Le Pouvoir Divin Acacia était, en définitive, une méthode d’entraînement maléfique. L’aura de ceux qui le pratiquaient était pleine d’un élan tordu et immoral. Si un artiste martial se laissait envelopper, son esprit serait incapable de faire face au flot infini d’illusions cauchemardesques et il finirait par laisser apparaître la laideur de son cœur.
Mais le cœur des arts martiaux de Lin Ming était particulièrement pur et authentique. En plus, il pratiquait les Vertus Chaotiques des Méridiens de Combat et possédait ainsi une véritable énergie incomparablement dense. Son aura des arts martiaux était inflexible comme un pont, immobile comme une montagne. Grâce à cela, tous ces fantômes n’étaient qu’une mauvaise blague pour Lin Ming.
La cultivation d’Ouyang Dihua en était pourtant à la Condensation de l’Impulsion, mais il aurait pu être au Houtian que Lin Ming serait toujours capable de résister à son aura.
Voilà pourquoi une telle scène se déroulait sous les yeux ébahis de la foule. Lin Ming restait immobile et indifférent, peu importe à quel point Ouyang Dihua déployait son aura. Si bien que ce dernier ne ressemblait finalement qu’à un pitre.
La situation laissa tout le monde pantois. Lin Ming ne semblait pas le moins du monde affecté par l’aura oppressante d’Ouyang Dihua.
C’était tout bonnement impertinent !
Bai Jingyun regardait Lin Ming d’un air ahuri depuis la foule. Elle ne pensait pas qu’il serait capable de rester aussi calme et tranquille face à une telle pression, comme s’il possédait une dignité arrogante qui le plaçait au-dessus de tous les autres.
Pour lui, l’aura oppressante d’Ouyang Dihua n’était qu’une piètre toile d’araignée qu’il était facile de briser.
La sienne en revanche, était sans pareil, que ce soit un peu plus tôt face à Zhang Guanyu ou maintenant, face à Ouyang Dihua. Elle était inébranlable comme une longue lance et à même de tout transpercer.
Le rythme cardiaque de Bai Jingyun commença à s’emballer.
Lin Ming était calme et inébranlable telle une montagne.
Mais lorsque le combat éclatait, il était une lame infinie, éblouissant le monde !
Peut-être… peut-être qu’il pouvait gagner !
Le souffle court, Bai Jingyun agrippa le collier de sa robe comme pour agripper cette pensée.
Personne n’avait remarqué son expression depuis le petit coin sombre d’où elle se tenait pour regarder le duel. Pas même Murong Zi, qui se tenait debout à ses côtés, silencieuse et la tête inclinée.
Sur la place d’arme, plus le temps passait sans que Lin Ming ne réagisse, plus Ouyang Dihua perdait en crédibilité et son embarras grandissait.
Certaines personnes ne supportaient plus de continuer à regarder. Comment Ouyang Dihua allait-il mettre fin à cette farce ?
Les individus de haut rang ne chérissaient rien davantage que l’honneur, c’était le plus important à leurs yeux. Par conséquent, il était impensable de ‘perdre la face’. Pourtant, Lin Ming était en train de ridiculiser Ouyang Dihua.
« Lin Ming est complètement anormal. Malgré cela, je ne pense pas qu’il soit sage de résister autant. Il devrait céder un peu et donner à Ouyang Dihua l’occasion de se retirer la tête haute, dit une personne à son voisin.
– Céder ? L’interpella Murong Zi qui avait entendu. Elle ricana et reprit d’un ton froid, Lin Ming ne pourra plus résister à cette aura s’il cède ne serait-ce que d’un pas. Ouyang Dihua ne le laissera pas s’en tirer aussi facilement. Il fera en sorte qu’il se retrouve dans le même état que ces idiots de tout à l’heure, avec leurs bouches dégoulinantes de bave, leurs yeux vitreux et leur air de bouffon. Cela ne vaut pas mieux que de se rouler dans le purin comme un porc ! »
L’atmosphère devint de plus en plus intense. Les choses étant arrivées là où elles étaient, la perspective d’une résolution pacifique était difficile à envisager.
