La personne que Wei Ling appelait était le policier que Zheng Tan avait rencontré auparavant. Il était également le supérieur de Wei Ling’s dans les Arts Martiaux.
Lors de précédents appels, le chat l’avait entendu l’appeler “La Noix”, mais il ne connaissait pas son vrai nom. D’après ce qu’il avait compris, ce “La Noix” monterait en grade s’il résolvait l’affaire.
Apparemment, il était déjà sur le point d’être promu le mois précédent, mais c’était quelqu’un d’entêté. Ainsi qu’il l’avait fait savoir, s’il ne parvenait pas à trouver le coupable, il refuserait la promotion.
Pour Zheng Tan, cet homme avait probablement reçu un coup de sabot d’âne à la tête. Il s’était lié d’amitié avec les bonnes personnes et sa promotion était destinée à arriver. Et pourtant, il avait fallu qu’il se montre têtu.
Wei Ling tenta à plusieurs reprises de joindre Frère La Noix, mais son téléphone était éteint. L’homme fronça les sourcils. Il commençait à s’inquiéter. Il réfléchit un moment, puis composa cette fois le numéro d’une autre personne.
Son interlocuteur et lui parlèrent dans un langage codé qu’eux seuls comprenaient. Le jeune félin était perdu, mais cela ne l’intéressait pas de toute façon. Il avait déjà fait tout ce qu’il pouvait, le reste dépendait de Wei Ling.
Il bailla et bondit sur le canapé pour faire une petite sieste.
Les chats passaient la majorité de la journée à dormir. En temps normal, Zheng Tan se levait en même temps que Jiao Yuan mais ce matin-là, il s’était réveillé une heure plus tôt. Il se devait de rattraper cette heure de sommeil manquée.
C’était chez lui une forme de TOP1.
Peu importe, pensa-t-il. Il était un chat désormais. Et les chats mangeaient quand ils avaient faim, dormaient quand ils étaient fatigués, couraient partout et mettaient la pagaille à la maison.
Apparemment, même si le téléphone de La Noix était éteint, Wei Ling avait les moyens de le localiser. Sans doute via une sorte de GPS. Au téléphone, il demandait à son interlocuteur de trouver le policier.
Environ dix minutes plus tard, Wei Ling apprit où celui-ci se trouvait.
Il enfila son manteau et se dirigea vers la porte, puis s’arrêta et se tourna vers Zheng Tan :
– « Ça te tente de venir jouer ? »
Le félin charbonneux somnolait, mais entendant cette proposition, il bondit aussitôt sur ses pattes. Il aimait la rare opportunité de pouvoir aller ailleurs. Rester au campus tous les jours était barbant. Voir le même décor jour après jour lui donnait l’impression d’être confiné, ce qui, psychologiquement, n’était pas très bon.
Il n’avait pas à s’occuper de Jiao Yuan et Gu Youzi aujourd’hui. Papa Jiao, qui avait classe en fin de matinée, irait ensuite chercher les enfants. Après deux jours d’hospitalisation, Mama Jiao se sentait mieux. Elle se rétablissait bien et pourrait probablement rentrer à la maison dans une semaine.
Son époux, qui connaissait un résident de l’hôpital grâce à l’étude sur les articulations qu’il avait menée avec un professeur en sciences médicales, lui demanda de s’occuper d’elle pendant son absence.
Wei Ling appela Papa Jiao pour l’informer qu’il emmenait le chat faire une petite ballade. Naturellement, le père ne s’y opposa pas. Il leur recommanda de se montrer prudents et demanda à Wei Ling de veiller sur Zheng Tan.
Comme ce dernier, cette fois, était pressé, il décida de prendre sa moto qu’il avait garée dans le local à vélos.
A première vue, cette moto semblait tout à fait normale. Elle ne méritait pas que l’on s’y attarde. Pour Zheng Tan, était tout ce qu’il y a de plus banal. Wei Ling l’avait modifiée et elle marchait très bien. Au moins, ce ne serait pas comme avec le vélo de Yi Xin.
Cependant, lorsque Zheng Tan grimpa devant, il se mit à douter. Elle n’avait ni panier devant ni coffre à l’arrière. Il regarda autour de lui et sauta sur le siège. Il appuya dessus. Cela ferait l’affaire.
Wei Ling mit son casque. Il regarda le chat noir assis sur le siège, puis la moto. Il entra dans le bureau des gardiens de sécurité et en ressortit avec un vieux sac à dos rouge de voyage. Il y avait déjà deux trous dedans.
– « Heureusement que le gardien avait un sac à dos que j’ai pu emprunter. » Il tapota le sac usé : « Grimpe dedans. »
Mécontent, le jeune félin obéit à contrecœur. Le sac, qui n’avait pas été utilisé depuis longtemps, sentait le moisi et il y avait des tâches partout.
Zheng tan ignorait où Wei Ling comptait se rendre. Ils se trouvaient sur une route qu’il n’avait jamais prise auparavant. Les bâtiments devant lesquels ils passèrent lui étaient inconnus. Il sortit sa tête du sac et jeta un coup d’œil au paysage.
Pour une moto, le centre-ville était une nuisance en raison de l’abondance des feux de signalisation. Le véhicule était rapide mais il devait quand même s’y arrêter.
Tandis qu’ils attendaient que le feu passe au vert, un bus s’arrêta sur la voie d’à côté. Quelqu’un mangeait une orange près de la fenêtre du côté de Zheng Tan. Il ouvrit celle-ci afin d’en recracher les pépins qui volèrent et percutèrent la tête du félin.
