La voix rauque qui résonna dans les rues désertées et poussa ce hurlement n’avait plus rien à voir avec celle de Marlon. Elle vibrait d’une colère que peu pouvaient ne serait-ce que comprendre, et elle fit courir un frisson le long du dos des trois poursuivants, qui se jetèrent des coups d’œil inquiets.
Seulement, il leur en fallait plus pour être intimidé, et aucun d’entre eux ne pensa à battre en retraite à un moment ou à un autre, faisant face à leur ennemi en ignorant.
Le runiste avait cédé le contrôle à l’alter ego étrange qui l’avait déjà aidé, mais la même rage brulait dans son cœur et toute son âme ne criait qu’une seule chose à celui qui était au-devant de son esprit : « Tue-les tous ! ».
Dans la seconde qui suivit, et sans laisser aucun temps de réaction à ses ennemis, il sortit une flopée de parchemin des poches de son armure et activa [Main Véloce] sans aucune hésitation.
Poussant un rire dément, il s’entailla le poignet gauche sur la lame de son épée qu’il avait commencé à dégainer et se servit du sang qui jaillit de la blessure pour dessiner en une fraction de seconde grâce à sa capacité divers sorts, tous plus offensifs les uns que les autres.
En un clignement d’œil, il avait tracé trois [Flèches de feu], une combinaison de ses runes [Projectile], [Etincelle] et [Vision], trois traits d’une brillance enflammée apparaissant alors que les parchemins se consumaient. Ces trois traits faisaient vibrer l’air autour d’eux et consumèrent immédiatement un dixième de la barre de mana de Marlon, qui n’avait que faire de ce détail.
Alors que les flèches de feu filèrent dans un sifflement menaçant vers les trois silhouettes qui avaient à peine commencées à avancer vers lui, d’autres parchemins vierges apparurent entre ses mains, l’écho de son rire résonnant encore dans la rue, sinistre et cruel.
« Kallum, Dejros, derrière moi ! »
Aguénor avait senti la menace dès que le runiste avait entaillé son poignet et avait interpellé ses compagnons pour leur servir de couverture. Les trois cibles alignées, les traits magiques foncèrent sur le Chevalier en lui laissant à peine le temps d’activer une de ses compétences, [Aura du bouclier], qui fit émettre à son corps une aura dorée et rendit sa peau presque impénétrable.
Kallum et Dejros, eux, ne restèrent pas en reste. Le mage de glace prépara une incantation pour s’en prendre au runiste et le Barbare allait activer son [Cri de Force] pour pouvoir charger leur adversaire.
Mais alors que les trois flèches de flammes s’enfonçaient dans la chair d’Aguénor et lui arrachait un cri de douleur malgré le renforcement dont il était sous l’influence, une odeur de chair grillée se dégagea de lui lorsque les pointes magiques disparurent en laissant trois creux de plusieurs centimètres de profondeur dans son torse.
Puis sans que personne ne l’ait vu arriver, Luna bondit des ombres en se jetant sur le mage de glace, celui qu’elle jugea être le plus faible physiquement et le plus dangereux au vu des corps de gardes déchiquetés qui jonchaient le sol, un rugissement jaillissant de sa gorge alors qu’elle abattait ses griffes vers le visage de sa cible.
Kallum, aux réflexes fulgurants, frappa de son poing l’animal dans les côtes, déviant sa course légèrement et l’empêchant de décapiter son acolyte. Elle réussit tout de même à déchirer le bras droit de Dejros, mettant à nu l’os et coupant net un tendon et plusieurs nerfs, ce qui fit que le bras du mage pendit sur le côté, incapable d’incanter et hurlant de douleur alors que le sang jaillissait de la blessure et se répandait sur le sol.
L’entité ayant pris possession de Marlon ignora Luna, qui se retrouva projetée contre le mur d’un des bâtiments, se relevant avec difficulté et continuant de rugir sur ses ennemis alors que plusieurs de ses côtes étaient cassées et que du sang coulait le long de son museau, un poumon perforé par l’impact du poing de Kallum.
La distraction fut suffisante pour les empêcher de s’en prendre à Marlon et Aguénor fut obligé d’utiliser [Aura de soin], la seule compétence de zone pouvant soigner plusieurs personnes, ses blessures se refermant doucement ainsi que celles de Dejros.
Ne désirant à aucun moment les laisser se guérir sans rien faire, l’alter de Marlon traça trois [Traqueurs de feu], l’un des sorts les plus puissants et efficaces qu’il possédait, vidant la moitié de sa barre de mana d’une seule traite, une satisfaction glaciale sur le visage alors que trois boules de flammes gigantesques prenaient vie en fonçant sur ses proies.
