Relâchez cette Sorcière | Release that witch | 放开那个女巫
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Chapitre 1094 : Les Mandataires
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Assis à son bureau, Roland était en communication avec le front des Plaines Fertiles. Pour tout dire, on ne pouvait pas, à proprement parler de front car à en croire le taux de réception décroissant, il s’agissait davantage d’une communication entre la Cité Sans Hiver et la Forteresse de Longsong. En l’absence d’amplificateur, c’était la distance maximale qu’un téléphone mécanique puisse atteindre.

Mais cela ne signifiait pas qu’ils ne pouvaient pas dépasser cette restriction. 

Le moyen le plus simple était de demander à Chloris de “transférer” les appels. Lorsqu’elle devenait le Cœur de la Forêt, elle pouvait contrôler mentalement la totalité de la Forêt aux Secrets et transférer des informations encore plus rapidement que Foudre lorsqu’elle volait à la vitesse du son. Il suffisait alors aux personnes du front d’appeler la sorcière pour qu’elle transfère la communication à Roland, ce qui pouvait, sous un certain aspect, être considéré comme un message instantané. 

– « Tout va bien pour le moment », répondit Chloris en prenant, ce qui n’était pas nécessaire, une voix grave pour imiter Hache-De-Fer. « Vous aviez raison : les Diables ont tenté à plusieurs reprises de détruire la voie ferrée sans toutefois parvenir à affecter notre logistique. Sans l’aide des Diables Araignées, ils étaient contraints de déplacer les rails manuellement et de se dépêcher pour ne pas prendre de plein fouet la Rivière Noire. Comme il n’était pas nécessaire de remplacer l’ensemble du chemin de fer, notre équipe d’ingénieurs n’a pas mis longtemps à réparer la section endommagée. »

– « Il semblerait que le train blindé ait joué son rôle. » 

 

– « Oui, Votre Majesté. Les trains blindés fonctionnent en fait comme de petites forteresses et jouent un rôle important dans l’envoi de renforts et la réparation du chemin de fer. J’aurais seulement préféré que nous en ayons davantage afin que nous puissions en mettre un à chaque station. »  

– « Cela semble si facile à vous entendre », répondit Roland en souriant. « Mais nous n’avons pas besoin que de trains blindés, les sorcières devant continuer à construire également des trains de marchandises. Pour le moment, les deux que nous avons suffisent. Continuez d’étendre notre ligne défensive en espérant que nous serons prêts pour la grande offensive qui aura lieu au milieu de l’été. »  

– « Bien, Votre Majesté », répondit Chloris d’une voix étouffée.

« Vous n’avez pas besoin d’aller jusqu’à imiter les sonorités nasales », pensa Roland, amusé.  

Il s’éclaircit la voix :

– « À propos, toujours aucun signe d’une attaque massive de la part des Diables ? » 

Il n’était pas tranquille depuis que Rossignol l’avait réveillé en pleine nuit pour lui annoncer que la Première Armée venait de faire face à une attaque nocturne. Il ne s’était senti soulagé qu’après qu’Anna lui ait dit que les pertes étaient modérées et qu’Edith lui ait confirmé que tout allait bien.

Le manque de luminosité avait toujours été un gros problème pour la Première Armée. Leur cadence de tir en était considérablement affectée et Roland ne savait toujours pas comment fabriquer des traceurs. Les soldats étaient donc contraints de suivre les instructions des sorcières. Le Roi ne s’attendait pas à ce que les Diables lancent leur première attaque de nuit. Par ailleurs, il avait été surpris d’apprendre que non seulement ils avaient développé une compréhension des capacités de l’Oeil Magique de Sylvie mais également saisi la nature des armes à feu. Il était totalement décontenancé quant au fait qu’ils aient choisi de se disperser et de s’infiltrer dans le camp. Heureusement que l’ennemi ne possédait pas d’arme aussi puissante que les canons et que l’armée avait parfaitement mené à bien son plan d’urgence, sans quoi l’issue de la bataille aurait pu être différente.

