Nous sommes à l’intérieur de la carriole. Dehors, il tombe des cordes !
Cela fait des heures que nous sommes immobilisés.
La terre humide et glissante empêche Bello de nous tirer. Donc nous attendons…trop serré pour être à l’aise et trop frileux pour laisser de l’espace entre nous.
J’entends les respirations de chacun. Des claquements de langues, des soupirs exaspérés, mais pas un mot. On subit en silence.
Par ci, par-là, il y a de l’eau et du vent qui s’infiltrent. On a raboté comme nous le pouvons quelques fissures, mais certaines nécessitent plus d’attention.
J’ai des fourmis aux jambes et impossible de les tendres …
Je craque.
Moi : j’en peu plus !
On me regarde.
Moi : on ne peut pas rester indéfiniment dans cette…cette baignoire ! Je crache le mot comme une insulte.
Harriah se vexe.
Harriah : vous étiez mieux à trois…je prends trop de place avec le bébé.
Je lève les yeux au ciel.
Moi : rooooh ! Ce n’est pas ce que je veux dire.
Harriah : alors quoi ?
Moi : tu sais bien !
Harriah : non je ne sais pas, dis-le !
Les yeux de Yan et Halia font une partie de ping-pong entre chacune de nos réparties.
Moi : c’est trop petit !
Harriah : sans blague. Je n’avais pas remarqué. Et tu préfères être dehors peut-être ?!
Moi : Non, mais je refuse de rester sans rien faire. Trouvons une solution !
Harriah : …je suis d’accord avec toi ! Commence par te rafraîchir les idées, lance-t-elle avec ironie.
Je me lève. Tous reculent, surpris.
Moi : T’as raison !
Et je sors sous cette pluie battante sous le regard ébahi du groupe.
La pluie me fouette le visage. J’ai à peine fait quelques pas que je suis déjà trempé de la tête au pied…mais j’en ai que faire ! Je peux enfin bouger librement. Me déplacer, m’étendre !
Bello qui était rester à l’abri sous la carriole vient me rejoindre. Il pousse délicatement ma main de son museau. Il s’interroge. Alors je lui réponds.
Moi : Je veux offrir plus de confort à tout le monde…
Il me lèche la main et je souris. Je jette un regard à cette carriole qui nous à tant aidé.
Moi : Elle est trop petite…, je chuchote pour moi-même.
Puis, tout en m’adressant à Bello , j’ajoute :
Moi : si c’était une maison, l’affaire aurait été simple, nous aurions fait une extension…
Un petit rire sort de ma bouche. Non, pas si simple que ça. Je regarde autour de moi, et continue.
Moi : à ton avis, cette extension. Nous l’aurions fait en bois ?
Mmm…nous n’avons aucune compétence de bûcheron dans l’équipe.
Moi : En pierre alors ? Proposais-je
Non plus…l’époque de Pharaon est passée ! Et pas si simple à tirer, je le conçois.
Moi : et que dirais tu de la brique ?
Pour le coup, Bello me répond par un aboiement. Je le dévisage, sourcil froncé.
Moi : de la brique ?! Sans blague ! Et c’est fait en quoi d’abord la brique ? En terre ?
De nouveau un aboiement.
Non mais je rêve ? Il est sérieux ce chien ?
Oui…il l’est. Son regard était aussi pénétrant qu’un puits sans fond. Je lève alors la tête et je regarde autour de moi. Mais cette fois-ci, je porte un regard nouveau à cette étendue de boue qui m’entoure.
Ma [CLAIRVOYANCE] s’active. Et je suis parfaitement étonné par ce que je vois. J’en reste même immobile. Tout cela sous nos yeux…sans le voir…
Au loin, j’entends la porte de la carriole qui s’ouvre et se ferme. Quelques minutes plus tard, des bruits de pas et la voix de Harriah s’élève derrière moi, un peu forte pour couvrir le bruit de la pluie, mais compatissante.
Harriah : Hannah…écoute, euh…
Je m’accroupis et lentement, je caresse la surface de la terre. Les idées fusent.
Harriah : je suis désolé pour ce que j’ai dit…je, euh…, continue-t-elle.
Cette fois-ci je prends une généreuse portion de boue et la malaxe entre mes doigts. Je suis satisfaite, elle a une bonne texture. Harriah continue de déblatérer.
Harriah : tu as raison…c’est devenu très petit…et les enfants grandissent…et…
Je me relève les mains pleines de boue et le regard sérieux. Harriah recule d’un pas, l’air inquiète.
Harriah : Bon écoute ! Si tu veux te venger en me lançant cette boue au visage, sache que je ne me laisserais pas faire !
Moi : analyse-le, dis-je en tendant les mains vers elle.
Harriah : quoi ?
Je répète :
Moi : analyse cette boue.
Harriah : bah… Pourquoi fai…d’accord !
J’ignore si c’est mon regard déterminé qui l’a faite changer d’avis ou le fait d’accéder rapidement à ma folle demande pour rentrer le plus vite possible à l’abri, mais Harriah tenait maintenant de la boue dans ces mains et l’analysa.
