– « Menteur. »
En quittant l’alchimiste, Roland était retourné à son bureau. Rossignol demanda :
« De quel livre de chimie élémentaire vieux de quatre cent ans parlez-vous ? N’est-ce pas l’un de ces livres qui contiennent quelques-uns de vos souvenirs ? De toute façon, tout ceci sera tôt ou tard enseigné aux citoyens, n’est-ce pas ? »
– « Ce n’était qu’un pieux mensonge. »
Lors de son séjour, Margaret, elle avait présenté un paquet de thé noir à Roland. Il allait enfin pouvoir changer de l’eau ou de la bière qu’il buvait tous les jours.
« Comment un prince qui a vécu toute sa vie dans un palais connaît-il si bien l’alchimie alors qu’il n’a jamais eu accès qu’aux enseignements de l’Alchimiste du Roi ? Cependant, si je lui donnais un livre afin qu’il puisse l’étudier lui-même, il est probable qu’il en accepterait plus volontiers les connaissances que si je les lui enseignais moi-même. Après tout, les humains auront toujours davantage confiance en eux-mêmes. »
– « Oh ? »
Curieuse, Rossignol se pencha vers Roland et lui souffla : « Dans ce cas, de qui avez-vous appris ? »
– « Euh… » Roland ouvrit la bouche, mais Rossignol posa un doigt sur ses lèvres : « Si vous ne souhaitez pas répondre, ne dites rien. Je ne veux pas que vous me mentiez. »
Le Prince cligna des yeux, et Rossignol retira sa main.
– « Nous devons tirer parti du fait que le duel n’aura lieu que dans cinq jours », dit Roland, profitant de l’occasion pour changer de sujet, « Nous devons aller chercher Carter et lui permettre de se familiariser avec la nouvelle arme. »
– « Mais il y a peu de temps, ne vous plaigniez-vous pas que le problème des munitions n’était toujours pas résolu ? »
– « Le problème ne concerne que l’utilisation réelle de pyroxyline. Si nous nous soucions uniquement de la compétition, nous pourrons tout de même tirer quelques coups de feu. Après tout, durant un duel, il n’y a pas à tenir compte du transport ni du rechargement. Dix munitions devraient suffire à obtenir un résultat », expliqua Roland.
Bien sûr, en l’absence de fulmicoton, le taux de tir risquait d’être réduit, ce qui pourrait également jouer un rôle important dans le duel, mais en définitive, tout reposait entre les mains de Carter, avec son visage de Dieu.
À l’ouest du mur de la ville.
Carter, qui avait accepté la nouvelle mission confiée par Roland, était de retour dans la zone d’essai des explosifs.
– « Je suis censé lutter contre une sorcière ? » avait demandé Carter, effrayé, quand on lui avait parlé du duel. « Puis-je porter une Pierre du Châtiment Divin ? »
– « Certainement », répondit Roland en souriant. « Mais malheureusement, vous serez confronté à un type unique de sorcière qui ne sera en rien affecté par cette pierre. Sa méthode de combat est similaire à celle d’un chevalier et elle utilisera même une grande épée. »
– « Vous essayez de me dire que cette sorcière est un maître rompu aux combats de mêlée ? » demanda Carter en regardant Rossignol qui se tenait près de Roland.
– « Plus ou moins. Mais comme sa capacité est de type « auto-renforcement », sa force comme sa vitesse sont bien supérieures à celles d’un humain ordinaire. »
Roland poursuivit : « Vous devez vous préparer mentalement. Son contrôle sur son corps et son pouvoir est plusieurs fois supérieur à celui de ce criminel du couloir de la mort après qu’il ait pris ces pilules. »
– « Plusieurs fois supérieur… Votre Altesse Royale, savez-vous ce que cela signifie ? » demanda Carter, choqué. « Je serai très certainement incapable de suivre sa vitesse de réaction, même si j’observe attentivement ses mouvements. Si elle est aussi puissante que vous le dites, je crains de ne pas être en mesure de la vaincre. »
– « En termes de théorie, vos chances de gagner sont nulles, à dire vrai. », confirma le Prince, qui lui remit une étrange arme à feu : « mais avec cette arme, vos chances devraient considérablement augmenter. »
– « C’est… le nouveau fusil ? »
Carter saisit l’arme avec les deux mains. La gâchette et le canon étant très semblables à ceux d’un fusil à silex, le chevalier devina que celle-ci devait nécessairement appartenir au même type d’arme. Elle était cependant plus petite que la première, elle pesait encore plus lourd dans sa main que le précédent fusil. Le chevalier remarqua tout particulièrement qu’à l’exception de la poignée en bois, l’arme était entièrement faite de métal. Avec ses lignes bien lisses, ses angles bien nets et son lustre métallique clair, cet objet était d’une beauté indescriptible.