– « Je n’ai rien remarqué qui puisse nous laisser penser que les Diables pourraient réitérer leur attaque nocturne », dit Chloris. « Dame Sylvie patrouille désormais une ou deux heures par jours aux environs des voies ferrées, que les Diables devront traverser s’ils envisagent de nous attaquer. Parfois aussi, elle espionne l’ennemi depuis l’Arche Magique ou le Goéland. Pour le moment, aucun danger. » 

– « Qu’en dit l’État- Major ? »  

– « Ils pensent qu’il y a deux raisons possibles à cela. Soit les Diables ont remarqué nos changements et sont convaincus que leurs vieux trucs ne fonctionneront plus, soit ils attendent d‘avoir rassemblé suffisamment de troupes pour lancer une seconde attaque dans les plus brefs délais. » 

– « Vraiment ? » Fit Roland, pensif. Non seulement il était préoccupé par la remarquable capacité d’apprentissage des Diables mais aussi par le fait que le Diable Supérieur tienne lieu de franc-tireur.  

Ce n’était pas la première fois qu’ils rencontraient ce type particulier de Diable Supérieur mais la quatrième, la première fois étant dans la Montagne Enneigée. 

Cependant, plusieurs centaines d’années auparavant, ceux-ci n’étaient que des commandants et si l’Union voulait avoir une chance de les tuer, il aurait fallu que l’Armée Sacrée ait d’abord éliminé tous les Diables communs. De toute évidence, ils avaient perdu leur statut supérieur au fil des siècles et prenaient désormais part aux batailles bien plus souvent qu’auparavant, ce qui n’était pas une bonne nouvelle pour eux.

Si Roland pouvait encore développer des tactiques spécifiques aux Guerriers du Châtiment Divin privés d’âme, il ne pouvait rien faire d’autre que de croiser les doigts face à ces Diables Supérieurs aux divers pouvoirs. 

Comme il n’existait aucune méthode particulière pour les combattre, le seul moyen qui lui venait à l’esprit était une stratégie universelle consistant à prendre l’ennemi au dépourvu et à l’éradiquer à l’aide de tirs plus puissants.

– « Les Diables ne nous laisserons certainement pas rôder dans les Plaines Fertiles. Nous devrions rester vigilants et faire en sorte de ne leur laisser aucune chance. »

– « C’est noté! » Répondit Chloris en élevant la voix. Une fois la communication terminée, reprit son ton habituel et annonça : « Hache-De-Fer a raccroché, Votre Majesté. » 

– « Très bien », soupira Roland. « Qui me demande ensuite ? » 

– « Karl Van Bate, le Ministre de la Construction. »

Roland fut un peu surpris car le Ministère de la Construction disposait de suffisamment de matériaux et de main-d’œuvre pour mener à bien ses projets. 

– « Transférez-moi l’appel », dit-il. 

– « Votre Majesté », commença Chloris en imitant, cette fois, la voix de Carl. « Nos équipes ont quelques problèmes et j’aurais besoin de l’aide des autres départements du Bureau Administratif. » 

Même si Roland distinguait la différence entre la véritable voix du ministre et cette imitation, force lui fut de constater que le bruissement des brindilles et des feuilles rendait la performance de la sorcière assez impressionnante. 

« J’ai l’impression que Chloris est devenue accro à ce poste », pensa-t-il.  

Ce que lui rapporta le Ministre de la Construction était assez simple à comprendre. L’attaque de nuit avait choqué bon nombre des ouvriers et entraîné une baisse de moral générale. La plupart des contremaîtres ayant constaté que leurs ouvriers se relâchaient, ils souhaitaient modifier leurs horaires de travail ou autoriser leur famille à leur rendre visite dans l’espoir de pallier à ce problème. 

D’après Roland, il était pratiquement impossible de changer tous les postes de travail, tous les ouvriers n’étant pas disposés à risquer leur vie pour un salaire plus élevé. Il orienta donc la conversation vers la seconde solution. 

– « Des visites familiales ? Si ma mémoire est bonne, 70% des ouvriers affectés à la construction du chemin de fer sont des immigrés sans famille. Si nous autorisons les visites, ceux-ci risquent d’éprouver de l’amertume à l’égard des ceux qui ont la chance d’avoir une famille, ce qui ne fera qu’aggraver la situation », répondit-il. 

– « J’y ai réfléchi, Majesté », répondit Chloris pour le ministre. « Souvenez-vous que l’équipe de construction des chemins de fer avait demandé à tous les ouvriers de lui soumettre une procuration dans laquelle ils désignaient la personne à qui ils remettaient tous pouvoirs pour s’occuper de leurs affaires personnelles au cas où ils seraient tués. Les ouvriers ont sans doute choisi quelqu’un qui compte beaucoup pour eux et qui, d’une certaine façon, pourrait être considéré comme un membre de leur famille. »

– « Cela me semble une bonne idée », répondit Roland après réflexion. « Je vais demander à Barov de prendre les dispositions nécessaires. »

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