Pour les Martialistes, tout allait de mal en pis.
Ils ne pouvaient pas s’approcher de la zone corrompue contrôlée par les Déchus. Pour s’échapper, ils n’auraient d’autre choix que de ramper pour se hisser hors du trou situé à dix mètres au-dessus d’eux tout en évitant les tentacules noirs car si ceux-ci venaient à les agripper, il leur serait impossible de se dégager de leur emprise. Sachant qu’ils étaient face à un ennemi invincible, tous n’avaient pas le courage de marcher vers la mort la tête haute.
Seule, Fei Yuhan avait choisi de se battre.
– « Passez devant, les gars! » Hurla-t-elle par le biais du haut-parleur.
Soudain, une ombre blanche jaillit comme un éclair de l’obscurité et se précipita sur la créature magique. Le corps de Fei Yuhan dégageait une lueur douce et brillante, manifestation de la Force de la Nature. Avant cela, elle ne pouvait que se protéger les bras.
Aussitôt, les tentacules, tels des serpents, se jetèrent sur elle. Fei Yuhan les frôla, esquivant de justesse leurs attaques et lorsqu’elle comprit qu’une confrontation était inévitable, elle les frappa et les coupa du tranchant de la main. Une lumière blanche convergeait au bout de ses doigts, prenant la forme d’une épée.
Les autres Martialistes en profitèrent pour tenter de sortir du trou. Sir Youlong fut le premier à atteindre le bord de la paroi.
– « Quelle absurdité! Vous pensez pouvoir m’échapper ? » S’exclama la créature magique en abattant ses bras dans sa direction. Si, au départ, ils n’étaient pas assez longs pour l’atteindre, ceux-ci se développèrent en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.
Au dernier moment, Sir Youlong fit volte-face et tenta de parer le coup avec une lumière éblouissante mais en un instant, la main géante l’avait écrasé au sol avec un bruit de tonnerre, pulvérisant les dalles de béton et créant un fossé au bord du trou.
Sir Youlong fut réduit à un amas de chair sanglante.
La créature magique ramassa ce corps sanglant, couvert de boue dans la “crevasse” au-dessus de laquelle il se tenait. Aussitôt, la zone d’Érosion s’agrandit.
Roland réalisa alors qu’il utilisait la Force de la Nature des Martialistes pour étendre l’Érosion. Sans vraiment savoir pourquoi, il se sentit outragé, comme si on lui volait quelque chose. Ces Forces étaient supposées appartenir à ce monde, donc à lui.
C’était intolérable.
– « Votre Majesté, que faisons-nous maintenant ? » Demandèrent simultanément Phyllis et Donna, derrière lui. « Cette fosse est quasiment remplie de tentacules. »
– « Nous devons tuer le monstre avant que l’autre groupe n’arrive ici, mais surtout, il ne faut pas que l’on vous voie », répondit Roland en tapotant la tête de Line. « Allez assommer ceux qui sont pris dans les tentacules. Faites vite et attendez mes instructions. »
– « Facile », répondit Line. « J’y vais de ce pas », répondit la sorcière en s’immergeant dans l’ombre.
– « Ensuite, nous affronterons ce monstre », ajouta Roland en regardant l’ennemi haut de dix mètres.
Bien qu’il ait déjà eu affaire à des monstres similaires et qu’il sache que pour remporter la victoire, il fallait arracher l’astrolabe de son corps, il était extrêmement difficile d’approcher la créature magique. Après un moment de réflexion, Roland chuchota ses instructions à Phyllis.
Surprise, celle-ci s’exclama :
– « Votre Majesté, c’est… »
– « Faites ce que je vous dis. Il nous faut le tuer », coupa Roland, décidé. « C’est un ordre! »
– « Dans ce cas… À vos ordres! » Concéda Phyllis après un moment d’hésitation.
– « Notre dernier problème, c’est elle », marmonna-t-il en regardant Fei Yuhan, les sourcils froncés.
