La loi Torquémada imposait des restrictions sévères aux mages puissants lors d’une guerre. Passé un certain niveau de potentiel il était strictement interdit pour un elfe ou un vampire de jeter des sorts offensifs lors d’une bataille, sauf pour défendre sa vie.
Arthur le fort eut une envie importante de mettre son poing dans la figure de Merlin, même s’il savait son interlocuteur très loin. Après une nouvelle heure de marche, les choses furent encore pires que ne le prévit Arthur. En effet il ne restait qu’un dixième des soldats de l’armée de Lancelot, les troupes s’étaient livrées à un massacre terrible, plus de dix mille elfes s’entretuèrent. La bonne nouvelle venait du fait que les inutiles et handicapants laquais d’Hertio ne gênaient plus avec leurs initiatives idiotes et leurs caprices les efforts des officiers compétents.
La mauvaise était que les ressources en eau, nourriture et magie baissèrent considérablement, durant le massacre les réserves alimentaires avaient beaucoup souffert, et il ne restait plus qu’un seul mage elfe vivant. Le fort se disait qu’abandonner, ce serait préserver la vie des derniers survivants, qu’il était de son devoir de limiter le gâchis de vies. Il allait proposer un vote qui déterminerait si on retournait à la surface, quand les skavens surgirent.
Maintenant que leurs ennemis étaient très affaiblis, les skavens avaient l’intention de s’en donner à cœur joie, ils pensaient que la mise à mort des elfes serait une partie de plaisir. Ils eurent tort, leurs adversaires se défendirent de manière héroïque. En outre les hommes-rats ne pouvaient plus compter sur l’appui de leurs sorciers. Ils étaient soit morts, soit complètement dans les vapes. Les skavens furent un moment décontenancés par la résistance des elfes, certains fuirent même, mais leur surnombre jouait de plus en plus en leur faveur. Chaque soldat de Lancelot emportait dans la mort cinquante à cent hommes-rats, mais les elfes étaient comme des fauves qui affrontaient des nuées de milliers de rats.
Arthur le fort ressentit de la fureur, quand il réalisa que les elfes n’avaient quasiment plus aucune chance de s’en tirer vivants. Le fort connut une transformation physique encore plus spectaculaire que lors de son affrontement contre le dragon Véruza. Il se mit à mesurer six mètres, développa une musculature hypertrophiée, et surtout des capacités physiques hors normes. En effet chaque cri d’Arthur provoquait des traumatismes chez les skavens près de lui, chacun de ses pas générait des tremblements de terre, dès qu’il frappait il réduisait en bouillie cinq à dix hommes-rats. Les chefs skavens ne se découragèrent pas et envoyèrent les terribles rats-mastodontes pour tuer Arthur le vampire.
Toutefois le fort ne fit dans un premier temps qu’une bouchée des gigantesques créatures qu’il affronta. Bien que les rats-mastodontes bénéficient d’une force et d’une taille supérieure à celle d’un éléphant, qu’ils pouvaient soulever plusieurs tonnes sans problème, qu’ils étaient réputés pour faucher les vies humaines et elfes avec une facilité déconcertante, qu’ils faisaient preuve d’une férocité qui décontenançaient les plus blasés ; il suffit qu’Arthur distribue des coups pour engendrer un carnage chez les rats-mastodontes.
Certaines des immenses créatures se caractérisaient par des mutations franchement efficaces au combat comme du poison corrosif comme de l’acide, six à huit pattes munies de griffes qui tranchaient avec facilité l’acier, une queue capable de défoncer en un coup un mur de briques.
Cependant Arthur ne semblait pas craindre grand-chose des rats-mastodontes, il était enveloppé d’une aura protectrice qui le préservait de nombre d’attaques physiques. En outre chacun de ses coups signifiait des morts. Il affrontait des ennemis massifs et redoutés, mais il semait l’effroi chez les skavens.
Pourtant les dresseurs des créatures gigantesques restèrent fidèles au poste, par cupidité, volonté d’intégrer le fort dans des expériences. Ils s’imaginaient ainsi arriver à disposer d’une arme vivante très profitable pour leur prestige et leurs affaires. Arthur comprenait qu’en choisissant de s’acharner sur la masse invraisemblable d’ennemis, il serait tôt ou tard submergé. Alors il se mit à provoquer une série d’éboulements en frappant les murs, il agit si bien qu’il chuta de plusieurs dizaines de niveaux souterrains, et qu’il atterrit dans la cité des skavens.
