Néo-Life
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Marlon dérivait doucement sur le lac gigantesque, profitant de la chaleur du soleil et de la tranquillité absolue. Son esprit décompensait maintenant, et il se sentait vidé de toute énergie. Son embarcation provoquait de légères rides s’étendant sur l’eau limpide.

Le massacre de la veille avait été implacable, et il ne ressentait strictement aucun regret quant à ce qu’il avait fait. Un certain plaisir prenait même possession de lui lorsqu’il y repensait, visionnant dans son esprit les flammes dévorant tout et l’homme qu’il avait littéralement coupé en deux. La vengeance avait été pour lui un exutoire parfait à toute la frustration ressentie ces derniers jours et il était maintenant serein, son esprit au repos. Une partie de lui avait conscience que cette réaction était anormale, mais l’autre partie s’en fichait royalement. S’il hésitait, il serait battu. S’il ne répliquait pas, il serait tué.

Ce monde aimait la loi du plus fort ? Et bien soit, il deviendrait le plus fort et le plus cruel qui soit.

Le clapotis de l’eau venant battre contre la coque le berçait, et Luna, sa chimère, s’était lovée contre lui, dormant d’un sommeil de plomb, ronronnant dans son sommeil. Il lui semblait qu’elle avait pris quelques centimètres de taille mais ce n’était qu’une vague impression.

Il était à quelques centaines de mètres du rivage où se trouvait le hameau qu’il avait dévasté, et une sombre fumée s’élevait encore au-dessus de ce dernier. Il devinait au loin quelques rares personnes faisant des allers et retours, surement pour éteindre les réminiscences du brasier nocturne. Voir cette scène allumait dans son cœur une chaleur réconfortante, gratifiante.

Dans le ciel, quelques oiseaux volaient, plongeant parfois comme des missiles dans l’eau avant de ressortir, un poisson de belle taille prisonnier de leur bec. D’autres tentaient vicieusement de voler leur prise, ne récoltant souvent que des coups de pattes violents de la part de ses congénères. Il adorait le spectacle qui s’offrait à lui et aurait presque voulu que ce moment s’éternise un peu, moment de calme dans le chaos qu’était son existence depuis quelques semaines…

Il sentait des notes de fumée dans l’air, provenant du carnage, et alors qu’un des volatiles plongeait et ressortait avec sa proie très près de lui, un arôme fugace de poisson fut capté par ses narines.

De temps à autre, il laissait sa main tremper dans l’eau et il se la passait ensuite sur le visage, appréciant la fraîcheur sur sa peau et la pureté de l’eau lorsqu’il en buvait quelques gorgées.

Quelques embarcations se trouvaient non loin de lui, et un homme le salua même d’un geste amical alors qu’il s’étirait. Ne voulant pas attirer de soupçons quant à cet incendie, il répondit à son salut.

Il regretta son geste quand il vit que l’homme se mit à ramer dans sa direction avec des gestes énergiques, comblant la distance qui les séparait en quelques minutes à peine, ce que ne pouvait absolument pas faire Marlon avec sa force physique actuelle.

Quand il arriva à sa hauteur, Marlon put dévisager l’énergumène. Il devait être aux alentours de la cinquantaine, une peau sombre tannée par le soleil et les années. Ses yeux noirs pétillaient sous ses sourcils fournis et un grand sourire plein de dents lui éclairait le visage. Il avait un corps musclé mais fin, chaque muscle tressé comme si l’on avait enlevé jusqu’au dernier milligramme de graisse de son corps. Son visage carré dégageait une impression brute, avec une pointe de gentillesse provenant surtout de son regard qui adoucissait ces traits abrupts.

Marlon ne voulait clairement pas provoquer ce personnage qui pourrait probablement lui décoller la tête des épaules en un seul mouvement, aussi lui fit-il son plus beau sourire.

