta légèrement le nez :

– « Quand bien même vous vous endormiriez, je ne vous laisserai pas faire. »

À nouveau leurs bouches se cherchèrent. Leurs corps ne firent plus qu’un et leurs cœurs fusionnèrent.

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NDT : Sealed With a Kiss est une chanson américaine à succès datant de 1962, interprétée par Brian Hyland , reprise dans les années 70 par Paul Anka, Bobby Vinton et en 1989 par Jason Donovan.