Le changement de roi à Absolia apporta un répit aux elfes mais ce n’était pas suffisant pour garantir la tranquillité des royaumes elfiques. En effet dans certains pays les elfes dégustaient franchement. Ils faisaient l’objet d’une discrimination impitoyable, étaient moins que des citoyens de seconde zone. Ceux installés dans les communautés gérées par des humains, n’avaient généralement pas les mêmes droits politiques et économiques que les hommes. Ils devaient souvent payer des impôts spéciaux, qui facilitaient les situations de pauvreté. De plus les rares elfes qui réussissaient dans les pays dominés par l’humanité, subissaient des railleries pitoyables et d’autres attaques mesquines.
Chaque année des dizaines d’elfes riches perdaient tout leur argent et leurs biens, parce que des hommes s’accaparaient leur patrimoine au nom de prétextes douteux. Gare à l’elfe qui osait contester le vol dont il était victime, car dans plus de quatre cas sur cinq le tribunal présidé par des humains donnait raison au voleur, tout en infligeant à la victime et à sa famille une lourde peine de prison.
Pour faire simple les elfes qui se mélangeaient à l’humanité regrettaient souvent leur choix. Pour arranger les choses les hommes lorgnaient de plus en plus les pays dirigés par les elfes. Quelques voix parmi les humains incitaient à laisser en paix les elfes, mais elles étaient décriées la majorité du temps. Arthur réunit ses conseillers dans la tente des complots, afin de discuter d’une tactique pour s’occuper des problèmes inquiétants posés par les hommes. Il considérait d’un œil de plus en plus critique les humains, il commençait à développer une véritable honte sur sa race d’origine.
Arthur : Les humains entreront inévitablement en guerre dans le futur contre les elfes. Pour protéger efficacement les royaumes elfiques j’ai besoin de vos conseils.
Lancelot : Je connais un moyen de rallier les nains à la cause des elfes, je peux apporter la preuve que les humains traficotent avec des démons.
Arthur : C’est bien Lancelot, mais cela peut s’avérer insuffisant, il me faudrait autre chose.
Merlin : Je travaille actuellement sur un sort qui aura des effets dévastateurs sur les humains. Je l’ai baptisé le vol de vie, néanmoins il ne sera pas opérationnel avant un an.
Arthur : Le problème Merlin est que d’ici six mois il se peut que certains dirigeants humains s’attaquent aux elfes.
Morgane : On pourrait renforcer les rangs des armées elfiques avec des hobbits.
Arthur : Ton idée est intéressante Morgane, mais je n’ai pas assez d’autorité pour garantir la concrétisation de ta suggestion.
Morgane : Ne vous en faites pas seigneur Arthur, moi et mes courtisans nous vous faciliterons la tâche.
Arthur : Entendu je vais plaider devant le Haut-Parlement elfique, l’intégration militaire des hobbits.
Arthur était plein d’enthousiasme, mais un obstacle majeur se dressa sur sa route, le roi elfe Hertio. En effet pour le souverain les hobbits rimaient avec horreur absolue, s’il en avait la possibilité, il s’arrangerait pour les mettre tous à mort. Les hobbits étaient des êtres à l’apparence humaine mais possédant des oreilles pointues, et des taches bleues sur les bras et les jambes, ils mesuraient rarement plus d’un mètre vingt. Ils étaient dans l’incapacité de voir une barbe ou une moustache pousser sur leur visage.
Hertio leur menait la vie dure, il s’arrangeait pour que ceux présents dans son royaume soient rejetés, et soumis à une vie la plus rude possible. Il n’avait pas de grief personnel contre eux, juste une éducation l’incitant à se montrer très raciste avec les non elfes. Pourtant les hobbits pouvaient rendre de nombreux services grâce à leur grand savoir-faire technologique, par exemple en fabriquant des machines de guerre.
Arthur aurait apprécié de ne pas soutenir une embauche massive de hobbits. Mais soit il recourait à cette solution, soit il aurait peut-être fallu que des enfants elfes combattent. Ce que le vampire considérait comme une mesure révoltante. De plus des victimes adultes en grand nombre chez les elfes c’était déjà de la mauvaise publicité pour lui, alors des enfants ce serait encore pire comme conséquence négative.
D’accord Arthur admettait que les hobbits pouvaient dans quelques cas présenter un danger, espionner pour leur compte ou celui d’autres personnes afin de voler des secrets magiques aux mains des elfes. Mais le fort voyait aussi comme une bonne chose son projet. Il pensait que même si les hobbits subissaient la présence d’une petite taille comparé aux elfes, gênant l’emploi d’un équipement militaire standard tel que des arcs, ils étaient capables de contribuer efficacement à la victoire.
