De son côté Morgane demanda des précisions à Arthur afin d’éclaircir deux à trois points par l’intermédiaire d’une communication au moyen de boule de cristal, elle parlait depuis sa chambre.
Morgane : Même si Intègre peut nourrir des doutes sur certains personnages, je ne suis pas sure qu’il aille jusqu’à incriminer son roi.
Arthur : C’est possible mais le juge a assez avancé sur mon échiquier pour concrétiser la phase finale de mon plan.
Morgane : C’est-à-dire ?
Arthur : Intègre va bientôt mourir, et grâce aux lettres d’amour qu’il t’a adressé, j’ai suffisamment d’éléments pour constituer un journal intime qui laisse croire qu’il nourrit de graves soupçons sur le roi Louis. Mes faussaires en matière d’écriture ont presque terminé un document dérangeant sur le souverain. Et même un expert en matière d’analyse des mots ne devrait pas discerner le vrai du faux.
Morgane : Intègre espère aussi provoquer la chute du prince Roland. Il réunit des preuves pour ternir sa réputation.
Arthur : Enfer ! Je vais alors hâter mes plans, je ne vais pas laisser un allié très utile pour les elfes perdre en crédibilité.
Deux jours plus tard le juge mourut de manière suspecte dans sa maison. L’assassin fit semblant de laisser une preuve gênante pour la royauté du pays d’Absolia, un fragment de lame fait dans un métal normalement seulement accessible pour les gardes royaux, du mithril. Hormis le roi Louis et ses gardes, la possession de mithril était formellement interdite à Absolia pour d’autres personnes.
Son trépas faillit être suivi d’une exécution dans les rangs des subordonnés d’Arthur. En effet Morgane fut à deux doigts de s’enfuir avec le juge, néanmoins elle n’osa pas à la dernière minute franchir le pas de la trahison. Elle avait beau être amoureuse, elle craignait trop la répression du vampire pour oser aller jusqu’au bout de ses convictions sentimentales. Elle alla finalement jusqu’au bout de ses ordres, et remit un faux journal intime dont l’auteur semblait être Intègre près de la maison d’opposants célèbres au régime royal.
Arthur ne comptait pas rester inactif après avoir organisé la mort d’Intègre. Il comptait alourdir les soupçons sur le roi Louis afin d’accroître les chances de destitution du souverain. Il eut une nouvelle entrevue avec Morgane la séductrice dans la tente des complots afin de la charger d’une nouvelle mission.
Arthur : Morgane je souhaite que tu te rendes au palais principal de Louis afin de glisser dans sa bibliothèque, un livre d’un genre particulier.
Morgane : Vous voulez que je joue les cambrioleuses ?
Arthur : Non je ne doute pas de tes talents pour mener une effraction, mais un palais c’est lourdement gardé, et j’ai un bon plan pour te faire entrer par la porte principale.
Morgane : Je vais donc assumer une nouvelle identité ?
Arthur : En effet tu joueras d’abord le rôle d’une courtisane rencontrée par le prince Roland. Tu profiteras de ton accès privilégié pour gagner la bibliothèque du roi afin d’y glisser un livre de magie de domination mentale. Si tu fais une partie de galipettes, il faudra agir rapidement, la mission passe avant tout.
Morgane : Les femmes érudites sont pourchassées par les autorités, je risque de détonner dans une bibliothèque. Même si la loi de ce pays interdit formellement l’usage de pouvoirs pour contrôler l’esprit.
Arthur : Oui mais elles sont employées pour nettoyer dans le palais.
Morgane : Cela ne paraîtra pas suspect que j’agisse de nuit ?
Arthur : Non le palais bénéficie d’un éclairage surnaturel, les serviteurs y voient assez pour faire la poussière sans problème, le jour comme la nuit.
Morgane : Et pour les alarmes mystiques et d’autres dispositifs ?
Arthur : Merlin s’occupera de t’appuyer.