Mais à cet instant, un rire plein d’entrain retentit dans l’air. C’était un rire particulièrement riche. Il semblait bien loin lorsqu’il se fit entendre la première fois, pourtant, la seconde suivante il résonnait à travers les oreilles de tout le monde.
Personne n’eut le temps de comprendre ce qu’il se passait qu’un homme vêtu d’une robe blanche ample apparut au milieu de la foule, une cithare entre les mains.
Il était grand et mince, avec des sourcils épais et broussailleux. Il se tenait là, enveloppé d’une grâce intemporelle. Tous ceux qui le virent ne purent s’empêcher de ressentir un sentiment d’admiration naître dans leur cœur.
Ouyang Dihua grimaça immédiatement lorsqu’il vit cet homme énigmatique apparaître avec sa cithare, et il en profita pour retirer immédiatement son aura, qui disparut soudainement dans le vent. La force de ce dernier était nettement supérieure à la sienne, cela ne faisait aucun doute.
« Maître… Maître de la Maison Martiale ? »
Qin Xingxuan était sous le choc. Elle ne voyait que très rarement le mystérieux Maître de la Maison Martiale. Ses mouvements étaient imprévisibles et il errait d’un lieu à un autre. Sa force était d’une vigueur incomparable. Cela faisait longtemps qu’il était bloqué au sommet du Houtian, et on racontait même qu’il avait déjà fait un demi pas vers le Xiantian.
Cet homme avec une cithare entre les mains était le Maître de la Maison Martiale, Qin Ziya.
Il avait vécu sur les routes, comme musicien, jusqu’à ce qu’il ne rejoigne les Sept Profondes Vallées, puis la Faction de la Cithare ; il était alors âgé d’une vingtaine d’années et l’âge d’or pour la pratique des arts martiaux était derrière lui. Pourtant, contre toute attente, il était tout de même parvenu à atteindre la Condensation de l’Impulsion à trente et un an, puis le Houtian à trente-six ans. Pour finalement se hisser jusqu’au sommet du Houtian à ses quarante-cinq ans.
Un tel génie pour la pratique des arts martiaux avait déconcerté jusqu’aux aînés des Sept Profondes Vallées. Malheureusement, il avait manqué l’âge d’or pour la pratique des arts martiaux. Ainsi, même si son corps était né une seconde fois, il avait rencontré un obstacle insurmontable aux portes du Xiantian. Désormais, il parcourait le monde selon son bon plaisir, tout en occupant le poste de Maître de la Maison Martiale des Sept Véritables du Royaume du Grand Avenir. Il espérait que ses voyages lui permettraient de nouvelles avancées dans son entraînement ou dans son maniement de la cithare.
« Accepteriez-vous de considérer les évènements d’aujourd’hui comme appartenant au passé Monsieur Ouyang ? Je vous le demande personnellement, lui demanda Qin Ziya avec un large sourire bienveillant. Sa voix était habillée d’une étrange tendresse, comme le chant d’une brise printanière.
– Puisque le Maître de la Maison Martiale Qin me le demande, je ne poursuivrai naturellement pas cette affaire », répondit calmement Ouyang Dihua après un moment de silence.
En réalité, il n’avait pas d’autre choix maintenant que Qin Ziya s’était montré en personne. Ouyang Dihua le respectait, il était même un peu impressionné. Qin Ziya deviendrait un aîné des Sept Profondes Vallées s’il atteignait le Xiantian. Vu son talent et ses aptitudes à la cithare, son statut ne serait pas nécessairement inférieur à celui de son oncle.
« C’est pour toi Petit Frère Lin. » Qin Ziya fit un mouvement rapide du poignet. La manière dont il avait bougé n’était pas claire, mais un Lingzhi cramoisi de la taille d’une paume de bébé apparut. D’un geste de la main, celui-ci se dirigea vers Lin Ming comme s’il possédait une sorte d’intelligence.