Cette fois-ci, ce fut Dejros qui réagit en premier et cria :
« Mettez-vous à l’abri ! Si ces flammes nous touchent, on est foutus ! »
Kallum jura mais plongea dans une ruelle attenante alors qu’Aguénor faisait de même. Le mage de glace, lui, utilisa une de ses compétences, [Mur de givre], pour dresser entre les boules de feu et lui une barrière de glace épaisse de quelques centimètres.
Insuffisante pour les protéger, mais efficace pour faire exploser les boules enflammées pour qu’elles ne puissent pas traquer Dejros et ses compagnons.
Le choc qui retentit alors que les balles de feu rentrèrent en contact avec ce mur, Dejros plongeant de justesse dans la même ruelle que Kallum, fit vibrer les murs mêmes des édifices de la rue, les quelques fenêtres présentes éclatant sous la pression dégagée par l’explosion.
Des morceaux de murs disparurent, littéralement pulvérisés par la puissance de l’explosion.
Les bouts de glace qui ne furent pas vaporisés immédiatement par la chaleur furent propulsés comme du shrapnel et mitraillèrent les murs, manquant de peu chacun des lieutenants de Niclos.
« On doit charger cet enfoiré, sinon il va finir par nous avoir ! Laissez-moi faire ! »
Kallum était exaspéré de se retrouver sur la défensive, surtout à trois contre un. Il était temps de contre-attaquer, et Dejros hocha la tête, passant rapidement le mot à Aguénor alors que la vapeur dégagée par l’explosion bloquait partiellement la vue de leur adversaire.
Le runiste sortit alors rapidement un parchemin et y traça [Soin], projetant sa volonté vers le corps de Luna qui était recroquevillé dans un angle de rue, le corps traversé par les bouts de glace et des lambeaux de chairs pendant çà et là.
Instantanément, les blessures se refermèrent, le sang réintégra son corps et la vivacité réapparut dans son regard alors que le félin se redressait et revenait aux côtés de son maître, même si elle sentait une différence dans son comportement.
Sans perdre une seconde, l’alter de Marlon sortit un nouveau parchemin et y traça un autre ensemble de rune, encore plus puissant.
C’était la combinaison qu’il avait utilisé contre le géomancien et en voyant cela, la conscience de Marlon qui était au second rang ne put s’empêcher d’angoisser, se rappelant la quantité de mana utilisée et la douleur ressentie après coup.
Seulement, il ne pouvait rien faire, et c’est avec horreur qu’il sentit le mana drainé de son corps et être insufflé dans le parchemin qui se consuma aussitôt pour laisser place à une tornade croissante partant en direction des trois assaillants.
Les morceaux de roches qui s’étaient détachés des murs, les bouts de glaces survivants de la précédente attaque et même les têtes de lampadaires furent aspirées par le vortex de vent puissant qui avançait mollement vers Kallum, Dejros et Aguénor, laissant dans son sillage des bâtiments entamé et des gravats de tous côtés qui ne faisaient que renforcer encore plus cette tornade.
Les bris de verres des fenêtres qui avaient quasiment toutes explosées dans le quartier furent également attirés vers le centre de la tornade, créant un tourbillon encore plus dangereux que lors du combat de Marlon dans l’Arène.
Le bruit du vent était assourdissant, et Kallum stoppa sa marche en avant en se retournant vers Aguénor mais ne comprenant pas ce qu’il lui criait, sa voix totalement couverte par le vacarme de la tempête.
Marlon, ou du moins son corps contrôlé par la chose ayant remplacé sa conscience, tomba à genoux, le mana de son organisme totalement soufflé par son dernier sort.
Du sang se mit à couler de son nez, et un rire surpris sortit de sa gorge sans que ses yeux ne quittent une seule fois de vue la tornade gigantesque qui progressait dans la rue.
Un pauvre hère, simplement curieux de l’affrontement sans doute, se pencha à sa fenêtre et fut aussitôt happé par la puissance du vent, déchiré en lambeaux sans que le son de ses hurlements ne parvienne aux oreilles de qui que ce soit dans cette rue. Le sang fut projeté sur les murs entourant la tornade et leur donna une teinte rouge vif sur plusieurs mètres de longueur.
Sans grand succès, Dejros lança des projectiles de glace vers le runiste pour tenter de le blesser, ne réussissant qu’à renforcer la tornade avec ses lances de givre alors qu’Aguénor attrapait Kallum et le tirait avec difficulté à l’abri du vortex qui était inarrêtable.
