Néo-Life
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Chapitre 63 – Cuisine et Délices
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Marlon était sorti de la classe d’Eroch avec des pensées troublantes le traversant. Il possédait la même classe que Magnus, et d’après ce qu’il en avait compris, cela voulait dire qu’il pourrait maitriser tous les types de runes. Il avait eu du mal à rester impassible lorsqu’Eroch avait sorti ce fait comme si de rien n’était, mais avec un effort de volonté titanesque il y était arrivé, s’éclipsant dès qu’il le put à la fin du cours.

Il en avait appris beaucoup sur cet homme qui n’était pas du tout le parangon de vertu narré dans le conte des Origines à Delia, semblant même être très proche d’être un homme cruel et sournois, assoiffé par la puissance et la reconnaissance.

Et qui était donc ce mystérieux peuple dont plus personne ne se souvenait ? Une simple guerre civile était-elle suffisante pour détruire une puissance pareille ?

Il mit toutes ces interrogations de côté et pressa le pas vers les ascenseurs de l’étage de l’Académie. Il passa devant le contrôle et présenta sa bague alors qu’il continuait à réfléchir à tout cela avec une mine sombre.

Les Forgecielois n’étaient pas à prendre à la légère. Un peuple capable de se souvenir pendant si longtemps de son ennemi, de ce qu’il avait fait, et de devenir une entité non négligeable du continent demandait une volonté hors du commun et une poigne d’acier.

Il comprenait bien mieux cette rigueur toute militaire, ces règles gravées dans le bronze et cette mise en compétition constante entre tous les étudiants…

Quelques secondes plus tard les portes de la cabine en verre s’ouvrirent et il se dirigea directement vers la ruelle abritant la plupart des vendeurs de nourriture, celle où se trouvait les Délices de Sarthu.

Les effluves de plats grillés et préparés lui mirent l’eau à la bouche, et il s’arrêta rapidement pour commander deux brochettes, payées avec l’argent que lui avait remis Palkor de bon matin avant de s’éclipser.

Il s’enfonça ensuite plus avant dans la ruelle, slalomant entre les gens formant une foule très compacte, tous attendant leur pitance avec des yeux qui criaient leur affamement, les vendeurs aussi sobres qu’à leur habitude dans leurs préparations, les gestes s’enchainant fluidement alors que pas un sourire ne venait effleurer leurs lèvres.

Ce qu’il cherchait, engouffrant les deux brochettes d’une viande non identifiée avec rapidité et efficacité, ne tarda pas à apparaître alors que les stands disparaissaient, laissant place à des bâtisses plus grandes, presque toutes peintes en une variante discrète de l’orange omniprésent dans la cité.

Sur sa gauche, Marlon repéra la double porte haute de trois mètres dont Palkor lui avait parlé et un écriteau runique sur le côté de l’entrée indiquait ‘Cuisine Centrale’. Sa tâche de l’après-midi consistait apparemment à donner un coup de main à Mme Delkas pour préparer des repas.

Une tâche qu’il trouvait plutôt intéressante, et qui l’aiderait surement à progresser plus avant dans sa profession, ses métiers ayant été très délaissés depuis son départ de Delia.

Il cogna à la grande porte faite de métal et les coups résonnèrent bruyamment dans la rue, certains passants lui jetant même des coups d’œil curieux alors qu’il patientait sur le seuil de l’édifice.

Au bout des plusieurs secondes, il renouvela ses coups, personne ne venant répondre ou ouvrir. Il finit par s’impatienter et tenta de pousser un des deux battants métalliques, surpris qu’ils coulissent facilement et s’ouvrent vers l’intérieur sans un grincement, donnant sur un espace gigantesque et bruyant au possible.

Pas étonnant que personne ne l’ait entendu. Des dizaines de personnes couraient en tout sens et semblaient presque pris de panique alors qu’une femme en tenue de cheffe criait des consignes au rythme d’un fusil-mitrailleur et semblait frapper à coups de cuillère en bois ceux qui n’allaient pas assez vite à son goût ou bien qui semblaient récalcitrants à obéir à ses consignes.

La halle gigantesque qu’était la pièce sur laquelle débouchait la porte semblait en fait être une cuisine au proportions gargantuesques.

Des dizaines et des dizaines de caisses pleines de victuailles s’entassaient près de la fameuse porte, et Marlon dut se faufiler pour pouvoir passer entre l’entassement de viandes, de poissons, de légumes et de fruits en tous genres qui dégageaient un fumet agréable mais chaotique.