Carter tomba immédiatement amoureux de cette arme qu’il voyait pour la première fois.
– « On appelle ceci un revolver ». Roland prit une seconde arme semblable et fit jaillir une sorte de roue en forme de ruche sur sa gauche. « A présent, laissez-moi vous montrer comment on s’en sert. »
Carter découvrit rapidement que son fonctionnement était plus simple que celui du fusil à silex. Le projectile et la poudre à canon étaient intégrés en une seule unité et il suffisait de charger le cylindre pour qu’il soit prêt à tirer. Le cylindre, percé de cinq trous, pouvait donc contenir cinq balles. C’est probablement aussi la raison pour laquelle cette arme était classée comme revolver.
Il y avait un trou où le marteau du revolver rencontrait le cylindre. Lorsque le marteau frappait le trou, cela créait une étincelle accompagnée d’un fort bruit de friction.
« Il y a peut-être un silex caché à l’intérieur », pensa-t-il.
« Mais le design de cette balle est vraiment trop incroyable, cette coque jaune clair est faite d’une fine plaque de cuivre et le corps semble être parfaitement rond mais aussi totalement lisse. Je ne vois même pas de fissures ni de trous dans la coque extérieure. Cette balle est fine à son sommet et la base est aussi épaisse que mon index. Ses dimensions correspondent très précisément aux trous prévus dans le cylindre. Comment ont-ils pu réaliser cela ? »
– « Les munitions ne sont pas encore terminées, aussi faites bien attention à l’ouverture située à la base de la balle », dit Roland en simulant un mouvement de tir, « comme moi, pointez toujours le museau vers le bas. Ne laissez pas la poudre sortir de l’ouverture. Après chaque coup, vous devrez nettoyer le réservoir à balles du revolver, faute de quoi la poudre dispersée au cours de l’éjection du projectile risquerait de s’accumuler à l’intérieur du trou. »
« C’est vrai, il est cultivé et multi-talentueux. »
Carter, qui était en admiration devant le 4ème prince, s’inclinait respectueusement. Aucun maître alchimiste ni aucun des astrologues qui occupaient des postes élevés au sein de la cour n’avait inventé autant de choses étranges. De plus, chaque création de Roland avait beaucoup de valeur. Ses inventions étaient très différentes de la poudre de neige, produit simplement destiné à amuser la noblesse.
La machine à vapeur inventée par Son Altesse Royale était actuellement utilisée pour les opérations d’extraction et de pompage, et ses canons et fusils avaient contribué à repousser non seulement les bêtes démoniaques mais aussi la coalition du Duc Ryan. Carter était à présent convaincu que si on lui en laissait le temps, le trône du Royaume de Graycastle finirait définitivement entre les mains de Roland Wimbledon – le grand Seigneur de Border Town.
La cible devait être éloignée de dix mètres mais ceci mis à part, le problème restait que la silhouette humaine n’était pas plus grande que sa main. Carter prit la position de tir conformément aux indications du Prince. Tenant à deux mains le pistolet, il pencha légèrement son corps vers l’avant, aligna le canon avec le centre de la cible et appuya sur la gâchette.
Des étincelles et du gaz jaillirent des deux côtés de la roue, et un bruit sourd lui perça les tympans. C’était comme si quelqu’un l’avait poussé en arrière tandis que ses bras étaient automatiquement repoussés vers le haut. La fumée ayant disparu, il s’aperçut que la cible était encore intacte.
– « Continuez », ordonna Roland.
Carter prit une profonde inspiration puis tira les quatre balles restantes. Mais en vain : aucune ne toucha la cible.
« C’est… »
Carter était bouleversé, mais il regarda le Prince et s’aperçut que ce dernier ne semblait pas s’en soucier.
« En raison de son canon beaucoup plus court, la précision et la portée du pistolet ne sont pas aussi bonnes que celles du fusil, par conséquent, c’est tout à fait logique que vous manquiez la cible. De plus, le diamètre de la balle avoisine les douze millimètres. Par conséquent, vous devez prendre davantage de recul qu’avec un fusil à silex. » Expliqua Roland. Mais Carter n’y comprenait rien. « Concrètement, vous n’aurez qu’à suivre mes instructions et vous entraîner le plus possible. Si à la veille du duel vous êtes capable d’atteindre la cible cinq fois de suite avec vos munitions, vous aurez vraiment une chance de gagner. Ah! une dernière chose… n’oubliez pas de récupérer les douilles, elles peuvent être rechargées et servir plusieurs fois »