Le Barbare était couvert d’entailles plus profondes les unes que les autres, provoqués par les morceaux divers composant la tornade et même les mains du chevalier souffrirent de l’avoir tiré hors du champ d’action du monstre de vent.
Le chevalier soigna son acolyte rapidement pour éviter qu’il ne se vide de son sang, une inquiétude croissante grandissant dans sa poitrine. Ils n’avaient pas sous-estimé ce gamin, pourtant, et ils se trouvaient tous les trois dans une posture intenable, sur le bord du précipice.
La voix de Loki retentit alors dans la rue, entendue seulement par Marlon et celui qui avait le contrôle de son corps.
« Qui que tu sois, barre-toi. Cours, maintenant ! Tu as épuisé le mana du corps de Marlon, tu ne peux plus lancer de sort ! Et ils sont toujours trois ! »
« Hahaha, penses-tu que je sois aussi faible que ce minable ?! Peu m’importe les sorts, tous mourront sous ma lame ! »
Ce disant, l’alter mit au clair son épée et commença à avancer vers les trois hommes encore prostrés et accrochés à des pieds de lampadaires enfoncés dans le sol et résistant au vent.
Encore quelques secondes avant que la tornade ne les ait dépassés.
Leurs yeux étaient fermés, non pas par peur, mais parce que leurs yeux auraient été crevés s’ils ne l’avaient pas fait à cause de tout ce qui volait dans les courants monstrueux du vortex magique.
Le bruit du vent était agrémenté de temps à autre du crissement des morceaux de métal frappant contre les murs ou bien des bouts de verre explosant contre la roche et se transformant en cristaux presque invisibles à l’œil nu mais non moins mortels.
La voix de Loki retentit encore une fois alors que le corps de Marlon s’avançait derrière la tornade, un sourire de sadique dément accroché sur le visage, le pas fragile alors que des élans de souffrance incroyables traversaient son corps, dus au manque de mana dont il était victime.
Marlon ressentait tout cela, sans que cela ne l’affecte directement. S’il avait été aux commandes de son corps, il se serait déjà effondré à cause de la douleur mais l’autre ne semblait pas affecté par la douleur autant que lui. Le jeune homme prisonnier de son propre corps entendit alors la voix de Loki résonner en lui.
« Marlon, si tu m’entends, débats-toi ! Essaie de reprendre le contrôle ! Le mana autour de toi est affaibli, tu peux le faire et je vais t’aider autant que je le peux ! Mais fais-vite, ou tu vas finir mort et enterré ! Tu n’as pas le talent encore nécessaire pour battre ces trois-là ! »
Marlon comprit alors que sa colère était une erreur, qu’il n’aurait jamais dû laisser libre cours à sa haine et laisser le contrôle de son corps à cet alter qui, même s’il était puissant dans sa rectitude de la haine, n’en restait pas moins que dépendant de ces émotions qui le contrôlait et non l’inverse. Sa vision des choses changea radicalement en un claquement de doigts et si le moment s’y était prêté, il se serait mis des gifles.
La conscience du runiste se mit alors à se débattre dans sa prison sans que cela ne change grand-chose, si ce n’était une impression frustrante qu’il se jetait contre des murs invisibles sans que cela ne change rien.
« Haha, tais-toi, IA maudite ! Ton protégé n’a plus le contrôle, et je vais saigner ces porcs comme bon me semble ! »
L’alter au contrôle était maintenant sur le trio, la tornade venant de les dépasser et vrombissant encore bruyamment dans la rue mais s’éloignant inexorablement d’eux, la menace s’éloignant avec elle.
Le premier à se reprendre était Dejros, qui avait rouvert les yeux et vit le runiste se diriger vers eux d’un pas lourd mais décidé. Il possédait encore pas mal de mana, et il redressa en commençant à invoquer des piques de glace pour exécuter leur adversaire.
L’Alter comprit ce qui se passait et se jeta sur le côté alors qu’une lance de glace surgissait du sol pour l’empaler, balançant sa lame à l’horizontal alors qu’il se redressait avec peine mais délectation.
Le fil de son épée pénétra dans la chair du mage en lui arrachant un hurlement de douleur, mais pas suffisamment profondément pour le trancher, ce qui lui fit pousser un juron de dépit.
Et alors qu’il abattait à nouveau son épée, verticalement cette fois-ci, elle rencontra la lame d’Aguénor qui s’était avancé au lieu de fendre la tête de Dejros comme elle était censée le faire.
