Après avoir marché un moment, le garde, soudain, s’immobilisa.
– « Pourquoi vous arrêtez-vous ? » Aboya Ojwin à l’intérieur du Royaume Divin duquel il les avait enveloppés pour que personne ne puisse rien entendre.
– « N’étant pas autorisé à entrer dans les appartements des Seigneurs, j’ignore qui vit où », répondit l’homme.
Ojwin en fut un peu surpris, mais il comprit.
« L’un de ces appartements… » Il y avait bien six ou sept bâtiments dans les jardins, chacun doté d’une cour. « Ça va être compliqué », pensa-t-il. « Je n’ai aucune idée de l’endroit où peut se trouver Olivier. »
Il fronça les sourcils et réfléchit.
Dieu de la Guerre, le Grand Prêtre, Tarosse, Dylin, César, Olivier… Tous vivaient là.
Dans son bâtiment de deux étages, César était assis en position méditative, les yeux fermés.
Les Lois Élémentaires des Ténèbres sur lesquelles il travaillait renfermaient de profonds mystères liés à la furtivité.
Ces ténèbres lui étant aussi agréables que l’étreinte d’une mère, César aurait facilement pu fusionner avec elles afin que quiconque ne puisse plus le localiser. En même temps… il pouvait sentir tout ce qui ne faisait pas partie de cette obscurité, comme par exemple cette aura brûlante dans le bâtiment voisin, aussi évidente pour lui qu’une comète flamboyante dans l’obscurité.
Il fronça les sourcils :
– « Comment se fait-il que quelqu’un rode par ici à cette heure de la nuit ? »
En tant que “Roi des Assassins”, César était un maître du subterfuge. Non seulement il fut le premier à déceler une présence, mais il pouvait même dire qu’ils étaient plusieurs.
« Votre aura est peut-être faible », pensa-t-il, « mais malheureusement pour vous, je l’ai décelée. »
César n’utilisait pas son sens divin. Il trouvait cela stupide car l’utiliser, c’était autoriser les autres à vous localiser.
Sur ce, il disparut. Si un expert de niveau Divin inspectait soigneusement la zone, il pourrait à peine remarquer que l’obscurité dans la pièce avait légèrement changé. César quitta rapidement ses appartements et sortit.
Mais Ojwin et le garde n’étaient pas très loin.
« C’est donc lui! » Pensa-t-il en le reconnaissant à cent mètres. D’abord surpris, César se mit à rire intérieurement : « Cet Ojwin a un drôle de culot de s’infiltrer ici tard dans la nuit ».
Les capacités furtives de César étaient telles que même à une centaine de mètres, Ojwin était incapable de déceler sa présence.
Immédiatement, il orienta son sens divin vers les appartements de Tarosse qu’il eut tôt fait de localiser, celui-ci n’ayant pas la possibilité de se dissimuler.
– « Seigneur Tarosse », lui dit-il télépathiquement, « Ojwin est ici, tout près. »
Stupéfait, Tarosse sentit la colère monter en lui : « Ojwin! Deux fois de suite, je me suis retenu. S’imaginerait-il que j’ai peur de le tuer ? »
Aussitôt, il prit son envol et sortit.
Si ses compétences en matière de dissimulation étaient nettement inférieures à celles de César, il était extrêmement rapide! Ojwin ne se trouvant qu’à une centaine de mètres de chez lui, il l’aperçut immédiatement et fonça sur lui à pleine vitesse.
« Il ne me reste plus qu’à trouver un domestique spécifiquement affecté au service de ces Divinités et me renseigner », pensait Ojwin lorsque soudain, il tourna la tête et aperçut, stupéfait, une silhouette qui filait droit sur lui.
Furieux, il blêmit :
– « Encore ce bâtard! »
Reconnaissant Tarosse, il comprit aussitôt qu’il avait, une fois de plus, lamentablement échoué. Bien que peu disposé à l’admettre, il n’eut d’autre choix que de se propulser en l’air. »
– « Tu cherches à fuir, connard ? » Beugla Tarosse d’une voix qui secoua tout le Château du Sang de Dragon, réveillant de nombreux habitants.
Un sifflement strident, plus puissant encore que le bruit que ferait la terre en train d’exploser, secoua le domaine.