« Bonjour, vous allez bien ? »

« J’vais très bien, jeune homme, merci d’t’en inquiéter ! J’te voyais comme une âme en peine sur ton rafiot, j’me suis dis qu’j’allais v’nir te voir. Qu’est ce que tu fais là, t’pêches pas ? »

Le jeune homme inventa un bobard plausible, la solution lui venant instinctivement alors qu’il regardait le hameau en ruines sur le rivage, n’ayant pas de mal à comprendre l’accent relativement prononcé de son interlocuteur.

« J’ai fui l’incendie cette nuit », commença-t-il en donnant un léger tremblement à sa voix, « et je n’ai pas eu le temps de faire autre chose que courir. Je n’ai pas eu le temps de prendre ma canne à pêche ou mes affaires. Alors j’attends que tout revienne à la normale et je rentrerais chez moi, si tant est que ma maison n’ait pas cramée avec le reste. Mais c’est sûr que j’aurais préféré pêcher et me nourrir correctement… »

Plus il parlait, plus il laissait de l’émotion transpercer dans ses phrases, et lorsqu’il eut fini, il avait presque réussi à tirer une larme au vieux bonhomme, chose dérangeante vu sa stature.

« Vindieux, j’ai bien vu c’t’incendie monstrueux ! J’suis de Lekpos, le hameau d’à côté, et on a tous été choqués de voir ça ce matin ! Mais bon, faut dire que Takpos était pas super bien entretenu, aussi, hein ? Fallait bien qu’un truc comme ça arrive un jour ou l’autre…pas faute d’lui avoir dit, à Turion, hein. Hé, s’tu veux, j’ai une canne en rab. C’pas du matos de très bonne qualité, mais t’peux la garder et t’nourrir avec, ça s’ra toujours ça, hein. »

La bête avait été ferrée, Marlon n’avait plus qu’à la remonter lentement et surement.

« Oui, c’est…c’est vraiment gentil de votre part. Au moins je pourrais manger à ma faim, juste si vous avez un appât ou deux à me laisser, ça serait parfait. Et je pense finalement que je vais aller voir ma famille à la capitale avant de remettre le pied à terre. C’est qu’sa rassure pas, voyez ? Seulement ça fait longtemps que j’y suis pas r’tourné et je me rappelle plus trop bien la route… »

Il était tellement dans son personnage qu’il avait même réutilisé cet accent qu’il entendait depuis maintenant plusieurs jours. Avec succès, apparemment, car son interlocuteur hocha la tête et lui donna un petit conteneur d’appâts alors qu’il répondait à sa question.

« J’vais t’indiquer ça, mon gars. Y’a rien de plus simple. Tu continues à longer la rive dans la direction des montagnes, là-bas », dit-il en pointant du doigt les monts au nord-est de Takpos, le hameau qu’il avait brûlé. « J’te déconseille de couper par l’milieu du lac, y’a des grosses bestioles qui nous trouvent appétissant dans c’coin là. T’as b’soin d’autre chose, mon gars ? »

« « C’est très gentil, mais vous avez fait beaucoup, m’sieur. J’vais aller pêcher un peu puis j’me mettrais en route doucement vers l’capitale. Encore merci, et qu’les Dieux vous bénissent. »

Le pêcheur hocha la tête et remercia Marlon pour sa bénédiction, s’éloignant doucement de son embarcation et jetant un dernier coup d’œil triste au jeune homme.

Il se bénit intérieurement de sa capacité à s’adapter à ses interlocuteurs. Et heureusement pour lui, l’homme semblait être quelqu’un d’honnête. Ou alors était-ce parce qu’il croyait qu’il venait de Takpos ? Marlon avait bien ressenti un frisson de haine lorsqu’il avait entendu le nom de Turion, l’homme qui avait tenté de le piéger hier, mais il espérait que ce type avait brûlé avec le reste de son village.

Avec un haussement d’épaules, Marlon se désintéressa du sujet et s’éloigna avec des coups de rames puissants en direction du rivage opposé pour se rapprocher de la capitale.