Lingzhi Sanguin de cinq siècles !
Lin Ming ressentit la richesse de l’énergie qui se répandait à travers ses mains lorsqu’il l’attrapa. Son cœur se mit à accélérer d’excitation.
Un Lingzhi Sanguin de cinq siècles d’âge était extrêmement rare. Seule une large secte était en mesure de posséder les méthodes secrètes nécessaires pour le cultiver. De plus, son taux de survie était particulièrement faible.
La plupart des Lingzhis Sanguins atteignaient leur limite de vie après trois siècles. Si la plante n’était pas cueillie à ce moment-là, alors elle ne ferait que dépérir jusqu’à être gaspillée. Un Lingzhi Sanguin de trois siècles atteignait la taille d’une bassine et était considéré comme un remède miracle d’une incomparable efficacité dans le monde des mortels.
Ce genre de Lingzhi Sanguin était déjà très précieux. Il était presque impossible d’en trouver des plus anciens à l’état naturel. L’on en trouvait seulement près de quelques montagnes sacrées où l’essence spirituelle était suffisamment riche.
L’essence d’un Lingzhi Sanguin commençait à se comprimer lorsqu’il atteignait trois siècles, ce qui l’amenait à se rétrécir. Si un Lingzhi Sanguin de quatre siècles ne faisait plus que la taille d’une grosse louche, un autre de cinq siècles n’était pas plus gros que la paume d’un bébé.
Toutefois, même s’il était plus petit, l’essence spirituelle qu’il contenait n’en était que plus grande. Ce Lingzhi Sanguin était capable de nourrir la chair et le corps d’un artiste martial, ce qui permettait d’augmenter sa force et d’accroitre sa vitalité.
Un Lingzhi Sanguin de cinq siècles était un remède miraculeux dont rêvaient tous les artistes martiaux désireux d’augmenter leurs capacités.
Nombre des spectateurs présents furent émerveillés par le faible arôme qui émanait au loin du champignon. Certains inhalèrent même à plein poumons les effluves qui flottaient dans le vent. Ce genre de remède ne pouvait tout simplement pas s’acheter avec de l’argent.
Il figurait quatre récompenses sur le décret que l’Aîné Wang avait remis à Lin Ming quelques mois auparavant. La Lance Lourde des Profondeurs, le Lingzhi Sanguin de cinq siècles, la Pilule Miraculeuse Bleue et une bouteille d’Ichor Spirituel. Ces récompenses étaient si extraordinaires que personne ne croyait Lin Ming capable de les obtenir. Il venait pourtant de récupérer la deuxième d’entre elles. Quant aux deux autres, il existait désormais une possibilité qu’il mette la main dessus.
Cela générait naturellement de la jalousie parmi les jeunes élites présentes. La force de Lin Ming s’était néanmoins déjà manifesté sous leurs yeux et personne n’avait quoi que ce soit à objecter.
Lin Ming saisit le Lingzhi Sanguin à deux mains et s’inclina respectueusement devant Qin Ziya.
« Merci Maître de la Maison Martiale, lui dit-il.
– Ha, ha. Ne me remercie pas. Ce Lingzhi ne vient pas de moi mais de la secte, c’est une récompense destinée à être remise aux disciples faisant preuve de talent. Tu l’as gagné puisque tu as réussi le test que je t’ai fait passer. »
Lin Ming plaça le champignon dans son anneau spatial et en profita pour y ranger la Perle de l’Eclair de Feu qu’il avait ramasséeun peu plus tôt. Il n’avait aucune intention de la rendre à Ouyang Dihua ; qui n’allait probablement pas insister à ce sujet, au risque que tout le monde apprenne que c’était lui qui l’avait remise à Zhang Guanyu.
Il vit le mouvement de Lin Ming et son visage prit une allure sinistre.
« Lin Ming, Lin Ming, puisque tu la convoites tant, j’espère que tu feras bon usage de cette perle de l’Eclair de Feu. Je suis impatient d’apprendre que tu as trouvé la mort dans une explosion ‘accidentelle’ ! » pensa-t-il.
