Ce vieux croûton avait toujours traité ses clients de manière froide et indifférente, et n’avait certainement pas changé depuis la dernière visite de Nie Yan lors de sa vie antérieure. Quand il était tombé par accident sur ce magasin, il avait déjà été d’un niveau supérieur à trente; comme les objets vendus étaient de bas niveau et bien trop chers, il ne s’y était rendu qu’une ou deux fois pour faire quelques achats. C’est pour cette raison qu’il ne se rappelait que vaguement de sa localisation.
Très peu de joueurs étaient prêts à faire l’effort et prendre le temps d’explorer ce quartier isolé, donc très peu de joueurs avaient connaissance de l’existence de ce vieillard. Peut-être qu’à l’exception de Nie Yan, personne ne l’avait pour l’instant découvert, mais ça changerait rapidement. Le bidonville des quartiers nord serait bientôt démoli et rénové en une zone de commerce. La Maison Tremblante de Milo resterait malgré tout inchangée et continuerait à faire du commerce. La rénovation des quartiers attirerait de nombreux joueurs dans la zone, et ce magasin secret serait découvert et deviendrait relativement connu. Malheureusement, ce gain d’affluence ne ferait absolument pas baisser les prix, et seuls les débutants les plus riches pourraient s’approvisionner ici.
Nie Yan regarda un par un tous les objets listés dans la fenêtre d’échange. Ceux qu’il recherchait étaient deux types de parchemins et un genre de bourse remplie de poussière : Parchemin de Toile, Parchemin de Métamorphose, et Poussière Aveuglante.
Il acheta une douzaine de bourses de Poussière Aveuglante à 50 pièces de cuivre chacune, trois Parchemins de Toile et deux Parchemins de Métamorphose.
Milo était probablement un Mage, car il créait souvent des parchemins de sorts basiques et les vendaient ensuite dans son magasin. Les parchemins que Nie Yan avait acheté contenaient les sorts Toile et Métamorphose. Toile était un sort qui offrait un bon contrôle de foule mais ne pouvait être appris par les Mages qu’après le niveau 10, alors que le Parchemin de Toile pouvait être activé par n’importe quelle profession, et ce dès le niveau 5. Quant au sort Métamorphose, il ne pouvait être appris avant le niveau 20, alors que la version parchemin avait les mêmes prérequis que pour le sort Toile. La contrepartie était que ces sorts étaient excessivement chers, coûtant respectivement deux et trois pièces d’argent.
Il était clair que le prix des parchemins augmentait en accord avec le niveau et l’utilité des sorts qu’ils canalisaient.
Ces parchemins étaient si chers que même Nie Yan, qui était plein aux as, ressentit une petite douleur dans son cœur au moment de les acheter. Il fallait donc les utiliser de manière très judicieuse; il ne pouvait pas se permettre de dépenser plus d’argent qu’il n’en gagnait. En dehors des plus grosses guildes, peut-être qu’aucun autre joueur ne serait prêt à acheter des consommables aussi chers.
Nie Yan se rappelait que dans sa vie précédente, il était extrêmement pauvre au niveau 6. S’il l’avait pu, il aurait coupé les pièces de cuivre en deux pour économiser de l’argent, donc comment aurait-il pu se payer ce genre de parchemins ? Heureusement, sa situation financière était complètement différente, à l’autre bout du spectre des richesses.
Après avoir fait ses achats, il sortit de la Maison Tremblante de Milo et se dirigea à nouveau vers le portail de téléportation.
[Nous avons acheté les livres de sorts, et nous sommes prêts à y aller. Il faut qu’on se dépêche, les serveurs ferment dans deux heures,] lui écrivit Sleepy Fox.
[J’arrive,] répondit Nie Yan.
Il prit beaucoup moins de temps pour sortir du bidonville et arriva au portail de téléportation peu après.
« Est-ce que tu as pu acheter tout ce que tu voulais ? » lui demanda Sleepy Fox. Il était assez curieux de savoir ce que Nie Yan avait voulu acheter qui lui avait demandé autant de temps.
« Ouaip, » confirma Nie Yan en acquiesçant. Il ne prit pas la peine d’expliquer, et Sleepy Fox décida de ne plus aborder le sujet.
Plus rien ne les retenait, et le groupe se mit en route. Ils traversèrent l’un après l’autre le portail de téléportation, leur destination étant une petite ville du nom de Nate, signifiant « colonie du marécage » dans l’Ancienne Langue Universelle. Comme Nate se trouvait dans un coin reculé, le prix de la téléportation était assez élevé : dix pièces de cuivre par joueur.
Nate était construite au milieu d’un marais, et était attaquée quotidiennement par des monstres venimeux. Cet environnement hostile avait rendu les chasseurs locaux très robustes, comme l’illustraient les hommes qui arrivaient à l’entrée du village, portant sur leur dos leurs arbalètes et leur chasse du jour. La ville vivait essentiellement des produits de la chasse; on pouvait acheter quotidiennement de la viande, des griffes, et autres fourrures. En plus, des objets d’excellente qualité apparaissaient de temps en temps à la vente, ce qui faisait de Nate un paradis pour les joueurs qui se concentraient sur les métiers de fabrication, comme Tailleur.
Après être arrivés en ville, Nie Yan et son groupe ne perdirent pas de temps et se dirigèrent immédiatement vers le PNJ donnant la quête pour le donjon. Contrairement à Calore, les joueurs présents ne semblaient pas choqués de voir débarquer le groupe de Nie Yan. De nombreuses guildes passaient en ville pour se rendre aux Potopotos d’Agmota, donc un tel rassemblement d’experts était chose courante à Nate.