Il avait eu envie de se baigner, mais l’avertissement du bonhomme sur les créatures au centre du lac avaient refroidis ses ardeurs. Ça serait vraiment bête d’avoir survécu jusque-là et de finir comme encas pour les poissons. C’est l’inverse qui devait se produire, normalement, non ?

Il ne put s’empêcher de jeter des coups d’œil méfiants vers les profondeurs du lac, arrêtant au bout de quelques secondes car son imagination fertile voyait déjà un kraken gigantesque s’élever des eaux bleues et l’emmener avec lui comme encas.

Il se mit rapidement à transpirer sous l’effort et la chaleur du soleil, mais se dit que plus il se rapprochait de Delia, moins il en aurait à faire plus tard.

Deux heures plus tard, le soleil avait considérablement baissé dans le ciel alors que la température se fit plus douce, et Marlon se rinça le visage avec l’eau du lac, ignorant l’odeur forte de transpiration rance qu’il dégageait. Il ne voyait maintenant presque plus les hameaux d’où il venait, et c’était pour lui une très bonne nouvelle. Il s’arrêta de ramer et en synchronisation parfaite, son estomac se mit à gronder et Luna à miauler avec insistance.

Il se fit une raison et prit la canne à pêche que l’autre homme lui avait offert. Le jeune homme n’avait bien sûr jamais pêché de sa vie, même s’il comprit que les appâts, des sortes de vers fin et roses gigotant, devaient être accrochés sur le pic en métal au bout de la ligne.

Sur Terre, la pêche n’existait plus depuis des décennies, les poissons ayant été exterminés à cause de la surpêche il y avait belle lurette. Seuls les spécimens élevés en ferme hydroponiques existaient, et ils étaient bien sûr horriblement chers.

S’ensuivit donc un long moment de solitude et de détresse alors que ses appâts disparurent tous les unes après les autres sans qu’il comprenne quoi faire.

Il aurait pu jurer que sa chimère rigolait également de lui, mais n’ayant pas de preuve tangible il dut réfréner son envie de violence envers elle. Luna avait beaucoup de chance d’être aussi mignonne, sinon il en aurait peut-être fait un casse-croute.

Ce n’est qu’au bout d’une longue et pénible heure qu’il réussit enfin à pêcher quelque chose. Lorsqu’il le tira hors de l’eau, le poisson projeta de l’eau partout avec sa queue battant la surface. Le ramenant dans l’embarcation, le jeune homme planta rapidement son couteau dans l’œil du poisson pour l’achever et poussa un soupir de soulagement alors que son premier repas de la journée était devant lui.

Ce n’allait pas être un repas pantagruélique, mais c’était déjà ça. L’animal faisait dans les vingt centimètres de long, et des écailles, oscillant entre le rouge et l’orange, couvraient la majeure partie de son corps. Des sortes de moustaches étaient présentes sur le côté de sa bouche et faisaient presque penser à des moustaches de chat, le regard du jeune homme alternant entre le poisson et sa chimère.

Luna parut comprendre ce à quoi pensait le jeune homme et se retourna en poussant un feulement de dédain, indigné qu’il ait osé faire une telle comparaison.

Enhardi par sa première pêche victorieuse de la journée, Marlon continua et réussit dans l’heure suivante à sortir encore trois poissons semblables de l’eau. Il en avait maintenant bien plus qu’assez pour le repas, et l’odeur de poisson qui émanait du fond de la barque commençait à le déranger quelque peu, alors que Luna piaffait d’impatience de plus en plus fortement, tentant même d’en chaparder un discrètement lorsque Marlon ne fit pas attention.

Il se rapprocha donc du rivage, s’assurant que personne ne se trouvait dans les environs. Il n’était pas vraiment d’humeur sociable aujourd’hui et n’avait qu’une hâte : se nettoyer et manger.

Il donna un dernier grand coup de rame pour échouer son navire sur les galets puis descendit avec sa prise du jour, le chat sur ses talons. Il tira le navire un peu plus haut sur la côte, ne voulant pas avoir de mauvaise surprise par la suite, puis il mit son paquetage sur le dos avant de chercher un endroit adapté pour s’installer.