Elle me lit la description :
BOUE DE TERRE [Médiocre] Terre de sédiment qui contient beaucoup d’impureté (cailloux, racine, herbe, etc.). Pour la création d’argile de meilleure qualité, il faut creuser plus profondément. [Lire plus…] Dérouler la liste des recettes : • Argile – une fois sèche, deviendra dure. [Lire plus]
Et la liste est longue !
Elle me regarda avec des yeux brillants.
Nous étions à présent deux à sourire sous la pluie. Je confirme en hochant la tête. Je sais à quoi elle pense et elle sait à quoi je pense ! Nous sommes heureuses d’avoir trouvé une matière première aussi banale et pourtant si précieuse à notre voyage. Je suis la première à parler.
Moi : Que dit ton [AURA RECEPTIVE] à propos de l’argile ?
Ma voix se fait un peu pressante.
Le don de Harriah nous avait déjà bien aidé avant ça. Nous nous en étions servis pour la conception des potions en cuisine. En effet, il lui suffisait d’analyser un ingrédient pour y savoir son utilité ou encore sa dangerosité. Et ce n’est pas bête de penser que cela peut également fonctionner avec la matière première.
Du moins c’est ce que j’espère !
Alors Harriah se concentre à nouveau et je la vois lire dans le vide une chose qu’elle est la seule à voir. Au bout de quelque instant, elle explique :
Harriah : je lis qu’il y a trois types de terre d’argile : du grès, de la faïence et du porcelaine… le mot “faïence” est coché…donc je suppose qu’il s’agit de ce que nous avons là, dit-elle en me montrant la boue. Je confirme et elle continue :
Harriah : par contre, celle-ci est pleine d’impureté de surface. Elle à des cailloux et des racines. Pour en obtenir une de meilleure qualité il faudra creuser.
Elle me voit sourire et gronde :
Harriah : Ne me dis pas que…
Moi : creusons ! dis-je en la coupant.
Elle me regarda comme si j’étais folle.
Je la laisse sur place et je me dirige vers Bello qui avait déjà l’air d’avoir repéré un bon coin et qui creusait avec ses deux pattes avant.
Je remonte mes manches, et je suis à deux doigts de plonger mes 2 mains dans le sol lorsque je les entends derrière moi
Yan : Mamaaaan, on peut t’aider ?
Halia : Maman, moi aussi ze veux.
Moi : Yan !! Halia !! Entrez dans la roulotte ! Ce n’est pas le moment de tomber malade !!
Leurs yeux malicieux à l’idée de sauter dans la boue est vite remplacé par une immense déception…je sens la crise prête à déferler.
Harriah : Hey ! Les enfants ? Appel Harriah.
Ils se retournent.
Derrière eux, leur tante leur montre deux pâtés de terre marron.
Harriah : Qui veut m’aider à fabriquer des bols ? interroge-t-elle avec une expression qui promet des heures d’amusement.
Yan & Halia : Moiiii !!
Répondirent-ils en chœur en suivant leur tante dans la carriole. Avant de refermer la porte derrière elle, ma sœur me fait un clin d’œil.
Malheureusement nous n’avions rien pour laver nos vêtements sale et nous manquions cruellement de change. Pour l’instant je stockais dans mon inventaire, le temps de trouver une solution. Maintenant que je savais tout le monde dans la roulotte, le vrai travail commence !
Je n’avais pas de pelle, mais la pluie rendait la terre molle et facile à creuser.
Je me servais de mes deux mains ainsi que d’un bout de bois trouver au sol.
Ce dernier était d’ailleurs très glissant. Je me suis retrouvée sur le ventre au moins cinq fois.
Mais je ne fléchis pas.
Des créatures voguaient paisiblement dans cette boue : l’escargot de pluie et la chenille des tempêtes. Ils n’apparaissaient que soudainement dès que la pluie tombait. Leurs baves avaient de formidables propriétés de guérison. Ainsi Harriah et moi avons voulu à plusieurs reprises en attraper pour en faire un élevage. Mais aussitôt que le soleil pointait le bout de son nez, pouf ! Disparut. Plus rien dans les enclos que nous avions durement construit. Même courir derrière eux n’avait pas été une mince affaire…Nous avons donc cessé de vouloir les capturer. Nous posions sur leur passage des géantes feuilles, et une fois la créature de l’autre côté, elle nous laissait un beau cadeau. Nous n’avons plus qu’à récupérer à la cuillère la bave laissée sur la feuille et à la stocker dans mon inventaire.
Je ne sais pas combien de temps je creuse…mes mains étaient rouges. Des méchantes cloques étaient apparues sur mes doigts. Certaines d’entre elles avaient percé…la misère ! Sans parler de mes bras, de mon dos, de mes genoux…tout me faisait souffrir. Ne parlons même pas de mon corps trempé. J’allais prendre cher cette nuit !
