Relâchez cette Sorcière | Release that witch | 放开那个女巫
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Chaque jour, le temps se faisait un peu plus froid, et Roland se réveillait de plus en plus tard.

En tant que membre de la classe dirigeante, il avait le droit de faire la grasse matinée. Surtout que dormir dans ce lit à trois couches de matelas de velours lui donnait l’impression de s’enfoncer dans de doux nuages. Flâner ainsi l’aidait à stimuler son humeur.

Le prince se lava le visage, rinça sa bouche et se rendit à son bureau où Rossignol l’attendait depuis longtemps.

– « Voici votre petit-déjeuner. J’en ai  mangé la moitié pendant qu’il était encore chaud. Mais à présent, il est froid », déclara la jeune femme avec une moue, en désignant la table. Un observateur aurait pu penser qu’elle était la propriétaire des lieux, et non Roland.

– « Personne ne vous a enseigné la modestie en présence d’un prince ? » demanda Roland qui tendit la main pour saisir l’assiette tandis qu’il prenait place à son bureau. « Je me souviens qu’au début, vous preniez l’étiquette très au sérieux. » 

Le prince soupira. Il n’avait vraiment pas pensé que Rossignol passerait son temps à tourner autour de lui au lieu de tenir compagnie à Anna. Elle n’avait pas l’air d’une personne chargée de mission, mais plutôt de quelqu’un qui se baladait tranquillement au soleil. Auparavant, elle dissimulait toujours son visage. Mais à présent,  lorsqu’il n’y avait pas d’étrangers dans les parages, elle se montrerait ouvertement au bureau sans même porter sa capuche.

– « Comme ceci ? »

La jeune femme se leva promptement et exécuta une révérence parfaite. « Ces derniers temps, vous avez pris l’habitude de vous lever tard. C’est pourquoi je pensais que si je vous apportais votre petit-déjeuner, cela vous aiderait à résoudre ce petit problème, Votre Altesse. »

Elle se pencha vers Roland : « De toute façon, cela vous est égal, n’est-ce pas ? Il me semble que vous n’aimez pas ces rituels ennuyeux. »

Sa remarque était exacte. Roland la maudit intérieurement.

Y avait-il une seule chose qu’elle ne remarquait pas ?

Il soupira :

– « Terminez votre petit déjeuner. J’en demanderai un autre si je veux manger. »

– « Puisque vous le dites, Votre Altesse! »

Elle sourit gentiment et alla poser l’assiette à sa place.

Le prince déploya un parchemin blanc et entreprit de compléter le plan qu’il avait déjà à moitié tracé.

Préserver Border Town ne serait pas facile après la victoire dramatique de leur premier combat. Par conséquent, il devait faire quelque chose. De plus, ses nouvelles troupes n’avaient jamais vu de sang. Roland craignait que, si de grandes pertes se produisaient, ces troupes nouvellement formées n’aient plus le courage de rester sur les murs.

Il avait besoin d’armes de son époque pour avoir l’avantage total sur les bêtes démoniaques.

Sans aucun doute, les fusils seraient très utiles.

En fait, cette époque avait toutes les conditions requises pour que les armes à feu puissent apparaitre. Les alchimistes créaient souvent une poudre, appelée ײpoudre de neigeײ, que l’on utilisait pour les festivités de la cour. Mais la formule de cette poudre ne permettait pas de l’utiliser comme poudre à canon. Elle brûlait lentement et son explosion était exagérée par rapport aux effets.

Au cours des cent prochaines années, le prototype des armes à feu utilisables pour la guerre, apparaîtrait probablement. De telles armes à feu, en raison de la complexité de leur fonctionnement, nécessitaient la collaboration de deux personnes pour tirer. Dans des circonstances normales, elles n’étaient utilisées que comme armes à tir unique. Mais malgré tout, en termes de puissance de tir, elles n’étaient pas comparables aux performances d’un archer bien entrainé.

Roland ne souhaitait pas voir l’histoire se répéter.

Avec l’aide de la machine à vapeur et des facultés des sorcières, il pourrait créer des armes à feu qui avaient une valeur réelle.

– « J’ai vu la commande des achats sur la table pendant que vous dormiez. »

Rossignol avala son dernier morceau de pain, puis demanda : « Qu’allez-vous faire avec tant de glace ? C’est l’hiver. Si vous voulez boire de la bière glacée, il suffit de la mettre dehors. Pourquoi donc acheter de la glace ? »

La haute noblesse aime avoir de la glace en été. Utilisée avec du salpêtre, elle permet de rafraîchir le lait, le jus de fruits ou le vin. Comme c’était  la saison froide, le prix d’achat du salpêtre était très bas.

– « Pour fabriquer de la crème glacée, la température actuelle n’est pas assez basse », répondit Roland.