– « Qu’est-ce que c’est ?! »
Immédiatement, Wharton, Gates et les autres quittèrent leurs appartements et demeurèrent abasourdis devant le spectacle qui s’offrait à leurs yeux. Dans les airs au-dessus du château planait un incroyable serpent vert enroulé sur lui-même, long de dix mille mètres et dont le diamètre était équivalent à plusieurs maisons côte à côte. Les spectateurs en eurent froid dans le dos.
Cette énorme créature releva la tête et, à nouveau, émit ce sifflement à vous déchirer les tympans.
– « Non! » Hurla, désespérée, une silhouette humaine prisonnière dans les airs.
Le serpent ouvrit la gueule et l’espace tout autour se mit à trembler. La silhouette humaine tenta un bref instant de résister à la force dévorante et finalement, disparut dans le ventre du monstre qui reprit aussitôt forme humaine.
C’était le fameux Tarosse aux cheveux verts.
Celui-ci redescendit au sol en grommelant :
– « Cet Ojwin pensait que j’étais accommodant et que je n’avais pas le courage de le tuer. Je n’avais encore tué personne depuis que j’ai quitté la Nécropole des Dieux, mais il n’a tenu aucun compte de mes avertissements. »
Linley, accouru avec Délia et d’autres personnes et qui avait à peine eu le temps de voir Tarosse dont il connaissait la véritable apparence depuis son séjour à la nécropole, avaler une silhouette humaine, demanda :
– « Était-ce Ojwin ? »
– « C’était lui en effet », répondit César souriant. « Il s’était introduit au château en pensant que nous ne remarquerions pas sa présence. Mais je l’ai décelée avant même qu’il ne m’approche. »
Était-il donc stupide au point de penser qu’il pourrait se cacher de cet expert passé maître dans l’art de la furtivité, même si ce n’était qu’un Demi Dieu ?
– « Quelle belle démonstration de votre capacité Dévorante, Tarosse! » S’exclama Dylin en riant.
La véritable forme de Dylin étant celle du Lion Suanni, également connu sous le nom de “Créature Dévorant les Cieux”, il avait un vaste estomac. Quant à Tarosse, en tant que Serpent Ba, une créature de rang Divin, il possédait la capacité innée de “Dévoreur d’Océans”. Non seulement il avait de la place dans son estomac mais de plus, il était énorme.
Son énergie spirituelle étant à la fois plus pure et plus dense que celle de Dylin, sa capacité à dévorer était, cela va de soi, plus puissante.
Olivier, qui venait d’avoir une belle peur, eut un triste rictus :
– « Ainsi, il est revenu. »
– « Voyons Olivier, détendez-vous! Ojwin est mort, il ne vous causera plus d’ennuis. » Dit Linley, lui aussi soulagé. Il y aurait bien des gens au château pour faire la fête cette nuit.
– « Ne vous réjouissez pas trop vite », dit Tarosse. Il ouvrit la bouche et tous purent voir une Étincelle de niveau Dieu émettre une faible lumière rouge. « C’est celle d’Ojwin qui est mort dans mon corps. »
– « Une étincelle d’affinité Feu ? »
Linley en fut surpris. Ojwin n’ayant pas qu’un seul corps, si celui qui avait été dévoré était la réunion des deux, il aurait dû y avoir deux Étincelles Divines.
– « Oui, une seule », répondit Tarosse. « Vous savez tous qu’il avait deux corps. Or celui que je viens de dévorer n’était que son clone divin d’affinité Feu. Son clone de type Lumière n’était pas ici! »
Linley soupira. En fait, lui et Desri avaient fait la même chose lors de la première attaque d’Ojwin et laissé leur corps d’origine dans la Dimension Miniature. Si leurs deux clones divins avaient été détruits, ils étaient finis!
« Apparemment, Ojwin s’était préparé au cas où il serait tué », pensa-t-il en regardant Olivier dont le regard était redevenu inquiet et le front plissé. Comment aurait-il pu se détendre, sachant qu’Ojwin n’était pas mort ?
– « Nul ne sachant ce qu’Ojwin est capable de faire, que diriez-vous, Olivier de venir vous entraîner dans ma Dimension Miniature ? Là au moins, il ne pourra pas vous localiser, quand bien même il ferait appel à son sens divin. »
En toute honnêteté, il y avait déjà pas mal de personnes dans cette dimension miniature, refuge le plus sûr de tout le château.