En parcourant la ville, Nie Yan et les autres arrivèrent à l’entrée d’un grand manoir. Non seulement s’agissait-il de la demeure la plus luxueuse de la ville, construite dans un style convenant à sa situation marécageuse, elle se tenait également sur une petite colline couverte de saules et autres arbres luxuriants, dominant le reste du village. Un petit chemin zigzaguait à travers la colline, menant à l’entrée du manoir.
Les membres de l’équipe s’arrêtèrent pour regarder Nie Yan.
« Je vais prendre la quête, » annonça ce dernier avant de traverser les grilles du portail. Il suivit le petit chemin avant d’arriver à la porte du manoir. Il entra dans le bâtiment, traversa une salle à manger très luxueuse, prit un long corridor menant à une chambre assez sombre. Il y trouva un vieil homme allongé dans un lit, entouré de nombreux servants et habitants de Nate qui le regardaient avec inquiétude. Il semblait malade, presque au bord de la mort.
« Le maire Monda a été empoisonné par le Roi Manticore. Si nous ne trouvons pas bientôt un antidote, il va…. »
« Ross ! Arrête de raconter n’importe quoi ! »
« Je… je suis désolé… »
« Pff… C’est rien. C’est vrai qu’à ce point-là, la seule chose qui puisse sauver la vie du maire est l’œil du Roi Manticore. »
[Système : Vous êtes arrivé à la résidence du Maire Monda, et avez entendu une discussion entre plusieurs personnes. Le maire a été gravement empoisonné par le Roi Manticore. Les viles créatures du marais ont déjà pris de nombreuses vies innocentes.]
[Système : Êtes-vous prêt à sauver le Maire Monda en tuant le Roi Manticore pour récupérer son œil ?]
Oui !
[Système : Vous avez accepté de sauver la vie du maire. Les habitants du village et les servants vous jettent un regard reconnaissant. Vous avez gagné leur respect. Votre Influence dans Nate a augmenté de 3 points.]
Les joueurs recevaient trois points d’Influence en acceptant la quête des Potopotos d’Agmota pour la première fois. Si un joueur reprenait la quête plusieurs fois, il ne recevrait plus le bonus d’influence.
[Système : Explorez les Potopotos d’Agmota à la recherche du Roi Manticore. Sélectionnez une difficulté (Facile, Normal, Difficile, Expert, Spécialiste)]
Spécialiste !
[Système : Vous avez sélectionné la difficulté Spécialiste. Tous les membres de votre groupe recevront un bonus de 10 % à leurs statistiques. Il n’est pas possible de se retirer de cette instance.]
Une fois que cette quête était activée, le groupe n’était pas autorisé à rentrer en conflit avec d’autres joueurs. En échange, ils recevaient la protection de la ville, donc s’ils étaient provoqués par d’autres joueurs, les gardes interviendraient à leur place.
Maintenant qu’il avait récupéré la quête, Nie Yan sortit du manoir du Maire Monda. Après l’avoir complétée, il pourrait revenir ici pour recevoir une récompense.
Voyant Nie Yan passer le portail, Sleepy Fox marcha vers lui pour lui demander : « Spécialiste ? Tu es sûr qu’on peut y arriver ? »
« Il ne devrait pas y avoir de problème, » répondit Nie Yan.
Comme d’habitude, Nie Yan ne donnait aucune explication ce qui donnait à Sleepy Fox une véritable migraine. Il n’arrivait pas à comprendre la façon dont Nie Yan réfléchissait. Dusk, lui, était beaucoup plus confiant dans l’issue de cette sortie. Même si les Potopotos d’Agmota étaient bien plus difficiles que la Forêt des Tréants, il avait une foi absolue en le talent de Nie Yan.
Les autres joueurs qui n’étaient pas au courant des exploits de Nie Yan étaient choqués. Pourquoi avait-il sélectionné la difficulté Spécialiste ? Ils pensaient tous qu’il s’agissait d’une erreur. Ils s’étaient déjà rendus trois fois aux Potopotos d’Agmota mais n’avaient jamais réussi à terminer l’instance. Dans leur dernier essai, ils avaient réussi à atteindre le Roi Manticore, mais avaient été rapidement battus par lui. Leur tank principal possédait plus de cent trente points de Défense et plus de trois cent soixante points de vie. Ces statistiques étaient vraiment parmi les plus élevées de tous les Combattants du jeu. Malgré tout, le Roi Manticore avait démoli leur ligne de front en quelques secondes. Même maintenant, la seule raison pour laquelle ils étaient prêts à faire un nouvel essai était parce que leurs Prêtres avaient appris le sort Barrière Radieuse, un sort qui pouvait protéger un allié pendant un certain temps.
Et pourtant, Nie Yan, de manière très arrogante, avait décidé de choisir la difficulté Spécialiste. Ils étaient furieux. Peu importe s’il aimait mourir, mais pourquoi devait-il les entraîner avec lui ?
Mais ils n’avaient d’autre choix que de taire leur mécontentement. La difficulté avait déjà été sélectionnée, et il n’y avait pas moyen de la modifier. En plus, leur chef de guilde, Sleepy Fox, n’avait pas donné son avis. Ils ne pouvaient rien faire d’autre que d’attendre de voir comment la situation se développait.