Les éclairs qui traversaient le cyclone se rassemblèrent progressivement au centre tandis qu’une pluie battante tombait sur le sol, obscurcissant la forêt. Le Tueur de Magie qui avait évolué et la nouvelle Transcendante restèrent figés comme deux statues austères, leurs visages à un pouce l’un de l’autre.
Cendres était auréolée de pouvoir magique et son corps émettait une lueur dorée éblouissante.
Elle concentrait en elle tout le pouvoir divin et était devenue une véritable arme de destruction.
– « Est-ce votre dernier recours ? » Cria Ursrook. « Me tuer en vous sacrifiant ? C’est plus que stupide! »
– « Je ne vous laisserai pas vous enfuir », répondit Cendres, à bout de souffle.
Elle souffrait à chaque respiration et pouvait sentir le sang qui coulait dans sa trachée.
« Cinq minutes… », Pensait-elle. « Il faut que je tienne encore cinq minutes ».
Comme ils étaient fondamentalement de même puissance, si elle refusait de le lâcher, le Tueur de Magie n’y pourrait rien faire.
– « Pensiez-vous que je n’allais utiliser que la force brute ? » Gronda Usrook, le visage déformé par la rage. « Vous croyez me garder prisonnier mais en fait, vous construisez votre propre cage. »
Sur ces mots, des éclairs de lumière noire jaillirent du torse du Diable et, tels de sinistres tentacules, plongèrent dans le corps de Cendres qui poussa un douloureux gémissement.
Elle qui pensait que rien ne pouvait être pire qu’un retour de pouvoir fut cruellement torturée par la lumière noire. C’était comme si une multitude de petites aiguilles attaquaient les veines de son cerveau et elle dût lutter pour ne pas perdre conscience.
Horrifiée, en plus de cette douleur atroce, elle vit ces tentacules noirs ramper dans son corps et s’étendre. Partout où passait la lumière noire, sa peau était gonflée, comme si des insectes grouillaient en dessous.
– « Qu’avez-vous fait ? » Demanda Cendres en crachant du sang.
– « Un petit cadeau qui vous fera comprendre la différence entre notre compréhension du pouvoir magique, le contrôle que nous en avons et le vôtre », murmura Ursrook à l’oreille de Cendres. « Pour vous dire la vérité, je devrais vous remercier car grâce à cette bataille, j’ai pu enfin évoluer. Mais puisque vous vous offrez même à moi, je suis impatient de voir jusqu’où ira mon évolution après vous avoir détruite. »
Cendres réalisa soudain qu’il tentait de la corrompre. Étrangement, la partie de son corps recouverte de lumière noire semblait déconnectée du reste, comme si elle n’en faisait plus partie. Cendres se mordit la lèvre et fit tout son possible pour mobiliser son pouvoir et lutter contre.
– « Vous espérez pouvoir me contrôler ? Mais vous rêvez!! »
Lorsque l’affrontement reprit, le visage d’Ursrook se déforma et son nouveau corps devint une forme globuleuse distordue et grotesque, bien plus grosse que sa taille d’origine et composée pour moitié de son corps et pour l’autre, de celui du Diable Supérieur.
La corruption marqua une courte pause et reprit son expansion, les lignes noires se dirigeant vers le cou de Cendres.
– « Quelle persévérance », commenta Ursrook, qui désormais ressemblait à un véritable monstre, avec un rictus cruel. « Mais cela ne vous servira à rien. »
– « Je… ne veux pas… »
– « Abandonner ? La diligence, la foi, la persévérance et l’acharnement ne sont que les excuses des faibles. Personne ne veut mourir. Cependant, cela ne vous sera d’aucun secours! »
Une douleur cuisante explosa dans la tête de Cendres. Elle ouvrit grand la bouche mais aucun son n’en sortit. Même si, au-dessus de sa tête, des taches dorées brillaient dans le cyclone, elle sentait son pouvoir l’abandonner.
– « Nous vivons plus longtemps que vous et nous adaptons bien mieux à la magie. C’est en vain que vous luttez, notre destin est scellé. Jamais vous ne pourrez nous battre, les deux dernières Batailles de la Divine Volonté en sont la preuve », dit le Tueur de Magie en soulevant Cendres, prêt à lui asséner le coup fatal. « Reposez en paix. Vous avez eu le malheur de naître humaine… »
Soudain, une voix claire retentit à travers la pluie et Cendres se reprit un moment :
– « Ne méprisez pas les humains! »
Elle se retourna avec beaucoup de peine et vit une ombre sortir du bois.
– « Foudre ?! »
La jeune fille traversa le rideau de pluie laiteux, passa devant les arbres noircis et marcha droit vers Ursrook. De toute évidence, elle était chargée.