– « Entendu », répondit Olivier qui, cette fois, n’osa pas refuser.
– « Ne vous inquiétez pas », reprit Linley en se tournant vers Wharton et les autres. « Si Ojwin a perdu une Étincelle Divine, cela signifie qu’il ne lui reste plus que son clone divin d’affinité Lumière. Il a peut-être pris des risques cette fois, mais il ne le fera pas car il n’a pas d’autres clones. »
Tous eurent un sourire tandis qu’O’Brien, le Dieu de la Guerre, fixait l’étincelle dans les mains de Tarosse, les yeux brillants.
C’était une étincelle de niveau Dieu et d’affinité Feu. Or, il était justement formé aux Lois Élémentaires du Feu et en avait désespérément besoin. Mais sachant à quel point cette étincelle était précieuse, il n’osait pas la réclamer.
Au milieu de la nuit, Ojwin lâcha un rugissement de colère et écrasa furieusement ses poings dans la terre. Une énorme fissure apparut sans qu’il parvienne à décharger sa colère tenace.
– « Première tentative, deuxième tentative… toutes des échecs! Mon clone divin… Et les Lois Élémentaires du Feu ? »
Désormais, plus jamais il ne pourrait s’entrainer dans ce domaine. Il ne lui restait plus qu’un corps : son clone divin d’affinité Lumière.
– « Quelles capacités peuvent bien posséder Tarosse et Dylin ? » Se demanda-t-il, le cœur tremblant à la pensée de cet épisode terrifiant.
Lorsque Tarosse avait commencé à le dévorer, il n’avait pas du tout ressenti la même chose qu’avec Dylin. Ce dernier ayant repris sa véritable forme, celle du Serpent-Ba, Ojwin avait eu l’impression d’être totalement isolé et encerclé par une puissance irrésistible juste avant d’être avalé.
Lui qui pensait pouvoir déchirer l’estomac du Serpent Ba et s’enfuir avait été surpris de constater que cet organe n’était pas une dimension matérielle. Totalement démuni, il s’était fait tuer.
Seule une Créature Divine était en mesure de posséder une telle capacité naturelle, ce qui expliquait que les créatures comme la Créature Dévorant les Cieux et le Serpent Ba soient capables d’avaler des montagnes et des océans. Même les experts entraînés jusqu’au niveau Dieu Supérieur ne pouvaient créer en eux pareille dimension immatérielle.
« Un jour! Un jour viendra! » Gronda Ojwin en grinçant des dents. « Un jour où je tuerai Olivier, où je deviendrai un Dieu Supérieur et où j’éliminerai ce Tarosse! »
Bien que ce dernier lui inspirât une haine féroce, jamais plus il ne se risquerait à le mettre en colère tant qu’il n’aurait pas atteint le rang de Dieu Supérieur.
Sur ce, il prit l’apparence d’un rayon de lumière et fila en direction de l’Ouest.
Son clone divin ayant été détruit, Ojwin n’osait plus faire parler de lui.
Le calme revint donc au Château du Sang de Dragon et Linley put reprendre son entraînement.
Plusieurs mois passèrent. L’hiver commençait lorsque Linley reçut une bonne nouvelle.
Ce jour-là, alors qu’il était plongé dans les Lois Élémentaires du Vent, une voix résonna dans son esprit :
– « Linley, j’ai quelque chose à vous confier. »
– « Lord Beyrut ?»
Linley interrompit immédiatement son entraînement.
– « Bébé est sur le point de se transformer en Divinité. Cette dernière étape étant extrêmement critique, à partir d’aujourd’hui, quoi qu’il advienne, ne le contactez pas. Il ne doit pas être perturbé. »
Si Beyrut était capable d’empêcher les autres de communiquer par le biais de leur sens divin, il ne pouvait pas le faire concernant Linley et Bébé, leurs âmes étant connectées, c’est pourquoi il tenait à le prévenir.
– « Il va devenir une Divinité ? Très bien, Seigneur Beyrut, comptez sur moi pour ne pas le déranger », répondit Linley, ravi pour sa Créature Magique.