Zheng Tan : – « … »
P*tain! Ces gens qui crachent par terre devraient recevoir une amende tellement grosse qu’ils n’auraient plus un sou.
– « Seigneur! Le gars sur la moto a un chat sur le dos! Un chat noir! » S’exclama celui qui mangeait l’orange.
– « Où ça ? »
– « Wow, c’est vraiment un chat. J’ai cru que c’était un animal en peluche super réaliste. »
– « Maman, je veux voir le chat! »
– « Arrêter de vous bousculer. Ce n’est qu’un chat. »
– « Écartez-vous, laissez-moi voir! »
…
À cette époque, les téléphones portables n’étaient pas aussi “intelligents” qu’ils allaient l’être dix ans plus tard. Les gens n’avaient les yeux rivés à leurs écrans dans les transports publics. En un instant, tous ceux qui s’ennuyaient à bord du bus regardèrent Zheng Tan dont la tête dépassait du sac.
Dans ce sac à dos rouge, le chat noir ne passait pas inaperçu.
Il avait l’impression d’être exposé tel un singe dans un zoo.
Le chauffeur de bus jeta un bref coup d’œil dehors. Il rappela aux passagers que le bus allait reprendre sa route. Mais personne ne l’écouta.
Enfin, le feu passa au vert. La moto démarra en trombe et distança le bus. Zheng Tan jeta un dernier regard vers celui-ci. Une petite voiture le dépassa, forçant le chauffeur à s’arrêter net. Le gars à l’orange, qui était bien trop occupé à regarder par la fenêtre pour faire attention, se cogna la tête contre le siège devant lui.
Zheng Tan se sentit mieux.
Une fois passé le centre-ville, les feux de signalisation étant moins fréquents, Wei Ling put prendre un peu de vitesse.
La zone était majoritairement occupée par des usines. Wei Ling et Zheng Tan atteignirent le troisième périphérique. À en juger par les panneaux, l’endroit allait bientôt être démoli. Pour des raisons environnementales, la municipalité avait prévu de déplacer toutes les usines. Il y avait un lac à cet endroit et les promoteurs immobiliers ciblaient déjà futurs espaces libres.
Wei Ling gara sa moto près de la porte latérale d’une usine. Il regarda autour de lui et sortit son téléphone pour passer un appel.
C’était une ancienne usine de transformation alimentaire. Ce bâtiment était tout ce qu’il en restait, l’usine ayant déménagé depuis peu. Seules les images sur le mur rappelaient ce qui se déroulait ici.
Wei Ling appela « La Noix » qui ne répondait toujours pas. Néanmoins, l’homme était certain qu’il était ici. Les portes de l’usine étant fermées, il avait dû sauter par-dessus le mur.
– « Suis-moi. Préviens-moi si quelqu’un approche. Bien sûr, couvre-moi au bon moment et si tu pouvais… En fait, laisse tomber. Tu ne comprends pas ce que je dis. »
Après avoir donné des instructions à Zheng Tan, Wei Ling sauta par-dessus le mur. Il le fit avec tant d’aisance qu’il donnait l’impression que c’était chose facile.
Le félin charbonneux bondit sur le mur et regarda aux alentours. Il était venu ici par pure curiosité et n’avait pas besoin, comme Wei Ling, de couvrir ses traces. Après tout, c’était un chat et les gens ne se méfiaient pas des chats. De toute façon, il y en avait beaucoup qui erraient par ici. Il en avait vu pas mal en chemin. Un chat noir sur un mur n’était pas exceptionnel.
Zheng Tan ayant retiré son collier avant de quitter la maison, il ressemblait à tous les autres chats. Si jamais quelqu’un le remarquait, il ne suspecterait rien mais penserait simplement qu’il était bien portant.
L’usine était vide à l’exception de quelques ordures sur le sol. Il y avait là du verre brisé et des briques, ainsi que des brochures jaunies et des déchets de production. L’odeur d’additifs et de produits chimiques flottaient toujours dans l’air. L’usine déserte paraissait désolée.
Zheng Tan suivit Wei Ling. Il entendit des bruits qui ne pouvaient provenir que d’humains. Quelqu’un se mit à gémir, comme si on venait de le frapper. Heureusement, il ne semblait pas s’agir de La Noix.
À environ cinquante mètres de là, il y avait au moins trois personnes derrière un mur. Le jeune chat les entendait parler à voix basse. Ils planifiaient d’attaquer l’homme qui se trouvait dans l’entrepôt sitôt qu’il sortirait.
Zheng Tan examina le bâtiment. Il y avait peu de fenêtres et toutes étaient fermées. S’il y entrait, il ferait certainement du bruit. « La Noix » était-il là-dedans ? Le gémissement venait de là.
Les hommes derrière le mur ignoraient la présence de Wei Ling. Ils étaient bien trop concentrés sur la porte de l’entrepôt pour remarquer quoique ce soit d’autre. Ou peut-être Wei Ling était-il trop bien caché. Il était difficile de l’apercevoir, même lorsqu’il se déplaçait rapidement.
Alors que l’homme, tapis dans l’ombre, hésitait à s’occuper d’abord de ces gens, Zheng Tan remarqua le ventilateur d’extraction sur le mur de l’entrepôt.
Contrairement aux portes et fenêtres, celui-ci n’était pas bloqué par du fil barbelé et les interstices étaient juste assez grands pour qu’il puisse s’y faufiler.
Devait-il le faire ?
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NT:
1TOP : (Trouble Oppositionnel avec Provocation) : trouble chez l’enfant qui se caractérise par un comportement de défiance et de désobéissance envers toute forme d’autorité.