Des étincelles jaillirent de la rencontre des deux lames et les yeux d’Aguénor s’étrécirent alors que ses bras tendus peinaient à résister à la force de l’alter de Marlon, qui appuyait de plus en plus fortement sur son arme.
Il frappa encore, une deuxième puis une troisième fois, voulant détruire la défense du chevalier qui ne se laissa pas faire et activa entre deux frappes sa compétence [Bénédiction de Force], doublant la puissance musculaire dont il disposait.
Entretemps, Kallum s’était également rapproché du runiste et s’apprêta à frapper le jeune homme de côté, quand un rugissement lui fit tourner la tête. Il leva ses deux bras pour se protéger alors que Luna lui bondissait au visage, ayant profité de l’obscurité de la rue pour attaquer par surprise le Barbare.
La tornade finit de disparaître, plus loin dans la nuit, et seul le clair de lune éclairait encore le passage où se trouvaient les combattants. Quelques lampes avaient résisté au passage de la tornade sous le passage des murailles, mais leur lumière diffuse ne suffisait pas à éclaircir le décor sombre dans lequel se déroulait le combat à mort.
Kallum fut projeté contre un mur déjà fortement abîmé par l’affrontement à cause de la puissance du tigre qui s’était jeté sur lui, et Aguénor reprit le dessus sur l’alter du runiste qui malgré sa folie ne pouvait résister à la force physique décuplée du chevalier.
Dejros, lui, saignait et souffrait terriblement, s’étant éloigné dans une ruelle afin de ne pas pouvoir être pris pour cible. Afin de ne pas se vider de son sang, il eut l’intelligence de geler ses blessures et de ne pas trop bouger. Il préserva le peu de mana qui lui restait pour porter un coup fatal à leur cible, attendant le créneau idéal pour invoquer un de ses sorts basiques, sa compétence la plus puissante demandant trop de mana comparé à ce qu’il lui restait de disponible.
Le barbare attrapa le tigre à la gorge, et dans un cri de rage, il frappa à de nombreuses reprises les côtes de la bête de sa main libre, prenant plaisir à les sentir se briser sous ses coups.
Alors qu’il tabassait Luna, Aguénor, lui, avait repris le dessus dans son combat et faisait pleuvoir des coups d’épée plus puissants les uns que les autres sur son adversaire, qui peinait à se défendre et ne pouvait plus rien faire d’autre que reculer devant la puissance de la contre-offensive.
Le sourire dément était toujours accroché sur le visage du jeune homme, et malgré son infériorité tant en termes de puissance que de contre, il semblait prendre plaisir à cet échange.
Marlon, toujours prisonnier de son corps et relégué au rang de spectateur, cherchait toujours un moyen de se libérer de sa prison, tentant toutes sortes de choses pour se libérer.
Rien ne marchait, il ne pouvait activer de magie piégée dans son esprit, et l’angoisse croissante qu’il ressentait au vu de l’évolution du combat ne faisait rien pour aider à sa réflexion. Les murs invisibles qui le retenait prisonniers ne bougeaient pas d’un cil, et il ne savait même pas comment il était retenu dans cet espace mental.
Il arrêta de s’agiter et calma son esprit alors qu’il voyait son corps commencer à faiblir sous les assauts du chevalier, et Luna se faire jeter de l’autre côté de la rue alors que du sang jaillissait de son museau.
Elle miaula dans une tentative désespérée de se relever et de continuer à défendre son maître, mais rien n’y fit, et elle rester là, prostrée de douleur contre un mur délabré par les divers assauts qu’il avait subis.
Kallum, lui, ne perdit pas une seconde et se mit à courir en direction de Marlon pour aider son acolyte à achever cet adversaire incroyablement résistant et surtout très pénible à affronter.
Ne sachant plus quoi faire, la conscience de Marlon tenta d’activer sa vision de mana et il fut plus que surpris de constater que cela fonctionnait. Aussitôt des filets de lumière bleue l’entourèrent. Les fameux murs de sa prison mentale étaient en fait construits par la magie.
« Bordel…Loki tu peux m’entendre ? LOKI ! »
« Très faiblement, et uniquement parce que ton alter est trop concentré à ne pas crever, gamin. J’ai essayé, mais je pense que c’en est fini… »
« Pas sûr ! Je suis retenu dans une sorte de filet de mana. Si tu peux le vider, ne serait-ce qu’un court moment, je pourrais peut-être reprendre le dessus. »
« Je vais…yer, mais je ne…mets rien ! »
Marlon se concentra sur la structure qui l’entourait et le retenait prisonnier de sa psyché mais aucun changement ne se fit sentir dans l’immédiat.
