Ainsi un groupe de mille mercenaires humains se dirigea vers la prison contenant Erinyanaé. Il avait pour mission de la ramener vivante, de chercher à la ménager le plus possible. Et aussi de semer le carnage sur leur route afin d’inciter Morgane à tenter de les intercepter. En effet la prison se trouvait sur les terres de ce proche d’Arthur. Et les mercenaires se laissaient aller à de sacrés débordements en matière de tuerie. Ce groupe de mille soldats détruisit cinq villages en moins de deux jours. Et il narguait ouvertement Morgane en laissant derrière eux des messages écrits remettant en cause sa valeur, stipulant qu’elle devrait laisser tomber les affaires politiques pour retourner donner du plaisir dans un lit comme elle savait si bien le faire.
Les mercenaires étaient conscients qu’ils poussaient le bouchon assez loin, mais ils reçurent une somme suffisamment importante pour qu’ils exécutent sans broncher les directives d’Hertio.
D’ailleurs ces rustres considéraient que les personnes de sexe féminin ne valaient pas grand-chose en tant que chef ou guerrier. Alors les mercenaires se rassuraient sur les conséquences de leurs actes. Même s’ils étaient d’accord que Morgane se mettrait en colère et déploierait de gros moyens pour les châtier ; les rustres jugeaient qu’ils étaient à l’abri d’une riposte cinglante avec comme adversaire principale Morgane.
Cette dernière pouvait certes compter sur des gens valeureux, mais pour les mercenaires tant qu’elle serait de sexe féminin, elle ne devrait pas élaborer de stratégies très intelligentes. Aussi les rustres manifestaient une confiance déplacée dans leurs chances d’échapper à une punition. Ils se dirigèrent d’un cœur léger vers la prison et l’objectif qui devraient leur rapporter cent lingots d’or. Ils s’attaquèrent heureux à un bâtiment d’enfermement contenant une cinquantaine de gardes elfes. Ils prirent d’assaut une structure en pierre grise composée de murailles percées de fenêtres et d’une tour grise en son centre.
L’assaut se passa relativement bien le courage du personnel de la prison ne faisait pas le poids face à la sorcellerie, et aux carreaux d’arbalète de l’ennemi. Les gardes se montrèrent globalement braves mais ils n’étaient pas assez nombreux pour tenir tête face à un assaut massif. Ils n’avaient pas l’effectif pour contenir une armée, leur nombre se révélait plus qu’insuffisant pour défendre les remparts. D’ailleurs même en matière de portée, bien qu’ils aient l’avantage de la hauteur, ils n’arrivaient pas à toucher l’ennemi avec des armes à distance, leurs arcs envoyaient bien moins des flèches que les arbalètes lourdes de leurs assaillants. Et il y avait un seul mage parmi eux contre une bonne centaine du côté adverse. Les gardes étaient des personnes valeureuses ayant un excellent potentiel guerrier, mais ils étaient confrontés à un péril beaucoup trop fort. Si leurs adversaires avaient opté pour leur corps-à-corps, ils auraient passé un très mauvais moment, ils auraient essuyé des pertes considérables. Mais ils choisirent une tactique peu risquée pour triompher.
Au lieu de mener une charge impétueuse, ils recouraient à des carreaux d’arbalète capables de toucher une cible se trouvant à dix minutes de marche, et ils invoquaient des boules de feu à trajectoire contrôlée, des sorts de flammes qui n’attaquaient pas selon une ligne droite, mais avec un effet incurvé capables de changer de trajectoire selon les désirs du jeteur de sorts. Par conséquent les remparts n’atténuaient pas le choc, se planquer derrière pour échapper à une boule de feu ne servaient pas à grand-chose.
Ainsi les mercenaires au prix de quelques morts parvinrent à pénétrer dans le cachot d’Erinyanaé. Ils agirent rapidement, ils se contentèrent d’endormir avec une poudre soporifique leur objectif sans lui expliquer leurs buts. Ils avaient pour instruction de ne rien révéler à leur cible. Ils prirent aussi la peine de prendre un peu de sang d’Erinyanaé, de le mélanger dans une fiole avec un liquide noir issu d’un rituel de magie noire, puis de réciter une série de formules magiques qu’ils ne comprenaient pas afin de créer un charme surnaturel. Ce faisant les rustres signèrent leur perte, ils alertèrent Morgane sur leur position géographique. Mais c’était justement le but recherché par Hertio, ce dernier espérait bien que les mercenaires entrent en contact avec son ancienne amante.
Par contre ils devaient affronter un problème de taille, ils n’étaient qu’environ mille contre une armée imposante. Morgane avait mobilisé tout ce qu’elle avait pu trouver pour châtier les gens qui osaient dénigrer son autorité. Chaque message écrit remettant en cause ses qualités de dirigeante, la plongeait dans un état de colère intense.
Alors elle était bien décidée à faire payer de manière très poussée les railleries de ses adversaires. Elle s’avérait motivée par le désir de venger les morts elfes, mais aussi par une envie prononcée d’exercer des représailles contre des misogynes qui contestaient les qualités intellectuelles des femmes.