– « Des grenades ? » Demanda Cendres avec un clin d’œil.
– « Allez au diable, minable créature! » S’écria Ursrook en générant une zone anti-magie.
Lorsque la lumière noire Frôla Foudre, celle-ci lança les grenades et changea brusquement de direction.
Les grenades, emportées par leur élan, ouvrirent leur empennage et se précipitèrent vers Ursrook.
Le Diable eut un grognement et, les yeux crispés, fit appel à toute la force qui lui restait pour créer un bouclier bleu.
L’instant suivant, on entendit des explosions à l’extérieur du bouclier mais ce n’était qu’un prélude à la destruction. Les balles en forme de cône bouillonnant d’énergies fusèrent dans les airs, laissant une trajectoire éblouissante et vinrent s’écraser contre le bouclier qu’elles brisèrent. Elles pénétrèrent dans le corps défiguré d’Ursrook comme des couteaux chauds traversant du beurre, réduisant en miettes sa forme globulaire.
Sous l’impact, la Pierre Magique qu’il avait obtenue du Diable Supérieur vola en éclats et Ursrook laissa échapper un cri effrayant.
Aussitôt, les tentacules noirs rétrécirent. La douleur qu’éprouvait Cendres cessa peu à peu et elle reprit connaissance. Sans hésiter, elle libéra tout le pouvoir divin qu’elle avait accumulé.
Conscient du danger, le Tueur de Magie tenta de se dégager mais la sorcière ne relâchait pas son étreinte.
– « Vous avez raison », dit-elle avec un léger sourire. « Les êtres humains sont faibles. Ceci dit, rien ne saurait nous empêcher d’avancer. Jamais nous ne reculerons! Nous au moins, nous avons quelqu’un pour nous montrer la voie à suivre. »
Des éclairs dorés recouvrirent la lumière noire, emplissant tout le ciel. Sous la lumière aveuglante, Ursrook se volatilisa comme s’il n’avait jamais existé.
Le grondement du tonnerre retentit à travers toutes les Plaines Fertiles puis le pouvoir divin diminua et Cendres resta seule sur le vaste territoire.
Foudre, qui avait été éjectée au sol par la zone anti magie, se releva lentement. Heureusement, le Tueur de Maie avait dirigé la majeure partie de son pouvoir sur le bouclier, ce qui lui avait laissé le temps de synchroniser le sien juste avant d’atterrir.
En conséquence, elle s’était cassé un bras et avait la moitié du corps contusionné.
La jeune fille boita jusqu’à Cendres :
– « Ouf! Nous avons gagné », dit-elle, se forçant à sourire.
– « Je vous remercie », répondit l’autre. « Je n’aurais jamais cru que vous reviendriez. »
– « C’est un sixième sens chez les explorateurs que de deviner quand on a besoin d’eux », répondit Foudre avant de s’arrêter net : « Mais… que vous arrive-t-il ? »
Cendres regarda ses mains, devenues blanches comme neige, presque transparentes.
– « Peut-être est-ce le prix à payer pour m’être brûlée ? »
– « Que voulez-vous dire ? » Demanda Foudre, stupéfaite en voyant Cendres se désintégrer peu à peu, ses longs cheveux devant une infinité de petites taches blanches. On aurait dit qu’elle n’était plus une entité solide mais une image brumeuse composée de lucioles.
– « Le pouvoir magique nous guide toujours vers ce que nous désirons réaliser », répondit doucement Cendres. « Mais comme je lui ai demandé plus que je ne pouvais endurer, c’est ce à quoi je ressemblerai après avoir fusionné avec la magie. Je préfère de loin cela à devenir un monstre. »
– « Mais enfin! De quoi parlez-vous ? » S’écria Foudre, prise de panique, en tentant de saisir la main de la Transcendante qui se pulvérisa aussitôt. « Cendres! Dites-moi ce que je dois faire! »
– « Dites à Tilly que je l’aime! »
Les nuages sombres se dispersèrent et le soleil revint peu à peu. Cendres ferma les yeux et se dispersa dans le vent.
Foudre tenta de la retenir de sa main valide, mais en vain. Elle fondit en larmes.
Lan, qui observait le ciel sombre poussa un profond soupir et baissa les yeux.
Il y eut un long et mélancolique silence, puis elle ferma la fenêtre.
– « Qu’attendez-vous ? » Marmonna-t-elle comme si elle parlait à un personnage imaginaire ou encore à elle-même. « Le temps presse! Il n’y a plus à hésiter! »
Ses derniers mots se perdirent dans un soupir inaudible qui se figea dans l’immobilité temporelle.