Les Mondes Epars
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Chapitre 15 : Le monde d’Arozon (8)
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Ils se relèvent dans une morne ambiance. Lucie a pansé ses plaies qui ont cessé de saigner. Gueudar a répertorié leurs maigres ressources tandis que Noti a continué d’enquêter sur les raisons de l’explosion. Yann quant à lui, a préféré méditer. Il observe cette habitude à chaque temps mort lors d’une mission périlleuse pour se vider l’esprit. 

Tous debout, ils vérifient une dernière fois de ne rien oublier. Gueudar traîne dans un coin avant que Lucie ne le rappelle à l’ordre :

« On obéit au chef ou pas ? Aucune insubordination ne sera tolérée ! Plaisante-t-elle à moitié.

– Oh oui pardon… Désolé, un détail m’intriguait… S’excuse Gueudar. »

Il se met en tête du groupe qui retourne dans la salle de la nuée. Quelques ouvrières volent encore mais l’agitation n’est en rien comparable à leur précédente visite. Ils se débarrassent des gêneuses avant de reprendre leur route. A la sortie de la caverne, ils s’enfoncent dans un boyau qui débouche à l’extérieur. 

De là, ils surplombent l’ensemble du monde. Seul la Muraille demeure impossible à distinguer, cachée par les nuages. Yann demande une halte pour relever toutes les informations s’offrant depuis ce panorama. Ils observent tout autour d’eux. La lueur violacée de l’éther marque les limites de ce monde. Le spectacle les laisse extatique. Même Gueudar tendu depuis l’incident si ce n’est avant, s’apaise face à une telle magnificence. Quand ils ont fini d’admirer la vue, ils prennent conscience de la suite de l’épreuve pour retourner au campement : une forêt luxuriante s’étend sur le plateau de la Muraille. 

Au loin, ils repèrent quelques vorlines, des ouvrières comme des guerriers qui quadrillent la zone. La partie s’annonce serrée. Ils avancent et massacrent toutes celles qui ont le malheur de croiser leur route. Au passage, Gueudar explique le point faible des guerriers : leur vulnérabilité aux attaques à distance. Quand ils passent à l’attaque pendant un court instant, ils s’immobilisent avant de charger. A ce moment-là, Noti et son arc entre en action. Il touche deux flèches sur le guerrier victime de la démonstration sans que cela ne soit suffisant pour l’achever. Cependant, son mouvement paraît ralenti ce qui permet à Gueudar d’esquiver sans aucun problème sa charge. Noti en explique la raison :

« Il s’agit de mon aptitude : chaque flèche qui touche une cible la ralentie si elle est inférieur à un certain gabarit. Ça marche contre tout ce que j’ai croisé jusqu’à présent, sauf les gardiens à cause de leurs tailles massives… 

– Tu as déjà de la chance d’avoir une aptitude, relève Yann.

– Ce n’est pas de la chance mais de l’entraînement et de l’abnégation, le corrige Gueudar. Ce gamin est notre protégé ! Bien sûr qu’il n’irait pas dans un tel monde sans au moins une aptitude… Nous lui apprenons à ne pas être un poids pour son groupe si jamais il décidait de nous quitter…

– Je vois… Mais dans ce cas, comment accumuler facilement du potentiel pour en obtenir une ?

– Comme tout le monde, à la sueur de ton front ! Vous pensez que j’en ai mangé combien des mondes comme votre premier avant de poser mes pieds sur un de ce calibre ? Une bonne dizaine ! Et c’est exactement ce que je vous reproche depuis hier ! Vous avez décidé de partir en exploration tranquillement pour faire votre petit chemin en comptant sur les autres pour vous apprendre mais ce n’est pas comme ça que ça marche ! Vous n’y connaissez rien ? Très bien tout le monde commence par là mais faites en sorte que votre apprentissage n’affecte personne d’autre que vous !

Son coup de sang passé, il souffle, plus calme. Un silence s’abat sur le groupe dont les regards sont tournés vers Gueudar. Il reprends, apaisé :

–  Désolé, ce n’était pas le moment… J’aurais du garder ça pour plus tard mais je dois être honnête avec vous, les enfants… Ça va être dur voire impossible. Le gardien est une reine vorline, une belle saloperie, croyez-moi !

– Comment le savez-vous, s’étonne Yann.

– Les marques sur les arbres et la densité des guerriers. Encore une preuve de votre incompétence,  vous ne savez pas flairer le danger… Même si Noti n’a pas l’air d’avoir fait mieux sur ce coup là.

– Désolé, maître Gueudar… murmure l’intéressé. 