La ville que vit Arthur respirait une opulence honteuse en haut, et une misère ahurissante en bas, les quartiers riches qui se rapprochaient de la surface rappelaient les manoirs construits par les humains les plus snobs, il existait un style dominant la colonne de marbre. Les demeures de skavens fortunés se caractérisaient par une hauteur rivalisant avec un temple, et la présence de nombreuses colonnes de marbre. Par contre les masures des pauvres étaient sordides, Arthur avait l’impression qu’il suffirait d’un rien, d’un vent puissant pour qu’elles s’effondrent. D’ailleurs les masures étaient faites surtout avec du bois de récupération, des branches moisies, et des planches de mauvaise qualité qui suintaient l’humidité. Mais Arthur avait d’autres motifs que la lutte sociale qui occupait son esprit, il voulait enterrer ses adversaires skavens.
Sûr de sa victoire, le fort s’approcha des principaux piliers de la ville des hommes-rats et commença à les détruire méthodiquement. Cependant rien n’était gagné, car il restait un adversaire de taille à affronter, le ratcrate une sorte de souverain skaven qui était gras, et avait du mal à simplement marcher, mais disposant d’une collection impressionnante d’objets magiques puissants. Il réussit à l’aide de ses artefacts à mettre au pas des démons redoutables. Il ordonna à sa garde rapprochée de le laisser affronter seul Arthur, mais il était quand même un minimum précautionneux, il attaquait par derrière, en essayant de ne pas se faire remarquer.
Le ratcrate prit l’initiative, il attaqua avec sa chope à vin qui donnait des sensations d’ivresse très fortes même aux gros buveurs, sa première tentative fut sans effet. Arthur le fort résista sans problème aux effets de la chope. Par contre de nombreux skavens se mirent à tituber, vomir et ronfler bruyamment. De plus le ratcrate avait attiré l’attention du fort, il ne bénéficiait plus de l’effet de surprise.
Cependant il en fallait plus pour décourager le souverain, il avait encore une pléthore d’artefacts surnaturels qui pouvait le protéger. Il utilisa des lunettes de vue aveuglantes, pour projeter un rayon qui provoquait la cécité. Arthur le vampire esquiva le rayon, en outre le ratcrate qui maîtrisait plutôt mal ses lunettes priva de la vue beaucoup d’hommes-rats. La panique commençait à s’emparer du souverain, il imaginait que ce serait facile de l’emporter grâce à ses objets magiques. Pourtant il avait échoué déjà deux fois dans ses tentatives pour neutraliser son adversaire. Il pensait qu’il serait porté en triomphe, mais pour l’instant tout ce qu’il récoltait, c’était une belle peur.
Puis le ratcrate se calma, il n’avait pas encore joué ses meilleurs atouts, comme par exemple sa hache de jet, une arme capable de transpercer les armures en adamantium, et de toucher un adversaire présent sur un autre continent quand elle était lancée. Le fort esquiva facilement la hache et il fondit sur le souverain qui n’eut que le temps d’activer son bracelet de puissance, mais cela fut suffisant pour renverser la situation.
Le ratcrate grâce à son bracelet devint un combattant hors pair, les coups d’Arthur le chatouillaient à peine, tandis qu’avec des pichenettes le souverain arrivait à faire très mal au fort. Après vingt secondes de combat le vampire n’en put plus, il s’affaissa par terre, avant de s’écrouler il murmura le mot retour. Le ratcrate qui trépignait de joie, ne vit pas sa hache qui revenait vers lui, elle s’enfonça dans son dos, et le tua.
Arthur profitant de la mort du souverain, s’approcha péniblement de lui, et but de son sang. Ce geste lui rendit des forces, mais il eut aussi des conséquences néfastes. Le sang particulièrement délicieux du ratcrate incitait le fort à se mettre en quête du fluide vital d’autres skavens, à négliger sa mission pour s’adonner à des actes de succion. Il ressentait une envie proche de l’irrésistible de boire du sang, et il était dans un état qui rappelait celui d’un ivrogne alcoolique qui découvrait un vin délicieux. D’habitude les vampires dédaignent le sang de skavens, mais le fort tomba sur un fluide vital modifié par magie, qui le plongea dans une situation de dépendance après quelques gorgées.
Arthur était presque prêt à oublier son objectif militaire, quand il se rappela les corps de camarades morts au cours de la mission, alors il eut une honte mémorable de lui, et il reprit son avancée dans le but de détruire le dernier pilier majeur de soutien de la ville skaven, ce qui provoqua un effondrement de la cité.
