La nuit était complètement tombée sur Ékulé. Babida était couché sans haut sur son lit fait de bois d’ébène, et portait son pantalon du soir. Il se remémorait sa rencontre fortuite dans la journée avec la belle demoiselle inconnue.
L’image de la jeune femme à la peau foncée et aux cheveux bouclés, vêtue d’une courte robe rose en soie avec un nœud papillon à l’avant, ne lui quittait pas de la tête.
Le tout-puissant bûcheron était frappé par une violente vague qui le transporta ensuite dans toutes les directions, le faisant perdre le contrôle de soi. Pour la première fois depuis bien longtemps, il se sentit vulnérable. Sa fascination pour la jeune et ravissante demoiselle était devenue virale.
“Je me demande où peut bien vivre la jolie inconnue en robe rose?” chuchota Babida.
“Je parie qu’elle réside dans le village voisin, Okala. Je ne l’ai jamais vue dans les parages,” se persuada le bûcheron.
“Demain très tôt le matin, avant de me rendre dans la forêt d’Ékulé, je m’arrêterais à Okala pour la y regarder,” conclut-il avant de s’endormir.
À l’aube, Babida se réveilla. Il s’apprêta, mais d’une façon un peu particulière. Il contempla son reflet au travers du miroir de la salle de bain, rasa sa grosse barbe et coupa les poils débordants de sa moustache. Ensuite il se frotta le visage avec du jus de citron afin d’éradiquer les cellules mortes et les boutons récalcitrants.
Et après un lavage du corps très appuyé, il aspergea du parfum de rose sur ses aisselles, son cou, ses joues et enfin sa poitrine immense. Il en versa quelques gouttes sur les paumes de ses mains et se les passa sur le visage et le reste de sa stature.
Pour couronner le tout, il porta un long boubou blanc immaculé, lequel était assorti d’un chapeau kufi marron et de sandales en cuir de la même couleur.
Paré, il prit le chemin d’Okala et arriva dans les artères principales du village. Elles étaient comme d’habitude extrêmement bruyantes. Marchands de charbon, bouchers, vendeurs de poisson, couturiers, bijoutiers, acheteurs, passants, et gamins courant partout, animaient les rues.
Babida commença son enquête. Il demanda aux piétons s’ils connaissaient la cachette d’une jeune dame noire et mince âgée de dix-huit ans ou plus et à qui allait à la perfection une robe en soie, notamment de couleur rose et sur laquelle étaient nouées des ficelles sur la face avant.
Personne n’avait idée d’où pouvait bien être terrée la belle demoiselle. Désespéré, Babida se posa un instant. Il se mit dans un coin, réfléchissant à ce qu’il pouvait entreprendre par la suite. Une bande de trois gosses à peine la douzaine d’années qui jouaient par là et avaient remarqué son abattement, s’approchèrent de lui.
Un des adolescents qui semblait être le chef des autres, lui parla et affirma dans un ton impérieux : “Ho! Je connais quelqu’un qui peut vous aider à retrouver celle que vous cherchez.”
Babida fut agacé par le manque de tact du petit garçon mais préféra se focaliser sur comment celui-ci pouvait l’assister dans sa quête.
“Oh vraiment ? Eh bien, parle donc! Je suis tout ouïe,” réagit l’élagueur.
“Là sur votre gauche, tout droit, se trouve la rue de la sorcière,” lui dit le gamin, pointant la direction avec son index.
“Allez-y et toutes vos zones d’ombre seront éclairées,” commanda-t-il.