A peine eut-il dépassé les caisses qu’il faillit entrer en collision avec un des cuisiniers portant un bac métallique empli de ce qui semblait être des épices. Il l’évita mais le cuisinier lui glissa sur le sol et tomba dans un fracas métallique qui résonna dans la pièce aux dimensions titanesques.

Aussitôt, la femme aux airs sévères s’interrompit dans son ballet d’ordres et se dirigea droit vers le runiste, une mine menaçante gravée sur son visage.

« Qu’est-ce qui se passe ici ?!? Qui êtes-vous et que voulez-vous ?!? Artherion, vous croyez que je vous paie pour vous pavaner sur le sol ? Relevez-vous et allez me rechercher ces épices. Je les déduirais de votre paie si vous ne vous dépêchez pas ! »

Le cuisinier eut une lueur de terreur absolue qui traversa son regard, avant qu’elle ne soit remplacée par une autre, de colère, entièrement dirigée contre Marlon, qui était la cause de ses problèmes, alors que la femme lui donnait un coup de cuillère pour qu’il se redresse plus vite.

Il partit en glapissant et en se tenant la main frappée par la cuisinière, sans quitter Marlon des yeux.

Le runiste évita son regard, conscient d’être fautif, et s’en voulant légèrement pour la remontrance que le cuisinier venait de se prendre.

Il répondit rapidement à la matrone bien en chair qui lui faisait face. Haute d’un mètre soixante, elle avait une chevelure longue soigneusement tirée en arrière et nouée sur un chignon qui accentuait son air sévère.

Des lunettes aux verres épais agrandissaient son regard, qui était d’un gris captivant, ses yeux entourés de fines rides trahissant son âge. Sur ses mains qui tenaient une cuillère en bois épaisse et semblant être pour elle une arme de répression massive se trouvaient de nombreuses cicatrices semblant provenir de brûlures et de coupures dues à son métier.

« Je suis Revenge Drelor, et je suis envoyé par l’Acadé… »

Elle grogna de mécontentement et se pinça le nez en secouant la tête, semblant suprêmement agacée.

« J’ai déjà prévenu l’Académie que je ne voulais plus de recrues sans aucune qualification ! Vous me faîtes perdre mon temps alors que je dois nourrir toute une garnison affamée ! Tu peux rentrer chez toi, garçon, je n’ai pas besoin de ton incompétence ! »

La femme commençait déjà à repartir de là où elle venait quand Marlon l’interpella vivement, défendant sa cause comme il le pouvait.

« Je ne suis pas complètement ignare, vous savez, j’ai la profession de cuisinier, même si elle n’est que niveau un… »

La femme s’arrêta dans ses pas et se retourna, les yeux étrécis, vers le runiste.

« Tu as la profession de cuisinier ?! Montre-moi ça ! »

Marlon lui montra le tatouage sur son bras prouvant qu’il faisait partie du métier, et il se demanda s’il n’avait pas fait une erreur quand la matrone leva vers lui des yeux brillants plein de malice, un sourire presque cruel sur les lèvres alors que ses phalanges se resserraient sur le manche de sa cuillère en bois.

« Mais cela change tout ! Tu vas pouvoir rejoindre ton nouveau collègue Artherion pour nous aider à préparer les rations du Fort ! Ils mangent trois fois par jour, et nous devons aussi nous occuper des Terrasses, deux fois par jour. Donc, cet après-midi, nous devons préparer des milliers de rations, et si possible prendre de l’avance sur le week-end. Montre-moi que tu es motivé et que tu travailles dur, cela pourrait t’aider à progresser dans la profession et surtout à gagner mon estime pour tes prochains séjours parmi nous. »

Ce fut pour Marlon le début d’une après-midi cauchemardesque à laquelle il ne s’attendait pas du tout. Avec le recul, il regretta presque de ne pas avoir tût son appartenance au métier et rebroussé chemin pour retourner à l’étage des Résidences ou bien trouvé une autre occupation pour aider aux Tâches Communes de Forgeciel.

Edna, tel était son prénom, même si elle voulait qu’on l’appelle Cheffe uniquement, était un savant mélange de génie de la cuisine et de tyran despotique faisant pleuvoir sur son équipe une pluie de coups de cuillères justement dosés pour faire mal mais ne pas infliger de blessures incapacitantes.

Marlon passa son temps à courir, cherchant des ingrédients dans l’immense entassement de caisses près de l’entrée, ou bien à les emmener en chambre réfrigérée, transportant également des épices dans des bocaux bien souvent plus gros que sa tête et dont les effluves puissants lui faisaient tourner la tête lorsqu’il les ouvrait et les versait dans les diverses préparations en cours de cuisson.

