Mama Jiao semblait aller mieux aujourd’hui. Au moins, elle avait le moral.

Cependant, après avoir entendu ce qui s’était passé la nuit dernière, elle s’était mis en tête de rentrer chez elle malgré ses blessures et Papa Jiao faisait tout ce qu’il pouvait pour la dissuader. Il ne voyait pas l’intérêt de lui cacher les évènements de la nuit. Même si Tante Ling ne lui avait rien dit, cela avait fait tant de vacarme que la faculté et la famille des hospitalisés avaient dû en entendre parler.

Jiao Yuan et Gu Youzi répondirent à quelques-unes des questions de leur mère puis restèrent silencieux. Ce fut Qu Xiangyang qui parla le plus. Il lui raconta de façon nette et détaillée l’histoire de la nuit dernière.

– « Depuis les cambriolages précédents, les résidents du rez-de chaussée et du premier étage avaient pris des précautions. Nous qui vivons aux étages supérieurs nous sentions en sécurité. Mais maintenant, il semblerait que ces personnes profitaient de cet état d’esprit. Ils ciblent particulièrement les gens des étages supérieurs car ils pensent que c’est moins risqué. »

– « Apparemment, ils ont vu le tableau d’affichage dans le bâtiment de biologie et ont appris que Frère Jiao venait de recevoir une subvention d’un million de yuans. Incidemment, ils ont découvert que quelque chose s’était produit et que les enfants seraient seuls à la maison. C’est pourquoi ils ont ciblé votre famille. »

– « Mais cet argent ne nous appartient pas. Il est destiné aux recherches. » Fit Mama Jiao avec emphase, en haussant le ton.

– « Ce n’est pas ce qu’ils se sont imaginé. Des tas de gens s’enrichissent en empochant l’argent des recherches. » Rétorqua Qu en haussant les épaules.

Brusquement, ses yeux scintillèrent. Il venait de se rappeler de quelque chose :

– « J’ai entendu dire que plusieurs “vétérans” se trouvaient sur les lieux de l’interrogatoire la nuit dernière et ont pu tirer les vers du nez aux malfrats. Le mois dernier, suite aux premiers cambriolages, la police n’avait encore aucune piste car quelqu’un tirait les ficelles. Cette fois-ci, ils ne s’en sont pas tirés aussi facilement. »

– « Le coupable, qui avait tout planifié dans l’ombre était un résident du bâtiment A. Sa famille a des relations. Apparemment, son oncle est le vice-président de l’école, pour être plus précis, c’est lui qui supervise les admissions. »

Le jeune homme aimait beaucoup cancaner sur les personnes haut placées au sein de l’école. Il ne se souciait pas du tout du fait que ceux-ci pourraient lui rendre la vie dure. Son père était tout aussi puissant et de toute manière, il était déjà diplômé.

– « En temps normal, nous aurions fermé les yeux sur l’affaire, vu qu’il a des relations et tout. Mais cette fois, il est allé trop loin. Nous ne pouvions plus pouvait plus faire comme si nous n’étions au courant de rien. Parmi les résidents, plusieurs ont obtenu des subventions. C’est écrit sur tous les tableaux d’affichages de l’école. Plus personne ne se sentirait en sécurité si les voleurs se présentaient à leurs portes à cause de ça. »

– « L’un d’entre eux, parmi les plus âgés, a appelé ce vice-président la nuit dernière. Je pense qu’après avoir réglé le problème dans le quartier, il viendra s’excuser auprès de vous, les amis. »

Assis sur le lit de Mama Jiao, Zheng Tan écoutait tranquillement leur conversation. Papa Jiao avait ramené les draps de la maison. Ce n’était pas qu’une question de confort, c’était aussi plus plaisant à voir. A leur arrivée, l’infirmière venait à peine de changer les bandages de la mère. Elle n’allait pas revenir de sitôt.

En écoutant Qu parler du coupable, le jeune félin acquiesça silencieusement. Si les voleurs n’étaient pas d’une manière ou d’une autre en contact avec l’école, comment auraient-ils pu obtenir une carte d’accès ? Il se demanda ce que l’établissement allait faire ferait pour empêcher que de tels incidents se reproduisent. S’ils changeaient les cartes d’accès sécurisé, il faudrait que Papa Jiao aille lui en chercher une nouvelle.

