Après une nuit passée au raffinage, Yi Yun s’aperçut qu’il y avait une limite à l’énergie que son corps pouvait absorber. Il éprouvait une sensation de satiété, un peu comme quelqu’un qui, lors d’un repas, ne peut plus rien avaler. 

S’il continuait à absorber l’énergie, il ressentirait un flux turbulent dans son corps qui l’engourdirait. 

Le jeune garçon se sentait plein de force avec un grand besoin de la dépenser et était impatient de pouvoir aller s’entraîner! 

Il attendit donc péniblement jusqu’à l’aube et lorsque l’équipe de jour vint prendre le relai, Yi Yun courut vers l’arrière de la montagne, tranquillement d’abord et, lorsqu’il fut certain que plus personne ne pouvait le voir, il se mit à filer comme le vent.  

Avec l’agilité d’une antilope, il faisait des bonds de cinq à six mètres, passant par-dessus un rocher de trois mètres d’un seul saut et traversant en son milieu un arbre de cinq mètres de haut.   

On aurait dit qu’il volait sans pour autant quitter le sol. Rien, sur ce terrain montagneux complexe, n’était un obstacle pour ses sens aiguisés. 

Il courut ainsi jusqu’au sommet et redescendit l’autre versant sans même se reposer une seule fois. Sa respiration était régulière et profonde et son rythme cardiaque lent mais puissant. 

Au bout d’une heure de course, Yi Yun s’arrêta, en sueur.  Son visage n’était même pas rouge et son pouls restait normal. Courir était aussi une façon de s’entraîner. 

Cet endroit était le plus éloigné du village qui soit encore sûr. S’il allait au-delà de la zone protégée, il risquait de rencontrer des bêtes sauvages et des Créatures Fabuleuses et avec la force qu’il avait pour le moment, ce serait la mort assurée. 

La végétation y était plutôt pauvre et quelques morceaux de roches noires jonchaient le sol. 

C’était de la roche de minerai noir, aussi lourd que l’acier et infiniment plus résistant que la pierre ordinaire. Même la mousse n’y poussait pas. 

L’endroit où se tenait Yi Yun était une sorte de plateforme d’environ trente mètres de diamètres située en dessous d’une falaise de laquelle coulait une cascade. D’innombrables gouttelettes d’eau dansaient, emportées par les courants d’air, capturaient la lumière du soleil et formaient des arcs-en-ciel dans la brume. Sur Terre, ce paysage aurait été une attraction touristique fascinante. 

La cascade n’était pas large mais chutait de plus de cent mètres de haut. Le flux turbulent poursuivait son impitoyable assaut en contrebas avec un grondement que l’on pouvait entendre de loin.

Si Yi Yun avait choisi cet endroit pour s’entraîner, c’était précisément pour cette chute d’eau.  

Il prit une profonde inspiration et fit circuler l’énergie dans son corps avant de reprendre sa pratique ardue. 

Là, dans une région montagneuse sauvage et isolée sans personne dans un rayon d’environ douze kilomètres, Yi Yun reprit chacune des postures de la frappe “Résistance du Tigre, Puissance du Dragon”.  

Les rochers ne manquaient pas à l’arrière de la montagne et il avait spécifiquement choisi un terrain plat avec de la roche de minerai noir.  Il se plaça devant un rocher et se mit à frapper, se demandant comment ses poings, faits de chair et de sang, allaient bien pouvoir briser cette pierre noire où même la vie végétale était impossible. 

Un coup, deux coups, trois coups … dix coups, vingt coups! 

Il y mettait toute sa puissance. 

Les premiers coups lui causèrent des contusions. Ses poings étaient ensanglantés et la douleur déchirante.  Alors que les coups de poing pleuvaient, ses articulations craquèrent, générant une douleur indescriptible qu’il ressentit jusqu’au cœur. Il serra les dents. Son visage pâle était trempé de sueur et il avait les lèvres blanches.  

Lorsqu’il s’arrêta, il n’y avait presque plus de chair sur les os de ses poings. 

Yi Yun se mit alors à donner des coups de pieds dans le rocher jusqu’à ce que ses jambes, couvertes d’ecchymoses, ne le soutiennent presque plus. Il s’arrêta alors un moment et se remit à frapper le rocher, cette fois de ses épaules et de son dos.  