Artherion, au départ complètement hostile envers lui, finit par lui envoyer des regards pleins de compassions alors que le runiste se trompait dans les épices et se faisait rosser par l’ustensile maudit d’Edna, repartant d’où il venait sous les invectives véhémentes de la cheffe qui ne quittait pas pour autant le reste de l’équipe et arrivait à cibler plusieurs personnes avec les mêmes insultes en même temps. Une prouesse s’il en fallait…

Ensuite vint la phase des préparations, et Marlon remercia son choix de cuisinier qui lui avait apporté des savoirs de bases comme éplucher les légumes, découpes en julienne des montagnes de denrées, et même lever des suprêmes sur des Pounes qu’il dut auparavant plumer en bonne et due forme.

Tous couraient et se croisaient dans cette cuisine aux proportions dantesques, menés à la baguette par les consignes de la cheffe, et de tous côtés des plats incroyablement appétissants étaient préparés, le chaos apparent laissant apparaître un ordre sous-jacent, une cadence militaire que rien ne semblait pouvoir déranger sous les consignes d’Edna.

D’autres tâches ne faisaient pas partie du paquetage donné par le tatouage magique, et c’est sous les coups qu’Edna lui apprit comment préparer des rôtis et les farcir avec des bouquets aromatiques, ou bien encore obtenir le meilleur goût des carrés de viandes en les déglaçant avec un alcool ressemblant à du vin, tirant les sucs et les instillant dans la préparation pour des saveurs beaucoup plus riches.

Il transpira abondamment pendant toute l’après-midi, et au bout de quelques heures, il eut l’impression que les coups de cuillère s’étaient faits un peu plus rares, plus espacés, alors qu’il avait pris le pli et que les diverses tâches à accomplir se faisaient plus facilement.

Cela n’empêcha pas Edna de lui crier dessus, et des clins d’œil maintenant complices d’Artherion ponctuaient les phrases assassines du gnome à cuillère que représentait maintenant la cheffe pour le runiste.

Il était en train de laquer diverses volailles ressemblant au canard dans une poêle gigantesque, plus large que lui n’était grand, quand une cloche résonna bruyamment dans la pièce et que tous poussèrent un cri de soulagement, certains jetant même leur toque en l’air, alors que par des portes latérales arrivaient de nouveaux cuisiniers, tous frais et dispos, prenant la place de l’équipe présente qui s’en alla avec des grimaces de soulagement et des tapes dans le dos.

Artherion s’avança vers Marlon et l’interpella.

« Laisse leur la relève, Revenge. Regarde, même le tyran s’en va »

En effet, Edna passait la relève à une autre femme qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau, et elle lui passa presque cérémonieusement la cuillère en bois qui semblait avoir un poids très symbolique dans le rôle que la cheffe tenait en cuisine.

Le tyran se dirigea vers eux et Artherion se sauva après avoir salué Marlon du bout des lèvres, lui conseillant de courir aussi vite qu’il le pouvait avant de se faire rattraper.

Le runiste n’en fit rien, et attendit qu’Edna fut à sa hauteur, la femme s’autorisant un sourire alors qu’elle arrivait devant le jeune homme.

« Revenge, c’est ça ? Bien joué pour ton premier jour, jeune homme ! C’est avec plaisir que je t’accueillerais la semaine prochaine, pour t’apprendre encore plus précisément le métier sublime de cuisinier. »

Cette joie était contrebalancée par la cruauté légèrement sadique qui émanait du sourire de la femme, mais Marlon se contenta de hocher la tête et de la remercier avant de s’en aller d’un pas fatigué.

Certes, il avait souffert, et il avait transpiré des litres d’eau sous la chaleur infernale des cuisines géantes, mais tout n’était pas négatif.

Il avait appris de nombreuses nouvelles recettes, attentif à tout ce qu’il avait dû faire, son tatouage semblait l’aider à mémoriser toutes les étapes d’une recette une fois qu’il l’avait effectué au moins une fois entièrement.

De nombreux techniques de préparation avaient maintenant intégré son cerveau, tout comme les découpes spéciales et les techniques de cuissons qu’il avait découvert cette après-midi.

Il ouvrit l’interface mais la ferma aussitôt, l’affichage toujours aussi chaotique que la dernière fois, l’empêchant de quantifier exactement les progrès effectués dans sa progression, mais il se sentait satisfait d’avoir fait progresser son métier qu’il avait délaissé pendant un petit moment.