– « Hé, frère Jiao, j’ai entendu dire que le cambrioleur n’avait même pas pu pénétrer chez toi car il s’était fait griffé au visage par ton chat. Le gars a cru qu’il y avait quelqu’un à la maison et s’est mis à courir comme si sa vie en dépendait. Il ne s’est même pas arrêté pour aider sa partenaire. »

– « Il courait probablement trop vite pour faire attention à la route car il a trébuché et s’est cogné la tête contre les parois en ciment du parterre de fleurs. C’est alors que le bull-terrier de M. Yan l’a mordu. Apparemment, le chien a réussi à lui arracher un morceau de chair. Maintenant, c’est un héros dans le quartier. Vous auriez dû le voir… »

Pendant que Qu relatait les évènements, Papa Jiao observait Zheng Tan. Le chat, qui avait fermé les yeux, faisait semblant de dormir.

“Pas mal”, pensa-t-il. “C’est une bonne chose qu’il n’ait pas ressenti le besoin d’être sous les projecteurs.”

Tandis qu’ils bavardaient et riaient, l’atmosphère se détendit. Ce moment fut le plus heureux qu’ils aient vécu depuis l’accident de Mama Jiao.

Qu Xiangyang se porta volontaire pour veiller sur les enfants pendant quelques jours, mais le père refusa poliment.

Le jeune homme parti, Mama Jiao lui en demanda la raison.

– « Je vais demander à Wei Ling. De cette façon, nous saurons que les enfants sont entre de bonnes mains. Ce Qu dépense bien trop d’énergie dans les jeux vidéo. Il risque d’inciter Jiao Yuan à faire de même. »

Zheng Tan était bien d’accord : c’était tout à fait possible. De plus, l’otaku négligeait tout le reste depuis qu’il s’était mis à jouer à ces jeux sur son ordinateur. Le chat noir ferait un bien meilleur gardien d’enfants que Qu.

Wei Ling, en comparaison, était bien plus fiable. Tout ce qu’il avait à faire était de veiller sur les enfants la nuit. Il aurait tout le temps qu’il voudrait le matin.

Zheng Tan se demanda comment il allait s’en sortir avec cette affaire. Il était dessus depuis un bon moment et pourtant, il ne l’avait toujours pas résolue.

Tandis que le félin charbonneux pensait au crime et aux enquêtes policières, quelqu’un frappa à la porte.

Jiao Yuan et Gu Youzi se hâtèrent de cacher Zheng Tan dans le cartable. Ils s’efforcèrent d’avoir l’air nonchalant, mais en réalité, ils semblaient si sérieux que cela fit sourire Mama Jiao.

C’était Zhuo. Elle avait appris pour la tentative de cambriolage et venait leur souhaiter bonne chance.

Papa Jiao se leva rapidement pour lui laisser sa place. Grâce à l’amitié naissante entre elle et Zheng Tan, “la buddha” le traitait beaucoup mieux désormais à chaque fois qu’il venait emprunter du matériel. Elle ne souriait pas mais ne semblait pas vouloir l’assassiner non plus. Il y avait donc de l’amélioration.

En reconnaissant Zhuo, le jeune chat ressortit de sa cachette. Il était plus confortable d’être assis sur une couette plutôt qu’accroupi dans un sac.

– « Salut, Charbon. Tu t’es faufilé dans le bâtiment en douce ? »

La jeune femme ne fut pas surprise de voir Zheng Tan ici. Elle lui caressa gentiment la tête.

Le chat était un sujet commun entre Mama Jiao et leur visiteuse.

La mère se sentit soulagée. Elle n’aurait pas vraiment su quoi lui dire.

Même s’ils ne connaissaient pas tout en détails, les problèmes actuels de Zhuo n’étaient pas un secret pour eux. Elle se sentait mal pour elle.

La jeune femme, qui était une des trois favorites de “la Buddha”, avait un brillant avenir. Depuis peu, le département de physique était sur un gros projet. Si jamais elle y participait, ce serait un plus sur son CV. Pourtant, ce genre de chose devait se produire au moment opportun. Elle tomba enceinte après avoir donné son accord pour mener l’expérience au sujet des radiations, bien décidée à garder cet enfant sans être certaine qu’il serait en bonne santé.  Ah, les jeunes, de nos jours…

Zhuo ne resta pas longtemps. Au bout d’un moment, elle remit son manteau et partit.

– « Pauvre Zhuo… quel malheur! »

Comme les enfants étaient présents, Mama Jiao ne put réellement tout expliquer.