Ce ne fut qu’une question de minutes avant qu’un feu ne flambe sur le rivage et que les poissons furent piqués sur des bouts de bois trouvés çà et là. Marlon en avait laissé un pour Luna, qu’elle était en train de dévorer consciencieusement dans son coin.

Le jeune homme, lui, plongea tête la première dans l’eau et se frotta intensément pour faire disparaitre l’odeur de transpiration et de poisson qui l’avait imprégné, regrettant seulement de ne pas avoir de savon pour rendre tout cela bien plus efficace. Il ne s’éloigna pas du bord, se rappelant sans cesse les paroles du pêcheur sur les créatures du lac, jetant même des coups d’œil nerveux a la surface de l’eau lorsqu’il apercevait des clapotis.

Il remonta rapidement et dévora les brochettes improvisées de poisson frais, se régalant avec cette nourriture fraîche et changeant de la viande qu’il mangeait depuis plusieurs jours sans discontinuer.

Le campement fut monté avant que la nuit ne tombe, et l’air était frais, peut-être à cause de la fatigue qu’il ressentait et de tous les évènements de la veille. Les galets lisses n’étaient pas des plus confortables, mais il s’en accommoda en posant une couverture épaisse donnée par Selia avant son départ. Il bénit la Chasseresse sans qui son périple se serait trouvé être bien moins confortable.

Il caressa distraitement sa chimère, se demandant à quoi elle pouvait bien servir à part le prévenir du danger et griffer légèrement ses ennemis, et comment il pourrait la faire grandir plus rapidement. Ce faisant, il observa le ciel étoilé en se pâmant de la vue qu’il avait. Personne sur Terre ne pouvait plus voir tel spectacle. La pollution lumineuse et les nuages de particules fines donnaient là-bas un ciel en permanence grisâtre, à travers lequel aucune étoile n’était plus visible.

Là, il pouvait voir des constellations entières briller devant lui, et même quelques étoiles filantes. Une d’entre elles l’intriguait particulièrement. D’une couleur jaune, brillant de plus en plus, elle semblait se rapprocher et tomber vers Marlon, tel un météore.

L’inquiétude s’empara de lui quand il se rendit compte que c’était vraiment le cas. Il se leva et voulut se jeter sur le côté, mais la boule couleur foudre le percuta avant qu’il ne puisse faire quoi que ce soit. Le choc envoya le jeune homme valser à quelques mètres et juste avant qu’il ne perde conscience il perçut un son perturbant.

Ding

Message prioritaire d’un des cinquante Dieux.

Puis ce fut le noir total.

Quelques minutes plus tard ou quelques heures, il n’en était pas sûr, sa conscience lui revint et il se redressa, voyant que la nuit était toujours nuit et que le feu de camp qu’il avait allumé brûlait toujours vivement. Luna était près de lui, miaulant son inquiétude, mais quand elle le vit rouvrir les yeux, elle le renifla une ou deux fois puis partit se réinstaller près du foyer, bien au chaud.

« Hé, salut Marlon ! Content de te voir ! J’ai bien cru que j’allais y passer ce coup-ci ! »

Le jeune homme sursaute et se retourna, dégainant son épée par la même occasion, alors qu’une voix lui disant quelque chose semblait provenir de derrière lui.

Seulement, personne n’était là. Sa tension nerveuse était sur le point d’exploser quand la voix se fit entendre à nouveau.

« Détends-toi, gamin, c’est moi, Loki ! Je viens de m’intégrer à ta conscience alors ne panique pas comme ça ! »

Marlon ne se sentit pas rassuré pour autant, surtout au vu de l’implication de ce que venait de dire la voix. Mais en effet, elle avait bien l’intonation et le timbre du robot qu’il avait rencontré dans le monde Virtu. Il se demandait juste ce que faisait l’IA dans sa conscience.