Il avait goûté quelques préparations terminées, avec l’autorisation de la cheffe, et il s’était sentit plus fort, plus endurant, une acuité plus poussée envahissant immédiatement son être.

Mais encore une fois, l’interface buggée ne put le renseigner sur les effets exacts de ce qu’il avait mangé. Mais rien que le fait de se dire qu’il était à même de préparer des plats fournissant des buffs était un grand accomplissement pour lui.

Cela lui rappela douloureusement l’absence de Loki, et sur le chemin du retour il prit le médaillon entre ses doigts, tentant encore une fois de contacter l’IA en sommeil, sans aucun résultat notable.

C’est donc bougon et épuisé qu’il rentra chez lui, Palkor encore dans son atelier, des coups de marteaux légèrement discernables derrière la porte fermée de son antre.

La nuit était tombée depuis un bon moment, et il ne traina pas, épuisé par la journée intense qu’il venait de vivre. Une douche chaude lui fit le plus grand bien, et il se força, malgré l’épuisement dont il était victime, à effectuer ses exercices de mana, condensant encore un peu plus la poche invisible qui résidait en lui.

Ensuite, il visualisa la rune Astrales dont il comprenait quelques méandres, Forme de l’eau, reproduisant étape après étape le kata dont l’enseignant Kelko leur avait fait la démonstration. A chaque exécution, il sentait sa compréhension augmenter un peu plus, et cela renouvelait sa motivation, même s’il se savait encore loin du niveau de Palkor ou bien de Vladimir, le combat dans l’arène encore gravé dans son esprit.

Ce ne fut que deux heures plus tard qu’il s’autorisa donc à s’écrouler sur le lit moelleux dans sa chambre, non sans avoir mangé un délicieux plat de Poune rôtie aux épices et au miel, remerciement d’Edna pour son labeur de l’après-midi.

Ce moment en cuisine, tout bêtement, lui avait fait oublier pendant quelques heures les enjeux de sa présence dans ce monde, les difficultés auxquelles il faisait face, et tous les obstacles qui l’attendaient lors de sa progression.

Sa nuit fut encore une nuit sans cauchemars, et Marlon commença doucement à oublier le danger que représentait ses crises de folies. Mais sa folie, elle, ne l’avait pas oublié le moins du monde.

Pendant que Marlon s’endormait dans son lit, à l’étage de l’Académie, dans l’un des amphithéâtres destinés à l’enseignement, une trentaine de personnes discutait avec véhémence sur la présence du jeune homme dans la cité volcanique. Than, le Forgeur Céleste, se contentait pour le moment d’écouter, laissant les puissants du Conseil vider leur sac alors que lui se tenait assis derrière le bureau destiné aux enseignants.

Ils ne réunissaient qu’une fois tous les mois habituellement, et toujours dans un endroit différent pour éviter toute tentative d’espionnage.

« C’est un espion de l’Empire, il faut nous en débarrasser, sinon nous courrons à notre perte ! »

« Ridicule, il sort à peine de l’adolescence ! Et il s’intègre bien ! Ne voyez pas de démons là où il n’y en a pas ! »

« N’oublions pas son arrivée spectaculaire ! Qui a les tripes de risquer un tel voyage ? Il a du courage, et de la volonté, je pense qu’il a sa place ici, sans aucun doute ! »

Than finit par se lever, sa tenue imposante de Forgeur Céleste sur le dos, son épée géante accrochée dans le dos, la lame noir brillant et lui donnant une autorité supplémentaire. Non pas qu’il en ait besoin, mais devant le Conseil, il prenait toujours chaque avantage dont il pouvait se munir. Il s’éclaircit bruyamment la gorge, attirant tous les regards, les conversations mourantes alors qu’il commençait à parler d’une voix grave et assurée.

« Chers membres du Conseil, j’entends vos objections, ainsi que vos encouragements, et si je vous ai fait venir, c’est pour vous rassurer d’un côté, puis pour vous exposer une demande de l’autre. »

Le Forgeur Céleste commença à marcher d’un pas lent sur l’estrade, jouant de son mieux de sa stature et de son charisme pour faire face au Conseil, qu’il savait majoritairement hostile à l’accueil de Marlon.