Il avait meurtri chaque partie de son corps sans parvenir à affecter la pierre noire. 

Ivre de douleur, à bout de forces, la vision floue, il s’allongea sur le sol, se concentra sur sa respiration et suivit la méthode liée à la “Résistance du Tigre, Puissance du Dragon” pour faire circuler son énergie. 

Jamais encore il n’avait osé tenter cette pratique automutilante. 

Cependant, quelques heures auparavant, il avait fait le plein d’énergie osseuse issue du Boa Glacial.  On appelait l’énergie contenue dans ces os le Pouvoir Fabuleux et c’était un cadeau formidable pour tout pratiquant! 

Les essences issues des plantes provenant de la Montagne aux Herbes n’étaient rien en comparaison, pas même celles des herbes centenaires.  S’il n’avait pas été soutenu par le Pouvoir Fabuleux, jamais Yi Yun ne se serait risqué à tenter cette pratique spécifique à la frappe “Résistance du Tigre, Puissance du Dragon”, connue sous le nom de “Les Griffes du Tigre Frappent la Pierre”, une méthode destinée à fortifier les os.  

Frapper un rocher était extrêmement pénible et douloureux, voire impossible sans une forte détermination et des ressources pour le supporter, sinon au lieu de fortifier ses os, on pouvait devenir handicapé.  

N’ayant pas les ressources suffisantes, les guerriers du camp de formation n’avaient jamais osé la tenter.  

Seuls les plus doués des grandes tribus, qui consommaient de la chair de Créature Fabuleuse et se baignaient dans leur sang, pouvaient supporter de telles blessures. 

Le Pouvoir Fabuleux circulant rapidement dans le corps de Yi Yun, ses plaies se mirent bientôt à le démanger, signe qu’elles étaient sur le point de guérir.  

Les os, combinés à la purification opérée par le Cristal Pourpre, étaient vraiment excellents pour activer l’énergie de guérison à une vitesse incroyable. Les plaies cicatrisaient à vue d’œil!   

La méthode de fortification des os issue de la technique “Résistance du Tigre, Puissance du Dragon” ressemblait un peu à celle d’un forgeron qui frapperait à chaud une épée en acier jusqu’à obtenir une arme inégalable. 

C’était exactement ce que venait de faire Yi Yun avec pour épée son corps et pour enclume le rocher noir. 

Après six heures de repos, le garçon se sentit rétabli, les croûtes qui recouvraient ses mains n’affectant pas ses mouvements. Il les env eloppa d’un chiffon et se plaça sous la cascade. 

Tel un marteau-piqueur, l’eau vint frapper son corps. 

Sous la cascade se trouvait un bassin creusé par les eaux au fil du temps, dont on ne voyait pas le fond et qui, vu du sol, était de couleur vert-émeraude. C’était l’endroit le plus profond que Yi Yun ait pu trouver aux alentours des terres du clan pour pratiquer une autre technique attenante à la “Résistance du Tigre, Puissance du Dragon” : “La Danse du Dragon des Océans”.

En principe, cette technique, destinée à fortifier les organes internes se pratiquait dans un océan mais comme il n’y en avait pas dans ces plaines désertiques, Yi Yun n’avait pas le choix.  

Plus il pratiquait la “Résistance du Tigre, Puissance du Dragon”, plus il en comprenait les subtilités. 

S’il était facile pour un guerrier d’acquérir force et énergie, il était beaucoup plus difficile d’entraîner ses tendons, ses os et ses organes internes. 

Grâce au “Tigre Qui Descend La Montagne”, qui consistait à tendre ses tendons comme des cordes d’arc, il pouvait les renforcer tandis que “Les Griffes du Tigre Frappent La Pierre” lui permettait de forger ses os comme de l’acier. 

Le renforcement des organes était encore plus difficile car à la différence des tendons, un guerrier ne pouvait pas les contrôler activement lors de son entraînement. Le créateur de la méthode avait donc mis au point la “Danse du Dragon des Océans“, contraignant le pratiquant à plonger dans l’océan et à atteindre une profondeur de deux cents mètres en apnée une profondeur où la pression était suffisante pour faire éclater tympans et organes! 

La pression s’exerçant, grâce à des séjours prolongés, ces derniers finissaient par se renforcer. 

Une grosse pierre dans les bras, Yi Yun prit une profonde inspiration et sauta dans les profondeurs du bassin.