Même si la femme qui se tenait devant lui n’était pas un ennemi, il ne pouvait pas tout lui dire tout comme il le faisait avec Anna. Hormis la machine à vapeur, des choses comme les armes à feu ne nécessitaient pas un niveau de compréhension technologique particulier. Une fois répandues, leur distribution ne pourrait plus être contrôlée.

Tant qu’il ne saurait pas qui était réellement cette jeune femme, il serait préférable qu’elle ignore certaines choses.

Le prince demanda avec insistance à Rossignol :

– « L’Association de Coopération des Sorcières recherche-t-elle seulement la Montagne Sainte, ou entraîne-t-elle également ses membres à devenir des assassins ? »

– « Non, elles se sont regroupées dans l’espoir de trouver le remède qui mettrait fin à leur vie pitoyable », répondit la sorcière avec un geste de dédain. « Mais il y a à peine deux ans que j’ai rejoint l’association. »

– « En d’autres termes, vous avez travaillé pour quelqu’un d’autre auparavant ? »

Ses excellentes compétences en matière de lancer de couteau étaient le fruit d’années d’entraînement difficile et de bons enseignements, ce qui laissait Roland penser :

– « Ainsi, en dehors de moi, il y a d’autres personnes disposées à protéger les sorcières ? »

– « Protéger ? » Le visage de Rossignol prit une étrange expression. « Comment pourrait… S’il avait su que j’étais une sorcière, il ne m’aurait même pas laissée passer sa porte. Et je pense qu’il m’aurait tuée secrètement si j’étais restée avec lui après qu’il l’ai découvert. »

– « Oh ? Pouvez-vous m’en dire plus ? »

Rossignol secoua la tête et sourit à nouveau, mais son expression cette fois était empreinte d’émotions inconnues.

– « Votre Altesse, je vous le dirai en temps voulu. Je devine ce que vous craignez, mais soyez rassuré. Il y a cinq ans, j’ai obtenu ma liberté, aussi je n’ai plus besoin de travailler pour personne. » 

Son test de vérification avait échoué. Visiblement, son charme n’était pas suffisant, ah… Mais ses réponses confirmaient au moins une de ses présomptions : cinq ans auparavant si ce n’est plus, elle avait été impliquée dans des affaires louches.

Heureusement, l’enseignement et l’utilisation de Rossignol n’étaient apparemment qu’une coïncidence, et son ancien employeur n’était pas comme le Prince, qui avait l’intention d’employer un grand nombre de sorcières.

Roland n’alla pas plus loin et se pencha sur son projet pour le terminer.

Il était quelque peu surpris que la sorcière, habituellement bavarde, soit devenue si calme. On n’entendait dans la pièce que le crépitement  du feu. Lorsque le prince releva la tête pour étirer son cou douloureux, il n’y avait plus trace de la jeune femme dans son bureau.

– « Elle s’en va comme ça, sans rien dire ? », marmonna-t-il, en pliant le parchemin pour le glisser dans sa poche.

Les jours suivants, il fut occupé à dessiner des modèles d’armes et à tester celles qui étaient déjà conçues.

Son intention était de réaliser le célèbre fusil à silex. Ce type d’arme avait déjà été testé à travers l’histoire : La difficulté était de concevoir un fusil semblable à une arquebuse. D’abord, il fallait insérer la poudre à canon et ensuite charger la balle de plomb. La fréquence de tir était proche de trois par minute. Il ne nécessitait donc pas beaucoup de compétences face aux bêtes démoniaques.

La plupart ne pouvaient pas escalader les murs, de sorte que la distance de tir était approximativement égale à la hauteur du mur, qui était de douze pieds. À cette distance, même avec un mauvais objectif, il devait être possible d’atteindre les bêtes, la balle ne perdrait pas en puissance. Si la peau des bêtes démoniaques n’évoluait pas jusqu’à devenir aussi dure que l’acier, il serait facile de les abattre.

L’inconvénient résidait dans le temps nécessaire à la fabrication d’un fusil à silex.  D’abord le fusil à mèche. Le forgeron devait le marteler doucement pour le façonner, du canon à la gâchette. Construire un fusil nécessitait environ trois mois, dont la majeure partie pour réaliser le seul canon. Tout d’abord, il fallait le battre en une forme mince et cylindrique, puis graver des rainures en spirale. Même si cela paraissait plutôt difficile sans le matériel adéquat, un forgeron bien formé pouvait parvenir à réaliser un bon canon.

C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles Roland avait d’abord conçu la machine à vapeur.

Grace à elle, il pourrait utiliser un foret en acier pour percer le fer robuste, de sorte que la vitesse de production serait considérablement augmentée. Il n’avait pas besoin d’un maître forgeron pour faire le travail, seulement d’une table sur laquelle il pourrait fixer le canon.

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