« Vous avez tous lu les rapports détaillés de Palkor, et vous avez pu voir qu’en une semaine ce jeune réfugié nous a permis de mettre au jour un cercle de pari clandestin dans l’Enclos, crime gravissime s’il en est. Il s’intègre parfaitement et a accepté la leçon d’humilité qui lui a été infligée par votre fils, Esclan, à deux reprises même. Kelko a fourni un rapport assez détaillé également sur le déroulement des faits. »

Le dénommé Esclan leva le menton d’un air orgueilleux, mais une honte légère pouvait être lue dans son regard, car tous savaient que son fils avait agi d’une façon très déshonorable lorsqu’il avait battu Revenge la deuxième fois en le prenant par surprise.

« Qui plus est, je tiens à vous annoncer qu’une nouvelle invention verra bientôt le jour à Forgeciel. Et elle nous amènera puissance et richesse si nous gérons bien sa commercialisation. »

Than expliqua longuement le concept de batterie et leur assura que l’invention verrait le jour sous peu, ayant délivré une autorisation d’expérimentation à une équipe pointue.

Il jouait un jeu subtil, en équilibre entre le mensonge et la vérité, entrelaçant les deux pour mener les membres récalcitrants du Conseil dans le creux de sa paume.

« Soyez conscients que cette idée vient de Revenge, et que donc sa contribution, si elle continue comme cela, sera exceptionnelle. Mais nous n’obtiendrons rien de quelqu’un que nous enfermons et dont le Familier a été maltraité par nos soldats, même si nous n’en savions rien. »

Tout le conseil était maintenant silencieux, et la plupart d’entre eux ne semblaient plus aussi véhéments contre le jeune réfugié qui était arrivé sur le chariot de l’écluse.

« Ce que je vous demande, c’est de lui laisser un peu plus de liberté. Autorisons-le à explorer les Souterrains, sous étroite surveillance bien entendu, et je ne doute pas qu’il saura amener sa contribution d’une manière ou d’une autre. Vous ne risquez rien, car s’il se loupe et s’avère être une menace, il sera oblitéré dans son intégralité. D’un autre côté, s’il s’avère être un atout de taille pour la cité, vous pourrez récolter les lauriers de son succès et utiliser cela pour le bien-être et la croissance de vos différents commerces. »

Il les tenait. Tous étaient fortement concentrés sur les dires du Forgeur Céleste, et la plupart d’entre eux échangeaient des messes basses avec leurs voisins, hochant la tête d’un air solennel avant de se tourner à nouveau vers Than et de l’observer attentivement.

Il leur laissa quelques minutes pour échanger, contredire, proposer, mais il semblait que la majeure partie de l’opposition avait été balayée. Esclan, le père de Romuald, interrogea Than, se faisant la voix de tous ceux qui avaient encore des doutes.

« Nous sommes bien d’accords, Than, que si cet enfant constitue une menace quelconque pour la cité ou pour ses intérêts, vous mettrez fin immédiatement à ses jours ? »

« Je vous le promets solennellement à tous, et je crois que jusqu’aujourd’hui, je n’ai jamais failli à mes promesses, n’est-ce pas ? »

Les murmures repartirent de plus belle pendant un long moment et le Forgeur se garda bien de les interrompre. Il ne fallait pas imposer sa volonté. Non, il fallait leur donner l’impression qu’eux faisaient le bon choix, et que surtout ils n’avaient rien à perdre quelque soit le cas de figure.

Lorsque les échanges furent terminés, tous se levèrent et un vote à main levée fut effectué. C’est d’une voix grave que le représentant du Conseil, Esclan, annonça le verdict de ces hommes et de ces femmes qui faisaient la pluie et le beau temps à Forgeciel.

« Forgeur Céleste, le conseil valide votre demande et autorise le réfugié à se rendre aux Souterrains, sous réserve qu’il soit constamment escorté par deux personnes de votre choix. Nous attendrons des rapports détaillés de chaque incursion, ainsi qu’un inventaire précis des ressources ramenées. Ils seront soumis comme tous les autres à une taxe représentant quinze pour cent de leurs trouvailles. »

C’est ainsi que Than réussit à autoriser Revenge, Palkor et Vladimir, à participer à l’exploration des Souterrains, la cache d’où presque tous les trésors de Forgeciel étaient venus, et là où leurs guerriers s’aguerrissaient.

Avant de partir, il les regarda et s’adressa à eux une dernière fois :

« N’oubliez pas, Harssan, le Fondateur, nous l’a dit avant de s’éteindre. Ne laissez pas vos cœurs s’assombrir, ne laissez pas vos esprits stagner. Relevez les défis et embrassez l’inconnu plutôt que de le craindre. Eduquez au lieu de restreindre, construisez au lieu de détruire… »

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