Morgane affronta une bonne partie de sa vie des remarques blessantes à cause de sa nature, elle s’acharna avec énergie pour grimper les échelons politiques. Mais des dizaines de fois elle découvrit que des elfes masculins obtenaient le poste désiré, non pour des raisons liées à la compétence ou l’expérience, mais à cause de la discrimination. D’ailleurs même si Arthur avait tendance à réclamer chez ses sujets l’égalité entre les sexes, et à châtier les cas flagrants de misogynie, il restait encore beaucoup de travail à accomplir.
Les elfes offraient bien plus de possibilités que les humains d’ascension sociale pour les femmes désirant un poste élevé. Il n’existait plus dans leurs royaumes de loi interdisant de prétendre à un poste pour les gens de sexe féminin. Mais les préjugés s’avéraient tenaces dans la tête de certains.
Ainsi Morgane s’avérait très déterminée à offrir une mort douloureuse aux mercenaires qui osaient se moquer à son détriment. Elle comptait bien offrir aux rustres un sort peu enviable. Elle ordonna une charge furieuse pour s’emparer de la prison. Les chefs humains usèrent d’une stratégie peu honorable pour garantir leur fuite. Ils mentirent à leurs troupes en affirmant que des renforts viendraient les épauler d’ici quelques heures au plus tard. Pendant que leurs subordonnés se faisaient copieusement décimer, les chefs mercenaires passèrent par un passage secret et emmenèrent Erinyanaé vers leur commanditaire.
Les hommes tenant la prison même s’ils se comportaient souvent comme des pillards avides étaient déterminés à résister. Ils projetaient avec zèle des pierres, des carreaux d’arbalète et des boules de feu sur leurs adversaires. Ils savaient qu’ils essuieraient probablement des pertes mais ils étaient confiants sur leur victoire finale. Ils affrontaient une armée cinq fois plus nombreuse qu’eux, mais ils pensaient qu’il leur suffirait de tenir un peu pour l’emporter.
De son côté Morgane eut le droit à une mauvaise surprise, elle fut touchée au bras par un carreau imbibé par une sorte de liquide noir. Heureusement elle ne resta pas blessée longtemps, un sort de soin la remit rapidement sur pied, mais elle découvrit qu’une sorte de petite tache sombre apparut sur sa main droite. Elle menait ses troupes avec fierté, elle participait en première ligne aux combats pour massacrer les rustres. Puis elle stoppa brutalement le premier assaut. Morgane se rendit compte que les murailles de la prison compliquaient la donne, qu’elles obligeraient beaucoup de de ses subordonnés à mourir pour réaliser son objectif de vaincre. Alors elle chercha un moyen de l’emporter sans perdre trop de soldats. Elle se laissa aveugler par sa colère, mais elle finit par regagner son calme.
Elle se mit à réfléchir sur une stratégie, surtout qu’elle avait l’impression qu’un détail clochait. Elle trouva ce qui la turlupinait, les officiers manquaient sur les murailles. Soit ces derniers avaient adopté la même tenue que les bas gradés pour être moins faciles à viser, soit ils prirent la fuite par un passage secret.
Cependant Morgane pensa peut-être se tromper, il était possible selon elle que les chefs adverses soient en train de préparer un mauvais coup du type un sort redoutable en unissant leurs forces pour exploiter la puissance magique contenue dans la prison. C’était un secret assez connu que la forteresse était construite sur une ligne de pouvoir, un courant magique souterrain dont les propriétés s’avéraient dévastatrices quand elles étaient correctement exploitées. Aussi Morgane sonda les environs avec ses sens mystiques mais elle ne décela rien d’alarmant. Cela ajouté aux dires d’ennemis qui croyaient que leurs supérieurs hiérarchiques préparaient une surprise magique d’envergure, incitaient à penser qu’il y avait une belle entourloupe.
Alors Morgane en conclut que les chefs adverses devaient avoir choisi la fuite. Elle entama alors un discours à une distance respectable des murailles, mais quand même audible grâce à un sort d’amplification sonore.
Morgane : Mercenaires, vos officiers supérieurs se sont en allés, vous vous battez pour rien, vous avez été trahis.
Les mercenaires ne crurent pas dans un premier temps les paroles de Morgane. Mais ils eurent quand même un instant de doute, ils envoyèrent quelqu’un vérifier. Un volontaire s’immisça dans la pièce interdite, le lieu où les chefs humains étaient censés réciter la formule magique d’un enchantement puissant, mais il n’y avait personne de gradé. Ainsi les mercenaires finirent par perdre rapidement leur courage, quand ils réalisèrent qu’ils furent abandonnés par leurs chefs. Ils opposèrent une résistance beaucoup plus molle à cause de leur désarroi. Par conséquent au lieu de tenir des heures, ils se firent débordés en moins de dix minutes par les elfes. Cependant Morgane n’était pas une personne qui pardonnait les atteintes contre les elfes, surtout quand il s’agissait d’outrages liés à des motifs vils comme le besoin de piller.
