La victoire militaire ne suffisait pas à certains elfes, qui voulaient aussi asservir les humains. Heureusement Arthur le vampire était là pour freiner les ardeurs des extrémistes. Il considérait que les hommes seraient plus problématiques à gérer sans un minimum de liberté, qu’ils fomenteraient complot sur complot, s’ils perdaient la possibilité d’avoir des dirigeants qui ne soient pas les pantins des elfes.
Arthur n’aurait pas été contre l’esclavage des humains, si les conséquences n’auraient pas été négatives pour les elfes. En effet le vampire choisissait la défense des intérêts humains non par compassion et vertu mais par pragmatisme. S’il avait eu la certitude que les hommes ne se révolteraient pas en cas de tyrannie elfique, dans ce cas Arthur soutiendrait les extrémistes comme Hertio qui voulaient que les humains soient privés de l’essentiel de leurs droits politiques. En effet le vampire fut autrefois un homme mais il adhérait au postulat selon lequel humanité rimait souvent avec vice exacerbé. Il voyait la majorité des hommes comme une nuisance terrible pour la nature et ses bienfaiteurs elfes.
Il admettait qu’il existait des personnes charitables et altruistes chez les humains, mais Arthur les voyait comme une minorité très restreinte, une anormalité peu répandue.
Le vampire considérait que la plupart des hommes soutenait sur le long terme des projets extrêmement nuisibles, que sans l’influence des elfes, il y aurait belle lurette que l’humanité aurait causé la disparition de la vie dans le monde. Toutefois Arthur ne clamait pas son rejet des hommes, car il ne voulait pas donner des arguments pour ses adversaires politiques. Si le vampire rejetait de manière affirmée les humains, alors qu’il en fut un dans le passé, cela générerait contre lui une polémique défavorable. À une nouvelle reprise Hertio et Arthur s’affrontèrent dans la Pyramide, là où se trouvait le Haut-Parlement elfique.
Hertio : Les humains lâches par nature, n’hésitent pas à s’attaquer aux elfes en recourant aux pires félonies. De plus les hommes sont naturellement attirés par le Néant, malgré le fait que cette entité n’apporte que mort et destruction. Nous ne pouvons tolérer cela, des mesures radicales doivent être prises pour répondre à la terrible menace que les hommes représentent.
Arthur : Seule une minorité d’humains soutient le Néant, et puis des elfes aussi peuvent représenter une menace pour les elfes.
Hertio : Que voulez-vous dire ?
Arthur : Lors de la dixième guerre du Néant, une partie de la fine fleur de la noblesse elfique a constitué une menace terrible.
Hertio : Durant la dixième guerre du Néant, il y avait bien plus d’humains du côté du Néant que d’elfes, et en ce moment cette entité a beaucoup plus d’esclaves humains que d’elfes. Ce qui est normal car les humains sont des êtres impurs engendrés par la pire des monstruosités, le Néant.
Arthur : Rien ne prouve de manière certaine que les hommes soient effectivement des créations du Néant.
Hertio : Si les armées humaines sont tranquilles depuis quelques mois, c’est parce qu’elles ne sont pas encore remises des dégâts terribles que leur ont infligé les chevaliers du Néant.
Sur le plan de la rhétorique le roi elfe Hertio fut vainqueur, mais Arthur le vampire obtint quand même un vote favorable grâce à la corruption. Le vampire possédait dix fois plus de richesses qu’Hertio qui n’était qu’un petit joueur si les revenus officieux étaient pris en compte. Hertio s’avérait une pointure pour augmenter ses revenus par l’intermédiaire de la contrebande et le trafic d’objets interdits, mais il pesait beaucoup moins lourd qu’Arthur.
En effet le vampire disposait de plus de cinquante mille subordonnés criminels, il possédait dans chaque ville importante des intérêts mafieux. Il touchait un pourcentage sur la majorité des transactions liées à du trafic d’objets surnaturels. Il n’abandonna pas son empire illégal en devenant haut-roi, au contraire il profita de son nouveau statut pour s’élever dans la hiérarchie criminelle.
Le vampire avait un minimum de principes dans ses affaires illégales. L’assassinat devait être le dernier recours, et avant de tuer il fallait négocier ou essayer d’acheter le gêneur. En outre Arthur interdisait à ses sbires de traiter avec des personnes qui voulaient faire du mal à des elfes, ou affaiblir les royaumes elfiques. Le vampire prohibait toute activité illicite provoquant un préjudice environnemental grave.
