Le Chevalier des Elfes
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Arthur : Pourquoi m’as-tu sauvé, je t’ai condamné à de dures épreuves ?

Thérésa : Je le méritais et il m’aurait été insupportable de vous laisser dans le pétrin sans réagir. J’ai une faveur à vous demander, sauvez mon âme en brûlant tout mon corps.

Arthur refusa d’abord dans un premier temps d’obtempérer, même s’il admettait que c’était le seul moyen d’empêcher l’âme de Thérésa de rejoindre le Néant. Plus il attendait plus le dévoreur avait de chances de s’approprier l’esprit de son amie. Mais il en avait marre de perdre des proches, cependant il avait une dette et il mettait toujours un point d’honneur à payer ses créances. Alors même s’il ressentait le besoin de hurler, il accéda à la requête de Thérésa en la brûlant. Cet acte transforma le vampire en une cible facile, vu que ce dernier s’effondra par terre en lâchant son épée terrassé par le remords.

Heureusement que la bataille prenait une tournure très avantageuse pour le camp d’Arthur. Ce qui fut Hertio ne parvint pas à rester longtemps dangereux pour les elfes, il passa de l’état de magma semi-solide, à celui de liquide complet, puis de gaz, et finit par totalement disparaître. Devenir un avatar du Néant demandait une longue préparation, or Hertio agit à la va-vite. Aussi il ne put maintenir sa transformation en une substance noire qu’une courte période de quelques minutes avant de s’évanouir sans laisser de traces visibles.

Quant à Erèbe il lassa la patience du Néant, et se fit sévèrement punir. Il se retrouva transporté dans un enfer où il sera tourmenté pour des millénaires. Il hurla et supplia pour être épargné, il se confondit en excuses pour essayer de ne pas être châtié. Il jura que la défaite de son camp ne s’avérait pas de sa faute, mais de celle de subordonnés traîtres.

Mais le Néant resta complètement hermétique aux lamentations, et puis il avait besoin de victimes pour regagner des forces, pouvoir recommencer dans le futur à exercer des tourments sur des mondes entiers. Or son déploiement de puissance aboutissant à un échec mémorable l’handicapa grandement, diminua son prestige et le rendit vulnérable à des attaques de rivaux. Le Néant ne craignait pas les actions d’une divinité isolée, cependant il était assez lucide pour craindre les manigances d’un groupe de dieux déterminés.

Alors il était urgent de se renforcer en dévorant un maximum d’âmes. Cependant même se gavant comme un porc d’esprits de personnes sacrifiées et de suivants, le Néant n’était pas à l’abri de mauvaises surprises. Il déploya tellement de ressources lors de la dernière bataille contre Arthur, qu’il s’affaiblit terriblement pour une période de plusieurs milliers d’années.

Arthur le vampire fut d’abord transporté de joie par la victoire, puis dévasté en apprenant la mort de Merlin. Le vampire organisa des funérailles glorieuses pour celui qui donna sa vie pour activer la Larme de Jéhavah. Même si de nombreuses personnes voyaient souvent Merlin comme un vieux bougon, ils furent des milliers à lui rendre hommage lors de la cérémonie d’adieu. Même si Merlin était par moment très orgueilleux, il était un brave sans l’ombre d’un doute, il affrontait avec résolution le danger quand une grave menace pesait sur les elfes.

Le vampire se plongea avec une ardeur frénétique dans les affaires royales une fois de retour à son palais principal. Il devait mettre les bouchées doubles pour réparer les tourments infligés par le Néant sur de nombreux innocents. Même si son cœur était affligé par la mort de milliers de braves, il éprouvait une véritable réjouissance, il avait réussi à propulser Proélium comme une divinité plus reconnue que les autres chez les elfes suite à la dernière bataille contre le Néant. Il fit croire que le miracle apporté par la Larme de Jéhavah était en fait une intervention de Proélium. Cela plus les témoignages par centaines des combattants elfes qui affirmaient avoir obtenu plus de résultats en implorant Proélium, plutôt que Jéhavah lors du dernier affrontement majeur avec le Néant contribua à causer une évolution brutale des mentalités religieuses chez les elfes. De nombreuses voix pensèrent qu’à l’heure la plus sombre, Proélium se montra bien plus actif que Jéhavah.

En outre Arthur avait l’immense satisfaction d’avoir acquis une autorité qui lui conférait un statut proche de celui de maître absolu sur le monde de Gerboisia. Il avait des sentiments un peu contradictoires sur le sacrifice de Merlin. Il regrettait le trépas de ce proche, mais quant il se rendit compte de l’immense savoir libéré par sa mort, il se consola assez rapidement. Merlin avait créé de quoi révolutionner la magie, aussi bien les sorts de guerre, que les techniques surnaturelles de soin, ou l’agriculture. Il ne communiqua pas certains travaux magiques au grand public par peur de causer des bouleversements préjudiciables, il croyait qu’il fallait donner le temps au temps, suivre des paliers avant de communiquer des découvertes révolutionnaires. Arthur respecta la volonté de Merlin pour les sorts de guerre, par contre pour le reste il ignora complètement le testament de son proche. Il voyait les secrets mystiques mis au point par Merlin comme un excellent outil pour affermir la suprématie des royaumes elfes.