La jeune femme, qui venait de subir deux frappes de la part du monstre et était couverte de sang, peinait à se relever et tentait de repasser à l’attaque. Bien qu’elle eût perdu en agilité, elle combattait avec une obstination incroyable.
Les tentacules l’encerclant de toutes les directions, il lui était encore plus difficile d’approcher le monstre. Si la créature magique n’avait pas été si occupée à rattraper les Martialistes en fuite, elle n’aurait pas tenu jusque-là.
Sans bruit, Line s’était approchée du centre de la zone d’Érosion.
– « Tout le monde est KO, Votre Majesté », l’informa Line par le biais du casque.
Roland s’apprêtait à répondre « Bien joué » lorsqu’il réalisa soudain que le canal du haut-parleur était activé pour tous les membres de l’équipe. De toute évidence, Fei Yuhan avait entendu la voix de Line, car elle trébucha et, pour la troisième fois, fut jetée au loin par la main géante. La lumière blanche qui l’enveloppait s’éteignit : Fei Yuhan avait perdu connaissance.
Même si le plan ne se déroulait pas aussi bien que prévu, Roland devait saisir cette opportunité :
– « Maintenant! » Cria-t-il.
– « Veuillez excuser mon impertinence, Votre Majesté », dit Phyllis.
Elle ouvrit ses griffes, agrippa les chevilles de Roland et se mit à tourner. Roland se retrouva pris dans un tourbillon de couleurs et sentit son estomac se retourner. La vitesse de rotation ayant atteint son maximum, Phyllis le lâcha et, tel une flèche fendant l’air, Roland vola en direction de la créature magique.
Au moment même où il quittait la protection du Voile d’Invisibilité, le monstre vit venir droit sur lui un “objet non identifiable”. Délaissant les Martialistes inconscients, il se tourna aussitôt vers Roland, prêt à abattre son énorme main comme un géant écrase une mouche.
Ils entrèrent en collision.
Roland traversa son bras noir et atteignit sa poitrine. Son corps colossal n’était pas aussi robuste qu’il y paraissait : ce n’était en fait qu’une illusion.
La créature magique poussa alors un grognement de terreur et, comme si elle comprenait soudain, cria :
– « C’était donc vous! Vous n’avez pas écouté mes conseils! »
Roland saisit l’astrolabe qui tournoyait dans son corps et l’arracha. L’interface écarlate prit peu à peu une teinte blanc-bleuâtre et il sentit le pouvoir en lui crier de joie, comme si c’était exactement ce qu’il attendait.
– « Le monstre que j’ai tué la dernière fois était-il votre frère ? Désolé, mais il n’a pas été clair aussi n’ai-je pas entendu ses bons conseils. »
– « Nous sommes un, nous sommes unis… », répondit la créature magique dont la voix s’estompait. « Cessez d’agir de façon insensée, c’est mon dernier avertissement, sans quoi vous le regretterez. Tout sera réduit à néant et tout ce à quoi nous avons œuvré durant des milliers d’années aura été en vain. Vous ne pouvez porter la responsabilité… d’une telle atrocité… »
Une fois l’astrolabe arraché de son corps, le monstre se tut.
Une lumière blanche aveuglante envahit le trou et Roland en éprouva un profond sentiment de satisfaction.
Il pouvait clairement entendre les pulsations du sol en dessous de lui et durant un instant, il eut l’impression que ce monde et lui ne faisaient qu’un.
Au royaume chaotique de l’Esprit, Cauchemar ouvrit brusquement les yeux.
Il venait de percevoir un battement rythmé qu’il n’avait encore jamais entendu auparavant et qui contrastait avec l’environnement désordonné.
Cauchemar avait vécu des expériences similaires en traquant le fragment d’héritage mais jusque-là, toutes ses tentatives s’étaient soldées par un échec. En raison de l’extrême complexité de l’esprit, toute erreur pouvait lui faire perdre le sens de l’orientation.
Mais cette fois, tout semblait plus clair : de toute évidence, la source de cette pulsation était très proche.
Valkries eut un sourire : il avait retrouvé la trace de l’homme mystérieux.