– « Tante Zhuo va avoir un bébé ? » S’enquit Jiao Yuan.

– « Hein-hein. » Sa mère ne voulut pas s’étendre. Ils avaient parlé longtemps et elle commençait à se sentir fatiguée, quoiqu’elle n’eût pas envie de dormir.

Papa Jiao réfléchit une seconde :

– « À propos de bébé, il y a quelque chose que vous ignorez sans doute. »

– « Quoi ? »

Jiao Yuan et Gu Youzi le regardèrent, curieux. Zheng Tan fit de même, sauf que lui voyait le “laissez-moi vous raconter” venir.

– « Laissez-moi vous racontez… »

Le père saisit un stylo et une feuille de papier et, tout en parlant, se mit à dessiner un schéma.

Il avait raison ! Zheng Tan remua ses oreilles.

Même si ce début de phrase avait le don, à présent, de lui donner la nausée, il était curieux de savoir ce que Papa Jiao allait dire.

Mama Jiao, par contre, savait pertinemment ce qu’il s’apprêtait à expliquer. Cela faisait tellement d’années qu’ils étaient ensemble. Elle secoua la tête en souriant. Elle voulait voir la réaction des enfants.

– « Nous, les humains, passons par plus d’un stade au cours de notre croissance et de notre développement. Les fœtus, par exemple, traversent plusieurs étapes dans le ventre de leurs mères. Durant le stade embryonnaire initial, les garçons comme toi, Jiao Yuan, ne sont guère différents des filles. »

Zheng Tan, Jiao Yuan : « !! »

Si l’on devait décrire leur réaction, le chat et le petit garçon donnaient l’impression qu’on les avait forcés à avaler des crottes de chiens.

Papa Jiao ignora la tête qu’ils faisaient et poursuivit :

– « Même si, au départ, votre physique est similaire à celui des filles, par la suite, vous allez passer par un stade plus tard où vous changerez cinq fois de sexe. »

Il dessina un “Y” sur la feuille.

– « Les chromosomes envoient un signal au moment approprié qui déclenche une série de réactions hormonales. Les hormones provoquent alors un signal de conversion de sexe pour que l’embryon passe petit à petit de féminin à masculin. Il y a cinq étapes au cours de la transformation. Si quelque chose ne va pas durant l’un d’eux, l’embryon devient féminin… »

Papa Jiao ne cessait de parler, laissant les enfants et le chat stupéfaits.

Que pouvait-on attendre de la réaction d’un garçon à qui on venait dire qu’il avait été autrefois une fille ?

P*tain, ça ne pouvait pas être vrai…n’est-ce pas ?

– « Je suis un homme! Un mec! Avec un tu-sais-quoi! »

Jiao Yuan était si désespéré de lui faire passer le message qu’il était prêt à retirer son pantalon pour le prouver.

– « Oui, tu es un garçon, nous sommes tous d’accord là-dessus. Je t’explique juste un fait. Tout le monde passe par ces stades de développement. C’est tout à fait normal. » Répondit son père.

Jiao Yuan semblait malgré tout dégoûté. En fait, Zheng Tan ne se sentait pas mieux. Simplement, les chats étaient moins expressifs. Et il avait un pelage noir. On pouvait peut-être pu s’apercevoir qu’il faisait une drôle de tête, mais personne n’aurait deviné qu’une partie de lui était comme morte.

– « Les garçons sont des garçons et les filles sont des filles! On est soit masculin, soit féminin! Comment telle chose serait-elle possible ? »

Jiao Yuan était perplexe. L’évolution et le développement humains étaient en effet un sujet mystérieux, du genre à se prendre la tête.

– « Eh bien, la question fait débat. Bon nombre des spécialistes pensent qu’en réalité, il existe encore plus de sexes. Il y en au moins cinq : masculin, pseudo-hermaphrodite masculin, hermaphrodite, pseudo-hermaphrodite féminin et féminin. »

Zheng Tan : « … »

Il ne savait plus quoi penser.

– « Et donc parfois, on découvre des gens qui possèdent des chromosomes Y mais qui ne ressembleront en rien à un homme s’ils ne passent pas par la chirurgie. C’est rare, mais c’est possible. On ne peut pas le nier. Nous devons traiter les faits scientifiques comme des faits. »

La dernière phrase de Papa Jiao interrompit le cours des pensées du jeune félin.

Il venait brusquement de se rappeler certaines choses.