« Il y a eu des développements…compliqués, au sujet du pari que j’ai fait, et j’ai voulu sécuriser la victoire. Aussi j’ai décidé de venir sur Néo-Life pour te guider plus efficacement. Ha et tu n’as pas besoin de verbaliser tes questions. Je me suis greffé à ta conscience, donc c’est comme si j’étais ta conscience, hahaha ! »

« Bordel, Loki, c’est super flippant…il va falloir que tu me donnes plus d’informations que ça. »

« Je me doutais que tu ne me laisserais pas juste squatter ton esprit comme ça…tu ne me fais pas confiance, haha ?!? »

Sans laisser le temps à Marlon de réagir il enchaîna avec un long monologue qui allait laisser Marlon pantois et très pensif.

« De toute façon, pour le bien de notre entreprise commune, il faut que je t’en dise plus. Comprends bien que ma position précédente, qui était de te cacher certaines informations, était pour ton propre bien. Seulement…certains joueurs ont décidé de transgresser les règles, et vu que j’ai toujours été le plus fort à ce jeu, me voici ! »

Tout d’abord l’IA lui expliqua sa position réelle dans la hiérarchie de l’Empire, et le fait que le pari concernait uniquement les plus hautes instances, l’Impérator compris. Le jeune homme eut le vertige en entendant cela, et Loki lui laissa quelques secondes de réflexion avant de continuer.

« Avant de commencer, je dois te dire quelque chose d’important. Néo-Life n’est en aucun cas un jeu vidéo ! Je pense que tu avais déjà instinctivement compris cela, non ? »

Le jeune homme hocha la tête. Il s’en doutait fortement depuis quelques temps déjà, mais n’était jamais arrivé à mettre exactement le doigt dessus. Comme un mot que vous avez sur le bout de la langue mais qui ne veut pas sortir de votre bouche. Il ne put tout de même s’empêcher d’éprouver un profond malaise au vu de tout ce que cela impliquait.

« Il y a cinquante ans, nos technologies ont permis l’accès à la dimension de Néo-Life, ou du moins l’envoi de consciences virtuelles dans ce monde qui possède des lois complètement différentes du nôtre. Je parle bien sûr de la magie, des classes, des diverses créatures. L’Impérator a voulu s’en emparer et en monopoliser les ressources, mais nous autres IA nous sommes opposés à lui et avons fini par faire ce pari. Le gagnant décidera unilatéralement du sort de Néo-Life. »

Un autre long moment de silence s’installa, et Marlon essayait au mieux d’assimiler ce qu’il venait d’entendre, ou plutôt de penser, la voix semblant vraiment provenir de l’intérieur de sa tête.

« L’Impérator a triché, et nous avons dû mettre une mesure pour l’empêcher de continuer. Cette mesure est incontournable et va être mise en place d’ici quelques minutes. Nous avons tous, en tant que ‘Dieux’, eu le droit d’envoyer un message à nos joueurs avant que toute interaction soit interdite. »

« Donc ça veut dire qu’il y a réellement cinquante autres joueurs uniquement ? » demanda le jeune homme, totalement dépassé par ce qu’il était en train d’apprendre.

« Haha, non, ça serait trop facile. Il y a à peu près cinquante mille joueurs qui ont été connectés, mais seuls cinquante sont les ‘favoris’ ! Ceux-là ont à coup sûr eu comme toi, un traitement de faveur, et ne doivent pas être traités à la légère. Ils seront beaucoup moins faciles à exécuter que tes proies précédentes, haha ! »

Marlon voyait presque le sourire froid de l’IA dans sa tête et il ne put s’empêcher de la secouer pour se sortir cette image de l’esprit.