– Nous avons deux possibilités pour combattre ce genre d’horreur : la méthode longue et la méthode courte. En temps normal, nous aurions choisi la première mais elle nécessite de longues préparations qui durent au moins deux semaines et avec l’aide des pionniers. Autant dire que c’est raté pour nous. L’autre méthode, la rapide, celle que nous allons appliquer est simple : l’un de nous fait l’appât, la reine charge sur lui, et pendant qu’elle le frappe, le reste donne tout ce qu’il a pour la tuer avant que l’appât ne trépasse.

Avec ces explications, le groupe déglutit. Lucie se lance dans les questions :

– Et qui se sacrifiera ?

– Celui qui est à la plus haute barrière et la plus grosse résistance ce qui devrait être moi. Je suppose que personne d’autres n’est volontaire ?

Un silence accueille sa question.

– Bien, c’est décidé alors. Allez, on y va tant qu’on est dedans. »

Ils continuent dans la jungle, n’épargnant aucun des vorlines qu’ils croisent. A mesure qu’ils s’enfoncent, le bourdonnement s’atténue. Ils arrivent dans une immense clairière où une gigantesque créature se repose. De la même constitution que les ouvrières, elle possède néanmoins, une paire d’ailes supplémentaire pour soulever son corps massif que Yann estime à deux mètres de haut. Le gardien, lui rappelle vaguement un gros bourdon en plus menaçant. 

Tout le groupe se met en place sous le commandement de Gueudar. Même Lucie, consciente de la gravité de la situation, s’abstient de le contester. En place, ils s’approchent avec précaution de la reine qui les observent sans réaction pour le moment. Son attitude surprend Yann qui s’attendait à une créature agressive. Ce n’est que lorsque Gueudar à la tête du groupe pose le pied dans ce qui s’apparente à son nid, d’après les traces de cire, qu’elle se relève. Elle bat ses ailes dans leur direction sans pour autant les attaquer comme si elle leur posait un ultimatum. Cela ne dissuade pas le gobelin qui continue son approche. Constatant l’inefficacité de sa mise en garde, la reine décolle et pousse un cri strident. Le calme de l’endroit disparaît englouti par le vacarme des ailes qui évoque le bruit d’un hélicoptère aux oreilles de Yann. Gueudar rappelle le plan en hurlant une dernière fois avant le début du combat.

La créature le charge sans surprise avec la stratégie habituelle des vorlines. Cependant, comme prévu, au lieu de se dérober, il encaisse le choc même s’il fait en sorte de réduire les dégâts grâce à sa posture ramassée. Plaqué au sol par la reine, il se débat tandis que le reste du groupe, court à son aide. Aussi vite que leur permet leur corps, ils frappent la reine avec leur armes. Même Noti pour l’occasion troque son arc pour une dague qu’il agite à une vitesse fulgurante. Gueudar les encourage en dépit de sa désagréable position. Il s’exclame qu’en continuant ainsi, ils vont gagner mais plus le temps passe plus cette promesse sonne creuse. La reine à peine déstabilisée par la pression des trois explorateurs continue de malmener le gobelin. 

Sentant leurs efforts vains, Gueudar change de plan. Il donne avec ses jambes un énorme coup, catapultant la reine à une dizaine de mètres. Le groupe, ébahis par la manœuvre, l’aide à se relever tandis qu’il transmet ses instructions :

« Changement de plan, on fuit ! Nous ne pouvons pas la battre, nous sommes trop faible… Aller on se bouge avant qu’elle ne récupère !

– Gueudar ?… Tente Yann.

– C’est pas le moment !

– J’ai un problème avec mon arme… dit-il en montrant son pieu qui s’illumine.

Le gobelin le dévisage deux secondes avant de sourire :

– Tu sais que tu es un génie, le mercenaire ? On reprend le combat ! Dis-moi à combien tu es en surcharge ?

– 97/100… Ça veux dire quoi ?

– Ça veut dire que ton arme a accumulé trop d’éther ! Essaye de toucher autant de fois que tu peux la reine, nous allons lui faire ouvrir des brèches et quand tu atteins 100 tu me le dis ! Pigé ?

– Compris.

– Bien vous autres, mettez-vous devant lui et faites-en sorte qu’il ne se fasse pas attaquer par la reine. S’il est hors service, on est mort. Reçu ?