Le palais de Louis respirait l’opulence, c’était une demeure avec un faste impressionnant, et presque de mauvais goût. Alors que le peuple de la capitale peinait souvent pour manger à sa faim, des taxes plutôt lourdes furent levées afin de financer la construction de certaines ailes de la demeure royale. Le monarque n’avait pas eu peur de contribuer à affamer certaines personnes pauvres dans le seul but de pouvoir jouer le snob auprès des nobles de sa nation. Cependant il alla tellement loin dans les dépenses, qu’il était impératif de récolter du butin par l’intermédiaire de la guerre.
Si le souverain ne trouvait pas rapidement de nouveaux fonds en organisant des pillages, il serait contraint de déclarer la banqueroute de l’état, ou bien de se séparer de certaines demeures et de beaucoup de biens précieux. Or Louis préférait nettement causer la mort de milliers de gens plutôt que d’abaisser ses exigences en matière de faste. Alors il étudiait activement un projet de guerre contre les elfes. Il ignorait qu’il alimentait ainsi la contestation, et les feux de la révolte. Arthur essayait de renverser le souverain, mais il profitait aussi de circonstances favorables dans ses tentatives de destitution. Il n’était pas responsable des morts tués au nom du panache, des décès causés par la recherche du prestige royal.
La première phase du plan se déroula sans trop d’accroc. En effet Morgane fut escortée par le prince Roland dans la chambre de ce dernier. Cependant le plus dur restait à faire, la séductrice changea son apparence par magie, et enfila des vêtements de servante. Elle troqua sa tenue de riche notable pour une robe usée de couleur grise. Toutefois elle devait encore parvenir à placer le fameux livre incriminant sans se faire remarquer, sans attirer sur elle une attention défavorable.
L’ouvrage littéraire subissait un sort d’invisibilité temporaire, il se désactiverait au bout d’une heure. Morgane connaissait par cœur un plan du palais, et elle disposait d’un excellent sens de l’orientation, aussi elle parvint à s’approcher sans trop de problème de la bibliothèque. Cependant elle rencontra un imprévu en cours de route, un garde royal était d’avis de la peloter au niveau des fesses. Elle n’était pas de très bonne humeur à cause du chagrin de la mort d’Intègre, et elle répugnait à laisser un humain la toucher. Alors elle était assez tentée de donner une gifle magistrale au cuistre répugnant.
Néanmoins si elle faisait échouer la mission pour une affaire d’amour-propre, elle craignait de subir une sacrée punition. Finalement elle laissa le garde la tâter tout en affichant un sourire cordial. Même si une partie d’elle-même ressentait le besoin de planter un couteau dans la gorge de l’importun.
Après cet incident elle se dirigea vers un endroit de la bibliothèque souvent consulté par le roi, une étagère remplie de grimoires. Louis s’intéressait à la sorcellerie. La magie noire n’était pas combattue dans son royaume quand les victimes n’étaient pas humaines.
Cependant Morgane hésita vivement avant de placer le livre qu’elle tenait. Elle sentait que des alarmes magiques étaient toujours en place. Elle attendit trente secondes, et elle ne décela toujours pas de changement positif. Si elle restait trop longtemps au même endroit, elle attirerait immanquablement l’attention sur elle, mais elle devait aussi remplir sa mission. Elle ne savait pas quel comportement adopter.
De son côté Merlin le haut-mage essayait du mieux qu’il le pouvait de supplanter les défenses mystiques du palais sans se faire remarquer, mais il souffrait d’un handicap mental. Il avait du mal à jeter des sorts à cause des cris qu’il entendait, il découvrit que des pigeons nichaient près de lui. En outre les tentatives d’user de magie réveillèrent les oiseaux, incitèrent les volatiles à se poser près de Merlin, ce qui accrut le désarroi du haut-mage. Arthur qui observait ses acolytes par l’intermédiaire d’une boule de cristal enchantée, demanda des comptes.