Hertio lui ne s’embarrassait pas de morale. Tant pis si des dizaines de gens mourraient, du moment que les revenus étaient fructueux. Le roi n’avait pas peur de nuire à des centaines voire des milliers d’elfes si les gains s’avéraient élevés. Quant au respect de la nature il comptait moins que l’obtention d’un joli tas d’or. Parfois les activités criminelles servaient la bonne cause. Celles du vampire finançaient des projets altruistes, comme par exemple des hôpitaux pour les soldats elfes blessés.
Le vampire ne se contentait pas de nuire aux réactionnaires comme Hertio, il s’occupait aussi de la défense des royaumes elfes en nouant des alliances. Son premier voyage de tournée diplomatique concerna les elfes des forêts. Ces êtres elfiques qui habitaient l’île d’Hyères, menaient une existence primitive, par exemple ils s’habillaient de peau de bêtes, et ils s’étaient déclarés indépendants des souverains comme Arthur. Toutefois ils pouvaient être utiles dans le sens que de nombreux elfes des bois maîtrisaient avec brio la magie.
En effet leurs magiciens ne vendaient pas à un prix élevé leur savoir, ils ne se considéraient pas comme les membres d’une élite. Ainsi quand quelqu’un voulait devenir l’élève d’un mage elfe des bois, il suffisait généralement qu’il montre un bon niveau de motivation. Résultat près d’un tiers des elfes des forêts maîtrisaient des sorts. Ils évitaient d’apprendre des enchantements qui mettaient en danger les arbres, comme les sortilèges de feu ou de foudre, mais ils pouvaient transformer en végétal les ennemis, ou faire rouiller les armes. Pour arriver à ses fins Arthur eut un entretien avec Loupnoirnaé, le haut-chef des elfes des forêts, dans le cercle de menhirs, une enceinte sacrée au sommet d’une colline entourée par des rochers taillés.
Loupnoirnaé : Que voulez-vous votre haute-majesté ?
Arthur : Que les elfes des forêts témoignent de l’amitié avec les elfes qui ne sont pas originaires de l’île d’Hyères, au lieu de l’indifférence voire de l’hostilité.
Loupnoirnaé : Votre haute-majesté, je ne suis pas contre votre idée, mais il faudra de solides arguments ou de très beaux cadeaux pour convaincre mes semblables.
Arthur : Je m’engage à valider l’indépendance de l’île d’Hyères, ainsi vous n’aurez pas à craindre une invasion de la part du prochain haut-roi qui me remplacera. Ce péril est à prendre en considération, mon prédécesseur Esinaé, préparait un projet de conquête d’Hyères. Il n’a pas pu le concrétiser, seulement parce qu’il devait consacrer la majorité de ses forces contre les humains.
Loupnoirnaé : Pouvez-vous garantir que les membres du Haut-Parlement, seront d’accord pour reconnaître officiellement notre indépendance ?
Arthur : J’en suis certain, peu avant de partir pour Hyères, j’ai exposé les détails du pacte d’amitié avec les elfes des forêts aux haut-parlementaires, la majorité d’entre eux m’a apporté un soutien.
Loupnoirnaé : C’est un joli cadeau que vous proposez, mais avant de valider votre proposition j’ai besoin de détails sur les conditions du pacte d’amitié.
Arthur : Mon offre est la suivante, une entraide mutuelle en cas de guerre contre des humains ou, des êtres liés aux dieux de la destruction ou au Néant. La création d’une ambassade sur l’île d’Hyères, et la mise en place de relations économiques basées sur le troc entre les royaumes elfiques et les elfes des forêts.
Loupnoirnaé : Je ne vois pas ce que nous pourrions échanger avec les sophistiqués.
Arthur : C’est quoi un sophistiqué ?
Loupnoirnaé : Un être qui n’est pas un elfe des forêts. Qu’avons-nous qui plairait aux sophistiqués ?
Arthur : Vos objets magiques notamment vos flèches enchantées, suscitent l’intérêt.
Loupnoirnaé : Quels biens des sophistiqués pourraient intéresser les elfes des forêts ?
Arthur : Des plantes comme le wurdigo qui ne poussent pas sur Hyères vous permettront d’exécuter des tatouages de couleur. De plus des herbes médicinales comme l’exébu et l’acoubi vous seront utiles pour lutter contre les épidémies de peste rouge, et de grippe noire qui sévissent parfois ici.
Loupnoirnaé : Je transmettrai votre requête aux chefs de village d’Hyères, mais je ne peux pas garantir qu’ils l’accepteront tous.