Le banquet avait perdu toute raison d’être suite au duel inopiné entre Lin Ming et Zhang Guanyu et, maintenant que le Maître de la Maison Martiale était apparu, cette soirée avait atteint son apogée.
Pour les artistes martiaux du royaume, rencontrer le Maître de la Maison Martiale revenait à rencontrer le roi pour un paysan. Son autorité était absolue et son pouvoir s’étendait plus loin que celui de n’importe qui d’autre à travers le pays. Même des maîtres Houtian célèbres comme Muyi ou Wang Xuanji faisaient pâle figure en présence de Qin Ziya.
Ouyang Dihua n’avait aucun intérêt à s’éterniser davantage. Il se calmaet adressa quelques mots polis à Qin Ziya avant de secouer ses manches et de partir sans demander son reste.
Qin Ziya n’avait pas non plus l’intention de rester. Il avait pour habitude de se laisser porter au gré du vent. Il s’en alla à son tour après avoir bu quelques tasses de thé.
Même si le banquet ne s’était pas du tout déroulé comme ils l’avaient imaginé, la plupart des invités débordaient encore d’enthousiasme pour la soirée qui venait de s’écouler. Ils avaient été témoins de toutes sortes de batailles et la nuit avait finalement atteint son paroxysme avec l’arrivée de Qin Ziya. Les convives étaient pleinement satisfaits.
Evidemment, il y en avait également dont l’humeur était maussade, tel le Dixième Prince, Yang Zhen. Il n’avait jamais imaginé que Zhang Guanyu puisse subir une défaite pareille face à Lin Ming, et même qu’il se fasse arracher la main !
Zhang Guanyu avait voulu estropier Lin Ming et c’était finalement lui qui avait perdu une main dans la bataille. Le Dixième Prince venait tout juste de trouver un nouvel allié que celui-ci se faisait déjà éliminer. De plus, c’était Zhang Guanyu qui le reliait à Ouyang Dihua. Sans lui, ce soutien de poids risquait de lui échapper.
Tout cela emplit Yang Zhen d’amertume. Lin Ming était tout simplement son pire ennemi.
Bien sûr, il restait une autre personne d’encore plus méchante humeur que le Dixième Prince. C’était le chef de la Famille Zhang, Zhang Fengxian de l’association de l’Union Commerciale.
Il avait senti son sang bouillonner à l’intérieur de sa poitrine lorsque son fils avait été emmené pour se faire soigner. Un désir irrépressible de meurtre s’était emparé de lui et il aurait voulu déchiqueter Lin Ming en lambeaux. Mais sa personnalité n’était pas celle de son fils. Son poste à la tête de l’association lui conférait un sang-froid sans faille. Il ne pouvait rien faire contre Lin Ming dans l’immédiat. L’Union Commerciale ne pouvait pas souffrir d’un acte irraisonné, il ne pouvait donc pas se permettre d’agir dans la hâte.
De son côté, Lin Ming regagna également sa résidence au sein de la Maison Martiale. Il savait qu’il lui restait encore deux ennemis à ce banquet, Ouyang Dihua et Zhang Fengxian, soit la Faction Acacia et l’association de l’Union Commerciale.
« Je crains que ces deux parties essaient de se débarrasser de moi en même temps. » pensa-t-il, avant de rire intérieurement. Plus il progressait le long de la voie des arts martiaux, plus les ennemis qu’il offensait devenaient puissants.
En réalité, ce n’était pas lui qui offensait directement tous ces gens. Ces inimitiés ne naissaient jamais de sa propre initiative, mais à cause d’intérêts complexes. C’était comme s’il allait à l’encontre de l’ordre naturel des choses, qu’il refusait de rester à la place à laquelle il était né et à laquelle le monde le destinait. Ce qui était sûr, c’est qu’il n’allait pas rester à ne rien faire en attendant de se faire trancher la tête.
