Aidan était paralysé de peur. Désespéré, il regarda la bête qui à présent, était tournée dans sa direction. Il pouvait nettement voir la bave dégouliner de ses crocs.
– « Détendez-vous, je ne vais pas vous manger », dit la bête d’une voix caverneuse.
Ce monstre parlait le langage des hommes! En l’entendant, le soldat faillit hurler.
Quelle ne fut pas sa stupéfaction en voyant une jeune fille sauter du dos de la bête. Elle se dirigea vers Montdor, le retourna, l’examina et dit à la créature géante :
– « Il est vivant, Maggie, emmenez-le à Naela. »
– « Ow! » Fit la bête, qui apparemment, comprenait.
Elle saisit Montdor avec ses serres et s’envola. Ses battements d’ailes généraient une telle bourrasque qu’Aidan dut fermer les yeux. Lorsque le vent et la neige eurent cessé, il regarda devant lui sur les remparts mais ne vit plus rien, comme si tout ce qui venait de se passer n’était qu’un rêve.
« Non, ce n’est pas un rêve… Cette fille est toujours là! » pensa-t-il
La silhouette de la jeune fille se distinguait vaguement dans l’obscurité. L’endroit n’était visiblement pas éclairé, cependant ses pupilles, telles des étoiles dans la nuit, brillaient d’une étrange lumière dorée.
-« Vous… Vous êtes… »
À sa grande stupéfaction, l’inconnue répondit :
– « Je suis venue vous aider. »
C’était encore plus invraisemblable qu’un rêve.
– « Co…Comment ? M’aider ? »
– « Oui. C’est le Prince Roland qui m’envoie », répondit-elle. Elle s’accroupit devant les cadavres, ramassa une longue épée avec laquelle elle fit mine de frapper l’air sans tenir compte du fait que l’arme était couverte de chair et de sang.
Le malaise submergea Aidan qui se mit à vomir de la bile. C’est alors qu’un cri de guerre en provenance de l’extérieur retentit à nouveau. La bête avait terrifié les ennemis, cependant, maintenant qu’ils l’avaient vue partir et comme ils n’avaient aucune idée de ce qui s’était passé là-haut sur les remparts, ils s’agitaient à nouveau.
– « Le Prince… vous voulez dire le Prince de Border Town ? », demanda le soldat, haletant, en s’essuyant la bouche.
– « Connaissez-vous un autre Roland ? », demanda à son tour la jeune femme aux cheveux noirs.
Elle se remit à fouiller les cadavres, à la recherche d’une autre arme. Aussitôt, Aidan détourna le regard.
– « Mais il faut au moins trois jours pour arriver de Border Town… Comment le Prince a-t-il appris si vite la rébellion de la noblesse ? » Le soldat déglutit avec peine et poursuivit : « Et la bête, tout à l’heure… »
– « Ce n’est pas une bête mais une sorcière venue ici pour vous sauver », répondit-elle froidement. « Je n’ai pas le temps de répondre à toutes vos questions. Restez tranquille.»
Comme il n’y avait pas de fusil pour les arrêter, les ennemis grimpèrent facilement au sommet du mur. À la lumière des torches, ils eurent la surprise de découvrir une jeune femme.
Bientôt, des rires malveillants rompirent le silence.
Aidan comprit immédiatement ce que cela signifiait.
– « Restez vigilants. Ne leur laissez pas l’occasion de nous jouer un sale tour. »
– « Ne vous inquiétez pas, monseigneur, nous nous en occuperons, mais plus tard… »
– « Lorsque j’en aurai terminé, je vous la laisserai. »
– « Hey… Ça me va. »
– « Vite, revenez près de moi! » s’écria Aidan qui peinait pour se relever.
Mais ce qui arriva ensuite le stupéfia.
Un éclair argenté s’abattit et brusquement leurs rires moururent.
Le chef ennemi venait d’être coupé en deux par une longue épée. Son bouclier et son armure n’avaient servi à rien. En fait, il n’avait même pas vu la fille frapper.
À la vue des deux parties de son corps tombant dans une mare de sang, le sourire se figea sur les visages.
Cependant, ce n’était que le début.
La jeune femme aux cheveux noirs fit un pas en avant et balaya l’air de son épée. Avant même qu’Aidan n’ait pu voir ses mouvements, il entendit des bruits de chair déchirée et d’os brisés.
