À mesure que Glil l’ignoble se rapprochait de l’assassin chargé de l’identifier, il se mettait à suer de plus en plus. Il vit avec effroi qu’il se dirigeait vers la tour des exécutions, un donjon de forme rectangulaire de pierre noire dédiée à la décapitation des militaires accusés de félonie, et d’autres crimes graves.

Glil qui espérait devenir d’ici cinq ans au moins un général, se mettait à déchanter, il réalisait que ses manigances meurtrières risquaient de l’amener tout droit en prison. Pourtant il s’était entouré d’un luxe de précautions pour camoufler ses traces. Ainsi l’ignoble inventa des histoires très plausibles, pour justifier les emprunts qu’il fit à de la famille et à des amis. Il acquit du matériel magique de très haute qualité pour tromper la vigilance des enquêteurs. Il s’arrangea pour être méconnaissable, quand il discuta avec le meurtrier chargé de tuer Arthur le fort.

Puis Glil finit par se reprendre, tout n’était pas perdu, il pouvait être victime d’une mise en scène destinée à éprouver ses nerfs. Il était vraisemblable que la prétendue identification soit juste un coup de bluff, conçu pour lui arracher des aveux à cause d’un manque flagrant de preuves. L’air désolé du général Lancelot et le sourire triomphant d’Arthur s’avéraient probablement des éléments d’une épreuve.

L’ignoble se dit que s’il persistait à affirmer coûte que coûte son innocence, il s’en tirerait avec des honneurs. Qu’il aurait probablement de belles compensations, comme une récompense de la part de Lancelot, et l’obligation pour Arthur de présenter de plates excuses. Glil espérait qu’en jouant suffisamment bien l’innocent offusqué, il pourrait avoir une généreuse indemnité financière, une promotion au rang de capitaine, et une dégradation d’Arthur au rang de simple soldat.

Cela ferait infiniment plaisir à l’ignoble d’obliger le fort à tout recommencer à zéro, de le contraindre de repartir du bas de l’échelle. Puis il se dit qu’il valait mieux obtenir le renvoi d’Arthur de l’armée. Même si le fort abandonnait la vie militaire, il serait toujours possible de lui pourrir la vie, grâce aux nombreux contacts que Glil possédait dans les royaumes elfiques. Mais finalement quand il pénétra dans la grande salle du rez-de-chaussée contenant une table, quelques chaises et l’assassin enchaîné à un mur, il réalisa que la fin de sa carrière était proche.

L’ignoble se mit alors à prier les divinités elfiques de lui accorder un moyen de s’en sortir. Cependant il réalisa que les dieux de sa race restaient sourds à ses appels. Par conséquent il fut assez tenté de chercher de nouvelles sources de satisfaction. Il finit par entendre une voix lui promettre la puissance et l’immortalité en échange de son âme. Glil hésitait à se soumettre à ce marché, il avait l’impression qu’il franchirait un terrible pas s’il acceptait la transaction. Qu’il serait une espèce de victime sur le long terme, qu’il finirait par amèrement regretter l’offre proposée.

Ainsi il opta pour attendre un peu, voir comment se passait les événements. Si tout se déroulait bien l’assassin ne pourrait pas le reconnaître, ou se tairait par peur de la vengeance de son organisation. L’ignoble espérait beaucoup de choses, mais il jugeait que tout espoir n’était pas forcément perdu, qu’il lui restait peut-être une chance de ne pas avoir à pactiser avec de sombres puissances pour avoir le droit de conserver un bon niveau de statut social.

Certes un ennemi comme Arthur n’aurait pas pris la peine d’organiser une confrontation de témoin sans être certain qu’il disposait de bons moyens de pression. Néanmoins Glil continuait à croire qu’il avait la possibilité d’échapper au châtiment de la justice. Mais il déchanta nettement quand il commença à entendre certains mots de l’assassin.

Assassin : Oui je reconnais bien cette personne, c’est le lieutenant Glil qui a demandé mes services de tueur pour mettre fin à la vie d’Arthur.

Lancelot : Comment peux-tu en être sûr ? Le lieutenant a pu camoufler son apparence pour passer inaperçu.

Assassin : J’ai la faculté de discerner les véritables traits de ceux qui se déguisent.

Lancelot : Parfait je vais m’arranger pour que le juge ne te condamne pas à mort.

Glil : Néant je vous en prie, sauvez-moi et je vous donnerai mon âme.

Les elfes furent estomaqués qu’un officier de leur race soit assez fou pour essayer de se lier à l’informe. Cependant Arthur remarqua vite l’approche d’une sombre puissance, donc il réagit beaucoup plus vite que les autres. Il avait un goût d’excrément dans la bouche, et il remarqua des mouvements bizarres dans les ombres.

Arthur : Gardes tuez Glil avant qu’il ne soit trop tard.

Glil : Quelle puissance !

Les sens de Glil s’ouvrirent à des sensations d’extase, il avait l’impression d’être capable de détruire une ville en quelques gestes, si ce n’était pensées, et encore il sentait qu’il n’était pas encore à son maximum.

Arthur le fort avait raison de craindre Glil l’ignoble qui s’était libéré de ses entraves, et émettait une aura maléfique très intense, il en profita pour carboniser avec des flammes noires les gardes. Des soldats essayèrent de pénétrer dans la pièce où se trouvait l’ignoble, mais tout ce qu’ils récoltèrent ce fut des brûlures. Glil ferma par l’intermédiaire d’un sort les portes et les fenêtres du bâtiment où il était.

Le Néant avait doté l’ignoble d’un niveau imposant de puissance surnaturelle. Arthur affrontait le plus grand péril de toute son existence. Il se sentait terriblement petit face à son ennemi, il avait envie de se mettre à genoux et d’implorer sa clémence. Le général Lancelot malgré son courage était recroquevillé et pleurait à chaudes larmes, il implorait de toutes ses forces Jéhavah. L’exemple du général mina les défenses mentales du fort, Arthur se dit qu’il devrait laisser de côté sa fierté. Il pensa qu’une mort héroïque si elle engendrait de terribles tourments était une imbécilité pure. Face à la puissance absolue du Néant, il était naturel de s’agenouiller, de demander grâce. Le fort avait l’impression d’être un rongeur inoffensif face à un serpent immense, non il était moins que cela, le rongeur pouvait mordre le prédateur ou réussir à fuir.