Et le vampire avait parfaitement raison, l’héritage de Merlin joua un rôle non négligeable pour asseoir créer une suprématie elfe qui s’étendait sur tous les continents. Ainsi Arthur tenait non seulement la politique sur son monde grâce à la puissance des armées, mais aussi du point de vue économique. Les champs des royaumes elfiques apportaient de quoi lutter contre la faim dans le monde, mais aussi une grosse pression financière contre des adversaires politiques. Et les techniques médicales surnaturelles des elfes muselaient beaucoup d’opposition politique. La soumission contre un estomac plein et une longue espérance de vie, voilà le programme du vampire. Arthur contrôlait les mages elfes par l’intermédiaire de son organisation la ligue des protecteurs. Il utilisa un des secrets de Merlin d’une façon détournée, il modifia la formule d’un élixir de puissance magique, un liquide conférant un grand accroissement du talent à jeter des sorts. Il apportait la possibilité à des mages moyens ou peu talentueux la capacité sur le long terme de rivaliser avec des génies, mais il devait être pris à intervalle régulier sinon il s’accompagnait de douleurs effroyables. Et Arthur était la seule personne au monde à connaître la formule complète de l’élixir.

Certains mages étaient tentés de snober le vampire, mais il restait l’option Morgane. Cette dernière qui se sentait très coupable d’avoir survécu forma des dizaines d’équipes de séducteurs et séductrices pour orienter les actions des magiciens. Ainsi Morgane désorganisa avec une grande efficacité les actions d’envergure de mages hostiles contre le haut-roi. Elle se consacrait avec un dévouement proche du fanatisme à son travail. Arthur n’aurait pas été contre des relations chaleureuses avec elle, mais Morgane avait trop honte pour penser mériter le pardon ou le bonheur. Donc elle s’investissait à corps perdu dans ses fonctions d’intrigue. Elle pensait ne pas avoir le droit à de l’amour ou de l’amitié. Elle éprouvait de graves remords d’être en vie, tandis que beaucoup de braves elfes périrent contre le Néant. Toutefois ses regrets étaient en partie implantés, ils furent très amplifiés par un sort mental du Néant. Cette entité tenait là son ultime vengeance contre Arthur, il ne pouvait pas le maudire à cause de bénédictions divines, donc il choisit de se rabattre sur un proche de lui afin de diminuer ses possibilités de bonheur. Le Néant savait qu’Arthur voyait le pouvoir comme une voie assez solitaire, donc réduire les rangs de ceux allégeant le fardeau de son existence, passait pour une manœuvre psychologique habile.

Il aurait pu s’investir dans quelque chose de beaucoup plus spectaculaire visuellement parlant, comme un sort de laideur absolue sur Morgane. Néanmoins en choisissant une certaine dose de subtilité, en misant sur le fait d’isoler le vampire avec une ruse élaborée, il atteignit en partie son but. Et puis un sort trop voyant aurait pu donner lui à des recherches pour être contré. Ainsi le haut-roi fut assez contrit par le fait que Morgane s’éloigne de lui dans un premier temps. Toutefois au bout de quelques mois le vampire retrouva un bon niveau de joie de vivre. Il apprit à considérer ses devoirs de haut-roi comme une sorte de récompense en soi. Il avait assez de ressources mentales pour illuminer sa vie en pensant au bien qu’il apportait autour de lui en tant que souverain. Et puis il appréciait beaucoup de causer du respect et de la crainte, même s’il ressentait parfois un certain manque d’affection. Il connaissait les conséquences possibles sur lui d’accepter le choix de devenir haut-roi, donc il affrontait stoïquement ce qu’il appelait la solitude du pouvoir. Il tenta quant même des tentatives de rapprochement avec Morgane de temps à autre.

Arthur : Morgane tu en fais trop, tu devrais te reposer.

Morgane : Merci votre haute-majesté, mais je vais bien.

Arthur : D’ailleurs que dirais-tu de passer un peu de temps avec moi lors du repas de midi ?

Morgane : Je suis la chef des putains et des gigolos. Donc il vaut mieux que nos rapports ne soient pas trop intimes.

Arthur : Morgane !

Morgane : Respectez ma décision s’il vous plaît.

Le haut-roi après quatre discussions de ce genre finit par prendre le pli, renoncer à dépasser un cadre professionnel avec Morgane.

Arthur survécut à Morgane, puis à ses enfants, et à ses petits-enfants, il régna en tant que haut-roi pendant des millénaires, il acheva la déroute des royaumes humains, il s’arrangea pour que les elfes demeurent les dominants absolus sur la vie politique de son monde. Il créa progressivement le plus grand royaume de tous les temps.

Il laissait une certaine liberté politique aux hommes et à d’autres races intelligentes. Mais il s’arrangea quand même pour que les elfes commandent. Ils donnaient l’impression qu’un certain consensus existait, que les non-elfes étaient écoutés et respectés. Mais les gens bien informés se rendaient compte que le système avantageait les sujets préférés d’Arthur. Le vampire agissait avec subtilité et honneur, mais il était quand même le dirigeant suprême sur les sujets majeurs comme mineurs.

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