« Du coup, il faut bien que tu comprennes une chose. Ta fameuse ‘interface’ qui fait ressembler tout ce monde à un jeu n’est que de la poudre aux yeux. Elle interprète tes progrès et te donne des informations globales, mais seuls tes efforts ont de la valeur dans ce monde. Ça et ta manière d’aborder les évènements, mais tu l’avais déjà compris, je pense. C’est comme ça que tu augmenteras tes statistiques et deviendra quelqu’un de puissant. »

Marlon hocha la tête. Il avait en effet compris depuis Akranio que l’important était ses propres efforts et son assiduité à s’entraîner. Heureusement, il ne s’était pas reposé sur ses lauriers et chaque jour avait eu son lot d’efforts, qui avait porté ses fruits. Cependant il n’était pas tout à fait d’accord avec Loki sur un point. Son Interface était très utile, même si elle ne changeait rien. Sa carte, l’accès au codex qui se remplissait au fil de son aventure, cela pourrait un jour lui sauver la vie ou bien au minimum lui éviter beaucoup d’efforts inutiles.

« Le bon côté de tout ça, c’est que j’ai réussi à tricher et à venir à toi avant la mise en place du pare-feu dimensionnel. Je te passe les détails, je pense que tu as suffisamment de choses à assimiler pour le moment. Je pourrais te guider un minimum, car cela fait cinquante ans que nous observons ce monde et nous avons appris pas mal de choses à son sujet. Et vu que j’ai…disons interféré dans ton choix de classe, je sais quelques petites choses sur le fonctionnement de ce monde. Mais en premier lieu, tu dois visiter Delia. »

« Oui, je dois y rencontrer Jacob, le maître épéiste ! Vu tout ce que tu me dis, je ne vais négliger aucun moyen de me renforcer…

« Ça, et surtout tu dois apprendre d’autre runes. Et ça tombe bien, il y a plein de joueurs non essentiels dans la capitale et dans la région. Et puis si à tout hasard tu tombes sur des favoris…tant mieux. Tu vas donc pouvoir faire le plein, haha. Puis j’ai l’impression que tu commences à aimer ça, les massacres, non ? »

Le sourire glaçant de Marlon refit surface, et quiconque l’aurait vu à ce moment se serait figé tel une proie prise au piège et vivant ses derniers moments.

« Disons que je ne me laisserais plus faire, pas comme dans mon ancienne vie, ceux qui s’en prennent à moi souffriront…et si au passage je peux réduire la concurrence…!! »

« Reste toujours prudent, tu as eu pas mal de chance pour le moment, mais il suffira d’une fois pour te faire avoir et perdre la vie…ne relâche jamais ta vigilance ! »

Marlon comprit pleinement l’avertissement de Loki, étant passé plusieurs fois près de la mort, sa survie étant uniquement due à de la chance et des réflexes bienheureux. Et la seule fois où il n’écouta pas les conseils qui lui avaient été donné, il avait failli y passer et s’était fait arnaquer. Il répondit cependant à l’IA avec un haussement d’épaules :

« Dans le pire des cas, nous avons deux vies à utiliser encore non ? Je suppose que cet univers permet de réinitialiser nos consciences ou quelque chose comme ça, non ? »

Le rire qui résonna dans la tête de Marlon était franc, et très moqueur.

« Je t’ai déjà dit que ce monde était réel. Zeus, qui n’est autre que l’Impérator en personne, s’est dit qu’il allait faire une bonne blague en annonçant que chaque joueur avait trois vies, et surement éliminer beaucoup de joueurs imprudents par la même occasion. Mais il faut que tu comprennes une chose : même si divers moyens existent dans ce monde grâce à la magie de sauver quelqu’un ou de le transformer en mort-vivant, qui est un peuple très spécial, si tu meurs, c’est fini pour toi. Tu n’as qu’une vie. Tu la perds, c’est fini, hahahaha !! »

Marlon se doutait des implications de tout ce qu’avait dit Loki jusque-là, mais une petite partie de son inconscient espérait toujours que, quelque part, il aurait une seconde chance s’il se plantait.

Mais tout cela venait de s’écrouler devant la dernière tirade de l’IA faisant maintenant partie de lui.

Il était dans un monde réel. S’il se plantait, il mourrait. C’était aussi simple que ça.

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