Les trois hommes n’eurent pas eu le temps de réagir. Ils furent tous éventrés.
Leurs entrailles mêlées de sang se répandirent partout sur le sol.
– « Vous… » Aidan ne savait pas quoi dire.
La jeune femme le regarda :
– « Allez chercher ce qui reste de vos compagnons d’armes et rassemblez-vous sur le mur. Quelqu’un va venir vous chercher. »
Sur ces paroles, elle sauta.
« Les remparts font trente pieds de haut! » Pensa le soldat.
Surmontant la douleur, il tâtonna pour s’approcher du bord du mur et regarda en bas. Les gens tombaient comme des épis de blé. Partout où allait la jeune fille, c’était l’hécatombe. Son épée à la main, elle se déplaçait sans peine dans la foule et tranchait quiconque avait le malheur de se trouver sur son chemin.
En moins d’un quart d’heure, l’ennemi fut décimé.
Ils n’avaient jamais vu d’adversaire aussi terrible, plus rapide qu’un loup des neiges et plus fort qu’un grizzli. Face à son épée, personne ne pouvait ni réagir, ni esquiver et encore moins se battre. Les nobles battirent précipitamment en retraite. À elle seule, cette femme avait eu raison du siège.
Elle poursuivit les fuyards, laissant une traînée de sang derrière elle. À cette vue, Aidan s’écroula sur le sol. Une sueur froide lui parcourait la colonne vertébrale.
« Une sorcière ? Qu’importe… je suis en vie! »
Une douzaine de feux de camp éclairaient le château de Longsong, étroitement encerclé par les armées des quatre familles.
Après un jour et une nuit de combats, le second étage avait déjà été conquis. Les Chèvrefeuille, qui s’étaient retranchés tout en haut du château, devaient à présent endurer la faim et la peur.
Jacques Medde regarda l’imposante bâtisse et sentit l’excitation le gagner.
Après la mort de son père, il n’était revenu de la Cité du Roi que pour hériter du titre de Comte et voilà qu’une meilleure opportunité se présentait.
Timothy avait bien précisé dans sa lettre secrète que s’il parvenait à s’emparer de la Forteresse de Longsong, lorsque la neige serait fondue, l’armée du Roi viendrait s’occuper de Roland Wimbledon, le Prince rebelle. Ce dernier éliminé, Timothy lui permettrait sans doute de gouverner la Région de l’Ouest.
En gagnant le territoire du Comte Chèvrefeuille, Jacques obtiendrait à la fois les terres et le titre de Duc.
Le Duc Medde! Comme ce titre sonnait bien!
Quant à ce château, il deviendrait sa résidence.
– « Monseigneur, le sixième peloton vient de redescendre », l’informa un chevalier, « Ils ont dit qu’ils n’entendaient presque plus de coups de fusil ennemis. Faut-il envoyer les soldats aux boucliers de fer ? »
Jacques Medde hocha la tête :
– « Allez et occupez-vous en. »
Les troupes aux boucliers de fer avaient été spécialement constituées pour lutter contre les fusils à silex. Pendant les combats, les soldats formaient des équipes de trois ou quatre hommes. Deux d’entre eux tenaient des boucliers de bois revêtu de plusieurs couches de fer, suffisamment imposants pour couvrir toute l’équipe. Des ouvertures leur permettaient de viser et tirer. Afin de construire ces boucliers, il avait dû prendre la pénible décision de détruire une douzaine d’armures de Chevaliers. Bien entendu, ces épais boucliers recouverts de fer avaient des points faibles. Ils étaient difficile à transporter et toute l’équipe devait se déplacer lentement, aussi devenaient-ils facilement des cibles pour leurs ennemis.
« Heureusement, les Chèvrefeuille ne vont plus tenir longtemps », ricana intérieurement Jacques. « Ils ont réagi incroyablement vite en rappelant une partie de leurs soldats et de leurs chevaliers au château avant l’arrivée des armées des quatre familles. Comme ils ne comptent guère plus d’une centaine d’hommes, ils ne pourront jamais mener une longue et rude bataille. »
« Il faudra probablement plusieurs jours avant que le Prince ne l’apprenne. Si j’envoyais la tête de Petrov en cadeau à Roland Wimbledon, je serais bien curieux de voir sa réaction. »