Trois jours plus tard, dans une certaine zone boisée à l’extérieur de la ville de Da Ling, une personne vêtue d’une robe noire sortit lentement de la forêt. Elle releva la tête pour regarder les passants à côté de lui, puis, après avoir déterminé la direction à suivre, elle se dirigea vers la route principale qui menait au sud.
Son rythme était tout sauf rapide, pourtant, en observant attentivement, on pouvait voir qu’à chaque nouveau pas, son corps s’avançait étrangement de plus d’un mètre. La scène faisait penser à de la téléportation à petite échelle…
Avec l’aide de Yao Lao, Xiao Yan avait pu renouveler son stock de diverses pilules médicinales. Soulagé, il disposait d’une quantité suffisante pour affronter l’inconnu. Sur ce continent Dou Qi, personne n’osait quitter sa maison sans préparer de remèdes de guérison. La vie dépendait trop souvent de ces choses.
« Cette route mène directement à la frontière. Mais il y a trois forteresses militaires importantes sur le chemin. Nous n’avons pas à craindre les gouverneurs des deux premières, mais une armée de trente mille hommes est stationnée à la dernière. Et surtout, le commandant adjoint est un ancien Aîné de la Faction des Nuages de Brume. D’après ce que les gens de la Maison Premier m’ont dit, il semble qu’il s’appelle Meng Li. Sa force est celle d’un Dou Ling. Puisque l’avis de recherche s’est déjà étendu jusque Da Ling, je pense que cet ancien Aîné en a lui aussi eu connaissance. » La voix de Xiao Yan résonnait dans son esprit alors qu’il s’avançait étrangement sur la route principale. Il réfléchissait à la meilleure manière de quitter l’Empire Jia Ma.
« Actuellement, il m’est difficile de bouger ne serait-ce qu’un seul pouce dans cet empire. J’ai bien peur que Yun Shan ait deviné que je fuirai hors des frontières. Il a dû mettre l’accent sur les contrôles frontaliers. » Les sourcils serrés dans l’ombre de sa large capuche noire, Xiao Yan énumérait les différentes difficultés qui entraveraient sa fuite.
« La muraille de cette forteresse est presque aussi grande qu’une montagne. Et il y a certainement un grand nombre d’archers très compétents, aussi bien en équitation qu’en tir. Ils doivent aussi avoir installé une barrière de détection d’énergie spécifique, et comme il s’agit d’un poste frontalier, il est également probable que la forteresse ait la capacité de se défendre contre les assauts venus du ciel. Sans ces dispositifs, si une guerre éclatait, les puissants des autres pays pourraient aller et venir à leur guise Ah ! On dirait bien que le dernier poste de contrôle ne va pas être aussi simple à traverser que la ville de Da Ling. » Soupira Xiao Yan, quelque peu contrarié.
Au sein de l’Empire Jia Ma, il y avait un ordre militaire. L’espace aérien était interdit de survol à l’approche de toutes les importantes forteresses militaires situées le long des frontières. Si quelqu’un voulait forcer le passage, il serait très probablement abattu par des tirs venus de toutes les directions.
« Nous ne pouvons que faire un pas à la fois, nous verrons bien comment les choses se présentent le moment venu. Si vraiment il n’est pas possible de passer discrètement, alors nous ne pourrons que prendre le risque et charger en force. » Après avoir secoué la tête, le jeune homme cessa finalement d’imaginer toutes sortes de scénarios et se résolut à placer toute son attention sur sa progression.
Bien que la distance entre la ville de Da Ling et la frontière de l’Empire Jia Ma ne fût pas courte, cela ne présentait pas de difficulté pour Xiao Yan. Si une personne ordinaire devait parcourir ces quelques centaines de kilomètres, elle ne pourrait certainement pas atteindre la frontière en moins de dix jours. Même en se servant parfois des Ailes de Nuages Pourpres, il fallut au garçon trois jours entiers pour dépasser les deux premières forteresses qui se trouvaient en chemin.
Comme Xiao Yan l’avait prévu, du fait de l’absence de personne de la Faction des Nuages de Brume au sein des échelons supérieurs des deux forteresses, l’avis de recherche, qui n’était pas reconnu par la famille impériale, n’avait pas été affiché partout comme dans la ville de Da Ling. Les troupes stationnées là-bas n’avaient prêté que peu d’attention à l’ordre venu de la puissante faction. Cela permit à Xiao Yan de traverser les deux points de contrôle sans encombre.
Bien entendu, Xiao Yan ne relâcha pas son attention. Il savait que le plus compliqué allait être de franchir la dernière grande forteresse connue sous le nom de ‘Passage du Zhen Gui’. Comme il s’agissait du dernier point frontalier et qu’il fallait afficher sa force face aux pays voisins, tous les soldats qui y étaient stationnés avaient une réelle expérience des champs de bataille. Ils étaient loin de ressembler aux troupes d’hommes habitués au luxe qui gardaient les villes de l’empire.
C’était la toute dernière défense qui empêcherait Xiao Yan de quitter l’Empire Jia Ma !
Ce n’est que hors de cette frontière que Xiao Yan pourrait enfin surgir comme un dragon survolant terres et mers ou comme un aigle planant haut dans le ciel. Plus rien ne le retiendrait.
Deux jours après avoir passé la seconde forteresse, l’immense forteresse frontalière, qui avait de loin la silhouette d’une gigantesque bête préhistorique, apparut enfin.