– Oui ! »

Sur ces instructions, ils forment une ligne de trois explorateurs avec Yann en retrait. La reine pendant leur réunion stratégique avait repris son vol et se préparait à les courser jusqu’à ce qu’ils changent d’attitudes. Suspectant une ruse, elle se méfie en adoptant une posture plus prudente. Plutôt que de foncer tête baissée, elle décide de voler jusqu’au dessus d’eux et de leur tomber dessus. Tous esquivent à l’exception de Lucie trop lente à réagir. Elle se retrouve avec la jambe bloquée sous le corps gigantesque de la reine. Voyant cette cible vulnérable, elle lève ses pattes avants prêtes à frapper la cible. Gueudar s’interpose à temps pour parer la reine. Dans le même temps, Yann se glisse dans le flanc de la reine et la transperce aussi vite qu’il peut, se concentrant sur la rapidité des coups que sur leurs précisions. 

Son assaut réduit à néant, la reine repart dans les airs. Gueudar demande à Yann :

« T’es à combien ?

– 99…

– Merde faut encore en refaire un… Ça va petite, tu tiens le coup ?

– Ça va, j’ai pris que quelques dégâts superficielle grâce à ton intervention. Merci…

– Pas le temps pour ça, en formation alors ! »

Ils suivent les instructions du gobelin. La reine, agacée par l’inefficacité de sa précédente attaque, charge de front. Tous se jettent au sol sauf Yann qui choisit de tenir sa position son pieu brillant enfoncé dans le sol. La reine s’empale dessus mais elle ne perd pas toute son inertie. Elle continue sa course emportant avec elle Yann qui se retrouve propulser à l’autre bout du nid. Son arme s’échappe de ses mains pour s’échouer à une vingtaine de mètres du reste du groupe. Ensanglanté et secoué, il parvient à rassembler ses forces pour leur hurler :

« C’est à 100 ! »

Sur ces mots, il s’effondre, incapable de bouger. Gueudar se relève et bondit jusqu’au pieu pour s’en saisir. La reine hésite un court instant entre achever l’homme entre ses mandibules en mauvais état ou affronter le reste des explorateurs. Elle choisit la seconde option et jette son dévolu sur le petit être verdâtre se précipitant sur l’objet lâché par son compagnon. Alors qu’il se prépare à lancer le pieu, Gueudar aperçoit la masse de la reine lui foncer dessus. Il réfléchit, suspendant son geste. Puis sa décision prise, il pose ses deux mains sur le pieu. Mélida et Noti arrivent pour l’aider mais il leur fait signe de s’arrêter. Ils s’exécutent avec un mauvais pressentiment. La reine à quelques mètres de lui, il la charge à son tour, le pieu droit devant lui. La créature ignore l’arme et accepte d’en subir les dommages. Toutes pattes dehors ainsi que les mandibules, elle percute Guedaret le pieu qui la transperce. Le gobelin sourit et dans un dernier effort maintient l’arme dans la reine. Voyant la lumière du pieu s’intensifier la reine panique comprenant son erreur mais Gueudar l’empêche de fuir. 

Une détonation emporte la créature et Gueudar qui disparaissent dans une intense lumière violacée. Tous observent le spectacle à la fois fascinant et terrifiant. Le choc atteint même leur véritable corps leur donnant un sentiment de vulnérabilité extrême. La beauté du funeste spectacle éveille en eux une peur primitive, instinctive, mêlée d’admiration, qu’ils n’avaient jamais connu de toute leur vie. 

La lumière se dissipe, révélant Gueudar et la reine à terre dans une mortelle étreinte. Ils s’approchent, paniqués, pour s’enquérir de leur état. La reine ne donne aucun signe de vie tandis que Gueudar semble amoché. Il respire et est même conscient mais ses membres sont noircies. Il s’exprime d’une voix rauque et faiblarde :

« Je crains que ce ne soit mon dernier combat… 

– Attendez ce n’est pas fini, vous êtes toujours avec nous… Espère Lucie.

– Hélas, ma barrière a cédé, ce n’est qu’une question de temps avant que l’éther ne me consume… Écoutez-moi bien avant qu’il ne soit trop tard… J’ai des choses à vous dire… Je crains que l’explosion à la Muraille n’ai pas été causée par l’éther mais par un autre explorateur… Avant de partir, j’ai retrouvé des fragments d’explosifs utilisés par les pionniers pour leurs excavations… Vous devez découvrir le responsable et surtout… Pourquoi il a fait ça… dit-il avec une voix faiblissant à chaque instant. Pourquoi nous a-t-il trahi… 

– Vous voulez dire que Mélida ou Adrel a causé cela ? Devine Noti. Mais pourquoi dans ce cas ?

– Ça je n’arrive pas… A l’expliquer… Ce sera à vous de… chercher. N’oubliez jamais ce que je vous ai appris… »

Sur ces dernières paroles, son corps entier se noircit, puis se craquelle avant de se disperser sous forme de poussières qui se consument dans l’air.



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