Alors que je creuse, je grimace de douleur à chacun de mes mouvements pour agrandir les trous. J’ignore où est Bello . J’ai creusé si profondément que assis sur mes genoux dans le trou, je n’y vois plus la surface. L’eau m’arrive à la poitrine. Je récupère la terre en dessous de moi à tâtons. Je prends également sur les côtés. Essayant de redessiner les parois du trou comme une géante marmite. Je ne m’arrête pas.
Ma main butte sur une pierre. J’essaie de la déloger de sa place. Je tire. Elle glisse enfin et je la ramène à moi. Dès que je la sors de l’eau, mon cœur se glace.
Mes doigts sont agrippés à un os. Je ne souhaitais pas en savoir plus, pourtant ma clairvoyance s’est manifestée.
FÉMUR D’UN AUTRE MONDE [4]
La rancœur de la trahison hantera le coupable à tout jamais ! Avant de périr, le propriétaire a lancé une malédiction à son agresseur.
La description… me laisse perplexe.
Je ne comprends pas. Pour le coup, j’aurais voulu que ma clairvoyance soit moins radine sur les explications. Je range l’os dans mon inventaire, avec celui trouvé quelques jours plus tôt. Ce ne sera sûrement pas le seul.
L’apparition soudaine d’une fenêtre d’information me fait sursauter !
Quoi encore ?
[ARGILE DE FAÏENCE] – Très bonne qualité
Le soulagement me fait pleurer.
Enfin…enfin !
L’épuisement me fait flancher. Et nous sommes qu’à la première étape du travail. Je veux avoir une vue d’ensemble du faitout géant que je viens de tailler.
Je dois d’abord sortir d’ici. Je tente de remonter, mais les parois sont trop glissantes. J’ai creusé ma propre tombe on dirait…
Moi : Bello ! Bellooo ? Je l’appel.
Quelques secondes plus tard, une grosse créature noire avec une tête horriblement sale apparaît et me cache la vue du ciel gris au-dessus de moi. Mon cœur s’arrête, puis je reconnais mon Bello
Moi : Décidément…j’ai vraiment besoin de repos ! Faut que j’arrête de flipper.
Bello penche sa tête. Il ne comprend pas. Je souris et tend les bras vers lui.
Moi : Laisse tomber. Allez, aide-moi à sortir de là s’il te plaît.
Sans attendre, il s’approche et me ramène son cou pour que je m’y accroche.
Une fois mes bras autour de lui, il recule, glisse, trébuche, mais finit par remonter, me faisant quitter mon trou…
Un trou bien misérable au vu des quatre autres creusé autour du mien.
Ils étaient bien plus profonds et plus grands.
Moi : Tu déconnes ?! Dis-je en les regardant avec des yeux exorbitants. Si je savais, je te les aurais tous laissés, lui dis-je en lui tapotant l’épaule. Excellent travail !
La pluie continue de tomber.
Je suis accroupi sur le côté, les cinq trous face à moi.
Je me suis un peu débarbouillé. Et j’ai également aidé Bello à se laver. Il est de nouveau propre…du moins sauf les pattes.
Chacun des trous ont l’affichage d’une argile de très bonne qualité. Ils sont aussi pleins d’eau de pluie. Je suis satisfaite.
Je me lève et fais le tour des trous. Parfois je tombe sur ses os humains. Je me sens triste… mal à l’aise. Ses os appartenaient-ils à des humains venant de la Terre ? Se seraient-ils mal adaptés à ce nouvel environnement ? Ou tout simplement n’ont-ils pas eu de chance… Je ne le saurais jamais. Je stocke chaque os que je trouve, m’interdisant de penser à eux.
Je continuais mon inspection lorsque Harriah sort de la carriole.
Une fois qu’elle m’est rejointe, elle applaudit.
Harriah : Ne me dis pas que t’as fait ça toute seule ? Dit-elle avec ironie
Moi : ha ha ha…
Nous plaisantons un instant, mais le sérieux revient vite.
Harriah : comment comptes- tu procéder ? M’interroge-t-elle.
Moi : Dans un premier temps nous allons couvrir les parois d’argile afin que les bassines ne s’effondrent pas sur elle-même.
Ma sœur m’écoute avec attention et hoche la tête
Moi : Ensuite, nous les laisserons remplis d’eau quelques jours et nous remurons de temps en temps.
Harriah : Quel est le but de laisser ces trous remplis ? Nous voulons de la terre pas de la boue, réplique Harriah .
Moi : L’argile doit être totalement diluée pour que la sédimentation s’opère correctement. Lorsque l’eau aura sécher, l’argile fine sera en surface, et dans le fond on trouvera du gravier et autres cailloux.
Harriah : On va camper ici alors ! Conclu ma sœur en comprenant que l’eau ne séchera pas en un jours
Moi : oui…on n’a pas de passoire pour filtrer. Alors la nature va se charger de le faire à notre place.
Je contemple notre travail…
Ça va être long ! Mais j’espérais derrière tout ça, récupérer de l’argile d’excellente qualité ! Une argile premium !