Au-dehors, Kallum avait rejoint Aguénor et activa sa compétence [Cri de force], frappant de ses poings le corps de Marlon qui avait du mal à tenir devant l’assaut de ces deux colosses buffés au possible.
L’alter de Marlon jonglait entre les parades de la lame d’Aguénor qui s’abattait avec une force colossale et les esquives des directs de Kallum qui étaient tout aussi dangereux. Entre chaque coup, il insultait ses adversaires, ou bien leur crachait du sang au visage, se moquant ouvertement d’eux et augmentant la rage avec laquelle ils l’attaquait.
Rapidement, son bras gauche se retrouva brisé en deux endroits distincts et la lame d’Aguénor réussit à passer sa défense, entaillant profondément son épaule en s’enfonçant dans sa chair et en faisant gicler une vague de sang chaud qui aspergea ses deux agresseurs comme une fontaine.
Aucun cri de douleur ne sortit de la bouche de l’alter, mais sa respiration s’était fait rauque, ses yeux devenaient de plus en plus vides, comme s’ils peinaient à faire la mise au point devant tant de souffrance et de sang versé. Cependant, malgré cette douleur et le fait qu’il soit en train de perdre cette bataille, il riait à chaque coup reçu, un rire presque jouissif qui dissonait avec la situation réelle du combat.
C’est à ce moment que Marlon, toujours emprisonné, remarqua une différence.
Les mailles qui l’emprisonnaient se relâchèrent quelque peu, pas de beaucoup, mais suffisamment pour que la structure carrée qu’il pouvait voir avec sa vision de mana s’affaisse quelque peu sur elle-même et que les mailles soudant tous les croisements se dénouent d’un micromètre.
Marlon pesa alors de toutes ses forces sur l’une de ces mailles et il sentit, au prix d’une douleur mentale incroyablement puissante, qu’il réussissait à ébranler le piège dans lequel il était.
Il poussa un hurlement intérieur et continua à forcer, oubliant tous les signaux d’alarme de son cerveau qui lui conjurait d’arrêter et la scène extérieure de son corps en train de se faire malmener et possiblement abattre s’il ne se dépêchait pas.
Et ce fut fait.
Aussi rapidement qu’il avait lâché le contrôle de son organisme, il le récupéra et se retrouva aux premières loges, envahi par une pléthore de sensations toutes plus désagréables les unes que les autres.
Tout d’abord la douleur, bien entendu, qui semblait provenir de chaque zone de son corps mais brillait encore plus intensément à certains endroits comme son crâne ou encore son bras gauche brisé en plusieurs points.
Ensuite vint la fatigue, rendant lourd chacun de ses mouvements et lui faisant comprendre qu’il avait clairement dépassé les limites de son corps.
Puis finalement l’adrénaline, qui pulsait dans chacun de ses muscles et lui donnait encore la force de résister, malgré le caractère imminent de sa défaite et de sa très probable mort.
Il sauta en arrière pour se donner un minuscule laps de temps et évita ainsi deux coups supplémentaires de la part du Chevalier et du Barbare.
Luna, malgré l’état de ses blessures, parvint également à se rapprocher de son maître dont l’un des bras pendait le long du corps et couvert de son propre sang, en rampant.
« Loki, je vais tenter le tout pour le tout et me casser, en espérant que ces enflures ne soient pas plus rapides que moi… »
Balançant son épée à l’horizontale avec ses dernières forces, il força Aguénor et Kallum à esquiver, et dans l’instant suivant, il avait lâché son arme, attrapé de son bras droit l’encolure de Luna et s’était mis à courir en direction de la sortie de la ville.
Il n’avait que quelques mètres à parcourir, et il était certain de pouvoir le faire.
« Cours, gamin ! Dans une centaine de mètres tu seras à l’écluse ! Bravo ! »
Mais alors qu’il allait passer sous les murailles et se mettre à l’abri, deux choses se produisirent.
De nombreux soldats déboulèrent de plusieurs ruelles, armes en main et s’interposant entre Marlon et les autres combattants.
Et un loup gigantesque déboula à leur opposé, une lueur intelligente dans le regard et fixé sur Marlon.
« Kallum et Aguénor, occupez-vous des soldats, je me charge de Revenge. »
Niclos venait d’arriver sur le champ de bataille dévasté qu’était devenu Delia…