Xiao Yan se tint alors sur la pente d’une montagne et regarda le grand mur de la ville presque sans fin. Il perçut une fois de plus le bruit de perceuse ordonnée qui émanait doucement du mur de la ville et ne put résister au besoin d’expirer une bouffée d’air frais. La force combinée des dizaines de milliers de soldats ainsi que la force qu’ils pouvaient déployer dans le ciel ne seraient probablement pas inférieures à la formation conjointe des membres de la Faction des Nuages de Brume.
Sa liberté était de l’autre côté de ces murs. Mais cette immense forteresse ressemblait à un tigre féroce l’attendant sur sa toute dernière portion de route.
« Survoler ne sera pas une méthode fiable. En y regardant de plus près, je ne peux qu’essayer de me faufiler parmi la foule. Xiao Yan balaya du regard la route en contrebas, où des groupes de personnes transportaient des charrettes. Il hésita un instant, puis recula lentement pour finalement disparaître dans la foule.
Sur le chemin de terre, un groupe de près d’une centaine de personnes marchait à grande vitesse vers l’énorme forteresse. De leur tenue uniformisée et leur nombre, on pouvait comprendre qu’il s’agissait d’une compagnie de mercenaires de taille moyenne.
Le Passage du Zhen Gui étant proche d’une zone de conflits de l’autre côté de la frontière, certaines compagnies de mercenaires, qui n’aimaient pas suivre la voie sécurisée de la chasse aux Bêtes Démoniaques pour gagner leur vie, préféraient se joindre aux conflits en échange de fortes rémunérations.
Si les récompenses étaient conséquentes, il ne fallait pas négliger non plus le niveau de danger. Lors de ces batailles à feu et à sang, les pertes humaines étaient considérables.
A quelques centaines de kilomètres à l’est de la forteresse, après avoir traversé quelques petites communautés, se trouvait une région réputée sur tout le continent : la « Région Noire » !
En raison de sa position géographique particulière, il s’agissait sans doute de la zone la plus chaotique de tout le continent. Les règles qui la régissaient étaient des plus barbares. En plus des humains, la région comptait d’innombrables autres races. On pouvait considérer cette région à elle seule comme un petit continent du fait de sa diversité !
Il n’y avait aucune loi, si ce n’est celle de la jungle !
En d’autres termes, les faibles étaient la proie des plus forts…
Le faible n’avait aucun droit !
Là-bas, même si vous décidiez de violer ouvertement une personne en pleine rue, personne ne vous arrêterait. Bien sûr, il fallait bien choisir sa proie, au risque de très mal finir… Dans la Région Noire, les femmes n’étaient pas plus faibles que les hommes. Elles pouvaient même être bien plus terrifiantes. La seule raison à cela était que seules les plus fortes avaient réussi à survivre.
En outre, cette région était également un point d’échange d’informations pour tout le continent. D’immenses quantités d’informations y circulaient tous les jours… Celui qui désirait accroître sa renommée rapidement sur tout le continent pouvait choisir la Région Noire. Bien sûr, il fallait au préalable avoir suffisamment de force et de capital, autrement, vous étiez mort avant même que votre nom ne résonne hors des frontières.
Ainsi, chaque jour, de nouveaux puissants mouraient, alors que d’autres arrivaient de l’extérieur. C’était à la fois une zone de mort et de tentations. On pouvait voir dans un tel endroit des choses difficiles à voir dans le monde extérieur, comme des Méthodes Qi de haut niveau, de rares Techniques Dou et diverses sortes d’armures d’énergie, de chaudrons et d’ingrédients médicinaux, etc… leur profusion pouvait facilement donner le tournis. On disait même que des Méthodes Qi de catégorie Di étaient apparues à deux reprises au sein de la salle des ventes de la Région Noire !
Bien sûr, pour obtenir toutes ces choses, il fallait en payer le prix. Elles pouvaient se monnayer en pièces d’or ou s’échanger avec d’autres objets précieux. Rien ne tombait du ciel…
Le vice, souvent présent chez les êtres humains, ainsi que l’attrait pour les choses obscures, poussaient beaucoup de gens à fréquenter cette zone, malgré le danger. Leur but pouvait être de rapidement devenir célèbre, d’obtenir une Méthode Qi, une Technique Dou, ou des pilules médicinales de classe supérieure, ou encore de s’enrichir… Indépendamment de la raison, le flux de personnes qui allaient et venaient ne dégrossissait jamais.
A côté de cela, il y avait encore un détail qu’il ne fallait pas oublier de mentionner. Peut-être était-ce en réaction face à ces circonstances extrêmes, mais un phénomène inverse au chaos global de la Région Noire s’était produit avec le temps, avec l’émergence en son centre de l’Académie Jia Nan, la plus réputée de toutes les institutions du Continent Dou Qi !
La zone entourant l’extérieur de l’Académie Jia Nan était paisible. Toute personne cherchant à perturber cette quiétude en important le chaos de la Région Noire finirait suspendu à un grand arbre le long de la frontière de l’Académie Jia Nan. Il n’y avait eu aucune exception à cette règle depuis de longues années.
On racontait même que les cadavres de deux Dou Wang et d’un Dou Huang étaient encore accrochés à un grand arbre qui avait fini par être appelé « L’arbre des Ames Mortes » …