Le fort s’en tira car il utilisa un sort pour voyager dans la terre. Le général Lancelot aurait voulu participer à l’assaut, mais le roi Hertio disait qu’un officier haut gradé devait faire le maximum pour rester en vie.
Alors Lancelot était resté dans une tente, bien à l’abri du conflit, bien que cela ne lui plaise pas de laisser ses subordonnés exposer leur vie sans être à leurs côtés. Sa joie de revoir Arthur fut éclipsée par l’air misérable que le vampire arborait.
Lancelot : Commandant Arthur tu es dans un triste état. Comment s’est passé l’assaut contre le village des hommes-rats ?
Arthur : Nous avons gagné mais au prix de pertes immenses, quatre-vingt-quinze pour cent des soldats de votre armée sont décédés.
Lancelot : Pourquoi avons-nous eu tant de morts ?
Arthur : Il y avait des centaines de pièges dans les souterrains, de plus la panique a fini par submerger une partie des soldats. Enfin ce n’est pas un village que nous avons attaqué, mais une ville avec de nombreux combattants.
Lancelot : Quand tu te seras reposé, viens avec moi, nous ferons un rapport à sa majesté, le roi Hertio.
Le roi Hertio n’avait pas fait grand-chose d’intéressant, pendant qu’Arthur et ses camarades se battaient. En effet le monarque après avoir distribué quelques ordres de bataille, décida de s’amuser en organisant un banquet, en se servant du budget alloué à l’armée du général Lancelot qui désapprouva cette initiative, mais le souverain ignora superbement ses conseils. Vu les goûts alimentaires luxueux d’Hertio et de ses convives, il vaudrait mieux que le prochain hiver ne soit pas trop rude, car sinon les soldats de l’armée de Lancelot risquaient de grelotter, à cause de problème de trésorerie pour acheter des couvertures de qualité.
Hertio était occupé à passer du bon temps à manger dans une grande tente remplie d’assez d’aliments pour nourrir pendant une semaine les habitants d’un petit village. Ce gaspillage souleva le cœur d’Arthur et de Lancelot quand ils entrèrent tous les deux dans la tente des invités d’honneur, un endroit réservé habituellement aux hôtes de marque.
Ce lieu rivalisait en faste avec le contenu d’une chambre de luxe pour aristocrates snobs. Il avait été enchanté pour produire de la fraîcheur en été et de la chaleur en automne, mais surtout il y avait un lit avec des draps en soie, et de somptueux motifs cousus avec du fil de bronze pour agrémenter la vue de celui qui l’occupait. En outre l’endroit contenait des représentations stylisées de loups et de chevaux sur le tissu épais de la tente. Cela n’empêcha pas Hertio de pester contre ce qu’il jugeait comme le côté rudimentaire de la tente. Il avait bien sa propre tente, mais celle-ci n’avait pas de fonction magique protégeant efficacement du froid.
Hertio : Alors comment s’est déroulée la bataille ? Je suppose que la victoire fut facile.
Lancelot : Votre majesté, les combats ont été terriblement meurtriers pour mon armée.
Hertio : Tout ça à cause de quelques milliers de skavens, soit vous êtes entourés de traîtres mon général, soit j’ai largement surestimé la valeur de vos subordonnés.
Arthur : Comment osez-vous ? C’est en grande partie de votre faute si des dizaines de milliers d’elfes sont morts aujourd’hui.
Hertio : Tu as beau être un vampire réputé, tu as une obligation de politesse à mon égard. Agenouilles-toi tout de suite et présentes des excuses, sinon je te ferai destitué.
Arthur : Vous causez la mort d’innombrables elfes, et vous voudriez en plus que je fasse la carpette. Je vous dis-
Arthur allait lancer une insulte retentissante, quand Lancelot l’invita au silence en lui jetant un regard navré. Cela fut suffisant pour dissuader le fort de poursuivre, même s’il avait une envie pressante de déclamer des injures au roi Hertio.
Lancelot : Commandant Arthur, sa majesté a raison, mets-toi à genoux sans attendre.
Arthur : Mais mon général.
Lancelot : Dans ton intérêt, je te conseille d’obtempérer.
Arthur : Très bien, je vous demande humblement pardon votre majesté.
Hertio : Je te pardonne commandant Arthur, mais à l’avenir surveilles ton langage.
Arthur : J’ai compris la leçon votre majesté.
Hertio : Bon il est temps pour moi de regagner mon palais, au revoir messieurs.