Surtout que le vol cela marchait dans plusieurs sens, l’appropriation du savoir de certains ingénieurs hobbits au profit des elfes, serait nettement plus facile à organiser dans le cadre d’une politique d’accueil en apparence bienveillante.
Arthur n’agissait pas par pure charité, il convoitait les arcanes de machines de guerre sophistiquées, notamment le canon à répétition ; une arme à feu pouvant tirer deux ou trois coups d’affilée sans avoir besoin de recharger, et qui ne menaçait pas d’exploser fréquemment. Pour l’instant les essais des elfes pour créer des canons se révélaient calamiteux, souvent le canon s’auto-détruisait et emportait au passage des alliés. D’ailleurs même avec un fer d’excellente qualité à la base, ils n’arrivaient à créer généralement que des canons médiocres. Il existait un proverbe populaire disant que si on voulait tuer un maximum d’elfes, il fallait leur donner des canons.
Il se trouvait aussi un problème en matière de formation des équipes d’artilleurs, les elfes pensaient fréquemment que ce métier s’accompagnait presque automatiquement sur le long terme de l’handicap de la surdité totale. Donc les volontaires ne se bousculaient pas pour apprendre l’art de manier un canon. Ainsi il y avait par moment un tel manque d’effectifs pour manœuvrer de grosses armes à feu, que ces outils de mort ne pouvaient être utilisées sur le champ de bataille par manque de personnel formé.
Arthur espérait vaincre en partie les réticences des elfes en augmentant les succès militaires de l’artillerie et la qualité des canons. Et pour cela les hobbits étaient des pions essentiels à la réalisation de ce plan.
Arthur : Personnellement, je pense que les elfes possèdent quelque chose de particulier, qui les rendent supérieurs aux autres races. Toutefois je suis pour l’intégration d’un maximum de hobbits car ils pourront nous apporter beaucoup.
Hertio : Votre naïveté est touchante, mais elle ne change pas le passé, les hobbits ont souvent appuyé la cause des humains. Ils ont participé à des dizaines de guerres du côté des hommes, et leurs dernières félonies sont récentes, datent de moins de cinq ans.
Arthur : Vous oubliez que des hobbits héroïques n’ont pas hésité à donner leur vie pour que certains de vos prédécesseurs puissent régner, votre majesté. Les monuments commémoratifs de votre pays contiennent des centaines de noms de hobbits.
Hertio : Les hobbits héroïques sont une rareté, tandis que ceux hostiles à l’égard des elfes sont très nombreux.
Arthur : Le nombre de hobbits favorables aux humains est en nette diminution depuis plusieurs décennies. De plus si nous acceptons des hobbits, nous pourrons augmenter de plus de vingt pour cent les effectifs des armées des royaumes elfiques, c’est un avantage considérable.
Hertio : Il n’empêche que les hobbits ont la traîtrise dans le sang, leur côté sournois les pousse naturellement à la félonie.
Arthur : Ce qui fait que l’on peut faire confiance à quelqu’un n’est pas son origine ou le sang qu’il possède, mais ses actes. Si les hobbits prouvent qu’ils sont dignes de confiance par des témoignages de bonne foi, j’approuve l’idée que les elfes les aident.
Hertio : Vous proposez aux elfes de jouer à un jeu très dangereux, beaucoup de hobbits sont liés financièrement ou sentimentalement à des humains. Par conséquent ils ont une inclinaison naturelle à faire le jeu des hommes.
Arthur : Refuser d’accueillir les hobbits, serait un acte qui pourrait signifier la fin des nations elfiques. Les royaumes elfes ont failli disparaître à cause de la seule force des humains, si nous rejetons les hobbits nous aurons de nouveaux ennemis.
Hertio : Donc seigneur Arthur vous admettez que les hobbits représentent un danger.
Arthur : Les hobbits disposent de capacités intéressantes. Pour éviter des ennuis, faire d’eux des alliés est judicieux.
Hertio : L’argent des hommes transforme facilement en espions et traîtres les hobbits.
Arthur : Nous pouvons offrir l’égalité, la fraternité et la liberté aux hobbits, il s’agit de choses extrêmement précieuses.
Hertio : Vos beaux idéaux vous font oublier la prudence.