Ainsi elle ordonna une sanction exemplaire contre tous les adversaires capturés. Ceux-ci eurent le droit à l’écartèlement, leurs membres furent tirés par des chevaux, jusqu’à être séparés complètement de leurs corps.
Morgane si elle avait été soucieuse des traditions et des usages de son peuple, aurait permis aux prisonniers d’avoir un procès. Même si elle avait le droit de décider du sort d’ennemis attrapés par son armée dans le cadre d’une guerre, les coutumes voulaient que les captifs bénéficient d’un jugement même quand ils étaient coupables de crimes atroces. Cependant Morgane devint une partisane convaincue de la guerre sans pitié.
Elle voyait comme une belle bêtise les comportements chevaleresques. Elle admettait que le courage et le fait que les officiers s’exposent au danger pouvaient rendre service au moral des troupes. Mais Morgane considérait aussi qu’il fallait se montrer sans pitié avec les ennemis des elfes. D’abord cela créait des motifs de crainte chez les adversaires, et ensuite elle voyait le fait d’agir de façon marquée comme un moyen de faire taire les personnes qui affirmaient que les femmes étaient sensibles, ne s’avéraient pas capables d’agir avec violence quand la situation l’exigeait.
Morgane voulait terroriser les ennemis de son peuple, et aussi prouver qu’elle pouvait diriger avec une grande fermeté. Certes elle n’était pas une partisane des massacres, mais elle jugeait nécessaire de s’appuyer sur des mesures mémorables afin de juguler avec efficacité les menaces pesant sur son pays.
Arthur trouva quand même en partie excessifs les agissements de son amie. Il comprenait le recours à la peine de mort contre des ennemis coupables de crimes majeurs. Mais il n’était pas un partisan de la torture pour les exécutions publiques.
Arthur : Morgane tu aurais dû te contenter de la pendaison contre les mercenaires humains.
Morgane : Je dois inspirer la crainte autant que l’amour chez mes sujets.
Arthur : Tu exagères quand même, la pendaison aurait largement suffi.
Morgane : Je ne suis pas assez respectée pour me permettre d’agir avec modération.
Arthur : Je comprends tes motifs, mais la torture est une arme à réserver plutôt dans un cadre secret.
Morgane : J’ai besoin d’être impressionnante, surtout si je deviens un jour haute-reine, avec les millions de misogynes qui existent.
Arthur : Tu trouveras plus facilement la paix intérieure, si tu laisses moins tes soucis te dominer.
Morgane : Je sais que je suis tourmentée, mais j’ai de quoi, malgré des efforts continuels pour prouver ma valeur des milliers d’elfes continuent à me dénigrer par derrière.
Arthur attendri par la détresse de Morgane ne résista pas à l’envie de la prendre dans ses bras. Tous deux restèrent quelques minutes enlacés, et oublièrent un petit instant leurs soucis politiques. Puis le vampire se mit à réfléchir sur un moyen de calmer les tourments de son amie. Il se tâta pour établir des lois incitant à l’égalité entre les elfes quelque soit leur sexe par de l’enfermement pour les fautifs. Puis il se dit que plutôt que d’essayer d’imposer le respect mutuel par des textes législatifs, il serait plus noble d’agir sur le terrain de l’éducation que celui de l’obligation. Il pensa que la véritable égalité ne pouvait pas être imposée par la loi. Il existait tellement de façon de contourner les règles, qu’espérer combattre la misogynie de façon efficace grâce à des procès relevait de l’utopie. Pire cette manière d’agir pouvait renforcer d’une certaine manière les préjugés, endurcir certains cœurs. Imposer des punitions rudes au nom d’une vertu sévère passait souvent pour de la tyrannie.
Alors Arthur décida de s’abstenir d’agir au moyen de la répression pour favoriser les femmes. Il renonça à son projet d’imposer de la prison ferme pour ses sujets dénigrant en fonction du sexe. Il préférait changer lentement les esprits en organisant des débats, et en finançant discrètement les mouvements d’émancipation de la femme. Il respectait les mères et les épouses travailleuses, il voyait en elles des exemples à suivre, des personnes témoignant un courage digne des plus grands guerriers. Mais il n’était pas convaincu par le bien-fondé d’une répression sévère contre les misogynes.
Le vampire estimait que pour changer un préjugé profondément ancré, il était nécessaire de privilégier la douceur à la dureté. Même s’il comprenait la détresse des nombreuses femmes victimes d’abus de la part d’hommes, il jugeait plus efficace de choisir une voie modérée à la place d’agissements répressifs poussés.
Arthur se croyait en sécurité mais un sombre danger planait sur lui. Hertio finissait les préparatifs d’une menace majeure. Il reçut Erinyanaé dans un bâtiment secret, il vint masqué mais il savait qu’il serait vite reconnu par son interlocutrice à cause de son aura, et des sens mystiques de l’ex prisonnière. Ce n’était pas grave, bientôt il ferait planer un grand danger sur ses ennemis. Il se situait dans un endroit en apparence délabré, une tour de pierre grise de trois étages qui paraissait sur le point de s’effondrer, mais il était dans un lieu propice pour jeter des malédictions.