Arthur : Pas du tout car les hobbits subiront une procédure stricte avant d’être intégrés dans les armées elfiques, ou autorisés à séjourner dans les royaumes elfes. Ainsi les hobbits immigrants devront prêter un serment d’allégeance envers la communauté elfique qui sert de lieu d’accueil. Tout immigrant hobbit de plus de dix ans sera obligé d’endurer un interrogatoire de trois jours. Les hobbits qui s’engageront dans les armées elfiques ne pourront obtenir le statut d’officier, que s’ils participent à trois batailles en tant que soldats en première ligne.
Hertio : Ce que vous proposez est loin d’être suffisant pour assurer la sécurité des elfes.
Arthur : Refuser d’aider quelqu’un dans le besoin alors qu’on a les moyens de donner un coup de pouce avec comme motif la peur et le rejet de la différence, c’est se rabaisser au niveau des humains les plus ignobles.
Une heure après le débat auquel venait de participer Arthur, son lieutenant Morgane l’interrogea dans la tente des complots.
Morgane : Alors quel est le résultat du vote des hauts-parlementaires ?
Arthur : 51 % de pour et 49 de contre, des milliers de hobbits vont combattre pour les royaumes elfiques.
Morgane : Votre discours sur le fait que le sang ou les origines ne comptaient pas pour faire confiance à quelqu’un m’a surprise. Je croyais que vous pensiez que l’hérédité jouait un rôle dans le comportement des gens.
Arthur : En fait je pense que des parents ignobles auront des chances non négligeables d’avoir des enfants mauvais. Mais comme les royaumes elfiques ont un besoin urgent de soldats, j’ai mis de côté mes opinions.
Morgane : Seigneur Arthur je crois que vous avez un jugement erroné sur l’hérédité, des parents méchants peuvent avoir des fils très gentils.
Arthur : Nous débattrons plus tard, j’ai du travail urgent qui m’attend.
Les elfes, même avec l’aide des hobbits risquaient fort d’être balayés tôt ou tard par les humains. C’est pourquoi Arthur et ses compagnons recherchèrent de l’’aide auprès des nains, nouer une alliance avec eux s’annonçait compliqué. Les nains désapprouvaient les actes orgueilleux des hommes, qui vantaient la «supériorité» de la race humaine. Néanmoins des liens commerciaux forts unissaient les nains aux hommes. Physiquement les nains ressemblaient beaucoup aux humains, mais ils étaient nettement plus forts. Leur taille atteignait difficilement un mètre quarante pour ceux de sexe masculin, et ils étaient plus trapus que des hommes. Ils étaient des experts dans l’art de forger des outils en métal et des armes de toute sorte.
Ils jouaient d’ailleurs un rôle prépondérant dans la distribution des outils de mort magiques. Ils pourraient fournir chaque année aux elfes des centaines d’armes mystiques, s’ils rompaient leurs relations commerciales avec leurs clients humains. C’était pourquoi Arthur le fort décida de mettre les bouchées doubles pour s’adjoindre la coopération des nains.
Il dépêcha des dizaines d’ambassadeurs auprès d’eux. Il fomenta des complots pour discréditer des nains influents et racistes à l’égard des elfes. Ainsi certaines personnes se retrouvèrent accusées de relations sexuelles déviantes, du genre coucher avec de jeunes enfants. Arthur embauchait de temps à autre des garçons et des filles très jeunes dans le but de causer des scandales à l’égard d’ennemis.
Le fort convainquit le haut-roi des elfes de témoigner des largesses à l’égard des marchands nains, afin de resserrer des liens, et de voler le maximum d’opportunités commerciales aux hommes. Arthur voyait les nains comme des alliés indispensables.
Certes les partenaires nains fabriquaient souvent des armes surnaturelles de moins bonne qualité que les elfes ; toutefois leur production s’avérait très supérieure en quantité. En outre en matière de prix, ils étaient nettement plus raisonnables, une épée lanceuse de boule de feu produite par des nains pouvait coûter dix fois moins chère qu’une lame elfique ayant des propriétés semblables. En ce moment Arthur était dans le palais principal du haut-roi des elfes, un édifice remarquable, bien que le bâtiment soit presque entièrement en bois de chêne, il culminait à plus de cent mètres de haut. Et il disposait de dizaines de tours fines et élancées plus solides que les plus imposants édifices construits par des humains. La magie imprégnait de façon importante le palais.
Arthur de son côté était fébrile, il chargea Lancelot de trouver de solides entraves et une cage afin de transporter un colis spécial, qui pourrait avoir un avenir déterminant pour les relations entre nains et elfes.